Au fond d’une cour intérieure située au numéro 21 de la rue Julien-Blin, se trouve un petit four à pain qui a été récemment sauvé de la ruine par une campagne de restauration impulsée par son propriétaire : la Ville de Pont-de-l’Arche. De quand date-il ? Quel est son intérêt architectural ?
Une propriété communale ?
La Ville de Pont-de-l’Arche a possédé le bailliage jusqu’en 1968 où le maire Roland Levillain le vendit au privé. En 1998, le maire Paulette Lecureux le fit racheter par l’Etablissement public foncier de Normandie (EPFN) considérant qu’il faisait partie des joyaux patrimoniaux de Pont-de-l’Arche et qu’il avait vocation à être un lieu public. La Ville avait 5 ans pour le racheter à l’EPFN. Du théâtre et des expositions l’animèrent pendant quelques temps. Cependant, une nouvelle municipalité présidée par Dominique Jachimiak craignit pour le budget communal et fit racheter le bailliage à l’EPFN par l’agglomération Seine Eure en 2007. Cette vente exclut une cour contigüe au bailliage qui servait de parking au nouveau Relai des assistantes maternelles (RAM). Le four à pain délabré situé au fond de cette cour se restait donc dans le domaine communal.
Le four à pain du bailliage ?
De prime abord, il est étonnant de trouver ce four à pain au fond d’une cour intérieure et blotti contre les remparts sud de la ville médiévale. Une venelle longeait ces remparts depuis le bailliage jusqu’aux environs de la cour du Cerf, près de la rue Président-Roosevelt de nos jours, et plus précisément le bar Le Balto. Comme nous l’apprend une délibération du Conseil municipal de l’Ancien régime, en date du 30 novembre 1699 : l’assemblée des habitants a protesté auprès du roi à l’encontre des pénitents qui souhaitent allonger leurs jardins jusqu’aux remparts ce qui amènerait la suppression de la ruelle qui va de la porte des Champs à la porte de la Geôle qui conduit au Prétoire (archives municipales : BB1). Cette aliénation eut tout de même lieu à une date indéterminée.
La forte pente de son toit, ses pans de bois – même avec des pièces de réemploi – font songer à un édicule de la fin du XVIe siècle ou du début du XVIIe siècle. Ces datent rapprochent le four des bâtiments à pans de bois du bailliage. Le cul du four avait entièrement disparu et les quelques éléments de la gueule du four montraient un outil de faibles dimensions. Ceci laissait entendre qu’il ne s’agissait pas d’un four de boulangerie mais d’un outil destiné à une petite communauté, une famille peut-être. Cependant, la localisation du four, adossé aux remparts tout comme le bailliage, donne peut-être des indices quant à son emploi. Peut-être était-il utilisé par le personnel du bailliage pour les besoins quotidiens de ce lieu, son personnel, ses prisonniers.
La restauration : 2009-2013
La restauration n’a pas visé la simple préservation du patrimoine. A l’initiative de Nicolas Bouillon, adjoint à l’éducation, la municipalité présidée par Richard Jacquet a travaillé sur l’insertion de jeunes. De 2009 à 2010, le chantier a été confié à l’association Chantier histoire et architecture médiévales (CHAM), présidée par Christian Piffet. Avec du personnel du service Médiation-prévention et des encadrants techniques du CHAM, de jeunes bénévoles issus d’horizons et continents divers ont travaillé deux ans de suite avec des jeunes Archépontains. Ils ont démonté une bonne partie du four, les tuiles, des pans de bois, réalisé des sondages au sol pour retrouver les bases du four et réalisé un diagnostic sur l’état originel du four. Ils ont aussi remonté des murs en pierre et quelques pans de bois autour d’un ancien puits contigu au four. Ils ont aussi assaini le mur bahut sud du bâtiment qui prenait l’eau.
En 2012, la Ville de Pont-de-l’Arche a fait restaurer la charpente par un professionnel : Gougeon frères.
En 2013, la dernière campagne de restauration a repris. Encadrés par le CHAM et le Service jeunesse, 6 jeunes employés par la Ville en contrat civique ont nettoyé les abords du bâtiment et restauré la maçonnerie du muret de soutènement. Ils ont posé les tuiles sur la charpente et posé le torchis entre les pans de bois. Les moellons des maçonneries ont été rejointoyés à la chaux. Le sol a été proprement dallé à la place d’une terre battue. Quant au four en lui-même, les jeunes l’ont reconstitué d’après les quelques éléments dont disposait le CHAM. Réalisé en tuileaux, il a été agrandi par rapport au petit four qui préexistait. Le four a été renforcé de manière à résister à un usage ponctuel, faisant varier brusquement la température. Cette dernière campagne a été soutenue par la Ville, la Fondation du patrimoine et le mécénat.
Le four à pain a été largement mis en valeur lors des Journées européennes du patrimoine où les premiers petits pains sont sortis du four grâce aux bénévoles du four à pain de La Haye-de-Routot.
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La renaissance du four à pain en photos...
Durant la première campagne de restauration, le CHAM et les jeunes bénévoles en pleine action (cliché Armand Launay, 2009).
Discours du maire entouré des représentants des organismes partenaires à l'occasion de la fin des travaux (cliché Armand Launay, 2013).
Les premiers petits pains sortent du four à l'occasion des Journées européennes du patrimoine et sous le blason de la corporation des boulangers de Pont-de-l'Arche, blason ressuscité par Jacqueline Nalet et Sylviane Bouquet (cliché Armand Launay, 2013).