Bienvenue sur ce blog perso consacré à Pont-de-l'Arche et sa région (Normandie, Eure). Contactez-moi afin d'étudier ensemble, plus avant, l'histoire et donc de progresser vers la connaissance. Bonne lecture ! armand.launay@gmail.com
"Prise de la mission d’étude en fond foret de bord", cliché du 24 janvier 1974 pris par Jean Pottier. Cote AP1736T000508 de la base POP. Médiathèque de l'architecture et du patrimoine. Le cliché a été pris depuis l'orée de la forêt sur les hauteurs de la Voie-blanche.
Val-de-Reuil, ville de 13 000 habitants seulement mais qui devait en accueillir 100 000 en l’an 2000 selon Catherine Blain, auteure d’une étude sur le cabinet à l’origine de la conception de cette ville !
Cette volonté plutôt démiurgique de créer une ville nouvelle là où il n’y avait aucun habitant peut étonner aujourd’hui. Ce projet s’est, certes, réalisé mais plus modestement que les perspectives envisagées dès 1965 où fut prévue la création de neuf villes nouvelles, en France, dans les régions où la population risquait d’être trop concentrée. Délaissant un peu les villes préexistantes, des crédits furent alloués par l’État pour créer non seulement des villes nouvelles mais de nouvelles villes avec un urbanisme novateur, propice à un meilleur cadre de vie et à une citoyenneté créative, créatrice. C’est l’atelier Montrouge qui travailla sur le projet du Vaudreuil-ville nouvelle. La confusion avec le nom de la commune du Vaudreuil fut écartée en 1984 pour le nom de Val-de-Reuil, un nom témoignant qu’il est peu judicieux, pour beaucoup de personnes, de créer ex-nihilo une nouvelle entité détachée d’une continuité historique. Le projet consista à valoriser l’espace public, lieu de rencontre, en créant une dalle, belle voie piétonne au milieu des immeubles collectifs, le collectif étant vu comme favorable à la solidarité. Les voitures, qui commençaient à encombrer sérieusement les villes et les poumons, furent reléguées dans les parkings souterrains, sous la dalle, sous les immeubles. Elles demeuraient cependant très accessibles aux habitants censés les utiliser quotidiennement pour aller travailler en dehors de la ville, pour beaucoup d’entre eux. Une station de train fut prévue, mais la ville fut dans l’ensemble pensée selon la logique de la circulation automobile.
Si la ville a émergé à partir de 1975 où les premiers habitants s’installèrent, on peut noter que le souffle a manqué. Les causes avancées sont le choc pétrolier, la limitation de la croissance… Pourtant, la prospérité économique n’a pas disparu et la démographie française a ralenti, certes, mais s’est tout de même maintenue.
Val-de-Reuil s’inscrit, avec un léger décalage temporel, dans la construction des quartiers de banlieue qui avaient pour finalité le bienêtre des gens frappés par la guerre. Politiques et urbanistes ont souhaité mettre à la disposition des citoyens de l’espace, des logements sains, un accès à l’eau, l’eau chaude même, le tout-à-l’égout, le chauffage, les voies de circulation, les services publics. Val-de-Reuil est, de ce point de vue, mieux réalisée que maintes banlieues auxquelles on cherche désespérément un centre de gravité, un centre-ville ; les banlieues étant à la périphérie de la vraie ville, le centre ancien à l’exemple de Paris, Rouen ou Évreux. Val-de-Reuil est une commune avec son centre, ses services administratifs, son cœur de ville. Mais les habitants cherchant à se loger ont le plus souvent préféré se tourner vers les centres-villes anciens, les zones pavillonnaires périphériques ou dans les villages. Val-de-Reuil s’est peuplée grâce à l’offre d’habitations à loyers modérés (HLM) qui ont attiré des personnes désargentées, pour beaucoup issues de l’immigration. La ville a donc trouvé sa vocation sociale et un public... quelque peu contraint. De plus, ses commerces ont souvent périclité dans le cadre d’un mouvement national de concentration des services notamment causé par l’usage des voitures, des camions et la hausse des importations. Heureusement, la ville est entourée d’industries alors que le secteur secondaire s’est, dans l’ensemble, raréfié en France. Mais les Rolivalois ne sont pas nécessairement les ouvriers de cette industrie qui recrute dans la campagne et les villes avoisinantes. Val-de-Reuil semble être en partie une banlieue excentrée à la campagne et entrant en concurrence avec son milieu avoisinant. Les communes de Louviers et Val-de-Reuil se sont retrouvées dans une logique de concurrence, notamment pour leurs édiles. Il est vrai que le pôle économique de Louviers (Incarville) a été attribué à la ville nouvelle. L’intercommunalité, créée à l’origine autour de Louviers, Incarville, Val-de-Reuil et Pont-de-l’Arche, a amoindri cette incohérence.
L’urbanisme rolivalois fait toujours tache pour beaucoup d’observateurs de la région. Les entrées de ville d’après guerre n’ont pas la beauté et l’harmonie des centres-villes anciens. Une ville nouvelle, même à l’urbanisme pensé, n’a pas le charme de l’écrin qui la sertit : la forêt de Bord, les falaises, les champs, les berges de l’Eure et de la Seine. Il semble même que l’architecture rolivaloise ne prenne pas (encore ?) la reconnaissance d’un centre reconstruit comme celui du Havre d’Auguste Perret. Souhaitons-le lui, même dans une moindre mesure. D’une certaine manière, nous y revenons, on peut se demander si Val-de-Reuil n’a pas détourné les pouvoirs publics d’un aménagement ambitieux et concerté de Louviers et sa région ? N’aurait-on pas voulu soulager Rouen et Paris, par la proximité d’une autoroute, au lieu de créer un pôle lovérien ?
Ne serions-nous pas sur la voie de la détérioration, d’une part, du cadre de vie des Rolivalois – citadins à la campagne – et, d’autre part, du paysage normand avec le projet de contournement est de Rouen ?
Quoi qu’il en soit, nostalgiques ou non, voici quelques photographies de Jean Pottier, photographe né en 1932 qui fut missionné dans le cadre du projet de construction de la ville nouvelle du Vaudreuil afin d’illustrer le cadre géographique et humain de la future ville. Ses clichés sont consultables sur la Plateforme ouverte du patrimoine (POP) du Ministère de la culture. Ils sont conservés à la Médiathèque de l'architecture et du patrimoine. Voici donc Val-de-Reuil avant Val-de-Reuil, puis deux vues aériennes des travaux du “germe de ville” et, enfin, une comparaison cartographique entre l’avant Val-de-Reuil et la ville actuelle.
"Champ dans lequel est prévu l’installation de la ville nouvelle". Cliché de Jean Pottier pris le 23 juin 1970. Cote AP1736T000495 de la base POP. Médiathèque de l'architecture et du patrimoine. Cliché peut-être pris depuis Saint-Étienne-du-Vauvray avec, au fond, le coteau du Vaudreuil.
"Champ dans lequel est prévu l’installation de la ville nouvelle". Cliché de Jean Pottier pris le 12 octobre 1970. Cote AP1736T000496 de la Base POP. Médiathèque de l'architecture et du patrimoine. Cliché pris, semble-t-il, depuis le Cavé du Vaudreuil.
"Ferme vue à 200 mètres de la colline qui surplombe l’autoroute en construction". Cliché de Jean Pottier pris le 23 juin 1970 depuis le coteau de Vironvay. On y voit la ferme de la Haute-Crémonville dont certaines parties datent du XVe siècle. Ce bâtiment, situé dans l'actuelle commune du Val-de-Reuil, a été inscrit sur la liste complémentaire des Monuments historiques en 1978. Cote AP1736T000489 de la base POP. Médiathèque de l'architecture et du patrimoine.
"Cheval dans un pré". Cliché de Jean Pottier pris le 20 novembre 1973. Cote AP1736T000506 de la base POP. Médiathèque de l'architecture et du patrimoine.
"Maison rurale à Léry". Cliché pris par Jean Pottier le 30 mars 1971. Cote AP1736T000502 de la base POP. Médiathèque de l'architecture et du patrimoine.
Photographie aérienne de la construction du germe de ville en 1974 (cliché diffusé par Paris-Normandie sans plus de références).
Captures d'écrans du site Géoportail afin de comparer la vue aérienne actuelle et celle des années 1950-1965. On mesure que si la ville de Val-de-Reuil a été créée ex-nihilo cela ne signifie pas que le terrain était absolument vierge et inhabité. Le long du chemin entre Léry et Notre-Dame-du Vaudreuil s'égrènent des hameaux depuis le nord vers le sud : La rue Goujon et les Vallées (anciennement dans la commune de Léry) et Le Torché (anciennement dans la commune de Notre-Dame-du-Vaudreuil, rattachée le 15 avril 1969 à Saint-Cyr-du-Vaudreuil dans la commune du Vaudreuil). Quelques anciennes maisons de ces hameaux ont été conservées dans Val-de-Reuil qui servent de lieux de sociabilité.