Bienvenue sur ce blog perso consacré à Pont-de-l'Arche et sa région (Normandie, Eure). Contactez-moi afin d'étudier ensemble, plus avant, l'histoire et donc de progresser vers la connaissance. Bonne lecture ! armand.launay@gmail.com
L'église Notre-Dame de Pîtres est le joyau patrimonial de la commune avec un mur-chevet et des parties du mur sud de la nef datant du Xe siècle, un clocher-carré roman (remanié au XIIIe siècle) et une baie romane en plein cintre sur le mur nord de la nef (cliché d'Armand Launay, aout 2019)..
Sur une petite élévation de la plaine alluviale de Seine, entre 10 et 15 mètres d’altitude, se trouve le village de Pîtres, protégé des crues. Pîtres se trouvait ainsi sur l’ancienne rive droite de l’Andelle, à proximité de son confluent avec la Seine. Un petit port andelien a ainsi animé le bourg durant des siècles, à commencer par le transit du “bois d’Andelle”, c’est-à-dire les futs flottant sur l’eau.
Les voies terrestres dessinent un carrefour central. Ici se croisent, d’une part, la voie reliant Poses, lieu de franchissement de la Seine, et le plateau de Quèvreville vers Rouen, notamment par la Vallée-Galantine et, d’autre part, la voie reliant la vallée de l’Andelle à Pont-de-l’Arche. Pîtres était la jonction entre le pays d’Andelle, le pays de Seine et le Vexin normand au-dessus de la côte des Deux-amants.
Il n’est pas étonnant que ce carrefour ait fourni aux archéologues un important matériel préhistorique, gaulois, gallo-romain, médiéval et même scandinave, ce qui est rare en Normandie malgré la colonisation viking. Comme Romilly-sur-Andelle, Pîtres est un toponyme roman. Il semble signifier les “moulins”. S’il existe aujourd’hui une rue des moulins, vers l’ile Sainte-Hélène, on peut s’étonner que le terme de “moulins” ait suffit à caractériser, déjà au VIIIe siècle, ce lieu. Les moulins à eau étaient-ils si rares entre leur création du IVe siècle et leur multiplication au Xe siècle ?
De ces temps gallo-romains, sont restés des vestiges de thermes, derrière l’église, et de deux théâtres. L’un était situé au carrefour de la Bourgerue et de la rue de la Bise. L’autre était près de la Pierre-Saint-Martin, plus au sud, au-delà du terrain de football. Léon Coutil affirma en 1901 que les pierres de ces édifices gallo-romains avaient été réemployées dans les murs et maisons du centre-village.
Une villa royale dût s’établir dans ces lointains vestiges de Rome car Pîtres était un fief royal. Charles le Chauve y fit assembler plusieurs fois les grands de son royaume dans différents plaids (assemblées), notamment pour y légiférer sur la monnaie et décider de la construction des fortifications de Pont-de-l’Arche (862-879) contre les incursions scandinaves. En 905 un édit montre un fonctionnement normal de la villa royale, quelques années avant la création de la Normandie. Au XIIe siècle, lointain souvenir de cette présence royale, Marie de France dans son poème des Deux-amants traita d’un “roi des Pistriens”. Elle qui travaillait pour les rois normanno-anglais en fit nécessairement un roi français arbitraire et nuisible à sa propre fille. C’est lui qui força, dans la légende, l’amant de sa fille à la porter dans ses bras jusqu’en haut de la côte des Deux-amants. Celui-ci en mourut de fatigue et la fille du roi en périt de chagrin, selon cette histoire inspirée de la légende de Pyrame et Thisbé, d’Ovide.
La paroisse de Pîtres allait jusqu’à Igoville et l’on a traité de “val de Pîtres” pour désigner la région, un titre dont s’est emparée l’association d’histoire de la commune qui publie depuis des années d’intéressants articles. Aujourd’hui encore, plusieurs hameaux constituent la commune : La Vallée-Galantine du nom d’une famille noble, le Nouveau-Pîtres, Le Port-de-Poses, le Taillis et la rue du Bosc, anciens hameaux devenus quartiers... Cela témoigne d’un habitat épars dont les vestiges archéologiques se font l’écho.
Enfin, ce qui exprime le mieux l’ancrage dans le passé de Pîtres est l’église Notre-Dame et ses parties romanes. Ce temple, où les assemblées de Charles le Chauve sont censées s’être tenues, possède toujours un mur du XIe siècle (le chevet) et des maçonneries de la même époque dans le mur sud de la nef. Sa tour-clocher carrée, malgré des remaniements du XIIIe siècle, est toujours ornée d’éléments romans : un décor de bandes lombardes le long de la corniche, ses baies jumelées surmontées d’un oculus. Mil ans plus tard, il fait partie des derniers clochers carrés romans de la région et donne à la paroisse sa figure tutélaire sur fond de côte des Deux-amants. Ce charmant bourg est à visiter, sans oublier d’y prendre un café au Marigny...
A lire aussi, sur ce blog, l'historique de Pîtres par MM. Charpillon et Caresme.
Cartes postales issues des collections des Archives départementales de l'Eure. Une capture d'écran de la carte d'état-major accessible sur le site Géoportail.