Heudebouville évoque dans les consciences une vaste gare de péage sur l’autoroute de Normandie. Il est vrai que l’autoroute A13 a rejoint cette commune dans les années 1960 avant l'inauguration, en 1970, du tronçon reliant Heudebouville aux Essarts, c’est-à-dire Rouen. La première autoroute de France semble être un développement de l’antique voie Paris-Rouen traversant notamment Vernon, le plateau de Madrie et… Heudebouville. De plus, avec la voie reliant Louviers aux Andelys par la belle route de Venables, Heudebouville était et demeure un important carrefour.
Cette commune est, du fait de l’autoroute, un lieu attractif. Ainsi, la zone d’activités commerciales, Écoparc se répand-elle sur les terres heudebouvillaises. La commune demeure un lieu de passage et de services, voire de production avec le centre Renault tech adaptant des voitures aux personnes handicapées. Cela se mesure un peu sur sa démographie, les Heudebouvillais passant de 331 personnes en 1936 à... 788 en 2017.
Paradoxalement, cette explosion de constructions de routes et de bâtiments, cet arrachement de la commune à ses habitudes villageoises et rurales, a permis de mettre au jour le lointain passé heudebouvillais. Des fouilles archéologiques ont eu lieu dans le cadre de la construction d’Écoparc 2. Un bel article de Dagmar Lukas, Hélène Delnef et Luc Leconte présente et explique les découvertes réalisées. Sur la Butte Colas, à l’ouest de l’autoroute, un habitat continu a existé de La Tène finale (appelée aussi Second âge du fer, période gauloise) au Haut-empire. Grâce à l’argile, au sable, au bois et au minerai de fer, nos ancêtres ont occupé les lieux. Dix fours ont été mis au jour. Un système de double fossés permettait d’isoler un enclos domestique et, en son cœur, un lieu de production artisanale. Différents fossés ont coexisté et se sont succédé. Les archéologues ont pu mesurer leur utilité dans le drainage des eaux et la “volonté d’impressionner” le passant ou le voisin. Des céramiques, du tissage, du stockage dans le sol et dans des bâtiments en bois, du broyage de céréales, des pièces de monnaie : tout démontre que cet enclos agricole et artisanal était actif et tourné vers les échanges extérieurs. Puis la période romaine montre un nouveau parcellaire, plus géométrique, cinq bâtiments en pierre bâtis sur des fondations avec une concentration sur les activités métallurgiques.
On ne sait s’il y eut une continuité de présence humaine à Heudebouville après l’Antiquité. Mais un seigneur germanique “Hildebold” semble y avoir possédé un domaine rural. C’est ainsi que vers 1025 apparait le nom d’Hildeboldi villa, qui a donné Heudebouville en ancien français. Qui était ce personnage et à quelle époque le rattacher ? Nous l’ignorons. François de Beaurepaire avance que le nom de famille “Hild” a pu se transmettre à des membres de la famille d’Hildebold et qu’il apparaitrait peut-être dans deux autres toponymes locaux : Fontaine-Heudebourg et Heudreville-sur-Eure.
Quoi qu’il en soit, vers 1025 les ducs de Normandie confient le fief d’Heudebouville à l’abbaye de Fécamp, avec droit de haute justice et baronnie, qui y resta jusqu’à la Révolution. La culture de la vigne existait sur les coteaux de Seine. La lecture du relief le fait deviner à bien des promeneurs. De cette époque semble aussi dater la christianisation d’un menhir qu’on appelle la Croix-Roger, monolithe d’un 1,7 mètre de hauteur.
Heudebouville a été chamboulée au XXe siècle mais garde de beaux paysages, avec ses bois près du coteau, ses haies et son patrimoine bâti. Ainsi, sa belle église Saint-Valérien possède une imposante tour-clocher dont la toiture a été récemment restaurée. Avec ses contreforts, elle campe le paysage dans une atmosphère médiévale du XIIIe siècle, comme le montrent ses ouvertures gothiques, les lancettes, encadrées d’une belle alternance de lits de silex noir et de moellon calcaire. La partie haute de la tour, le clocher, évoque encore l’art roman avec ses arcs cintrés et le volume de son ensemble alors qu’il s’agit d’une œuvre gothique. Saint-Valérien et son cimetière ont été classés au titre de paysage naturel en 1926. Il en va de même pour le coteau calcaire qui fut classé en 1981 dans le plus vaste ensemble des falaises de l’Andelle et de la Seine.
Heudebouville regorge de manoirs, témoignant de l’attrait du lieu parmi les familles nobles. Ainsi le grand salon du manoir du Colombier a fait l’objet d’une inscription au titre des monuments historiques depuis 1984. Le Logis du manoir, avec des parties du XIIIe siècle, a été converti en château après 1746 pour André-Adrien Helot, conseiller au parlement de Rouen. Le manoir du Sang-Mêlé présente un logis du XVIe siècle. Le manoir de Bellengault, du XVIe siècle itou, a été restauré au XVIIIe siècle et remanié vers 1930. Le manoir de Lormais présente des bâtiments du XVIIe siècle.
Ces derniers lieux rappellent qu’Heudebouville est aussi une commune bordée par la Seine et qu’elle recèle bien des surprises, bien des beautés, pour qui veut prendre le temps de la connaitre.