La Haye-le-comte, hameau de Louviers et commune à part entière, d'après un détail d'une vue panoramique et printanière de Frédéric Ménissier, que nous remercions, en avril 2021.
La Haye-le-comte est un village de 135 habitants situé dans la continuité des quartiers sud de Louviers. Si la majeure partie de ses maisons se trouvent à Louviers, quelques bâtisses à pans de bois, brique et moellon calcaire évoquent la campagne autour de deux ou trois rues bel et bien situées dans la commune de La Haye-le-comte. Alors La Haye-le-comte est la fois le nom d’une commune et d’un quartier de Louviers.
Extrait du tableau d'assemblage du plan cadastral de la commune (Archives départementales de l'Eure, en ligne).
Un lieu de transition paysagère.
Le paysage de la Haye-le-comte est une boucle témoignant d’un méandre fossile de l'Eure. Cette boucle entame le plateau du Neubourg par de sévères pentes comme l’exprime excellemment la “côte de Crève-cœur”. Au milieu de cette boucle se trouve la “côte de la Justice”, évoquant par la dureté des lois la raideur de sa pente culminant à 72 m, à moins que ce ne soit une référence à un éventuel gibet installé ici pour supplicier des gens, selon la fiche Mérimée du Ministère de la culture. La Haye-le-comte est à la fois dans la vallée agricole, vers 35 m d’altitude, et sur le plateau du Neubourg avec La Neuville, un de ses hameaux, à proximité de Surville. Ainsi des bois et des vallons, dont celui au nom étonnant et mystérieux de Trifondouille, font partie de la richesse de la commune, qu’elle soit naturelle ou lexicale. C’est ce beau cadre que viennent chercher les résidents des quelques nouvelles rues pavillonnaires longeant les voies d’antan.
Le château des comtes de Meulan
C’est avec surprise que La Haye-le-comte est devenue une commune, à la Révolution, car elle était peu peuplée ‒ 46 habitants en 1800 ‒ et semblait se résumer à une propriété seigneuriale, près de la ferme des Herbages. Pour preuve, sa petite mairie semble être une annexe du château seigneurial.
Exprimant sûrement la conquête de la Normandie par le roi de France, en 1204, c’est le Français Roger, comte de Meulan, qui fit construire le château de “Hayam comitis” dans la paroisse de Louviers. Peut-être devait-il être l’œil du roi, se méfiant des Normands, sur la ville de Louviers ? Si nous ne savons rien de ce château, nous pouvons affirmer que le nom de la paroisse vient de celui-ci : la haie du comte de Meulan, que ce soit Roger et ses descendants. La haie peut désigner un clos défensif constitué de végétaux denses et de fossés. Nous savons aussi que ce château était situé à côté de la ferme des Herbages. Après les comtes de Meulan, au XIVe siècle, les seigneurs de La Haye ont été les Le Métayer. Vers 1647, Anne Le Métayer fit construire une demeure, remaniée au XIXe siècle, ainsi qu’un pigeonnier vraisemblablement daté, lui aussi, du XVIIe siècle.
Le château de La Haye-le-comte derrière et à côté de beaux éléments architecturaux agricoles (photographie de Frédéric Ménissier, avril 2021).
La difficile église de La Haye
Après la construction du château par Roger, son fils Amaury fit ériger une petite église en 1225 devant sa propriété. Sa charge fut conférée aux chanoines réguliers de prémontrés d’Abbécourt, à Orgeval, dans les Yvelines. Richard de Saint-Léger, évêque d'Évreux, la consacra en 1226 du nom de Notre-Dame. En 1330, une chapelle dédiée à Saint-Thibault fut construite à côté de l’église, séparée ou unie par un mur mitoyen. En 1645, l’église était en ruine. François de Péricard, évêque d’Évreux, insista pour qu’elle soit restaurée principalement par le seigneur Le Métayer, puis le prieur Jean Blondeau. Le 6 juin 1645 le même évêque la consacra à Notre-Dame et Saint-Thibault. Elle fut érigée en cure et les prémontrés partirent.
Devenue ruine dans une paroisse peu peuplée, l’église disparut et, à la Révolution pas plus qu’en 1905, La Haye-le-comte n’avait d’église. Ce n’est qu’en 1922 qu’une chapelle fut bâtie. C’est Émile et Léonie Auger qui achetèrent les terres et firent construire l’édifice pour remercier le Ciel de la survie de leur fils Jean durant la Première Guerre mondiale. Depuis, le culte catholique reprit et, le 24 avril 2015, la chapelle fut donnée à la commune par les héritiers Auger. La mairie a entrepris des travaux notamment avec l’atelier Cursus et la Fondation du patrimoine grâce à laquelle nous avons eu ces dernières informations et une photographie. Un appel aux dons est ouvert sur le site de l’association. Du patrimoine ancien, il reste une statue de la Vierge à l’Enfant Jésus du XIIe siècle, un buste reliquaire de Saint-Thibaut offert, semble-t-il, au XVIIe siècle par François de Péricard et une vasque calcaire des fonts baptismaux du XVIe siècle.
Longtemps dépeuplée, la Raye l’conte, comme on disait en parler normand, semble retrouver une vitalité qui lui va bien !
Armand Launay
Pont-de-l'Arche ma ville
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