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Carte postale illustrée des années 1960 démontrant la volonté touristique de la commune de Saint-Germain-de-Pasquier autour de son église paroissiale et, surtout, de sa mairie, la plus petite de France.
S’il existe bien un centre à Saint-Germain-de-Pasquier autour de sa célèbre “plus petite mairie de France”, l’habitat est ici épars. Les maisons des quelque 124 Saint-Germanois (en 2018) se répartissent au fond de la vallée de l’Oison et des proches vallons dans un décor évoquant le pays d’Auge, ses résidences secondaires et ses pans de bois en trompe-l'œil. Si la commune a des dimensions très modestes, nombreux sont pourtant les noms et les bâtiments du paysage qui méritent un arrêt, un temps d’attention : Villars, Silouvet, Saint-Germain, Pasquier, la chapelle Sainte-Clotilde et l’église.
Saint-Germain n’est pas nécessairement Pasquier
Selon Les Mémoires et notes d’Auguste Le Prévost, ouvrage paru en 1869, le nom du hameau autour de l’église se nommait Pasquier. C’était encore l’usage courant en son temps et c’est ce que confirme la carte de Cassini, de la fin du XVIIIe siècle où l’on voit écrit Pâquier. L’accent circonflexe atteste qu’on ne prononçait pas le “s” que l’on est bien tentés de dire encore de nos jours. C’est pourtant sous la forme de Paskier qu’apparait le nom de la paroisse, vers 1192, dans une charte par laquelle l’évêque d’Évreux, Garin, donna des droits aux chanoines établissant le prieuré de Saint-Germain-le-Gaillard. La thèse la plus communément admise affirme que “pasquier” est issu du latin “pascua” qui désigne les pâturages. Il est vrai que la commune possède toujours un “chemin des pâturages” et que les pentes des coteaux sont propices à l’élevage. Mais il est étonnant qu’un nom aussi commun ait pu servir à identifier une paroisse. C’est peut-être la raison pour laquelle le nom de Saint-Germain lui a été adjoint par l’administration de la période contemporaine.
Saint-Germain-le-Gaillard dans le plan cadastral de février 1828 dont la copie est accessible sur le site des Archives de l'Eure.
Mais alors que désignait-on sous le nom de Saint-Germain ? C’est la même charte signée de l’évêque Garin qui nous l’apprend : c’est le prieuré de Saint-Germain-le-Gaillard. Le plan cadastral de février 1828 montre un lieu-dit, en amont de Pasquier le long de l’Oison, qui porte ce nom. L’évêque dota ce prieuré d’un ermitage avec des terres qu’il tenait de Roger Troussebout, membre d’une grande famille noble de la proche région. Avec cet ermitage, l’évêque donna des droits sur le patronage et les dimes des églises de Mandeville, Saint-Nicolas et Saint-Martin du-Bosc-Asselin et Saint-Jean-de-la-Vitotière. Il en fit de même sur les moulins de la proche région : Garin (sûrement du nom de l’évêque ou d’un de ses proches), nom devenu Worins, Villars, Pasquier (dépendant de Roger de Tournebu), Berfise... Le prieuré Saint-Germain avait pour tutelle l’abbaye Sainte-Barbe de Mézidon-Canon, fondée vers 1128 et dont les chanoines respectaient la règle de Saint-Augustin. Il constituait ainsi une source de revenus à l’abbaye mère et il est très probable que des chanoines aient résidé au prieuré étant donné que, selon Auguste Le Prévost, une chapelle était ouverte au culte. Quoi qu’il en soit, ce prieuré a été “uni à la cure de Mandeville dans la deuxième moitié du XVIe siècle”, nous apprend Auguste Le Prévost, témoignant ainsi de la perte de vitalité de ce lieu pieux. Peu avant 1869, notre auteur écrivit que la “chapelle [est] aujourd’hui convertie en grange”. Quant au nom, il existe deux communes portant exactement le même vocable : l’une dans La Manche et l’autre en Eure-et-Loir. Plusieurs hypothèses sont défendues concernant le sens de gaillard mais il semble que le plus petit dénominateur commun soit l’idée de vivacité et de force, d’après un radical gaulois, galia, lui-même à l’origine du terme gaulois.
Pasquier
Pasquier désigne, semble-t-il, le hameau autour de l’église Saint-Germain. Ce nom a permis de le distinguer de Saint-Germain-le-Gaillard puisque les deux établissements pieux de la paroisse étaient placés sous le même vocable. Il est possible que Pasquier, autrement dit les pâturages, désignât le plus petit établissement avant que Saint-Germain-le-Gaillard, donc le grand Saint-Germain, ne se dépeuple. Selon le tome II du Dictionnaire historique de toutes les communes de l’Eure, édité en 1878 et conçu par MM. Charpillon et Caresme, la plus ancienne mention de Pasquier date de 1080. Une charte nous apprend que “Richard, fils d’Hellouin le sénéchal, donna aux moines du Bec les dimes de Saint-Germain-de-Pasquier et de La Harengère.” Des mêmes auteurs, nous apprenons qu’au XIIe siècle, Thomas de Tournebu ‒ dont le nom est à l’origine du toponyme Le Bec-Thomas ‒ donna à l’abbaye du Bec-Hellouin le patronage de l’église de Saint-Germain. La paroisse de Saint-Germain était composée de deux fiefs. L’un d’entre eux dépendait des Troussebout, famille que nous avons traitée dans notre article sur Saint-Cyr-la-Campagne. L’autre fief semble avoir dépendu de nobles de La Harengère et du Bec-Thomas donc, avant qu’il ne revienne, avant 1315, aux mains des Harcourt. En effet, en cette année-là, un certain Guillaume de Harcourt donna des droits sur le moulin de Pesmongue ou Pesquemoque, à Pasquier, pour la collégiale de La Saussaye. Le nom du moulin est étrange. Peut-on rapprocher son radical de “Paskier” et fonder une autre étymologie à ce nom de lieu ? Nous l’ignorons. Quant à la répartition des droits entre les Harcourt et l'abbaye du Bec-Hellouin, il semble qu’elle a perduré jusqu’en 1790. De manière générale, il est possible de penser que Pasquier, comme plusieurs lieux de la vallée de l’Oison, a émergé car à la présence de moulins permettant de traiter le grain des proches et plus importantes paroisses telles que Saint-Martin-la-Corneille et Le Bec-Thomas.
Saint-Germain-de-Pasquier sous la plume d'Auguste Le Prévost, ici dans ses Mémoires et notes publiées en 1869.
Copie de la notice dévolue à Saint-Germain-de-Pasquier dans le tome II du Dictionnaire historique de toutes les communes de l'Eure, œuvre de Louis-Étienne Charpillon et Anatole Caresme parue en 1878.
L’église Saint-Germain et Saint-Christophe : un bien à restaurer
Selon Auguste Le Prévost, le temple de la paroisse honore saint Germain d’Auxerre. D’après le site Monvillagenormand, très précis en matière de culte catholique et de description architecturale des églises, saint Germain partage le patronage de l’église avec Saint-Christophe. Il est difficile d’expliquer le choix de certains de nos ancêtres pour la dévotion à tel ou tel pieux personnage. Toutefois, selon la fiche consacrée à Saint-Germain dans Wikipédia, ces deux saints ont pour point commun, dans leurs hagiographies, le fait qu’un grand arbre a poussé là où ils plantèrent leur bâton. Peut-on voir ici un lieu particulièrement fertile où Germain serait un jeu de mots avec l’étymon germer ? Y eut-il un if, ou un arbre d’une autre essence, qui poussa avec une vigueur rarement égalée ? A-t-on raison de citer le lien entre sainte Clotilde, honorée ici auprès d’une source, et la reine épouse de Clovis qui fit bâtir un oratoire en l’hommage à saint Germain au nord d’Auxerre ?
Le site Monvillagenormand nous aide à décrire architecturalement Saint-Germain. Comme l’église de Saint-Cyr-la-campagne, le temple de Pasquier s’allonge vers l’orient et se termine par un chevet semi-circulaire. Le toit est composé de deux pans couverts de tuiles de pays et termine en croupe arrondie au-dessus du chevet. Le mur gouttereau sud est consolidé par des contreforts et ajouré de baies rectangulaires ou en plein cintre datant de la Renaissance. Un clocher de base carrée couronne le toit au-dessus de l’entrée du chœur. Une flèche de charpente couverte d’ardoise achève de camper le paysage caractéristique des églises rurales de la région.
Photographies d'Antoine Garnier mettant en valeur le patrimoine roman de l'église paroissiale de Saint-Germain-de-Pasquier. Avec nos remerciements à leur auteur. Ces documents servent de support au texte ci-contre.
Mais Saint-Germain possède une forte singularité par son patrimoine roman. Celui-ci a été mis en valeur sur la Toile par Antoine Garnier, impressionnant recenseur du patrimoine roman qui anime le blog atlas-roman et qui a publié des photographies sur l’église nous intéressant. Dans une démarche de divulgation et vulgarisation des connaissances, il les a aussi publiées sur Wikimedia. Nous nous servons de ces documents, avec son aval et l’en remercions. L’élément le plus précieux se trouve sur la façade principale. Constituée d’un mur pignon, elle est percée par un portail en plein cintre. Les clés qui composent son arc sont merveilleusement travaillées. Trois séries de pierres calcaires forment l’arc. Ces pierres sont sculptées de lignes. Quatre lignes incrustent la pierre alors que la dernière, celle qui couvre le portail, est en saillie. Ces éléments semblent être le plus ancien vestige conservé de l’édifice. Il est estimé au XIe siècle. Sans être spécialiste, nous nous étonnons de cette affirmation tant la façade semble avoir été remaniée au XVIIe siècle avec du matériau de réemploi qui peut tout aussi bien dater du XIIe siècle, c’est-à-dire la fin du roman. Notons une porte murée qui semble aussi dater du XVIIe siècle et qui pourrait avoir succédé à une plus ancienne porte des morts, par laquelle on sortait les dépouilles après l’office funèbre et avant leur enterrement dans l’enclos paroissial. Notons aussi, étant donné le thème abordé, une croix de cimetière en calcaire, aussi photographiée par Antoine Garnier et qui présente un socle hexagonal datant, vraisemblablement, du XVe ou du XVIe siècle, avec une colonne plus récente. À la base de cette colonne se trouve un décor d’épis surmontés de cœurs ; le tout symbolisant le renouveau par l’amour montré et enseigné par le Christ.
Autres parties intéressantes de Saint-Germain, une baie romane murée dans le mur gouttereau sud ; le mur gouttereau nord et le soutènement à pans de bois de la nef qui semblent témoigner de la pauvreté des dons durant une période de la vie de l’édifice. De plus, la ressemblance est frappante entre le chevet de Saint-Germain et celui de la romane église de Saint-Cyr-la-campagne.
Enfin, le site de la Fondation du patrimoine publie une photographie de l’intérieur de l’édifice. On y voit un mur séparant la nef, constituée d’un vaisseau unique, et le chœur. Il est percé par un arc en plein cintre qui a remplacé un arc roman dont il reste les premières clés, au-dessus des chapiteaux. Le haut de ce nouvel arc montre des restes de polychromie. Le site Monvillagenormand précise qu’on peut y voir une “litre seigneuriale représentant une armoirie de trois étoiles”.
Les élus ont lancé une souscription avec le soutien de la Fondation du patrimoine : il s’agit de “rejointoyer les pierres à la chaux aérienne afin de consolider l’édifice et lui redonner son allure d’antan. La sauvegarde de l’église consiste également à restaurer la toiture de la flèche en ardoises, et à assainir l’édifice par la révision de l’ensemble des gouttières et descentes d’eaux pluviales.” Les dons sont les bienvenus sur cette page.
Vue extraite du site de la Fondation du patrimoine permettant d'apprécier une partie de l'intérieur de l'église paroissiale.
Vue de l'intérieur de l'église Saint-Germain avec le maire Laurence Laffilé. Photographie de Mathilde Carnet publiée en mai 2021 dans Le Courrier de l'Eure afin de soutenir l'appel aux dons sur le site de la Fondation du patrimoine.
Un mobilier partiellement inscrit aux Monuments historiques
Le mobilier de Saint-Germain est connu de la Conservation régionale des monuments historiques. En effet, sur la base POP du ministère de la culture recensant les bâtiments et les œuvres connues, voire protégées, treize œuvres saint-germanoises sont décrites. Inscrites au titre d’objets le même jour, le 21 mars 1977, il s’agit de neuf lithographies et de quatre statues.
Les neuf lithographies datent du XIXe siècle et furent créées à Paris chez divers imprimeurs. Elles représentent un Évangéliste ; l'Agneau du sacrifice ; la Crucifixion ; le lavement des pieds ; la Pentecôte ; la Présentation au temple ; Saint-Rose de Lima ; Notre-Dame du Mont-Carmel avec son scapulaire et, enfin, l’Adoration des bergers. Le thème de cette dernière œuvre est-il à relier au nom pastoral de Pasquier ? Quoi qu’il en soit, ces lithographies indiquent un renouveau de l’utilisation de l’église, assurément postérieur au témoignage en 1878 de MM. Charpillon et Caresme.
Quant aux statues, deux d’entre elles sont en bois polychrome et datent du XVIIe siècle : il s’agit de la Vierge à l’Enfant-Jésus et de saint Éloi l’évêque. Deux statues sont en pierre et datent du XVIIIe siècle. Il s’agit de sainte Clotilde et, surtout, de saint Germain bénissant. Nous notons qu’il s’agit de deux saints tardigrades, c’est-à-dire anciens. Ce sont deux personnages issus de Bourgogne et ayant beaucoup compté dans l’évangélisation du nord de la Gaule sous la dynastie mérovingienne. Clotilde a été la femme de Clovis et a contribué à son baptême. Il n’est donc pas étonnant qu’on la retrouve comme protectrice d’une fontaine locale que nous étudions ci-après. En attendant, peut-on voir dans le culte de ces saints très royaux et très francs, comme saint Éloi itou, la preuve d’une structuration de la paroisse Saint-Germain dans les premiers siècles du Moyen Âge, avant l’arrivée des Normands ? C’est très probable, même en l’absence de preuves objectives.
Quelle est la plus petite mairie de France ? Ou la célébrité de Saint-Germain-de-Pasquier et sa chapelle Sainte-Clotilde
Article à lire sur notre blog en cliquant sur cette phrase ou en copiant ce lien :
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Armand Launay
Pont-de-l'Arche ma ville