Article paru dans Pont-de-l’Arche magazine n° 4 (automne 2009), page 19, et écrit par nos soins.
L’orgue de l’église Notre-Dame-des-arts est un des joyaux du patrimoine de Pont-de-l'Arche. Il est protégé par le ministère de la Culture en tant que Monument historique.
Construit entre 1608 et 1614 par Jean Oury sous la conduite de Crépin Carlier, organiste né à Laon et alors installé à Rouen, il doit sa survie à l’attention des générations qui se sont succédé. Aujourd’hui, plus d’un orgue sur deux est muet faute d’entretien. Pire, certains orgues sont cassés par négligence. C’est pourquoi la municipalité a souhaité nommer un conservateur officiel de l’orgue afin de veiller sur lui. Le choix s’est tout naturellement porté sur Michel Lepont, aux manettes depuis 1984…
Avec poésie, Michel Lepont nous dit que « Ce n’est pas l’homme qui a inventé l’orgue mais la nature. Dans l’Antiquité, des bergers ont remarqué que le vent faisait de la musique en passant dans des trous des roseaux. Alors ils ont eu l’idée de souffler dans des roseaux percés par leurs soins. La flute était née et l’orgue n’est qu’un grand assemblage de flutes. » Et ce n’est pas peu dire car l’orgue de Pont-de-l’Arche rassemble pas moins de 1 100 tuyaux de différentes tailles !
L’orgue est alimenté en air grâce à un soufflet contenant 2 m3 d’air. Il l’envoie à faible pression (300 grammes) sous l’instrument (dans le sommier). Celui qui joue de l’orgue (l’organiste), libère des poches d’air grâce au clavier et au pédalier. Celles-ci entrent dans certains tuyaux et c’est alors que naissent des sons les plus variés. Plus le tuyau est court et plus le son est aigu. Michel nous apprend qu’un « tuyau parle faiblement. Le son est amplifié par la caisse en bois qui entoure l’orgue puis c’est l’édifice de l’église qui donne au son toute son ampleur. Le son émis par les tuyaux est calculé afin de ne pas masquer les chants. C’est ce qui explique en partie pourquoi la construction de l’orgue a duré 6 ans après 1608. »
Le rôle de l’organiste est important car l’orgue est conçu pour émouvoir les gens venus assister à la messe. Grâce à une glace située au-dessus du clavier, l’organiste arrive à voir les mouvements du curé qui se trouve dans son dos et de l’autre côté de la nef. Ainsi il s’adapte selon les besoins. Michel utilise un jeu de tuyaux appelé « Voix céleste » pour aider les gens à méditer, à se recueillir. Le son part alors vers la voute avant que sa douceur ne retombe sur les bancs de l’église. En fin de messe, afin de transporter l’assistance, Michel utilise le « Tutti », c’est-à-dire tous les jeux. Les flutes, trompettes, clairons, violes de gambes et clarinettes, cornets et hautbois... tous les sons se rejoignent comme dans un orchestre pour occuper tout le volume de l’église. Frisson assuré !
Mais si notre organiste est au service de la paroisse, il est aussi sensible à tous types de publics. « En dehors du culte, mon souci est de démystifier l’orgue. L’orgue doit être sympathique à tout le monde, quelles que soient les convictions ». La convention proposée par la municipalité est parfaitement taillée pour Michel Lepont qui participe depuis plus de 25 ans aux manifestations proposées par le service culturel de la mairie. La décoration de l’orgue témoigne aussi de ce double religieux et profane : un Christ en gloire domine l’instrument à vocation religieuse mais des harpies du XVIIe siècle enrichissent l’orgue de motifs très profanes. Tout le monde s’y retrouve, en somme !
Notre conservateur a aussi une tâche très importante : l’entretien courant. Ce n’est pas anecdotique car cet orgue, comme plus de la moitié de ses égaux, était en partie muet il y a quelques années. Il fit l’objet de grandes restaurations durant le mandat de Paulette Lecureux (plus de 900 000 francs). On peut depuis réentendre la musique telle qu’elle était il y a 400 ans ! Des travaux réalisés par Stolz à la fin du XIXe siècle permettent à notre instrument de jouer aussi des airs contemporains. Alors Michel assure presque tous les jours le nettoyage et les petites réparations. Le conservateur contrôle l’accès à l’orgue. C’est ainsi qu’il possède un double des clés et qu’il consigne sur un registre toute personne qu’il autorise à jouer de l’orgue. Il consigne aussi toutes les réparations qu’il a faites.
« Pour que l’orgue soit encore en état de fonctionner après 400 ans d’existence, c’est que beaucoup de générations l’ont entretenu. C’est un peu effrayant de voir combien nous sommes éphémères à côté de lui. Cela rend modeste » conclut avec philosophie notre conservateur.
Quelle que soit notre conviction, on ressent toujours un frisson à l’écoute de l’orgue. Ne ratez pas les concerts auxquels vous invite la municipalité très régulièrement.
Armand Launay
Pont-de-l'Arche ma ville
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