Il est toujours plaisant d’aborder l’histoire par l’image. Ce type de documents est « parlant », concret… et permet d’ouvrir un véritable album de souvenirs si l’on prend le temps d’approfondir le sujet. C’est pourquoi nous vous proposons une photographie des enfants de l’école publique de Poses, datée de 1932, grâce à laquelle nous allons renouer avec un des loisirs les plus populaires du début du siècle dernier : les fêtes de la jeunesse…
Description de la photo
« Fêtes de la jeunesse. Pont-de-l’Arche 1932. Elbeuf 1933. Les Matelots de l’école de Poses. »
Filles et garçons, les écoliers de Poses ont participé aux « fêtes de la jeunesse ». Ces fêtes comprenaient des défilés
au son des fanfares locales, des exercices et concours de gymnastique réalisés devant un public et un jury.
L’inscription « La laïque » sur les chapeaux marins montre qu’il s’agissait de célébrer précisément l’école publique et
non les écoles confessionnelles.
Les habits n’ont rien d’étonnant. Les garçons portent des culottes courtes pour favoriser le mouvement. Une
chemise-cravate démontre le souci de plaire au public et au jury. Il s’agit d’être chic ! Les filles, en jupes, portent un joli ruban qui va dans ce même sens. Cependant, elles ne manipulent pas
de bâtonnets qui servent à imiter les rames, au moins sur cette photo, et qui doivent servir à des mouvements synchronisés.
Le chapeau marin permet de donner une identité aux jeunes Posiens : Les Matelots. Cela n’étonnera personne, vu
l’emplacement de cette commune près d’un pertuis puis d’un barrage-écluse.
Un panneau mobile, derrière les jeunes, démontre que les fêtes de la jeunesse rassemblaient des délégations d’élèves sous
le signe de leur commune, Poses en l’occurrence, lors des parades et des défilés.
Enfin, le fait d’éditer cette photographie sous la forme de carte postale démontre que les fêtes de la jeunesse étaient
populaires au point que les parents et les familles pouvaient acheter des cartes postales en souvenir. Celles-ci apportaient peut-être même quelque argent pour financer l’organisation de ces
manifestations.
Organisation à Pont-de-l’Arche
Les fêtes de la jeunesse à Pont-de-l’Arche remontent à juillet 1932. Elles se déroulaient sur l’ancien terrain de
football, en forêt, sur la route de Louviers mais aussi, au moins en 1938, sur un ancien terrain de sports de la rue Abbé-de-Lanterie.
Elles étaient organisées par MM. Tardy, mari de la directrice de l’école publique (et militant radical-socialiste),
Guérin, enseignant (et militant SFIO), et surtout Chary, président de l’Association des Amis de l’école laïque (et militant radical-socialiste). Cet homme est central. Depuis 1926, il louait la
salle des fêtes de la commune et offrait un programme d’animations (cinéma, théâtre…) à la population. Rompu à l’organisation de festivités, il s’occupait aussi du Noël des écoles. Il devint donc
l’instigateur de la fête de la jeunesse dans la commune avec deux professeurs.
En 1933, le maire Charles Morel, « réprouvait « les agissements de certains qui, sous le couvert de la fête de la
jeunesse, cherchent à faire une propagande de leur politique marxiste. » En effet, les fêtes de la jeunesse, très républicaines, étaient largement soutenues par certaines familles politiques et
pas qu’à Pont-de-l’Arche…
Dans la région et en France
Les fêtes de la jeunesse sont nées de la fusion entre les fêtes des écoles et les concours de gymnastique qui, comme les
exercices de tir dans les écoles, avaient pour objectif patriotique de former les soldats de demain…
Le terme de « fête de la jeunesse » apparut en 1913 à Déville-lès-Rouen. Au programme, les élèves des différentes écoles
suivaient un entraînement au grand air, un défilé en ville, un concours de gymnastique animé par les fanfares locales. Des récompenses étaient remises aux enfants en livrets de caisse d’Epargne
en présence de personnalités officielles. Le soir, un bal était donné dans la ville.
Suite à ce succès, les fêtes de la jeunesse furent organisées à Rouen en 1914. Le président de la République était même
invité. Le 14 juillet, ce sont 20 000 spectateurs qui s’y rendirent pour voir près de 2 000 élèves des écoles locales. Les organisateurs étaient principalement des membres du Parti républicain
radical et radical socialiste qui gagnèrent en notoriété.
Après la Première Guerre mondiale, les festivités reprirent. En 1920, la fête de la jeunesse fut organisée en même temps
que la fête Jeanne-d’Arc (13 juin). Le thème désormais n’était plus le patriotisme mais la laïcité, et ce au grand dam des écoles confessionnelles.
Ce type de festivité gagna toute l’Europe. Cependant, dans un climat de concurrence entre les nations, l’enrôlement de la
jeunesse dans des activités aux références quelque peu militaires a largement été repris par l’extrême droite allemande et italienne, tout comme l’idée de jeux olympiques d’ailleurs.
Quant à Rouen, la fête de la jeunesse culmina en 1931 avec le cinquantenaire de l’école laïque et en 1939 où 7 000 jeunes
s’exercèrent en public. Elles reprirent en 1947 et s’éteignirent en 1975. Elles subsistent sous des formes différentes dans certains pays tels que le Cameroun.
Armand Launay
Pont-de-l'Arche ma ville