Les premiers contacts
Article extrait de L’Elbeuvien du 6 août 1932 :
"Les Damps. – Fête républicaine.
M. Mendès France, député, a été reçu samedi à la Mairie des Damps par la municipalité, une délégation des élèves de l’école communale, la société des Tambours et Clairons et un grand nombre d’habitants.
Une charmante fillette, Mlle Fernande Milliard dit un compliment au nouveau député et lui remit une superbe gerbe de fleurs qui fut, par la suite, déposée au monuments aux Morts. M. Prémillieux, Maire, souhaita ensuite la bienvenue à M. Mendès France qui lui répondit en faisant l’éloge de la petite Commune, rappelant la belle majorité qu’elle lui avait donné. Devant le monument aux Morts où les enfants déposèrent des gerbes, on observa une minute de silence, puis on se rendit au restaurant Félix-Hublet, où un dîner soigné attendait une quarantaine de convives dans une salle artistement (sic) décorée".
Ce document montre l’accueil réservé à Pierre Mendès France dans notre village. Ce jeune avocat venait de se présenter aux élections législatives de 1932 sous l’étiquette du Parti Radical. Or, ces élections n’étaient pas gagnées d’avance pour Pierre Mendès France car il venait de Paris, professait des idées politiques nettement ancrées à gauche et était d’origine juive ce qui déplaisait aux conservateurs et principalement aux ligues d’extrême droite qui lui rendirent sa campagne difficile. Malgré tout, le candidat radical se fit élire avec seulement 232 voix d’avance et ce grâce à l’électorat ouvrier des villes telles que Louviers… La particularité des Damps était la présence depuis de nombreuses années d’une opinion républicaine avancée qui avait élu aux fonctions de Maire M. Prémillieux.
Par ailleurs, ces quelques lignes nous apprennent l’existence de la fanfare appelée La société des tambours et clairons montrant, ainsi que la commémoration de la Première Guerre mondiale, l’étendue de l’influence de la chose militaire dans la société française des années 1930. En effet, les tambours et les clairons sont des instruments usuels dans l’armée.
Quant au restaurant Félix Hublet dont il est question, il se trouvait en face du pont sur l’Eure, à gauche du bar actuel. Il était tenu par la femme de cet homme qui, lui, assumait les activités agricoles de l’exploitation familiale.
Les liens privilégiés entre Pierre Mendès France et Les Damps
Bien qu’il soit vrai que Pierre Mendès France ait eu un bon contact avec ses concitoyens en général, nous pouvons tout de même dire que le village des Damps lui était particulièrement cher. Nous avons déjà vu quel accueil notre village lui avait réservé lors de sa première candidature locale, en 1932, où les Dampsois votèrent à 70 % pour le jeune radical (le record de la circonscription !) et l’accueillirent ensuite pour fêter son élection. Pierre Mendès France avait donc ici le soutien de la grande majorité de la population ainsi que celui du Maire, M. Prémillieux, qui présidait le comité républicain de gauche du canton (radical, en fait)…
C’est ainsi que ces relations se traduisirent par des avancées notables pour notre commune : M. Mendès France aida les ouvriers grévistes à retrouver un emploi et facilita la subvention du premier pont sur l’Eure, par exemple…
Outre ces aides politiques, la présence de Pierre Mendès France était constante, malgré ses nombreuses responsabilités (Président du Conseil, député, Conseiller général de Pont-de-l’Arche…). Il venait assister et participer aux remises des prix de l’école primaire (M. Roland Lenoir, instituteur et secrétaire de Mairie, était un radical convaincu, ce qui aidait les relations…), aux inaugurations (comme celle de la rue Neuve), aux festivités (dans la salle Kali (Fénoroc))… Mais là où les relations dampsoises furent particulièrement importantes pour notre homme, ce fut lors de l’arrivée des troupes nazies. Pierre Mendès France avait servi dans l’aviation pour lutter contre l’armée nazie et était désormais recherché pour ses convictions démocratiques et ses origines juives. Il se réfugia, quelques temps, aux Damps, avant de gagner l’Angleterre et de participer à faire de la France une nation alliée, auprès de De Gaulle, à Londres.
Mais il y a une fin à tout, les délibérations du Conseil municipal témoignent, elles aussi, de la disparition de Pierre Mendès France, en septembre 1982 : "A l’ouverture d’une séance (…) une minute de silence a été observée en mémoire du Président Mendès-France, récemment décédé". C’est le dernier clin d’œil dampsois adressé à celui qui fut reconnu comme l’un des plus grands hommes politiques français du siècle dernier. Il fut, quoi qu’il en soit, le plus grand personnage qu’ait connu notre village…
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