Article paru dans l'Humanité, avec tous mes remerciements à
Pierre Largesse et la rédaction.

Idées - Tribune libre - Histoire - Article
paru
le 18 janvier 2010
tribunes & idées MEMOIRE
Pont-de-l’Arche, cité industrielle normande
Pont-de-l’Arche, cité de la chaussure, étude sur un patrimoine industriel normand depuis le XVIIIe siècle, d’Armand Launay. Édité par la mairie de Pont-de-l’Arche, 2009. 52 pages en couleurs, 12 euros (*).
Grâce à la municipalité de Pont-de-l’Arche, l’historien et sociologue Armand Launay vient d’éditer une étude sur le patrimoine industriel de cette cité de la chaussure. C’est un bel ouvrage, à la riche iconographie, artistiquement mis en pages. L’auteur a commencé les recherches il y a sept ans, rencontré de nombreuses familles qui lui ont ouvert souvenirs et albums de photographies. Débordant sans complexe la frontière départementale, nous le signalons à l’attention de nos lecteurs de la Seine-Maritime puisque aussi bien la cité au pont célèbre en est proche et que le bassin d’emploi de deux mille personnes attirait des habitants de notre territoire. Mais de plus, c’est la démarche de l’historien qui nous agrée. Expliquons-nous. Armand Launay rappelle la tradition artisanale de la ville avec ses cordonniers fabricants de chaussons. Puis il décrit l’évolution de l’industrie dont les usines sont équipées de machines à transformer le cuir, grâce aux moteurs mus par la vapeur puis par l’électricité. Il décrit la technologie de la fabrication des chaussons à lisière et des chaussures. Un portrait des patrons des grandes familles (Ouin, Prieur, Morel, Nion, Labelle, et autres) est tracé. L’auteur souligne par des faits, par des dates, l’importance de la commercialisation et de la distribution face aux concurrences nationales et étrangères. Enfin, près de la moitié de l’ouvrage est consacrée à la vie quotidienne des ouvriers et des ouvrières. L’auteur souligne la lente et difficile législation du travail ; le travail des enfants, le travail des femmes doublé des tâches familiales en rentrant à la maison. Armand Launay traite sur plusieurs pages (34 à 39) des grèves, de la répression subie par les militants de la CGT et livre (brièvement dans le cadre de cet ouvrage) la biographie d’un André Benet, d’un Robert Redon ou d’un Charles Michels (qui sera fusillé à Châteaubriant le même jour que Guy Môquet). Les dernières pages du livre sont consacrées au patrimoine industriel et architectural, avec un parallèle qui se passe de commentaires (grâce à une mise en pages éclairante) sur les demeures patronales et les logements ouvriers. Bref, partant de l’économie et des techniques, l’auteur a toujours en mémoire les hommes qui les ont faites, leurs différences de revenu et leurs rapports sociaux. Michel Croguennec, à propos des chantiers de Normandie, avait adopté la même démarche. Elle est trop rare chez certains historiens de l’industrie pour ne pas la signaler et l’apprécier.
Par Pierre Largesse, historien
(*) Dont 3 euros reversés au Centre communal d’action sociale de la ville.
Armand Launay
Pont-de-l'Arche ma ville