Roland Levillain est né en juin 1912 à Saint-Martin-de-Boscherville et décédé le 21 février 2014. Il est le dernier maire de droite de Pont-de-l’Arche (1959-1977) et partage avec Jean-Charles Ducôté (maire de 1827 à 1845) le record de longévité aux commandes de la commune : 18 ans. Il était exploitant de scierie et de carrière au Bon-air [1] ce qui lui permit d’acheter de nombreux terrains, notamment ceux de La Pommeraie. Sa scierie a contribué à la construction du pont provisoire en bois (1941-1944) et fut, pour ces raisons, bombardée par l’aviation Alliée (3 juin 1944) [2].
L’élu municipal et l’adjoint d’Alix Duchemin
La lecture des archives montre l’implication politique de Roland Levillain dès les années 1950 où le PCF avait repoussé la gauche radicale-socialiste archépontaine au côté du centre droit. Ainsi, en 1953, Roland Levillain fut candidat sur une liste rassemblant des radicaux-socialistes et des personnalités de droite. Face à elle, la liste PCF et la liste divers droite de Charles Morel qui remporta le scrutin et fit élire Didier Simon. Le décès brutal de Didier Simon déclencha un nouveau scrutin. En 1954, la liste radicale-socialiste sortit des urnes ex-aequo avec celle de Charles Morel. Les conseillers municipaux firent élire – d’un fil et au bénéfice de l’âge – le radical-socialiste Alix Duchemin. Roland Levillain, marqué à droite, fut désigné adjoint, fonction qu’il assuma de 1954 à 1959.
Roland Levillain posant dans son bureau de maire pour le premier bulletin municipal : Pont-de-l'Arche : revue cantonale (1965) (photo Lefer).
Le maire trois fois réélu
Roland Levillain bénéficia d’un contexte politique favorable. En 1959, les radicaux-socialistes, sans meneur, perdirent les élections face à la droite et disparurent du devant de la scène politique communale. Roland Levillain devint maire en 1959. Il en fut de même aux élections de 1965 où le PCF, pourtant bien implanté, ne réunit pas assez de voix face à la droite et à une partie de l’électorat de gauche non rassurée par le communisme et l’URSS. Roland Levillain profita de la division de la gauche en 1971 où la gauche socialiste et radicale émergea à côté du PCF, avant de s’écraser faute de meneur compétent. Les victoires de Roland Levillain furent en partie dues à la division de la gauche et à l’effondrement de la gauche républicaine, elles furent aussi le fruit du bilan de ce maire dont on peut lire le maintient de l’électorat, malgré une légère érosion, au fil des scrutins. Roland Levillain fit donc trois mandats, avec des listes constituées autour de commerçants et de personnes – même de gauche – investies dans la vie publique. Proche de son électorat, c’est lui qui instaura la plage horaire du mardi soir pour les permanences du maire. Il fut le dernier maire à avoir été traité solennellement en notable avec, par exemple, le garde champêtre annonçant l’entrée dans la salle de « Monsieur le Maire » au début des séances du Conseil municipal.
L’action municipale
Les mandats de Roland Levillain révélèrent l’entrepreneur, pour ne pas dire l’homme d’affaires. Des projets urbains extramuros ont émergé dans notre ville depuis les années 1930 (groupe scolaire) et plus encore depuis les années 1950 (salle des fêtes, pont, HLM de l’Anneau des Rosiers et des Lupins 1…) et la croissance qui a suivi la Libération. Roland Levillain poursuivit cet élan et devint, grâce à ses trois mandats, le maire au plus riche bilan quant à la création d’équipements municipaux et de lotissements privés.
Ainsi, Roland Levillain et son équipe firent agrandir le groupe scolaire de deux classes (1962). Ils furent à l’origine de la piscine communale (1967 – démolie en 1996), du stade Jacques-Havet (1964), des terrains de tennis (1964 et 1971) et du premier local technique (vers 1970) à côté des services de la Direction départementale de l’équipement (actuellement Le Mutant). Ce local sert aujourd’hui au Comité des fêtes. Vaste opération, c’est sous un mandat de Roland Levillain que la Ville de Pont-de-l’Arche construisit les locaux du collège de Pont-de-l’Arche (1967). Il fit aussi construire la gendarmerie (1970) où l’équipe de Richard Jacquet fit installer le Tremplin (2009). C’est Roland Levillain qui fit transférer la mairie du bailliage à l’hôtel Alexandre-Delafleurière (1968) où elle se trouve de nos jours. Il privatisa le bailliage avant que ce joyau du patrimoine historique ne fût racheté par l’équipe de Paulette Lecureux (1998). Il fit aménager la cave de l’ancienne école de garçons (1976) afin d’y tenir des manifestations culturelles. Un nom fut alors forgé : la Salle d’Armes. Il fit restaurer deux vitraux (1972) et entretint l’église Notre-Dame-des-arts. Il fit aménager la place Aristide-Briand (1959) et lança la création des deux blocs sanitaires au groupe scolaire (1977) et programma la dalle devant accueillir le Mil-club attribué à la Ville par la Direction départementale de la jeunesse, des sports et des loisirs (1977). La place jouxtant la salle des fêtes fut baptisée place du Huit-mai 1945. Roland Levillain fit aussi publier le premier bulletin d’information municipale (1965) : « Pont-de-l’Arche : revue cantonale ». C'est durant un mandat de Roland Levillain que l'hôpital local lança une première tranche de réhabilitation (1976).
Réalisations privées
Du côté des réalisations privées, on compte le lotissement de la Forêt (1962), l’impasse du Soleil-rouge (1963), le clos de Bonport (vers 1966), la rue Jean-de-la-Varende (1971), l’impasse de la Vallée (1972), le lotissement l’Orée-du-bois (1972), l’impasse du Bon-air (1975). C’est durant le premier mandat de Roland Levillain que l’union commerciale créa le camping Eure et Seine (1960) et que le Temple protestant évangélique fut érigé (1964). Durant un autre mandat, l’Association archipontaine des équipes féminines créa la maison de retraite Les Pins avec l’aide de la Ville (vers 1970).
Le social en berne
Le social et la création de services publics sont un point faible des mandats de Roland Levillain. De nouveaux équipements furent créés, de nouvelles sociétés se constituèrent comme l’Association jeunesse et loisirs, des cours de danse furent instigués par Louise Bornstein dans une classe préfabriquée précédant le gymnase du collège… Cependant, il semble que Roland Levillain n’ait pas suffisamment accompagné l’évolution des modes de vie en matière de sports, mais surtout de loisirs et d’éducation. C’est ce que démontre l’élection de Roger Leroux et son équipe, en 1977, et surtout leurs réalisations et leur réélection en 1983.
Une seule résidence HLM a été inaugurée (1963) : Les Lupins 2 (l’immeuble jouxtant la rue du Bon-air). Il se peut qu’elle ait été lancée par l’équipe d’Alix Duchemin en même temps que Les Lupins 1 (1958). Après 1972, les constructions privées se raréfièrent ce qui fit baisser la population. Entre les recensements de 1975 et 1982 la villa passa de 2 883 à 2 456 habitants. Après une augmentation, cette baisse de la population semble traduire un essoufflement de la politique de Roland Levillain.
La brèche de l'immobilier
Roland Levillain, propriétaire de nombreuses terres, devint promoteur immobilier. Des projets émergèrent à La Pommeraie qui choquèrent une partie de la population et l’opposition de gauche, non élue : en tant que maire, il autorisa des permis de construire qui le concernaient [3]. Ceci n’était pas nouveau, le premier bulletin municipal (1965) mit en évidence une publicité (deuxième page de couverture) pour la Société civile immobilière « Bon air » qui prévoyait des logements accessibles à la propriété en lieu et place de la scierie Levillain. Ces projets choquèrent doublement en l’absence de projets de logements HLM.
Finances
Côté finances, Roland Levillain laissa un budget sain qui permit à la nouvelle équipe élue en 1977 de réaliser de nombreux équipements et de créer de nouveaux services publics dès le début du mandat.
Sources
Registres des délibérations du Conseil municipal
Pont-de-l’Arche : revue cantonale
Le Trait d’union
A lire aussi…
Notes
[1] peut-être à la suite de Robert Stref.
[2] archives de l’Eure : fonds FFI 97.
[3] Le Trait d'union n° 11, juillet 1979.
Armand Launay
Pont-de-l'Arche ma ville