Publié dans Pont-de-l'Arche magazine n° 17 en hommage à Simone Sauteur.
Par ailleurs, Au coeur du Vièvre, mémoires de Simone Sauteur sur le maquis Surcouf
Simone Sauteur en 2009 (photo André Roques)
Simone Sauteur est née le 19 juin 1921 à La Vieille Lyre (Eure) et décédée le 26 mai 2012. Elle était amie de Robert Leblanc, futur chef du maquis Surcouf. Elle qui voulait s’engager dans la Résistance suivit les conseils de son ami et demanda une affectation à La Haye-de-Routot en tant qu’institutrice et, en ce temps, secrétaire de mairie. A 19 ans, elle qui venait de sortir de l’école normale d’instituteurs, avait pour mission de fabriquer de faux-papiers et d’envoyer des messages radiotélégraphiés pour renseigner le maquis.
Le réseau Surcouf fut fondé à Saint-Georges-du-Vièvre en 1942 par Robert Leblanc dit « Parrain » (1910-1956), épicier, le Père Meulant, curé, et Robert Sanson, charpentier. Ces hommes commencèrent par cacher des réfractaires au Service du travail obligatoire puis composèrent un maquis. Comme le disait Simone Sauteur : « A 19 ans, on voulait faucher les armes aux Allemands et qu’ils rentrent chez eux. C’était tout simple dans nos jeunes esprits ». À partir de septembre 1943, les résistants de Surcouf réalisèrent leurs premiers sabotages. Ce réseau prit de l’ampleur et devint le plus actif de la Normandie. Il œuvrait dans un triangle entre Pont-Audemer, Bernay et Rouen. Ils abattirent notamment Violette Morris, célèbre collaboratrice de la Gestapo. À l’été 1944, de 80 à 250 hommes composaient ce maquis qui déplora beaucoup de morts dans ses rangs. Surcouf forma le cœur du Premier bataillon de marche de Normandie, le 8 octobre 1944, pour combattre l’ennemi jusqu’au cœur du Reich. Dans un discours le 15 avril 1956, le général de Gaulle salua la mémoire du maquis Surcouf, « fer de lance de la Résistance normande ».
Simone Sauteur joua un rôle dans la fabrication de faux papiers, dans la transcription de textes des messages. Elle effectua de nombreuses liaisons (voir le témoignage ci-dessous) et risqua sa vie longtemps. Alertée par des Gendarmes de Rouen, elle dut notamment quitter La-Haye-de-Routot en 1944 suite à l’arrestation de trois résistants par des miliciens français. Elle se réfugia alors dans la région de Pont-Audemer, la région du maquis Surcouf. Elle servit de secrétaire à Robert Leblanc et parcourut des centaines de kilomètres à vélo en tant qu’agent de liaison. C’est ici qu’elle prit le pseudonyme de « Puce » afin de masquer son identité à l’occupant.
Le témoignage qui suit a été enregistré le 17 avril 2004 lors d’un entretien de Simone Sauteur avec Armand Launay à propos d’André Antoine (1920-1944), figure de la Résistance locale – et martyr – dont le nom a été donné à la rue de l’église en 1945.
« C’est le 10 janvier 1944, Parrain [1] m’envoie en mission de liaison à la gare de Rouen avec Robert Catalan [2]. Je dois réceptionner un coli des mains d’un monsieur, je n’imaginais alors pas que c’était André Antoine et je m’en moquais bien car l’anonymat le plus complet était la norme dans la Résistance. Toujours est-il que cet homme venait de Paris pour nous apporter quelque chose. Je me revois sur le quai de la gare, seule – Robert Catalan étant resté en retrait – m’avancer vers cet inconnu qui me remet, à l’arrière du train, un coli très lourd en me disant : « on vous expliquera comment s’en servir ». J’étais morte de trouille.
Puis nous nous sommes rendus avec Robert dans un bar, au boulevard des Belges, tenu par une dame qui était avec nous [3]. C’est là que Robert a déballé le pain de plastic, les fils... Il m’a montré comment on branchait tout cela afin que je l’explique à mon tour aux gars de Pont-Audemer.
Mais il fallait encore je rentre à Pont-Audemer en car. En ce temps, c’était les Allemands qui montaient les premiers dans les cars. Quand je monte dans le car avec mon imposant coli, un soldat allemand me fait signe de m’aider à le mettre dans les porte-bagages. Alors je lui fais signe, plutôt, de m’ouvrir un strapontin. On a fait toute la route côte à côte et je me suis préparée pour sortir très rapidement du car une fois arrivée à Pont-Audemer. De là, j’ai récupéré mon vélo, mis le coli sur le porte-bagages et j’ai rejoint le maquis à Saint-Etienne-l’Allier. »
Ce témoignage n’étonnera pas ceux qui ont connu Simone Sauteur, son énergie, sa rigueur et sa haute opinion de la France. Il pourra étonner ceux qui ont retenu de Simone sa douceur et sa générosité. Cependant, malgré les atrocités qu’elle a connues, elle n’a jamais eu de haine pour l’ancien ennemi. Profondément catholique, elle aimait son prochain. De cet amour, il nous reste ses écrits et le souvenir de la silhouette menue de Simone, au bout de l’impasse des Avettes où s’épanouissaient les chats et les fleurs qui comptaient tant pour elle et ceux qui l’aiment...
Réalisé avec l’aide de Pierre Lercier, maire de La Haye-de-Routot,
qui fut élève de Simone Sauteur.
Notes
[1] Pseudonyme de Robert Leblanc, chef du réseau Surcouf.
[2] Résistant envoyé par Londres.
[3] Dans la Résistance.
A lire aussi...
En ma douce Eure, ouvrage édité par Simone Sauteur en 1983. Il y est question de résistance dans le Vièvre, de Robert Leblanc et de Madame De-Lattre-de-Tassigny. Document numérisé par Alain Corblin.
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