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1 septembre 2017 5 01 /09 /septembre /2017 14:27
Cliché d'Armand Launay (octobre 2010)

Cliché d'Armand Launay (octobre 2010)

La Côte des deux amants est un lieu notable de la vallée de la Seine, dressée entre les vallées de l'Andelle et de la Seine, près de Pont-de-l'Arche. Son nom est aussi notable et l'on répète, à l'envi, qu'il est issu d'une légende impliquant deux amoureux. 

Cette légende fut couchée sur le papier, vers 1155, par Marie de France. Active entre 1155 et 1210, Marie est considérée comme la première poétesse de langue française... ou presque puisqu'elle s'exprimait en normand, une langue proche du français de Paris. Parmi ses écrits, cette contemporaine de Chrétien de Troyes et de l'amour courtois rédigea le lai des deux amants. Nous en reproduisons le texte original dans la colonne de gauche. Cette légende dépeint les efforts d’un noble prétendant au mariage d’une princesse. Mais le père de celle-ci, roi de Pîtres, ne veut marier sa fille qu’à l’homme capable de la porter dans ses bras ‒ et en courant ‒ au sommet de la côte. Le prétendant veut relever ce fou défi. La princesse lui recommande de chercher un philtre qui l’aidera. Le prétendant cherche ledit philtre à Salerne, en Italie, et revient à Pîtres. Il parvient à porter la princesse au sommet de la côte et ce en se passant du philtre ; ceci le condamne à mourir de fatigue. La princesse en meurt de douleur peu après. 

On gagnera à lire la traduction complète de cette légende par Jean-Baptiste-Bonaventure de Roquefort-Flaméricourt. Datée de 1820, elle est lisible sur Wikisource. Quant à l'origine du nom et les différentes thèses défendues, un article détaillé est accessible sur ce blog en cliquant ici. Idem concernant le prieuré deuxamantin en cliquant ici. Idem encore à propos du lai de Marie de France et son ancrage dans la réalité en cliquant ici.

Ci-dessous, dans la colonne de droite du tableau nous nous sommes plu à imaginer une issue heureuse à la légende... De plus, nous y défendons une autre étymologie : celle de côte des deux amonts. En effet, dans le langage des mariniers les amonts désignaient les voies remontant le courant. C'est ce qu'immortalisa en 1877 Lucien Barbe en publiant son court mais instructif Dictionnaire du patois normand en usage à Louviers et dans les alentours. En page 8, Lucien Barbe nous enseigne que les mariniers disaient qu'ils "allaient amont" pour remonter le courant de la Seine et des rivières. Au confluent de la Seine et de l'Andelle, où se lisent clairement les deux vallées, nous supposons que les mariniers devaient parler de "deux amonts" qui se séparent. Or, en ce lieu se trouve la très notable falaise qui fait le lien entre les deux vallées. C'est sûrement ce qui explique le nom de "Côte des deux amonts" tant est rare une côte si bien dessinée entre deux vallées du bassin de la Seine.

Bonne lecture !

 

Extrait de Les lais de Marie de France

(écrit vers 1155)

 

Les Deus Amanz

1 jadis avint en Normendie
2 une aventure mut oïe
3 de deus enfanz que s'entr'amerent ;
4 par amur ambedeus finerent.
5 un lai en firent li Bretun :
6 de Deus amanz recuilt le nun.
7 verité est kë en Neustrie,
8 que nus apelum Normendie,
9 ad un haut munt merveilles grant :
10 la sus gisent li dui enfant.
11 pres de cel munt a une part
12 par grant cunseil e par esgart
13 une cité fist faire uns reis
14 quë esteit sire de Pistreis ;
15 des Pistreins la fist [il] numer
16 e Pistre la fist apeler.
17 tuz jurs ad puis duré li nuns ;
18 uncore i ad vile e maisuns.
19 nuns savum bien de la contree,
20 li vals de Pistrë est nomee.
21 li reis ot une fille bele
22 [e] mut curteise dameisele.
23 cunfortez fu par la meschine,
24 puis que perdue ot la reïne.
25 plusurs a mal li aturnerent,
26 li suen meïsme le blamerent.
27 quant il oï que hum en parla,
28 mut fu dolent, mut li pesa ;
29 cumença sei a purpenser
30 cument s'en purrat delivrer
31 que nul sa fille ne quesist.
32 [e] luinz e pres manda e dist :
33 ki sa fille vodreit aveir,
34 une chose seüst de veir :
35 sortit esteit e destiné,
36 desur le munt fors la cité
37 entre ses braz la portereit,
38 si que ne se reposereit.
39 quant la nuvelë est seüe
40 e par la cuntree espandue,
41 asez plusurs s'i asaierent,
42 que nule rien n'i espleiterent.
43 teus [i ot] que tant s'esforçouent
44 quë en mi le munt la portoënt ;
45 ne poeient avant aler,
46 iloec l'esteut laissier ester.
47 lung tens remist cele a doner,
48 que nul ne la volt demander.
49 al païs ot un damisel,
50 iz a un cunte, gent e bel ;
51 de bien faire pur aveir pris
52 sur tuz autres s'est entremis.
53 en la curt le rei conversot,
54 asez sovent i surjurnot;
55 [e] la fillë al rei ama,
56 e meintefeiz l'areisuna
57 que ele s'amur li otriast
58 e par drüerie l'amast.
59 pur ceo ke pruz fu e curteis
60 e que mut le presot li reis,

Calixe et Edmond, les deux amants

(notre version de 2017)

 

 

 

Il advint jadis en Normandie

Une aventure moult ouïe

De deux amants qui s’entraimèrent

Et suscitèrent grand mystère

 

Un lai en firent les Normands

Qui aiment à voir l’avenir riant

Où ceux qui s’aiment se marient

Dans quelque chapelle de Neustrie

 

Lors donc à Pîtres et sa vallée

Reposaient de gentils foyers

Autour d’un roi et son palais

Où jadis Charles II résidait

 

Ce roi marchait entre ombre et lumière

Ombre d’avoir sa femme perdue

Lumière d’avoir gente fille reçue

Et dont jalousement était fier

 

Le roi Rulph résidait dans sa villae

Qu’alors Rouville se nommait

À une lieue seulement du confluent

Où Seine et Andelle s’en vont mêlant  

 

Près de Pîtres dans les parages

Est un mont saint Michel d’herbages

Mont merveilleux église de lierres

Par devant le Vexin tel un océan vert

 

Or un jour de radieux été

La fille du roi s’était risquée

Dans les longs bois de la contrée

Bien que rôdait le sanglier

 

C’est par malheur si la bête

Se mit à chasser la belle

Qui fort cria et pria le ciel

Qu’ici sa vie ne s’arrête

 

Edmond entendant la voix

Laissa parler son cœur

Oublia l’idée même de peur

Et courut avec épée et pavois

 

Dès qu’il vit le sanglier

Il engagea la rixe

Et d’un coup bien placé

Libéra de l’effroi Calixe

 

Quand Edmond vit la belle

Il lui sembla que la lumière

Avait été créée pour elle

Elle la noble héritière

 

Cliché d'Armand Launay (sous les ors d'octobre 2010, chemin faisant vers le mont).

Cliché d'Armand Launay (sous les ors d'octobre 2010, chemin faisant vers le mont).

61 [li otria sa drüerie,
62 e cil humblement l'en mercie.]
63 ensemble parlerent sovent
64 e s'entr'amerent lëaument
65 e celerent a lur poeir,
66 que hum nes puïst aparceveir.
67 la suffrance mut lur greva;
68 mes li vallez se purpensa
69 que meuz en volt les maus suffrir
70 que trop haster e dunc faillir.
71 mut fu pur li amer destreiz.
72 puis avient si que a une feiz
73 que a s'amie vient li danzeus,
74 que tant est sages, pruz e beus ;
75 sa pleinte li mustrat e dist :
76 anguissusement li requist
77 que s'en alast ensemble of lui,
78 ne poeit mes suffrir l'enui ;
79 s'a sun pere la demandot,
80 il saveit bien que tant l'amot
81 que pas ne li vodreit doner,
82 si il ne la poïst porter
83 entre ses braz en sum le munt.
84 la damisele li respunt :
85 « amis » fait ele, « jeo sai bien,
86 ne m'i porterïez pur rien :
87 n'estes mie si vertuus.
88 si jo m'en vois ensemble od vus,
89 mis pere avreit e doel e ire,
90 ne vivreit mie sanz martire,
91 certes, tant l'eim e si l'ai chier,
92 jeo nel vodreie curucier.
93 autre cunseil vus estuet prendre,
94 kar cest ne voil jeo pas entendre.
95 en Salerne ai une parente,
96 riche femme, mut ad grant rente ;
97 plus de trente anz i ad esté.
98 l'art de phisike ad tant usé
99 que mut est saives de mescines :
100 tant cunust herbes e racines,
101 si vus a li volez aler
102 e mes lettres od vus porter
103 e mustrer li vostre aventure,
104 ele en prendra cunseil e cure ;
105 teus lettuaires vus durat
106 e teus beivres vus baillerat
107 que tut vus recunforterunt
108 e bone vertu vus dufrunt.
109 quant en cest païs revendrez,
110 a mun pere me requerez ;
111 il vus en tendrat pur enfant,
112 si vus dirat le cuvenant
113 que a nul humme ne me durrat,
114 ja cele peine n'i mettrat,
115 s'al munt ne me peüst porter
116 entre ses braz sanz resposer. »
117 li vallez oï la movele
118 e le cunseil a la pucele ;
119 mut en fu liez, si l'en mercie ;

Le cœur de Calixe bel écrin

Portait désormais en lui

La promesse de beaux lendemains

Sous les auspices de la courtoisie

 

Edmond était force et pureté

Bras puissants esprit jugeant

Edmond était loyauté

Et ferait bon amant

 

Calixe rêvait beaucoup

Mais pleurait itou

Car son père le roi

D’Edmond ne voudroit

 

C’est ce qu’il advint avant midi

Où le roi remercia Edmond

Mais lui demanda d’être vite parti

Avant qu’il voue son âme au démon

 

Sentant le danger venir

Le roi décida qu’il était temps

Désormais de sa fille unir

Avec jeune homme de bon rang

 

Le roi voulant sa fille marier

À un noble et fort chevalier

Voulut offrir la main d’icelle

À un homme béni du ciel

 

Ce preux chevalier saura

Porter dans ses bras

Sa fille enfant de Junon

Jusqu’en haut du mont

 

On fit alors porter la nouvelle

Auprès de la noblesse normande

Elle fit grand bruit tant était grande

La beauté éclatante de la pucelle

 

Le roi de Pîtres avait tranché

Et grand concours organisé

Où nobles personnes étaient en nombre

Mais pas une à Edmond ne fit ombre

 

Les chevaliers du concours

Devaient porter Calixe la belle

Dans leurs bras lourds

Au sommet du mont d'Andelle

 

Tous les chevaliers échouèrent

Et d'une voix Edmond fut invité

À porter Calixe et tout fier

Il courut vers l’escalier de liberté

 

Le courage la sincérité

Lui faisaient lever le regard

Cependant la côte arrivée

Il commença à devenir hagard

 

 

 

Cliché d'Armand Launay (sous les ors d'octobre 2010).

Cliché d'Armand Launay (sous les ors d'octobre 2010).

120 cungé demandë a s'amie,
121 en sa cuntree en est alez.
122 hastivement s'est aturnez
123 de riche[s] dras e de deniers,
124 de palefreiz e de sumers ;
125 de ses hummes les plus privez
126 al li danzeus of sei menez.
127 a Salerne vait surjurner,
128 a l'aunte s'amie parler.
129 de sa part li dunat un brief.
130 quant el l'ot lit de chief en chief,
131 ensemble od li l'a retenu
132 tant que sun estre ad tut seü.
133 par mescines l'ad esforcié,
134 un tel beivre li ad baillié,
135 ja ne serat tant travaillez
136 ne si ateint ne si chargiez,
137 ne li resfreschist tut le cors,
138 neïs les vaines ne les os,
139 e qu'il nen ait tute vertu,
140 si tost cum il l'avra beü.
141 puis le remeine en sun païs.
142 le beivre ad en un vessel mis.
143 li damiseus, joius e liez,
144 quant ariere fu repeiriez,
145 ne surjurnat pas en la tere.
146 al rei alat sa fille quere,
147 qu'il li donast, il la prendreit,
148 en sum le munt la portereit.
149 li reis ne l'en escundist mie ;
150 mes mut le tint a grant folie,
151 pur ceo qu'il iert de jeofne eage :
152 tant produm[e] vaillant e sage
153 unt asaié icel afaire
154 ki n'en purent a nul chef traire.
155 terme li ad numé e pris,
156 ses humme[s] mande e ses amis
157 e tuz ceus k'il poeit aveir:
158 n'en i laissa nul remaneir.
159 pur sa fille [e] pur le vallet,
160 ki en avwnture se met
161 de li porter en sum le munt,
162 de tutes parz venuz i sunt.
163 la dameisele s'aturna :
164 mut se destreint, mut jeüna
165 a sun manger pur alegier,
166 que a sun ami voleit aidier.
167 al jur quant tuz furent venu,
168 li damisels primer i fu ;
169 sun beivre n'i ublia mie.
170 devers Seigne en la praerie
171 en la grant gent tut asemblee
172 li reis ad sa fille menee.
173 n'ot drap vestu fors la chemise ;
174 entre ses braz l'aveit cil prise.
175 la fiolete od tut sun beivre
176 bien seit que el nel vout pas deceivre
177 en sa mein [a] porter li baille ;
178 mes jo creim que poi [ne] li vaille,
179 kar n'ot en lui point de mesure.
180 od li s'en veit grant aleüre,

Calixe voyant Edmond perdre haleine

Parla pour lui et d’un même souffle

Décidèrent quelle esbrouffe

De partir loin de ce jeu né de la haine

 

Or le temps passant au palais

Le roi songea à Jésus

Et Ponce Pilate se crut

Lui qui grand tort causait

 

Il se dit que ce mont

Serait bien celui du Golgotha

Où le sang du Christ coula

Et bientôt la vie d’Edmond

 

Pris de remords il se rappela

Le pieux devoir d’aimer

Que Christ enseigna et montra

Alors que lui l’avait oublié

 

Comment ce grand roi

Ce père jusqu’alors ignorait

Que Calixe et ses émois

Interdisaient à son âme toute paix

 

Le vieil homme découronné

De ses habituels airs nobles

Courut dans la contrée

Chercher sa fille qui se dérobe

 

Avant mi-pente disparurent

Dans des bosquets vils

Et d’aucuns assurent

Qu’ils gagnèrent Amfreville

 

C’est ce que dit un manant

Au roi bien essoufflé

À Amfreville sous les amants

Où souffle un vent de gaieté

 

Le roi refusant sa défaite

Courut par monts et par vaux

Soulevant même les violettes

Mais oncques ne vit les tourtereaux

 

Le roi avoua ses péchés

Par rudesse sa fille il attriste

Pour espérer son âme sauver

Il fonda un monastère pour Christ

 

 

 

Clichés d'Armand Launay (sous les ors d'octobre 2010).
Clichés d'Armand Launay (sous les ors d'octobre 2010).

Clichés d'Armand Launay (sous les ors d'octobre 2010).

181 le munt munta de si qu'en mi.
182 pur la joie qu'il ot de li
183 de sun beivre ne li membra.
184 ele senti qu'il alassa.
185 « amis » fet ele, « kar bevez !
186 jeo sai bien que vus [a]lassez :
187 si recuvrez vostre vertu ! »
188 li damisel ad respundu :
189 « bele, jo sent tut fort mun quer :
190 ne m'arestereie a nul fuer
191 si lungement que jeo buësse,
192 pur quei treis pas aler peüsse.
193 ceste gent nus escrïereient,
194 de lur noise m'esturdireient ;
195 tost me purreient desturber.
196 jo ne voil pas ci arester. »
197 quant les deus parz fu munté sus,
198 pur un petit qu'il ne chiet jus.
199 sovent li prie la meschine :
200 «ami, bevez vostre mescine ! »
201 ja ne la volt oïr ne creire ;
202 a grant anguisse od tut l[i] eire.
203 sur le munt vint, tant se greva,
204 ileoc cheï, puis ne leva ;
205 li quors del ventre s'en parti.
206 la pucele vit sun ami,
207 quida k'il fust en paumeisuns ;
208 lez lui se met en genuilluns,
209 sun beivre li voleit doner ;
210 mes il ne pout od li parler.
211 issi murut cum jeo vus di.
212 ele le pleint a mut haut cri ;
213 puis ad geté e espaundu
214 li veissel u le beivre fu.
215 li muns en fu bien arusez,
216 mut en ad esté amendez
217 tut le païs e la cuntree :
218 meinte bone herbe i unt trovee,
219 ki del beivrë orent racine.
220 or vus dirai de la meschine :
221 puis que sun ami ot perdu,
222 unkes si dolente ne fu ;
223 lez lui se cuchë e estent,
224 entre ses braz l'estreint e prent,
225 suvent li baisë oilz e buche ;
226 li dols de lui al quor la tuche.
227 ilec murut la dameisele,
228 que tant est pruz e sage e bele.
229 li reis e cil kis atendeient,
230 quant unt veü qu'il ne veneient,
231 vunt aprés eus, sis unt trovez.
232 li reis chiet a tere paumez.
233 quant pot parler, grant dol demeine,
234 e si firent la gent foreine.
235 treis jurs les unt tenu sur tere.
236 sarcu de marbre firent quere,
237 les deus enfanz unt mis dedenz.
238 par le cunseil de cele genz
239 [de] sur le munt les enfuïrent,
240 e puis atant se departirent.
241 pur l'aventure des enfaunz
242 ad nun li munz des Deus amanz.
243 issi avint cum dit vus ai ;
244 li Bretun en firent un lai.

C’est ainsi que sur le mont

Fut bâti un oratoire

Le roi y écoutant moult sermons

Le voulut comme expiatoire

 

Un matin touché par un rayon

Qui d’un vitrail venait

Le roi entendit raison

Et du bonheur de sa fille rêvait

 

Les larmes lui coulèrent

Limpides et vives comme la Seine

Des ris de joie l’illuminèrent

Car sa petite était sauve et saine

 

L’on dit que les amants s’aimèrent

Ainsi que font Seine et Andelle

Et se promirent fidélité sur l’autel

Pardonnant un jour au pauvre père

 

L’on dit que depuis ce mont

Tient son nom des amants

Ou bien des deux amonts

Des rivières ici se mariant

 

L’on dit depuis ce temps

Que les coteaux sont fleuris

De jolies violettes de Rouen

Nées des pas de Calixe oui

 

Les fleurs parlent beau langage

Avec leurs haleines parfumées

Leurs couleurs de tous les étés

Et les violettes sont bien sages

 

Cachées sous leurs feuilles on les dit

Timides, modestes et elles signifient

Le bonheur champêtre, la fidélité

Autant que pudeur et amour secret

 

Il suffit que les pétales d’endroit varient

Et on les nomme violettes ou pensées

Cette pensée va droit aux anges

Non ceux du ciel mais ceux de nos vies

 

L’on dit enfin que Calixe et Edmond

Eurent de bien beaux enfants

Autant que violettes sur le mont

Et qu’ils revinrent auprès du roi l’aimant  

 

Composé en l’an deux 1017

 

Clichés d'Armand Launay (sous les ors d'octobre 2010).
Clichés d'Armand Launay (sous les ors d'octobre 2010).

Clichés d'Armand Launay (sous les ors d'octobre 2010).

Armand Launay

Pont-de-l'Arche ma ville

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20 septembre 2016 2 20 /09 /septembre /2016 11:50

La résidence Les Pins est une maison de retraite située à Pont-de-l’Arche, au bord de la route de Tostes (19, rue Roger-Bonnet). Elle comprend 53 chambres et des espaces communs. Elle a été, cette année, au centre de débats ayant abouti à la municipalisation de sa gestion.

 

La salle commune de la résidence des Pins vue depuis la cour durant les travaux vers 1969 (archives municipales).

La salle commune de la résidence des Pins vue depuis la cour durant les travaux vers 1969 (archives municipales).

 

Un projet de la municipalité de Roland Levillain

Roland Levillain est un maire divers-droite qui a réalisé trois mandats de maire à Pont-de-l’Arche. C’est à la fin de son premier mandat que le projet de maison de retraite entama sa concrétisation.

Ainsi, lors du conseil municipal du 2 décembre 1964 Roland Levillain prit la parole : “Notre réunion d'aujourd'hui sera certainement mes chers amis la plus importante depuis que avons en mains la responsabilité des destinées de notre ville. Elle va je pense apporter à ceux qui nous sont chers, un grand soulagement et une meilleure fin de vie !

Puis, à quelques mois des élections de 1965, le premier magistrat de la commune relate le bilan des années écoulées : le tout-à-l'égout, l’eau courante, la transformation du courant électrique, un contexte de plein emploi grâce à l’implantation de nouvelles usines et au commerce local, la construction scolaire, la construction du stade et “bientôt une splendide piscine que des villes les plus importantes nous envieront”.

“Avec le conseiller général, mes amis Serre et Coquais [adjoints], nous recherchons depuis des mois les terrains pour édifier une maison de retraite, afin de l'offrir non seulement aux anciens de notre ville mais aussi à ceux de notre canton afin de les accueillir à l'issue d'une vie laborieuse. Nous avons, et là je tiens à remercier notre conseiller général, constitué une association qui se nomme "Association archipontaine des équipes féminines" qui depuis bientôt deux mois multiplie les démarches pour arriver au résultat que nous cherchions…”

Le maire précise que l’association est présidée par Madame Labiche et constituée de plusieurs dames du canton, un ou deux membres du Conseil municipal. Il cite le précieux concours de la Caisse des dépôts et consignations, de la Caisse de vieillesse de Normandie, de la Caisse d'épargne de Louviers et, enfin, du Ministère de la santé publique.

Quant au terrain, il est question du concours de maitre Andrieu et de la compréhension de la famille Prieur, propriétaire, afin de finaliser prochainement un accord. La municipalité devra donc fournir un terrain “sans qu'il en coute un sou au contribuable”. La mairie se porte garante pour un emprunt de l'Association à hauteur de 168 900 francs.

 

 

Le nom et la mise en service : 1970

Quant au nom de résidence “Les Pins”, il apparait plus tard dans les archives. Il se trouve dans la droite lignée des nombreux noms d’espaces publics entérinés durant les mandats de Roland Levillain ‒ souvent sous le conseil de Lucien Siva, instituteur ‒ il évoque la nature et, plus précisément, la forêt de Bord et ses vastes pinèdes qui bordent la ville. Les premiers résidents prennent place à l’ombre des Pins durant l’année 1970.

 
La résidence Les Pins après la municipalisation de sa gestion. Pour l'oeil et pour l'heure, seul le visuel au-dessus de la porte d'entrée a été modifié (cliché Armand Launay, juillet 2016).
La résidence Les Pins après la municipalisation de sa gestion. Pour l'oeil et pour l'heure, seul le visuel au-dessus de la porte d'entrée a été modifié (cliché Armand Launay, juillet 2016).
La résidence Les Pins après la municipalisation de sa gestion. Pour l'oeil et pour l'heure, seul le visuel au-dessus de la porte d'entrée a été modifié (cliché Armand Launay, juillet 2016).

La résidence Les Pins après la municipalisation de sa gestion. Pour l'oeil et pour l'heure, seul le visuel au-dessus de la porte d'entrée a été modifié (cliché Armand Launay, juillet 2016).

2016 : la Ville entre dans le bois

“Pont-de-l'Arche magazine” n° 34, de mars 2016, nous apprend que la Ville, par le biais du Centre communal d’action sociale (CCAS) a souhaité prendre en main la gestion de la résidence Les Pins. Il s'agit-là du début du second mandat du maire socialiste Richard Jacquet.

Pour ce faire, elle a proposé à Eure habitat, propriétaire de l'ensemble immobilier de la résidence Les Pins, de reprendre la gestion locative du Foyer résidence pour personnes âgées (FRPA) des Pins. Exit l’Association archipontaine des équipes féminines, alors présidée par Jeannine Lacombe.  

Quelle est la motivation des élus ? Le magazine précise qu’il s’agit de programmer des actions contre l'isolement et de créer des actions intergénérationnelles. Il semblerait que l’idée soit de les pérenniser et les étendre car ce type d’actions avait déjà été entreprise les années précédentes. Il s’agit aussi, selon les élus, de s'assurer que les logements soient toujours occupés et de programmer des “travaux d'adaptation nécessaires et obligatoires” (notamment pour les Personnes à mobilité réduite). Enfin, des “opérations plus lourdes” seraient à prévoir, palliant ainsi plus de 45 ans d’érosion et répondant aux besoins d’une population française vieillissante.

Armand Launay

Pont-de-l'Arche ma ville

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13 septembre 2016 2 13 /09 /septembre /2016 19:07
Extrait de photographie représentant Simone Sauteur vers ses 20 ans (avec nos remerciements à Alain Corblin).

Extrait de photographie représentant Simone Sauteur vers ses 20 ans (avec nos remerciements à Alain Corblin).

Edité cet été, Au cœur du Vièvre avec le maquis Surcouf est un ouvrage d’Alain Corblin qui publie, commente et annote les mémoires de Simone Sauteur, secrétaire du plus grand réseau de Résistance de l’Eure et aussi archépontaine regrettée depuis 2012. Hommage et émotion…

Avant tout, Simone Sauteur est chez nous une attachante personnalité arrivée à Pont-de-l’Arche afin d’y exercer son métier : institutrice puis professeure au collège. Ceux qui l’ont connue se rappellent sa vivacité, sa gentillesse et sa capacité à partager son indignation quand une injustice l’agaçait ! Une dame entière, en deux mots. On se rappelle aussi, au fond de l’impasse des Avettes, celle qui parlait à ses fleurs et ses chats avec un sourire angélique que jamais elle ne perdit. On se rappelle aussi son salon, ses livres, ses icônes chrétiennes reliés par les sauts quasi incessants de leur propriétaire. On se rappelle son attachement profond au monde de la culture, de la poésie qui la mena à saluer la mémoire d’Hyacinthe Langlois au point de contribuer, avec Anita Patin, à donner le nom de cet artiste archépontain au collège. Elle anima aussi l’association nommée Chemin Hyacinthe d’artistique aventure (le CHAA).

Ce que l’on savait moins, c’est que la menue silhouette de Simone Sauteur était celle d’une résistante du maquis Surcouf puis lieutenant de l’armée de libération, connue sous le nom de code “Puce”, en référence à sa taille mais aussi, sûrement, à son nom de famille. C’est cette action en faveur de la France républicaine qui fut déjà mise au jour et en valeur quand, en 2009, Richard Jacquet fit de Simone Sauteur une citoyenne d’honneur. Un article fut alors publié afin de faire connaitre la lumineuse action de notre résistante locale et de disputer ses mérites aux automnes de l’oubli.

Cet été, un nouveau souffle a soulevé les feuilles des automnes passés et rouvert le livre de notre histoire nationale à des pages datant de 1943 à 1944. Ce souffle provient d’Alain Corblin, secrétaire de la Société historique de Lisieux et archiviste passionné. Fils de Marceau Corblin, passé membre du maquis Surcouf, Alain Corblin avait déjà publié en 2014 le journal de Robert Leblanc, chef du maquis Surcouf.

Alain Corblin publie les notes de Simone Sauteur ; notes qu’elle a retravaillées après-guerre en vue d’une première publication fin 1956. Ce projet de publication fut controversée parmi les vétérans de la résistance et resta lettre morte. Les 526 pages (avec annexes) nées de longues recherches nous font pénétrer dans le quotidien du réseau de résistance : ses indignations, ses coups d’éclats (destructions, attaques armées, sauvetages de soldats alliés, assassinat de collaborateurs…), ses blessures inconsolables qu’elles soient physiques ou affectives (morts au combat, victimes des représailles allemandes, déportations), son organisation quotidienne sans laquelle rien n’eut été. On y lit la force de la jeunesse prête à se sacrifier pour un idéal indépassable : la liberté, qui prend forme dans un projet collectif appelé la France ! On y trouve André Antoine, résistant dampsois qui a été commémoré à Pont-de-l’Arche par une plaque dans la rue autrefois appelée rue de l’église.

Cette lecture est précieuse qui permet de mettre de la chair autour de dates ou de faits historiques trop théoriques car nous ne les avons pas vécus. Dans leur décor normand, et sous des traits qui pourraient parfaitement être ceux de membres de nos familles, le témoignage de Simone Sauteur permet de saisir l’histoire mieux que par le seul intellect mais aussi par l’attachement sentimental, ce qui est bien l’indicatif de la Simone que nous connaissions...

 

Préfaces de Jean Quellien, professeur d’histoire honoraire de l’université de Caen-Normandie, et de Richard Jacquet, maire de Pont-de-l’Arche.

 

Disponible sur commande (19 € + 5,6 € de port) :

02 31 64 21 80 – corblin.alain@neuf.fr

Société Historique de Lisieux : 1, rue Paul-Banaston, Tour Saint Laurent, 14100 Lisieux.

 

 

Armand Launay

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19 août 2016 5 19 /08 /août /2016 18:45
Quelques vues sur l'Eure en aout 2016, clin d'oeil à deux aimables sportifs
Quelques vues sur l'Eure en aout 2016, clin d'oeil à deux aimables sportifs
Quelques vues sur l'Eure en aout 2016, clin d'oeil à deux aimables sportifs
Quelques vues sur l'Eure en aout 2016, clin d'oeil à deux aimables sportifs
Quelques vues sur l'Eure en aout 2016, clin d'oeil à deux aimables sportifs
Quelques vues sur l'Eure en aout 2016, clin d'oeil à deux aimables sportifs

Armand Launay

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16 janvier 2016 6 16 /01 /janvier /2016 19:05
Carte postale des Amis de l'école laïque, association à vocation pédagogique et militante présidée par Emile Chary, militant radical-socialiste, avec la participation active du directeur de l'école des garçons, le militant socialiste SFIO Louis Guérin. Ici, près de 110 enfants de la section de gymnastique photographiés devant le mur de la ferme autrefois située au bout de la cour du groupe scolaire Maxime-Marchand (ferme remplacée par la résidence Lucie-et-Raymond-Aubrac).

Carte postale des Amis de l'école laïque, association à vocation pédagogique et militante présidée par Emile Chary, militant radical-socialiste, avec la participation active du directeur de l'école des garçons, le militant socialiste SFIO Louis Guérin. Ici, près de 110 enfants de la section de gymnastique photographiés devant le mur de la ferme autrefois située au bout de la cour du groupe scolaire Maxime-Marchand (ferme remplacée par la résidence Lucie-et-Raymond-Aubrac).

 

Avec nos remerciements à Loïc Lemarchand pour ses informations et la motivation insufflée.

 

 

Né au Havre en 1889, Louis Guérin devint directeur de l’école de Pont-de-l’Arche (qui était alors dans la salle Ambroise-Croizat, près de l’église) en 1930. Son arrivée fut saluée par le journal L’Industriel de Louviers. Dans son édition du 11 janvier 1930, il relata le remplacement de M. Hubert, directeur de l’école de garçons, par M. Guérin, précédemment instituteur à Bosc-Roger-en-Roumois. Louis Guérin retrouva donc Pont-de-l'Arche où il était instituteur au moins durant l'année 1912.

 

Voilà un enseignant qui fit polémique, durant le Front populaire, à cause de ses convictions socialistes avancées (il était membre de la SFIO et de tendance révolutionnaire). Louis Guérin a rejoint une association nommée les Amis de l’école laïque et animée par des militants radicaux-socialistes. Parmi les activités de cette association, il y avait la très populaire fête de la jeunesse, rassemblement annuel de défilés des enfants des écoles publiques.  

Louis Guérin se fit très vite mal voir du conseil municipal présidé par le maire conservateur Charles Morel. Ainsi la délibération du 12 juillet 1933 rapporta que le maire était invité à la fête de la jeunesse, dimanche 16 juillet, par M. Guérin, directeur de l’école. Le maire demanda ‒ pour la forme ‒ à ce que le Conseil municipal dans son entier fût invité, contrairement à ce qui fut fait à la fête de 1932. Le maire précisa ensuite au président des Amis de l’école laïque, Émile Chary, qu’il était loin d’être hostile envers l’école laïque (pour preuves la subvention à la caisse des écoles, au prix du 14-Juillet et l’aboutissement prochain du projet de création du groupe scolaire… Ainsi, Louis Guérin fut le premier directeur du groupe scolaire que nous connaissons de nos jours). Ceci pour préparer à une mise en garde : le Conseil municipal « Réprouve les agissements de certains qui, sous le couvert de la fête de la jeunesse, cherchent à faire une propagande de leur politique marxiste. » Les rad-soc, ça passe encore, les socialistes non ! S'il n'était pas nommé, Louis Guérin était clairement visé.

Cela ne refroidit nullement notre homme. Révolutionnaire, il est compté ‒ au moins pour l’année 1935-1936 ‒ parmi les précurseurs de la pédagogie de Célestin Freinet, pédagogie voulant placer la créativité de l’enfant au cœur de la construction des apprentissages. Autogestion, quand tu nous tiens…  

La même année, le Conseil municipal parvint à démontrer que Louis Guérin n’enseignait pas que la morale républicaine en classe mais diffusait ses idées socialistes. La délibération du 25 septembre 1935 relata que M. Guérin avait « violé la neutralité scolaire » en montrant une brochure intitulée « Les Faucons rouges ». Pour les élus conservateurs, c’était une documentation “socialiste à tendance communiste”, ce qui est vrai dans la mesure où cette revue prônait la révolution complète du système et, par conséquent, la formation dès à présent les cadres du prochain pouvoir socialiste. Une pétition de parents d’élèves fut initiée, signée puis envoyée au ministère. M. Guérin reconnut avoir diffusé les idées socialistes incriminées. Preuve à l’appui, le Conseil municipal vota une motion de “déplacement” de M. Guérin dans une autre école et vota un “blâme les instituteurs qui se livrent dans l’exercice de leurs fonctions à une propagande néfaste contre la Famille et contre la Patrie.” On apprécie la politesse du pluriel employé et, mêmement, que le mot travail n’ait pas ‒ déjà ‒ été utilisé avant la “famille” et la “patrie”.  

Militant convaincu, en 1937 Louis Guérin était secrétaire du Comité des loisirs. Le 1er-mai, à l’occasion de la Fête du printemps organisée par les Amis de l’école laïque, M. Maze, secrétaire du comité national des loisirs exposa les buts de ce comité… “Les loisirs ne doivent pas être le privilège d’une élite, mais être distribués à tous. (...) Le machinisme, qui tend de plus en plus à remplacer l’ouvrier, ne doit pas servir à occasionner du chômage, mais à procurer des loisirs à l’ouvrier. (...) Des organisations de loisirs existent dans la plupart des pays étrangers. Il a fallu attendre l’avènement d’un gouvernement de Front populaire pour en créer en France.” Puis M. Degouey, directeur du tourisme aux chemins de fer de l’État indiqua les facilités offertes par les “billets Léo Lagrange” (billets de fin de semaine, billets de famille…). Les adhésions à ce comité furent enregistrées par M. Guérin. Puis des films furent projetés, dont un sur le familistère de Godin...  

Dans la délibération du 27 octobre 1938, les élus communaux, présidés par Raoul Sergent, reprochèrent à M. Guérin de se livrer « à des attaques contre la religion, méconnaissant ainsi les principes fondamentaux de neutralité de l’école laïque. » Ils relayaient ainsi la plainte que Maurice Desdouits, curé de la paroisse, avait adressée au préfet. En 1938, toujours, on retrouve Louis Guérin en tant que secrétaire du Bureau de la Ligue des droits de l’Homme de Pont-de-l’Arche (délibération du 5 février 1938).

Puis nous perdons trace de ce personnage qui campe admirablement ‒ à l’échelle de notre bon Pont-de-l’Arche ‒ les débats passionnés et les mutations sociales, voire symboliques, qui ont refaçonné la France dans les années 1930. Loïc Lemarchand nous apprend que Louis Guérin fut instituteur de la proche commune de Canappeville de 1923 à 1927 et qu’il décéda en 1963 à Sotteville-lès-Rouen.

Reproduction d'une photographie éditée suite à la Fête du printemps de 1937 organisée par les Amis de l'école laïque de Pont-de-l'Arche. Endoctrinement politique ou démonstration, par l'exemple, de la force créatrice et pédagogique ? Le débat était déjà vif en ce temps à ce sujet...

Reproduction d'une photographie éditée suite à la Fête du printemps de 1937 organisée par les Amis de l'école laïque de Pont-de-l'Arche. Endoctrinement politique ou démonstration, par l'exemple, de la force créatrice et pédagogique ? Le débat était déjà vif en ce temps à ce sujet...

Armand Launay

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4 janvier 2016 1 04 /01 /janvier /2016 15:17
Ce dessin de 1782 montre que le châtelet de Limaie était en bel état de conservation. Cette vue fut reproduite dans l'article de Léon Coutil intitulé "Le vieux château de Limaie et le vieux pont de Pont-de-l'Arche (Eure)" publié dans le Bulletin de la Société d'études diverses de Louviers, tome XVI, 1921-1922.

Ce dessin de 1782 montre que le châtelet de Limaie était en bel état de conservation. Cette vue fut reproduite dans l'article de Léon Coutil intitulé "Le vieux château de Limaie et le vieux pont de Pont-de-l'Arche (Eure)" publié dans le Bulletin de la Société d'études diverses de Louviers, tome XVI, 1921-1922.

Notre ville doit son nom aux multiples ponts bâtis par les rois depuis 862 sur la Seine. Ces ponts ont eu une fonction militaire (contre les Vikings et les Anglais) et de police intérieure au royaume (navigation sur la Seine, émeutes populaires, Ligues…).

Il fallait donc fortifier ces ponts. Ainsi, la ville royale de Pont-de-l’Arche fut entourée de remparts et un châtelet fut érigé sur la rive droite de la Seine, sur la paroisse d’Igoville : le fort de Limaie. Entièrement disparu mais souvent cité lorsqu’on tourne les pages de l’histoire locale, nous avons résumé l’histoire de cet ouvrage qui a laissé son nom à un hameau d’Igoville : “le Fort”…    

 

Où était ce fort précisément ?

Imaginez-vous du côté de l’ancienne poste de Pont-de-l’Arche, c’est-à-dire au niveau d’Arche immobilier de nos jours. Allez un peu plus vers Les Damps (il n’y avait alors pas autant de maisons en ce lieu). Imaginez-vous à cet endroit en 1782. Vous regardez de l’autre côté de la Seine et vous avez cette vue : le château fort de Pont-de-l’Arche, c’est-à-dire Limaie, vue depuis la coste d'amour. Le pont que vous connaissez de nos jours toucherait sur ce dessin la berge d'Igoville presque à l'endroit de la tour d'angle la plus proche de nous. Ce dessin est une reproduction d’une illustration parue dans un article de Léon Coutil intitulé "Le vieux château de Limaie et le vieux pont de Pont-de-l'Arche (Eure)".

 
Pour localiser plus précisément ce châtelet disparu, nous avons dessiné sur la vue satellitaire de Google earth quelques tours, les remparts et le corps de garde contrôlant l’accès nord du pont.

Pour localiser plus précisément ce châtelet disparu, nous avons dessiné sur la vue satellitaire de Google earth quelques tours, les remparts et le corps de garde contrôlant l’accès nord du pont.

 

Description d’ensemble

 

Le châtelet est protégé par deux fossés en eau. S’il n’est pas sûr que les ingénieurs aient utilisé une ancienne ile alluviale pour bâtir le châtelet, il est évident qu’ils ont profité du fond de la vallée de la Seine pour aménager ces deux protections naturelles.

Le premier fossé n'est pas protégé. Il barre d'accès au premier rempart, une palissade dans le document de 1640 signé P. Petit, ci-dessous, qui est accessible par un pont-levis au bout d'un petit pont de pierre.

Le second fossé protège le rempart principal. Un pont en pierre constitue le principal accès au châtelet. La vue de P. Petit montre un petit pont-levis contrôlé par un corps de garde. Un second pont, en bois celui-ci, offre accès à une poterne, peut-être pour un meilleur déploiement de la garnison durant un assaut, voire pour une contre-attaque.

Le second et principal rempart est flanqué de tours cylindriques. Deux possèdent une terrasse, une autre est couverte d'un toit conique. Un angle est étonnant ; celui du sud-Est, donnant sur la Seine. Il est constitué d'un angle droit dans le rempart et semble ne servir que de poste de guet. C'est la tour maitresse, la tour philipienne, qui devait assurer le gros de la défense de ce côté-ci du châtelet, ainsi que des engins de tir sur une sorte de chemin de ronde plus élargi le long du flanc Est. Dans la cour intérieure, se trouvent des potagers, des jardins, quelques maisons blotties contre les remparts. Une chapelle (placée sous le vocable de Saint-Étienne) est visible côté nord et reconnaissable à une croix surplombant le pignon Est situé près de la poterne. Une longue maison semble tenir lieu de caserne devant la tour maitresse. Selon le plan de 1640, quelques demeures longent le chemin central reliant les deux garde-corps. Selon la vue de Gomboust, c'est bien plutôt un rempart intérieur qui interdit l'accès vers la caserne et la tour maitresse. Les deux ont très bien pu se compléter comme le montre un plan de 1754 plus bas dans cet article.

 

Nous voyons donc ici une suite impressionnante d'obstacles visant à garder le contrôle de l'entrée nord du pont. Avec une faible garnison, le châtelet de Limaie était en mesure de résister à plusieurs semaines d'assaut avant l'arrivée de renforts. Sans compter que, tant que la ville de Pont-de-l'Arche n'était pas prise, elle pouvait ravitailler Limaie.

 

 

 
"Plan du chasteau du ¨Pont de l'Arche" par P. Petit, 1640, cabinet des estampes, Bibliothèque nationale de France.

"Plan du chasteau du ¨Pont de l'Arche" par P. Petit, 1640, cabinet des estampes, Bibliothèque nationale de France.

Illustration du tome I de l’Encyclopédie médiévale, 1873, d’Eugène Viollet-le-Duc (illustration de l’article “châtelet“ de Wikipédia).

Illustration du tome I de l’Encyclopédie médiévale, 1873, d’Eugène Viollet-le-Duc (illustration de l’article “châtelet“ de Wikipédia).

"Chasteau du Pont de l'Arche" par Jacques Gomboust, extrait de l'ouvrage du cartographe Matthäus Merian (vers 1593-1650) intitulé Topographiae Galliae et publié en 1657. Une comparaison entre les vues précédentes montre qu'Eugène Viollet-le-Duc a reposé son travail sur celui de Jacques Gomboust.

"Chasteau du Pont de l'Arche" par Jacques Gomboust, extrait de l'ouvrage du cartographe Matthäus Merian (vers 1593-1650) intitulé Topographiae Galliae et publié en 1657. Une comparaison entre les vues précédentes montre qu'Eugène Viollet-le-Duc a reposé son travail sur celui de Jacques Gomboust.

Qui a bâti Limaie ?

Le choix de l’emplacement du fort ne fait aucun mystère : protéger l’entrée du pont à la place de fortifications antérieures dont les plus anciennes datent de Charles le Chauve. Mais qui a fait bâtir les fortifications que nous voyons dans les vues du XVIIIe siècle ?

Jusqu’à plus ample informé, la plus ancienne mention du nom de Limaie date de 1198, encore sous le règne de Richard Cœur de Lion donc. On la retrouve dans les Grands rôles de l’Échiquier de Normandie : “Limai de Capite Pontis Arche” c’est-à-dire Limai à la tête du pont de Pont-de-l’Arche.

Nous avons consacré un article aux fortifications de Pont-de-l’Arche, la ville et aussi, un peu, de Limaie. Nous avons vu que Richard Cœur de Lion avait consacré presque 1000 livres à des travaux sur le pont et les fortifications de Pont-de-l’Arche, soit le vingtième d’un budget annuel. Pas étonnant que le nom de Limaie ait été associé à ces importants travaux. Dans cet article, nous avons aussi vu que son rival, Philippe Auguste, avait fait de Pont-de-l’Arche sa résidence après qu’il a pris possession de la Normandie. Il fit faire des travaux sur le pont et les remparts. Il installa son administration et signa en ce lieu beaucoup d’actes royaux. Notre analyse fait ressortir que les fortifications archépontaines s’inscrivent nettement dans l’architecture militaire de Philippe Auguste. Une tour philippienne en est l’élément le plus clair dans l’enceinte de Limaie.

Nous concluons que Limaie a été bâti par Philippe Auguste sur les bases édifiées par Richard Cœur de Lion. Le châtelet que nous voyons sur les vues du du XVIIIe siècle est donc un jeune homme de presque 500 ans qui a eu l’air de bénéficier de restaurations régulières.

 

Que signifie le nom de “Limaie” ?  

Belle énigme que ce nom de Limaie ! Jacques Le Maho le rattache au mot latin “limites” désignant la limite, ici entre les deux pays gaulois que sont le Roumois (pays de Rouen) et l’Évrecin (pays d’Évreux). Le châtelet de Limaie aurait donc bien marqué une limite. Nous pouvons penser qu’il a surtout constitué un passage à travers cette limite, un point de contrôle, tant au niveau de la route qu’au niveau de la navigation. La limite en question concernait certainement plus la navigation que la route ou la frontière entre pays. Nous restons cependant sur notre faim car il dût il y avoir d’impressionnantes quantités de lieux-dits “la limite” si ce nom permettait à nos ancêtres d’identifier aisément des lieux.

Nous nous sommes intéressés à l’homophone Limay, près de Mantes (Yvelines) où la thèse de la limite est aussi défendue dans le Lexique toponymique de l’arrondissement de Mantes-la-Jolie de Claude Guizard. L’encyclopédie Wikipédia rapporte aussi que “La localité est attestée sous le nom Limaium en 1249. Le nom de "Limay" parait être abrégé de celui de "Limais" ou plutôt "Li Mais", qui veut dire la maison, la demeure, l'habitation, en latin Mansio.” À se demander ‒ une fois encore ‒ pourquoi il n’y a pas plus de Limaies dans les pays romans ?

L’étonnant point commun entre notre Limaie et le Limay des Yvelines est sa position vis-à-vis de la grande ville : à la sortie du pont sur la rive opposée de la Seine. Le pont de Limay, face à Mantes, date du XIe siècle. Si la thèse de la “limite” était bonne, nous pourrions envisager que ce sont les habitants de Mantes et de Pont-de-l’Arche qui désignaient par limite les habitations ou constructions militaires situées à la limite du pont. Là cette appellation aurait été suffisamment concrète pour ce nom soit significatif.

Nous en sommes donc aux conjectures. La thèse du “limites” latin pourrait aussi nous renvoyer vers le proche mot “limus” qui a donné limon. Le limon est peut-être un point commun entre Limay, Limaie et Limetz (Yvelines)... des lieux habités près du fond de la vallée de la Seine ?

D’autres conjectures sont possibles. Le plan cadastral d’Igoville nomme précisément “Les Limais” la zone autour de la ferme située à l’Est de l’auberge du Pressoir, au bord de l’ancienne route du Manoir. On pourrait rattacher ce nom aux ormaies, les bois formés d’ormes, du latin “ulmus” et qui est lié à la racine, si je puis dire, indo-européenne “al” comme dans alisier (une des étymologies possibles d’Alizay)…

 

Autres représentations visuelles

Le fort de Limaie : un châtelet sur la Seine à Pont-de-l’Arche
Le corps de garde contrôlant l'accès nord du pont de Pont-de-l'Arche. Détail d'un vitrail de l'église Notre-Dame-des-arts (cliché Armand Launay, 2007).

Le corps de garde contrôlant l'accès nord du pont de Pont-de-l'Arche. Détail d'un vitrail de l'église Notre-Dame-des-arts (cliché Armand Launay, 2007).

La représentation la plus étonnante est celle du vitrail du montage des bateaux. Ce vitrail se trouve dans l’église Notre-Dame-des-arts, autrefois Saint-Vigor, et date de 1606. Comme nous l’avons décrit dans un article, ce vitrail a constitué une revendication de la paroisse sur certaines taxes perçues sur les commerçants passant sous le pont. Or, ces taxes furent détournées par la garnison de Limaie.

En attendant la représentation est belle, surtout en ce qui concerne les monteurs de bateaux. Le fort de Limaie est bien mis en valeur, pour ne pas dire montré du doigt, au centre de la perspective qui se trouve dans l'axe de la route reliant les deux garde-corps du châtelet. La représentation n'est toutefois fidèle à la réalité. Ceci particulièrement net dans le nombre de tours, volontairement limité ici, et la grandeur du petit pont donnant accès au châtelet.

« Plan du château du Pont de l'Arche pour servir au projet de l'année 1754 ». Ce plan aquarellé (41 x 54 cm), est conservé à la Bibliothèque nationale de France, département Arsenal, et accessible sur Internet : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb421591410. Il confirme plutôt les vues de P. Petit et Jacques Gomboust.

« Plan du château du Pont de l'Arche pour servir au projet de l'année 1754 ». Ce plan aquarellé (41 x 54 cm), est conservé à la Bibliothèque nationale de France, département Arsenal, et accessible sur Internet : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb421591410. Il confirme plutôt les vues de P. Petit et Jacques Gomboust.

Quelles furent ses activités ?

La fonction du fort de Limaie était avant tout d'assurer la police intérieure : le contrôle de la circulation sur le pont et sous ce pont. Ces passages étaient taxés. Le châtelet constituait de plus une caserne, non loin de Rouen, prête à intervenir en cas de souci.

La suite de ce paragraphe provient des écrits de Léon Coutil. Nous préciserons nos recherches plus tard.

Cependant, Limaie a aussi été utile en matière militaire. C'est ainsi qu'en 1417, le châtelet fut réparé et complété afin de résister aux Anglais. L'effort fut vain car Pont-de-l'Arche, ville et fort compris, tomba sous la domination d'Henry V d'Angleterre. Le fort de Limaie ne fut repris par les Français qu'en 1449 que grâce à la ruse (par abus de confiance d'un soldat du corps de garde).

Sous les guerres de religions, le château et la ville restèrent aux mains des catholiques.

Mais Limaie trouva une autre utilité, contraire aux intérêts du roi ce coup-ci. En effet, après la reddition de Pont-de-l'Arche à Henri IV en 1589, le châtelet resta aux mains des Ligueurs. Qui plus est, pendant la Fronde, le gouverneur était le marquis de Chamboy qui ne rendit le château que le 7 février 1650. Limaie pouvait très bien être une base hostile au roi.

 

Pourquoi et quand fut-il détruit ?

Le châtelet de Limaie avait perdu de son intérêt militaire. De plus, il avait été utilisé à plusieurs reprises contre le pouvoir royal. C'est ainsi que le projet de démolition de Limaie fut approuvée par Louis XIV peu après 1650. Cependant, une vue de 1782 montre que le châtelet avait encore fière allure et que, comme toute base militaire, le pouvoir ne trouvait pas sa destruction urgente. Limaie servait notamment de prison, notamment pour certains protestants.

Le coup de grâce a été donné à LImaie par Louis Thiroux de Crosne (1736-1794), intendant de la généralité de Rouen de 1768 à 1787. Cet homme, une sorte de Préfet de l’époque, fit appliquer certaines ordonnances royales traitant d’urbanisme. Il fit ainsi dresser les plans des boulevards de Rouen avant de combler les fossés médiévaux. Il en fit de même dans d’autres villes haut-normandes (Louviers) et donna son accord à la municipalité de Pont-de-l’Arche d’utiliser le déblai de la corvée pour aplanir la place des Champs (délibération du conseil municipal de Pont-de-l’Arche du 16 septembre 1779). Puis, il autorisa le conte de Pons, gouverneur de Pont-de-l’Arche, à faire démolir le châtelet de Limaie (1782). La somme récupérée de la vente des pierres permit de démolir deux portes de chaque côté de la ville, comme le souhaitent les habitants. En hommage, la municipalité décida de donner le nom de Crosne à la porte Saint-Jean et de Pons à la porte de Léry (rue Jean-Prieur) (délibération du 20 avril 1782).

 
En 1790, Aubin-Louis Millin présenta à l’Assemblée constituante une œuvre recensant le patrimoine national. Dans le chapitre 43 de ses désormais célèbres Antiquités nationales l’auteur accorde quelques belles pages à Pont-de-l’Arche. Il aborde notamment « … le château de Pont-de-l’Arche, actuellement démoli, et que j’ai fait dessiner au moment de la destruction… ».  Il s’agit d’une vue sur le châtelet de Limaie, alors en démantèlement. Reproduite ci-dessus, elle fut dessinée par Garneray et sculptée par Desmaisons.

En 1790, Aubin-Louis Millin présenta à l’Assemblée constituante une œuvre recensant le patrimoine national. Dans le chapitre 43 de ses désormais célèbres Antiquités nationales l’auteur accorde quelques belles pages à Pont-de-l’Arche. Il aborde notamment « … le château de Pont-de-l’Arche, actuellement démoli, et que j’ai fait dessiner au moment de la destruction… ». Il s’agit d’une vue sur le châtelet de Limaie, alors en démantèlement. Reproduite ci-dessus, elle fut dessinée par Garneray et sculptée par Desmaisons.

L’espace autrefois occupé par le fort de Limaie ne resta pas longtemps sans emploi. En effet, en 1813 Napoléon fit réaliser un canal et une écluse auxquels nous avons consacré un article. Pour cela, l’ile fut transformée et un fossé du châtelet servit partiellement au percement du canal. Léon Coutil précisa qu'en 1918, on boucha l'écluse et après la démolition des derniers vestiges des vieux murs on construisit au-dessus des hangars. La photographie ci-dessous montre ces derniers vestiges.

Cette reproduction de carte postale des années 1910 montre le pont enjambant le canal de l'ancienne écluse de Napoléon. Remarquez, à gauche, ce qui semble être (le dernier ?) vestige du châtelet de Limaie.

Cette reproduction de carte postale des années 1910 montre le pont enjambant le canal de l'ancienne écluse de Napoléon. Remarquez, à gauche, ce qui semble être (le dernier ?) vestige du châtelet de Limaie.

Découvertes de vestiges de fondations du fort de Limaie par les équipes travaillant à la construction du pont actuel de Pont-de-l'Arche (de 1951 à 1954). Il semble que l'arc de cercle en bas de cliché (studio Henry, Louviers, page 15 de la référence ci-dessous) montre une partie de la tour maitresse. Le reste est plutôt méconnaissable.

Découvertes de vestiges de fondations du fort de Limaie par les équipes travaillant à la construction du pont actuel de Pont-de-l'Arche (de 1951 à 1954). Il semble que l'arc de cercle en bas de cliché (studio Henry, Louviers, page 15 de la référence ci-dessous) montre une partie de la tour maitresse. Le reste est plutôt méconnaissable.

Sources

- Coutil Léon, "Le vieux château de Limaie et le vieux pont de Pont-de-l'Arche (Eure)" publié dans le Bulletin de la Société d'études diverses de Louviers, tome XVI, 1921-1922 ;

- Le Maho Jacques, « Un grand ouvrage royal du IXe siècle : le pont fortifié dit « de Pîtres » à Pont-de-l’Arche (Eure) », pages 143-158, in Des Châteaux et des sources. Archéologie et histoire dans la Normandie médiévale : mélanges en l’honneur d’Anne-Marie Flambard Héricher, Publications des universités de Rouen et du Havre, 2008, 622 pages ;

- Ministère des travaux publicsLe nouveau pont-route de Pont-de-l’Arche : 1951-1954, imprimerie Logier et Cie, 32 pages.

Armand Launay

Pont-de-l'Arche ma ville

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4 janvier 2016 1 04 /01 /janvier /2016 09:57

Avec nos remerciements à notre ami Frédéric Ménissier pour les reproductions des gravures.

 

Les représentations anciennes de Pont-de-l’Arche sont nombreuses qui témoignent de l’importance de cette ville fortifiée, lieu de  franchissement de la Seine entre Rouen et Paris, étape fluviale entre les deux plus grandes villes du royaume et siège de l’administration royale pour la région de Louviers et d’Elbeuf.

 

Parmi les artistes qui ont voulu immortaliser la beauté et l’importance de ces lieux, on compte Jacob Philipp Hackert. Né en 1737 et décédé en 1807, Hackert est un peintre allemand, néoclassique, spécialisé dans les paysages.

L’on apprend sur sa fiche Wikipédia qu’il séjourna en France en 1767 dans la résidence de campagne que Louis-André de Grimaldi, évêque du Mans, possédait à La Chaussée-d’Ivry. Cette commune se trouve à côté d’Ivry-la-Bataille, près de Saint-André-de-l’Eure. L’on apprend aussi qu’il voyagea en Normandie en 1768, notamment avec le peintre Nicolas Pérignon, nous apprend le site de ventes aux enchères Arcadja. Nicolas Pérignon a signé une des plus belles toiles sur le Pont-de-l'Arche de l'époque et, plus précisément, sur le bas de la rue Abbaye-sans-toile (voir notre ouvrage cosigné avec Frédéric Ménissier et Patrice Royer (coucou Papa !) Pont-de-l'Arche 1911-2011, page 11).

 

De Pont-de-l’Arche, Hackert laissa deux peintures chacune intitulée “Vue de la ville du Pont-de-l’Arche près de Rouen”. Nous ignorons si les peintures originales existent toujours mais elles furent reproduites par gravure par Pierre Charles Nicolas Dufour (1725-1818). Ainsi, il en existe des copies. Nous en avons reproduisons ici deux sans connaitre les ouvrages dans lesquels elles ont été publiées.

Hackert et Pont-de-l'Arche
Hackert et Pont-de-l'Arche

Des copies des toiles d’Hackert sont souvent citées dans les catalogues des œuvres largement reproduits dans Gallica et Google livres. D’après nos recherches, le plus grand détail donné sur ces copies se trouve dans le Catalogue raisonné de l'œuvre gravé de Jacques Aliamet, d'Abbeville, précédé d'une notice sur sa vie et son œuvre... Dressé par Émile Delignières et édité par Rapilly (Paris) en 1896, ce catalogue est accessible sur Gallica.

Hackert et Pont-de-l'Arche
Hackert et Pont-de-l'Arche
Hackert et Pont-de-l'Arche

Ces représentations étonnent les personnes connaissant Pont-de-l’Arche. Hackert représente une étrange ville, dans la première vue, où l’église Notre-Dame-des-arts est peu reconnaissable et mal orientée, les remparts sont assez bien figurés mais bizarrement ouverts près de ce qui serait la tour de Crosne. Détail bien plus troublant : où est le pont… de l’arche ? Où se trouve la rive droite de la Seine et le fort de Limaie qui devraient être visibles sur la gauche de la gravure ? Quels sont ces clochers plus lointains ? Saint-Pierre des Damps ? Et où se trouve la Côte-des-deux-amants ? Le reste du décor évoque bien plus l’estuaire de la Seine que la vallée de Pont-de-l’Arche. Les roches des rives, les falaises, les navires de mer… on croirait évoluer ici du côté de Quillebeuf-sur-Seine de l'époque ; très maritime...

 

La deuxième vue sur "Pont-de-l’Arche" n’a plus rien à voir avec notre ville. Le beau château du premier plan, la ville en arrière-plan ne renvoient pas du tout au paysage local. L’on retrouve les personnages animés autour d’activités fluviales. Une autre reproduction de cette vue, trouvée sur le site Arcadja cité plus haut, est colorée et horizontalement inversée. Le commentaire qui l'accompagne précise que la boucle de La Bouille serait ici représentée avec le manoir de Marbeuf, à Sahurs, mais sans grande fidélité avec la réalité. La courbe gauche de la Seine serait celle de Grand-Couronne et la falaise du fond celle de Sainte-Catherine. Rouen serait proche... mais que font ces roches, à gauche, et pourquoi la Seine est si peu large ?   

 

HACKERT Jacob Philipp Deux Paysages Fluviaux Animés De Personnages

 

Quid de cette confusion entre les lieux ? Dans son atelier, Hackert aura-t-il confondu des croquis dessinés rapidement dans les différents lieux visités ? Aura-t-il confondu plusieurs villes entre elles sachant qu’il a surtout représenté des cités maritimes ? C'est ce que laisse entendre le commentaire sur Arcadja qui précise que ces tableaux "furent probablement peints à Paris, au retour de ce séjour normand". Quoi qu’il en soit, le peintre allemand nous a laissé-là des vues parmi les plus originales de Pont-de-l’Arche… et c'est peut-être ce qui intéressait la clientèle de l'époque : de belles perpectives, de belles compositions pour décorer un intérieur, pas une reproduction fidèle de la réalité.

 

Armand Launay

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25 novembre 2015 3 25 /11 /novembre /2015 11:55

La ville de Pont-de-l’Arche (Eure) est connue pour son patrimoine et notamment ses vestiges de fortifications (partiellement classés ou inscrits aux Monuments historiques). De quand datent ces remparts ? Par qui et pourquoi ont-ils été érigés ? Aucun travail n’a encore posé la question.

Mise à jour de 2023 : Nous disposons depuis de l'étude de Jean Mesqui, spécialiste des châteaux médiévaux, et de Denis Hayot. Elle a pour titre "Histoire des fortifications du château, du pont et de la ville de Pont-de-l’Arche, des années 1200 à la fin du XVIIIe siècle". Vous la trouverez de la page 233 à la page 320 (avec ses riches annexes) de l'ouvrage paru en 2023 sous la direction de Vincent Carpentier et Cyril Marcigny et intitulée Pont-de-l'Arche et le fort d'Alizay-Igoville (Eure) : les fortifications de la Seine normande, de l'âge viking à la guerre de Cent ans. Dans cette étude, on trouvera aussi une présentation des fouilles réalisées par l'INRAP au fort de Limaie. L'ouvrage a été édité aux Presses universitaires de Caen. 

Pont-de-l’Arche depuis la rive droite de la Seine. Lithographie d’E. Cagniard, Rouen, d’après un croquis d’Eustache Hyacinthe Langlois (extrait de Léon de Duranville, Essai historique…, 1870).

Pont-de-l’Arche depuis la rive droite de la Seine. Lithographie d’E. Cagniard, Rouen, d’après un croquis d’Eustache Hyacinthe Langlois (extrait de Léon de Duranville, Essai historique…, 1870).

Des fortifications du IXe siècle… bien évanouies !

Les premières fortifications de Pont-de-l’Arche datent de 862-873. Charles le Chauve, roi des Francs, fit bâtir un immense pont de bois sur la Seine afin de retarder, voire de repousser les Vikings. Le souverain fit construire deux tours-porches, en bois et en pierre, aux entrées du pont1. À l’évidence, les vestiges que nous voyons aujourd’hui dans la ville ne correspondent pas à ces fortifications du IXe siècle. En 1020, une charte de duc de Normandie Richard II cite la paroisse de Pont-de-l’Arche, organisée autour de l’église Saint-Vigor. Elle dépend de l’abbaye de Jumièges. Cette charte démontre que le châtelet de la rive gauche a laissé place à une ville dont aucune fortification n’est citée. Seules des archives du XIIe siècle mentionnent des fortifications à Pont-de-l’Arche.

 

Les importants travaux de Richard Cœur de Lion

L’Échiquier de Normandie2, parlement rassemblant les notables du duché, a enregistré les recettes et les dépenses des ducs de Normandie. Nous nous sommes intéressés à celles de Richard II, dit Cœur de Lion, après son retour de croisade et de captivité (février 1194). Le roi d’Angleterre et duc de Normandie entreprit de restructurer la défense de la Normandie que convoitait le roi de France, Philippe Auguste. La pièce majeure du dispositif de défense est le célèbre Château Gaillard bâti, un peu plus tard, entre 1197 et 1198, qui couta près de 37 000 livres au trésor. À partir de 1194, Richard Cœur de Lion investit dans de nombreuses places-fortes le long de la frontière avec la France : Lyons-la-Forêt, Radepont, Arques, Driencourt, Moulineaux, Orival, Bellencombre, Le Vaudreuil et… Pont-de-l’Arche.

 

Nous avons noté les principales sommes confiées aux ingénieurs en charge des travaux (operationibus). Trois dépenses concernent uniquement Pont-de-l’Arche sans mentionner son château3 :

- 190 livres pour Guillaume Engelais et Roger Falel4 ;

- 200 livres pour Guillaume Tyrel5 ;

- 40 livres pour Éric et Guillaume Tyrel6.

 

Cependant, la majeure partie des dépenses concernent plusieurs châteaux (castri) à la fois.

Cinq dépenses concernent les châteaux de Pont-de-l’Arche et du Vaudreuil :

- 300 livres pour Éric et Guillaume Tyrel7 ;

- 100 livres pour Éric et Guillaume Tyrel8 ;

- 140 livres pour Éric et Guillaume Tyrel9 ;

- 100 livres pour Éric et Guillaume Tyrel10 ;

- 100 livres pour Éric et Guillaume Tyrel11.

 

Une dépense concerne les châteaux de Pont-de-l’Arche et de Radepont :

- 360 livres pour Guillaume Tyrel12.

 

À la lecture de ces sommes, nous notons que Pont-de-l’Arche a bénéficié du travail de plusieurs maitres. La majeure partie des dépenses concernent le château. Sans plus de précisions sur la répartition des dépenses, nous ne pouvons définir exactement le montant dépensé pour Pont-de-l’Arche. Cependant, pour avoir un ordre d’idée, nous avons divisé en parts égales les dépenses imputées à Pont-de-l’Arche et Radepont (360 divisés par 2 = 180) et Pont-de-l’Arche et Le Vaudreuil (740 divisés par 2 = 370). Ce total de 550, additionné aux dépenses propres à Pont-de-l’Arche (420), donne 980 livres.

 

Pour évaluer l’importance des sommes consacrées aux fortifications de Pont-de-l’Arche, nous avons additionné les autres principaux investissements de fortifications engagés durant ce laps de temps par Richard Cœur de Lion en Normandie orientale. Lorsque les montants concernaient deux fortifications, nous les avons divisés par deux.
 

Places fortes

Dépenses

Totaux

Le Vaudreuil

32 + 10 + 100 + 100 + 200 + 211 + 150 + 50 + 70 + 50 + 50

1023

Pont-de-l’Arche

190 + 200 + 40 + 180 + 150 + 50 + 70 + 50 + 50

980

Lyons-la-Forêt

75 + 400

475

Radepont

75 + 100 + 180

355

Arques

225 + 100

325

Driencourt

225 + 100

325

 

À la lecture de ce tableau, on mesure que Le Vaudreuil et Pont-de-l’Arche étaient au centre des priorités militaires de Richard Cœur de Lion. Selon Jean Favier, le revenu royal avoisinait les 22 000 livres en 1193-1194 puis environ 20 000 livres les années suivantes13. La dépense consentie à Pont-de-l’Arche n’était donc pas anecdotique puisqu’elle représentait le vingtième du budget annuel.

Sans plus d’éléments sur la nature des travaux entrepris par Richard Cœur de Lion, nous nous nous sommes demandé si le contexte politique et militaire pouvait nous apporter un certain éclairage.

 

Philippe Auguste enfonce la frontière de l’Epte (1192-1195)

Depuis le traité de Saint-Clair-sur-Epte (911), les rois de France ont souhaité – et tenté, pour certains d’entre eux – de reprendre la main sur la Normandie. Ils l’ont d’autant plus espéré que les ducs de Normandie sont devenus rois d’Angleterre à partir de 1066, c’est-à-dire plus puissants que les rois de France. Au XIIe siècle, l’empire anglo-normand dépassait largement la Normandie et l’Angleterre et comprenait notamment la Guyenne (l’”Aquitaine”, région de Bordeaux), le Maine, l’Anjou… Un duel se déroula entre Richard Cœur de Lion et Philippe Auguste. Lors d’une trêve, où ils firent bâtir conjointement l’abbaye de Bonport, à Pont-de-l’Arche, les deux monarques partirent en croisade en 1191. Mais le roi de France rentra plus tôt. Il voulait profiter de l’absence de Richard II pour reconquérir la Normandie, alors gérée par Jean sans Terre, le frère de Richard II. En avril 1193, Philippe s’empara du Vexin et de Gisors, Aumale, Eu, Ivry, Pacy14. En janvier 1194, Jean sans Terre abandonna à Philippe l’Est de la Seine sauf Rouen. À la fin de l’hiver et au début du printemps 1194, Philippe prit Le Vaudreuil, Évreux et Le Neubourg. Il menaça Rouen jusqu’à l’annonce du retour de Richard. En effet, après la croisade et une période de captivité en Bavière, Richard arriva à Londres le 14 mars 1194 et débarqua à Barfleur à la mi-mai 1194. Richard infligea une imposante défaite à Philippe Auguste le 3 juillet 1194 à Fréteval (vallée du Loir). Jean sans Terre et le comte d’Arundel, à la tête des bourgeois de Rouen, assiégèrent alors Le Vaudreuil, occupé par des troupes françaises. Ils furent chassés par Philippe Auguste, venant de Fréteval.

 

C’est alors que Richard arriva en personne. C’est ce que décrit L’Histoire de Guillaume le Maréchal, conte de Striguil et de Pembroke, qui mentionne la marche de Richard vers Pont-de-l’Arche dont la tête de pont était brisée. Le roi l’aurait fait réparer rapidement15. C’est peut-être ce qui explique la somme versée à Guillaume Engelais et Roger Falel qui est antérieure à toutes les autres sommes versées à Éric et Guillaume Tyrel pour Pont-de-l’Arche et Le Vaudreuil (voir plus haut). L’Histoire de Guillaume le Maréchal montre ensuite que Philippe fit sournoisement tomber les remparts du château du Vaudreuil, en juillet, alors qu’il faisait mine de négocier avec Richard. Puis il partit. Une trêve fut signée le 23 juillet 1194 entre les deux rois suite à une intervention papale. Cette trêve dura jusqu’en janvier 1196 et, selon Alain Sadourny16, fut le « théâtre de préparatifs militaires » qui concernent Pont-de-l’Arche.

 

Richard et la fortification de la vallée de la Seine (1195-1197)

Comme l’écrivit Jean Yver17 : « … tout l’effort qui, une ou deux décennies auparavant, au temps de Henri II, s’était appliqué aux forteresses du Vexin, s’est concentré sous Richard Cœur de Lion sur ce secteur de la Seine, devenu crucial par l’effondrement de l’autre. » Richard profita de la trêve conclue en juillet 1194 pour verrouiller la vallée. Ainsi on retrouve parmi les dépenses miliaires Le Vaudreuil, Pont-de-l’Arche, Radepont et Lyons-la-Forêt. Ces places-fortes entouraient le Vexin et barraient la route de Rouen. Pont-de-l’Arche était particulièrement intéressant par son pont barrant la Seine et qui venait d’être fraichement restauré. Ces travaux entrepris par Richard confirment l’intérêt qu’il exprima pour Pont-de-l’Arche à l’occasion d’une charte signée avec les moines de Jumièges le 18 janvier 1195. En effet, le monarque donna sa baronnie de Conteville aux moines contre Pont-de-l’Arche, désormais propriété ducale directe18. Des pourparlers de paix eurent ensuite lieu au Vaudreuil et Issoudun (novembre et décembre 1195) entre Richard et Philippe. Ils furent officialisés par le traité de Gaillon le 14 janvier 1196 qui laissait à Philippe le Vexin et Gisors, Vernon, Gaillon, Neaufles, Pacy et Ivry. Cependant, au printemps 1196, le roi de France rompit l’accord de paix en attaquant Aumale. Richard, sachant à quoi s’en tenir, décida la construction de l’immense Château Gaillard.

 

Jean sans Terre et Pont-de-l’Arche

La mort de Richard II en 1199 changea le rapport de forces entre l’Angleterre et la France. Jean sans Terre succéda à son frère et fut très tôt débordé par Philippe Auguste. En 1202, Jean sans Terre enleva la fille du comte d’Angoulême et confisqua les terres de barons aquitains. Ceux-ci se tournèrent vers le roi de France, leur suzerain, qui cita Jean sans Terre devant sa cour. Celui-ci ne vint pas et la cour prononça la commise de tous les fiefs qu’il tenait du roi. L’armée de Philippe II s’engouffra en Normandie. Au début du mois de mars 1203, Montfort-sur-Risle et Beaumont-le-Roger abandonnèrent le roi Jean, bientôt rejoints par Le Vaudreuil qui se rendit au roi de France sans combattre. Fin aout, Radepont chuta. Après 6 mois de siège, le verrou de la Seine, Château Gaillard, céda le 6 mars 1204. Rouen capitula à la fin du mois de juin 1204. Enfin les dernières places se livrèrent : Arques, Verneuil et Pont-de-l’Arche. Guillaume le Breton, hagiographe du roi de France, signala que Jean sans Terre détruisit le pont en 1204 : « Ainsi tourmenté par les remords de sa conscience, le malheureux détruit lui-même ses propres biens et renverse le pont que l'on appelle de l'Arche...19 » En 1204, Philippe Auguste devint maitre de la Normandie. Quelle fut la place de Pont-de-l’Arche sous la gouvernance du roi de France ?

 

Pont-de-l’Arche : résidence normande de Philippe Auguste

Nous savons que Philippe Auguste voulait assoir son pouvoir en Normandie. Il doutait de la fidélité des Normands et voulait prévenir toute tentative de reconquête par Jean sans Terre. Dans ce cadre, il renforça ou reconstruisit des places fortes et les munit de garnisons. Il n’oublia pas Pont-de-l’Arche qu’il reprit en fief direct en 1210 où il donna aux moines de Jumièges la baronnie de Conteville en dédommagement20. Les moines conservèrent le patronage de l’église Saint-Vigor et furent exemptés de péage pour la circulation de leurs biens sous le pont de la ville. L’échange fut de nouveau confirmé en 1246 par Louis IX21.

Coupé par Jean sans Terre, le pont dût vraisemblablement bénéficier d’une reconstruction sous Philippe Auguste.

L’importance de Pont-de-l’Arche peut aussi se lire à travers le nombre de séjours de Philippe Auguste dans la ville. Ce sont les actes royaux, signés de la sa propre main, qui nous renseignent sur ses lieux de résidence. Ainsi, John Baldwin22 a dénombré 49 actes signés à Pont-de-l’Arche entre 1204 et 1223 ce qui représente 3 % des actes connus de Philippe II. Cela fait de Pont-de-l’Arche le 7e lieu de résidence du roi et le premier de Normandie, surtout après 1215 où l’on dénombre 33 actes. C'est aussi à Pont-de-l'Arche que semble fonctionner le mieux l'administration royale que le roi a renforcé dans la ville, donnant ainsi de bonnes bases au futur bailliage.

Peut-être qu'un certain Guillaume du Pont-de-l'Arche a-t-il joué un rôle entre sa ville et son roi. Ce membre d'une famille aristocratique a été évêque de Lisieux de 1218 à 1250. Il avait la confiance de Philippe II.

Si Philippe Auguste a résidé à Pont-de-l’Arche, c’est que la ville fortifiée et son château de l’autre côté de la Seine garantissaient la sécurité du roi et ce à 20 km de Rouen. Le capétien pouvait surveiller la capitale normande sans s’exposer à une éventuelle insurrection populaire. Ainsi, très soucieux de la police intérieure, le roi de France a ordonné et financé une campagne des travaux de renforcement de ses fortifications. L’ingénieur militaire, Guillaume de Flamenville, fut missionné vers 1210 pour faire une tourelle à Pont-de-l’Arche sur les fonds reçus pour la ville d’Évreux23… le document ne donne pas de précision permettant de localiser cette tourelle. Il s'agit peut-être d'une tour philipienne du château de Limaie (voir plus bas). Confirmant l’intérêt miliaire de la place, le trésor royal a aussi détaillé les dépenses de munitions conservées dans des tours archépontaines24.

Arrivé à ce point de notre exposé, nous avons vu que Richard Cœur de Lion et Philippe Auguste ont doté Pont-de-l’Arche de fortifications. Mais qui a fait quoi ? Nous avons voulu tendre vers ce degré de précision en analysant le type de constructions visibles sur les cartes et illustrations anciennes mais aussi sur le terrain contemporain.


 

Notes

1 Le Maho Jacques, « Un grand ouvrage royal… »

2 Léchaudé d’Anisy Amédée-Louis, « Grands rôles des Échiquiers de Normandie »…, p. 164.

3 Il s’agit du château de la rive droite qui défendait l’accès du pont en venant de Rouen. Connu aussi sous le nom de fort de Limaie et succédant aux fortifications en bois construites au IXe siècle sur ordre de Charles le Chauve.

4 Ibidem, page 42, 2e colonne : Willelmo Engelais et Rogerio Falel pro operationibus de Ponte Arche 190 lib. per id. brev.

5 Ibidem, page 48 : Willelmo Tyrel ad operationes Pontis Arche 200 lib. per id. brev.

6 Ibidem, page 73 : Item Magistro Eurico et Willelmo Tyrel ad operationes Pontis Arche 40 lib. per id. brev.

7 Ibidem, page 48 : Magistro Elrico et Willelmo Tyrel ad operationes Vallis Rodolii et Pontis Arche 300 lib. per id. brev.

8 Ibidem, page 72, 2e colonne : Magistro Elrico et Willelmo Tyrel ad operationes Pontis Arche et Vallis Rodolii 100 lib. per id. brev.

9 Ibidem, page 72, 2e colonne : Magistro Elrico et Willelmo Tyrel ad operationes Pontis Arche et Vallis Rodolii 100 lib. per id. brev. Eisdem ad easdem operationes 40 lib. per id. brev.

10 Ibidem, page 73 : Magistro Eurico et Willelmo Tyrel ad operationes Pontis Arche et Vallis Rodolii 100 lib. per id. brev.

11 Ibidem, page 73 : Magistro Eurico et Willelmo Tyrel ad operationes Pontis Arche et Vallis Rodolii 100 lib. per id. brev.

12 Ibidem, page 42, 2e colonne : In operationibus de castri de Ponte Arche et de Radepont per Willelmum Tyrel 360 lib. per id. brev.

13 Favier Jean, Origines et destins d’un empire (XIe-XIVe siècles), voir page 391.

14 Sadourny Alain, « La fin de la Normandie Plantagenêt », page 145.

15 Nous avons consulté l’édition de Paul Meyer, 1894, tome II, p. 14 : « Puis [Richard] s'en vint dreit al Pont de l'Arche / Qui dépeciez esteit de front / En poi d'ure refist le pont… »

16 Opere citato.

17 Yver Jean, « Philippe Auguste et les châteaux normands... », voir page 236.

18 Vernier Jean-Jacques, Chartes de l'abbaye de Jumièges…, acte CLXVIII, page 119.

19 Le Breton Guillaume, La Philippide, voir pages 210 et 211.

20 Loth Julien (éd.), Histoire de l’abbaye royale de Saint-Pierre de Jumièges, Rouen, Métérie, 1882-1885, 305 pages. Chapitre 8. Vraisemblablement, Jean sans Terre avait annulé l’échange effectué en 1195 par Richard Cœur de Lion.

21 Delisle Léopold, page 75, acte n° 459, juillet 1246, Evreux.

22 Baldwin John, Philippe Auguste, voir le tableau de la page 66.

23 Chatelain (André), « Recherche sur les châteaux de Philippe Auguste ». L’auteur site ses sources à la Bibliothèque nationale de France : registre a f° 93 r°.

24 Delisle Léopold (publié par), « Cartulaire normand de Philippe Auguste… », page 34 : Hee sunt munitiones castrorum domini Regis. Falesia, Oxime, Pons Audomari, Bonavilla, Molinella, Vallis Rodolii, Harecurtis, Anetum, Paciacum, Vernonem, Lions, Andeliacum, Gaillardum, Britolium, Ebroicas, Guletum, Rothomagum, Mortuum Mare, Archie. [Apud] Pontem Archie. X. lorice, X. galee, capelli XXXI., quarelli LX.m baliste de cornu XXI. de quibus due sunt ad tornum, et XV lignee de quibus sunt ad tornum, gamboissons XVII., croci IIII, turni tres.

 

 

La place-forte de Pont-de-l’Arche et le château de Limaie :

description architecturale

 

Les archives citées jusqu’alors laisseraient volontiers penser que Richard Cœur de Lion est père des remparts de Pont-de-l’Arche. Mais ces sources sont trop lacunaires. Nous poursuivrons cet exposé par une description architecturale des vestiges archépontains et d’illustrations que nous comparerons à des fortifications leur ressemblant.

Il y avait deux systèmes défensifs à Pont-de-l’Arche : la ville fortifiée, au sud du pont ; et le fort de Limaie, bastion barrant l’accès nord du pont.

 

Plan d’ensemble de la ville fortifiée

Nous avons dessiné (ou tenté de le faire) les remparts tels qu’ils devaient être au Moyen âge. Nous nous sommes fondés sur le plan cadastral de 1834 ; l’Atlas de Trudaine (réalisé vers 1759) ; le plan de Nicolas Magin (dressé avant 1742) ; un plan des archives départementales de l’Eure (6 pl. 49) ; un croquis de Léon Coutil datant de 1922 et sur des observations de terrain. Sur le dessin, les vestiges sont remplis de noir. Les parties disparues sont représentées en gris.

Plan de la ville de Pont-de-l'Arche avec ses remparts tels qu'ils devaient être au XVIIIe siècle (carte d'A. Launay, décembre 2015)

Plan de la ville de Pont-de-l'Arche avec ses remparts tels qu'ils devaient être au XVIIIe siècle (carte d'A. Launay, décembre 2015)

Les remparts de la ville longent l’Eure (la Seine avant les années 1930) et forment un vaste demi-cercle tourné vers le sud. Les courtines étaient percées par quatre entrées protégées de tours jumelles : une donnait sur le pont ; une deuxième sur la route d'Elbeuf ; une troisième sur la place Aristide-Briand et une dernière vers Les Damps. En plus de ces portes d’entrées, la ville comptait 9 tours. Certaines d’entre elles étaient des tours d’angles cylindriques (la tour de Crosne, la tour des Damps, la tour Louise, la tour du bailliage). Les autres étaient des tours hémicylindriques remplies qui flanquaient les courtines. Des fossés secs entouraient les remparts en arc de cercle. La description qui suit part de la porte de Crosne (1) et commente les éléments constitutifs des remparts dans le sens des aiguilles d’une montre jusqu’à la tour du bailliage (17).

 

La porte de Crosne, ancienne porte Saint-Jean (1)

Seul vestige d’une des quatre entrées de ville, ce premier niveau d’une des tours de la porte de Crosne a été sauvé par Marie-Auguste de Subtil de Lanterie (1789-1875) qui construisit une maison d’habitation au second niveau et autour. La tour subsistant a une forme en « u ». Elle est percée de deux archères partiellement obstruées. Elle est située dans le prolongement d’un édifice rectangulaire dans lequel on peut encore voir le passage de la herse surmonté d’un départ de voute, visible sur deux clés. Sa partie basse a été enterrée lors du comblement du fossé. Cet édifice privé fut inscrit sur l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques le 15 juin 1939.

Elle porta le nom de Saint-Jean depuis, au moins, 1340 (cf. le cartulaire de Bonport, par Jules Andrieux) et fut rebaptisée "porte de Crosne" le 20 avril 1782. Le conseil municipal d'Ancien Régime voulut remercier l'Intendant de Rouen, Louis Thiroux de Crosne d'Arconville, d'avoir accepté de raser les remparts devenus vétustes et encombrants (archives municipales : BB 5).

La porte de Crosne en 2011. La rue de Crosne est située à droite du mur (cliché A. Launay).

La porte de Crosne en 2011. La rue de Crosne est située à droite du mur (cliché A. Launay).

Vestige d'une des tours d'entrée de la ville, rue de Crosne. Ici on voit nettement le passage de la herse et le début de la voute (cliché A. Launay, mai 2011).

Vestige d'une des tours d'entrée de la ville, rue de Crosne. Ici on voit nettement le passage de la herse et le début de la voute (cliché A. Launay, mai 2011).

La tour de Crosne (2)

La tour de Crosne est une tour cylindrique située à l’angle nord-ouest. Seule est conservée sa partie basse jusqu’au rez-de-jardin intérieur. Une archère est visible depuis l’extérieur. A l’intérieur, les corbeaux et les départs d’une croisée d’ogive sont encore visibles. La partie haute est une construction romantique bâtie vers 1850 que l’on doit au propriétaire Marie-Auguste de Subtil de Lanterie (1789-1875). C’est sous ce nom qu’elle était connue il y a encore un siècle. Cet édifice privé fut classée Monument historique le 9 aout 1941. Lire notre article plus approfondi en cliquant ici.

 
La tour de Crosne en mai 2011, coiffée d’une restauration romantique de la première moitié du XIXe siècle (cliché A. Launay).

La tour de Crosne en mai 2011, coiffée d’une restauration romantique de la première moitié du XIXe siècle (cliché A. Launay).

La tour de Crosne en 1831 dans la collection de dessins de Louis Deglatigny conservée à la bibliothèque de Rouen. Elle porte au dos la mention : "Vue prise de la terrasse d'Est au Pont de l'Arche". L'est ici se mesure par rapport à la tour qui, elle, est bien évidemment à l'ouest des remparts de la ville. Ce dessin est anonymeOn le retrouve numérisé parmi les documents du site rotomagus.fr (merci à ses agents de la sélection des documents et du travail réalisé !).

La tour de Crosne en 1831 dans la collection de dessins de Louis Deglatigny conservée à la bibliothèque de Rouen. Elle porte au dos la mention : "Vue prise de la terrasse d'Est au Pont de l'Arche". L'est ici se mesure par rapport à la tour qui, elle, est bien évidemment à l'ouest des remparts de la ville. Ce dessin est anonymeOn le retrouve numérisé parmi les documents du site rotomagus.fr (merci à ses agents de la sélection des documents et du travail réalisé !).

La tour du presbytère (3)

Belle tour de flanquement hémicylindrique, on voit plusieurs étapes de construction apparaitre sur l'appareillage de la tour du Presbytère. Avec la tour Saint-Vigor, elle possède des traces du chemin de ronde. Cet édifice privé fut classé Monument historique le 9 aout 1941 ainsi que la courtine attenante.

 

La tour du presbytère vue depuis le Quai-Foch. Observez la poterne surmontée d'un arc en tiers point à sa droite (cliché Armand Launay, avril 2006).

La tour du presbytère vue depuis le Quai-Foch. Observez la poterne surmontée d'un arc en tiers point à sa droite (cliché Armand Launay, avril 2006).

La tour du presbytère vue depuis la propriété de la tour de Crosne (cliché A. Launay, juillet 2012).

La tour du presbytère vue depuis la propriété de la tour de Crosne (cliché A. Launay, juillet 2012).

La tour Saint-Vigor (4)

Grâce à l’important dénivelé, les vestiges de cette tour de flanquement hémicylindrique sont visibles sur une grande hauteur. Sa partie basse est évasée afin de renforcer ses assises. Nous avons forgé ce nom en référence à l’ancien vocable de l’église Notre-Dame-des-arts. Le garde-corps est une reconstruction plus récente. Cette tour et la courtine attenante appartiennent à la Ville de Pont-de-l’Arche. Elles furent classées Monuments historiques le 8 novembre 1939.

 
La tour Saint-Vigor vue depuis l’arrière de la sacristie (cliché A. Launay, avril 2012).

La tour Saint-Vigor vue depuis l’arrière de la sacristie (cliché A. Launay, avril 2012).

La poterne de la Petite chaussée (5)

Cette poterne donnait accès à la Petite chaussée, un des rares espaces chaussés de la ville. En effet, en ce lieu se trouvait un petit quai donnant sur la Seine (et non encore l'Eure). Il permettait le débarquement de denrées et autres matériaux ravitaillant les habitants et, notamment, la cave de l'ancien hôtel-Dieu dont un escalier donnait accès à la sente du Beauregard, à contremont de la poterne qui nous intéresse.

Des représentations anciennes montrent ce que fut cette poterne voutée en plein cintre dont les clés pourraient bien avoir été réemployées dans la voute de la rue Maurice-Delamare qui servait de portail à une propriété aujourd’hui disparue.

La poterne de la Petite chaussée  (détail du dessin d’Hyacinthe Langlois référencé au début de cette étude).

La poterne de la Petite chaussée (détail du dessin d’Hyacinthe Langlois référencé au début de cette étude).

La poterne de la Petite chaussée, tout à droite de ce dessin de Samuel Prout de 1821. Au centre, une tour de la porte de Rouen et le logis construit autour ; logis souvent appelé "maison du portier".

La poterne de la Petite chaussée, tout à droite de ce dessin de Samuel Prout de 1821. Au centre, une tour de la porte de Rouen et le logis construit autour ; logis souvent appelé "maison du portier".

La porte de Rouen (6)

Cette entrée de la ville, qui donnait directement sur le tablier du pont, était défendue par deux tours cylindriques, évasées à la base, et surmontée d’un logis. Aucun vestige ne subsiste aujourd’hui. Sur le plan cadastral de 1834, la tour reste un peu visible. Nous avons forgé ce nom par opposition à la porte de Paris. Elle était aussi appelée porte de l'eau, nom donné à la Seine dans l'ancien temps.

La porte de Rouen, à droite du pont, était défendue par deux tours en « u ». Une d’entre elles apparait sur ce dessin réalisé vers 1840 par Edouard Lanon (musée de Louviers). Elle a été percée de grandes ouvertures et par des œils-de-bœuf. Elle sert d’appui à un vaste logis qui la dépasse et qui prend aussi appui sur une colonne plantée dans la Seine.

La porte de Rouen, à droite du pont, était défendue par deux tours en « u ». Une d’entre elles apparait sur ce dessin réalisé vers 1840 par Edouard Lanon (musée de Louviers). Elle a été percée de grandes ouvertures et par des œils-de-bœuf. Elle sert d’appui à un vaste logis qui la dépasse et qui prend aussi appui sur une colonne plantée dans la Seine.

La poterne de la Grande chaussée (7)

Autour de l’entrée du pont, une seconde poterne donnait accès à la Seine. Elle était située dans la rue Abbaye-sans-toile. Il n’en subsiste aucun vestige. Une délibération du Conseil municipal datée du 22 janvier 1857 précise que les remparts seront rasés auprès du pont afin de relier la rue de l’Abreuvoir (Abbaye-sans-toile) et la rue de la Petite chaussée « au quai large de 4 mètres qui est bâti dans le cadre des travaux du nouveau pont. »

Une vue de Nicolas Pérignon, datée de 1750, environ, et conservée à la Bibliothèque nationale de France, montre la poterne de la Grande chaussée, côté intramuros. Nous reproduisons ci-dessous la vue disponible dans Gallica, la partie numérisée des fonds de la BnF.

Qui a bâti les fortifications de Pont-de-l’Arche ?
La poterne de la Grande chaussée, vue de l'extérieur des remparts, dans une publication du début du XIXe siècle. Elle fait partie de la collection de dessins de Louis Deglatigny. Elle est signée par C. Merlin et se trouve conservée dans les fonds de la bibliothèque municipale de Rouen. On la retrouve numérisée parmi les documents du site rotomagus.fr. On voit ici que la porte voutée de l'Ancien Régime a laissé place à une porte à linteau de dimensions plus modestes. Cela dût accroitre le besoin d'ouvrir la voie en ce lieu.

La poterne de la Grande chaussée, vue de l'extérieur des remparts, dans une publication du début du XIXe siècle. Elle fait partie de la collection de dessins de Louis Deglatigny. Elle est signée par C. Merlin et se trouve conservée dans les fonds de la bibliothèque municipale de Rouen. On la retrouve numérisée parmi les documents du site rotomagus.fr. On voit ici que la porte voutée de l'Ancien Régime a laissé place à une porte à linteau de dimensions plus modestes. Cela dût accroitre le besoin d'ouvrir la voie en ce lieu.

Tour et courtine de Jeucourt (8)

Ancienne tour de flanquement hémicylindrique complètement rasée. Nous avons forgé ce nom en référence au Manoir de Jeucourt, premier nom connu du Manoir de Manon (rue Jean-Prieur) et référence au seigneur de Jeucourt, capitaine de la ville. La courtine s’étend sur plusieurs dizaines de mètres. Elle a fait l’objet de nombreuses réparations contre le montrent ses matériaux divers, surtout à l’emplacement de la tour disparue (notre photo). Au-dessus des petites maisons de brique, elle présente quelques archères assez larges immédiatement en dessous du chapeau de gendarme qui couvre le garde-corps. D’imposantes pierres de taille constituent cette courtine qui ne ressemble en rien aux vestiges de la porte de Crosne, de la tour de Lanterie, du bailliage et de la tour Louise. Ce rempart est inconnu des Monuments historiques.

 
La courtine de Jeucourt, quai de Verdun, la partie la plus récente des remparts  de Pont-de-l’Arche comme l’indiquent les briques et, plus généralement, la diversité des matériaux (cliché A. Launay (janvier 2006).

La courtine de Jeucourt, quai de Verdun, la partie la plus récente des remparts de Pont-de-l’Arche comme l’indiquent les briques et, plus généralement, la diversité des matériaux (cliché A. Launay (janvier 2006).

La tour des Damps (9)

Tour cylindrique située à l’angle nord-est de la place forte. Elle était déjà complètement rasée en 1834 lorsque le plan cadastral fut dessiné. Nous avons forgé cette appellation en référence aux Damps, commune limitrophe.

 

Les poternes des Damps (10)

Nommées poternes depuis quelques dizaines d’années faute de comprendre leur fonction, ces vestiges sont situés dans l’alignement du rempart. Ils se trouvent dans une zone où les fortifications ont été largement remaniées. Ainsi des appareillages très divers entourent ces deux voutes qui pourraient bien avoir servi de cave sous un bâtiment encore visible sur les photographies de 1910. Les grilles n’ont été posées que depuis l’aménagement de l’escalier public vers la fin de la construction du pont (1951-1955). Cette partie des remparts, propriété privée, a été inscrite sur l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques le 15 juin 1939. Pour le nom, voir à « la tour des Damps ».

Les « poternes » orientées vers Les Damps (cliché A. Launay, décembre 2010).

Les « poternes » orientées vers Les Damps (cliché A. Launay, décembre 2010).

La porte de Pons, autrefois Sainte-Marie (11)

Cette porte a totalement disparu. Si les portes de la ville étaient similaires, les plans anciens et les vestiges de la porte de Crosne nous laisseraient entrevoir que la porte de Pons était munie de deux tours en U surmontées d’un logis ; renforcées par une herse et un pont-levis. Le 20 avril 1782, le gouverneur de Pont-de-l’Arche, dénommé Pons, obtint de l’intendant Louis Thiroux de Crosne l’autorisation de détruire les fortifications de Pont-de-l’Arche et Limaie. En remerciement, la municipalité donna le nom de Pons à cette porte donnant vers Les Damps (archives municipales : BB 5).

En 1340, cet endroit se nommait « porte Sainte Marie » (Jules Andrieux, Cartulaire de Bonport, page 393).

 

La tour Sainte-Marie (12)

Le tracé de cette tour de flanquement hémicylindrique est encore visible sur le plan cadastral de 1834. Cependant, il n’en subsiste aucun vestige. Nous avons forgé ce nom en référence à la rue Sainte-Marie qui longe ici le rempart.

 

La tour Louise et sa courtine (13)

La tour Louise, nom donné sur un document de la Conservation régionale des monuments historiques, est la tour d’angle cylindrique du sud-est des fortifications archépontaines. Elle est conservée jusqu’au niveau du corps de place. Le comblement partiel du fossé ne masque pas l’évasement de la base de cette tour. Elle fut inscrite sur l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques le 15 juin 1939. La notice des Monuments historiques indique l’existence d’une casemate voutée ce que nous n’avons pas vérifié. Cette tour est devenue une propriété publique en 2011 afin de raser une maison moderne qui gâchait cette partie la mieux préservée des fossés de la cité médiévale.

La tour Louise en 2010. Sa base évasée est nettement visible grâce à la conservation partielle des fossés médiévaux (cliché A. Launay, janvier 2010).

La tour Louise en 2010. Sa base évasée est nettement visible grâce à la conservation partielle des fossés médiévaux (cliché A. Launay, janvier 2010).

La tour de Rouville (14)

Cette tour de flanquement hémicylindrique a complètement disparu avant la réalisation du plan cadastral de 1834. Nous avons forgé ce nom en référence à la place de Rouville, située immédiatement au nord, dans le corps de place.

 

La porte de Paris, autrefois porte de Louviers (15)

Nous avons forgé ce nom sur l’ancienne appellation de la rue Président-Roosevelt : rue de Paris. En 1340, cet endroit se nommait « porte de Louviers » (Jules Andrieux, Cartulaire de Bonport, page 393). En 1699, une délibération du Conseil municipal la nomme porte des Champs, certainement par opposition à la porte de l’eau, vers Rouen. Cette appellation rappelle l’utilité des espaces mis en culture autour de la ville jusqu’à une période récente.

À quoi ressemblait cette porte sud de la ville qui a entièrement été rasée ? Certes il reste bien des fondations mises au jour brièvement lors des travaux de rénovation du centre-ville dans les années 1990 et lors de la réhabilitation de la place Aristide-Briand entre 2013 et 2014. Mais celles-ci ne nous permettent pas de reconstituer cette porte.

C’est un plan de Nicolas Magin, un plan de 1773, ainsi que le cadastre de 1834, qui nous donnent l’image la plus précise de ce que devait être cette porte.

Ci-dessous nous reproduisons un détail d'un plan au 1/150e conservé aux Archives nationales sous le nom de "Plan des fossés et glassis de Pontdelarche..." Il constitue une annexe de l'arrêt du Conseil du 16 juillet 1773 portant sur une contestation d'abattage d'arbres par le "sieur Durufley". En haut du plan, on voit l'arc de cercle des remparts sud. Une avancée de ces remparts, notée "fort" au milieu, protège l'entrée de la ville. L'accès à ce bastion se faisait par un "petit pont" donnant, à droite, sur deux premières maisons et l'ancien calvaire. Cet endroit doit être occupé de nos jours par l'ancien garage Renault où une médiathèque est envisagée par la municipalité. Ce bastion sortant des remparts pour mieux protéger l'entrée explique la largeur de la place des Champs depuis le pied des remparts au sud de la rue Sainte-Marie jusqu'aux maisons des faubourg représentées sur le plan. Ce bastion est assurément le résultat d'un remaniement en profondeur d'une des entrées de ville telles qu'elles étaient conçues dans les fortifications philipiennes.

 
Qui a bâti les fortifications de Pont-de-l’Arche ?
Qui a bâti les fortifications de Pont-de-l’Arche ?

Ci-dessus, le plan de Pont-de-l’Arche dressé vers 1702 par le cartographe Nicolas Magin (1663-1742) montre aussi l'avancée que constituait le bastion. Il montre aussi deux tours dans l'alignement des murs d'enceinte qui offraient une défense supplémentaire à la rue de Paris. 

Les délibérations du Conseil municipal attestent que l'autorisation de combler le "pont dormant de la place des champs" fut accordée en 1747. Ces mêmes archives montrent que la place des champs fut aplanie en 1779 suite à l'autorisation de l'intendant Louis Thiroux de Crosne. C'est à partir de 1782 que les boulevards de la ville furent créés et le fort de Limaie démoli avec maintes parties des remparts.

Le plan cadastral de 1834 montre encore le pont à bascule au milieu de l’espace nommé “place Aristide-Briand” en 1937.   

Qui a bâti les fortifications de Pont-de-l’Arche ?

La tour de l’hospice (16)

Ce vestige de tour de flanquement cylindrique possède encore une petite partie du deuxième niveau. La base de cette tour est masquée par le comblement du fossé. Elle fut nommée ainsi en raison de la proximité de ce qui est devenu un Établissement hospitalier pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Cette tour fut inscrite sur l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques le 15 juin 1939.

 
La tour de l’hospice en aout 2008 (vue prise du rempart du bailliage) avant une restauration malheureuse côté privée. Cette partie la moins bien conservée et restaurée des remparts de Pont-de-l’Arche est constituée d’une tour cylindrique dont une partie du second niveau est encore debout (cliché A. Launay, aout 2008).  Elle a bénéficié d'une restauration professionnelle dans le cadre de l'agrandissement de l'hôpital local (EHPAD) comme le montrent les clichés pris de la cour intérieure de l'hôpital (clichés de Patrice Royer, décembre 2018).
La tour de l’hospice en aout 2008 (vue prise du rempart du bailliage) avant une restauration malheureuse côté privée. Cette partie la moins bien conservée et restaurée des remparts de Pont-de-l’Arche est constituée d’une tour cylindrique dont une partie du second niveau est encore debout (cliché A. Launay, aout 2008).  Elle a bénéficié d'une restauration professionnelle dans le cadre de l'agrandissement de l'hôpital local (EHPAD) comme le montrent les clichés pris de la cour intérieure de l'hôpital (clichés de Patrice Royer, décembre 2018).
La tour de l’hospice en aout 2008 (vue prise du rempart du bailliage) avant une restauration malheureuse côté privée. Cette partie la moins bien conservée et restaurée des remparts de Pont-de-l’Arche est constituée d’une tour cylindrique dont une partie du second niveau est encore debout (cliché A. Launay, aout 2008).  Elle a bénéficié d'une restauration professionnelle dans le cadre de l'agrandissement de l'hôpital local (EHPAD) comme le montrent les clichés pris de la cour intérieure de l'hôpital (clichés de Patrice Royer, décembre 2018).

La tour de l’hospice en aout 2008 (vue prise du rempart du bailliage) avant une restauration malheureuse côté privée. Cette partie la moins bien conservée et restaurée des remparts de Pont-de-l’Arche est constituée d’une tour cylindrique dont une partie du second niveau est encore debout (cliché A. Launay, aout 2008). Elle a bénéficié d'une restauration professionnelle dans le cadre de l'agrandissement de l'hôpital local (EHPAD) comme le montrent les clichés pris de la cour intérieure de l'hôpital (clichés de Patrice Royer, décembre 2018).

La tour du bailliage (17)

La tour du bailliage est une tour cylindrique non remplie située à l’angle sud-ouest. Elle présente une belle archère ainsi qu’un début de parement de la courtine partant vers l’Est. La base de cette tour est enterrée par le comblement du fossé. Elle fut inscrite sur l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques le 15 juin 1939.

La tour du bailliage et ses courtines comptent parmi les plus beaux vestiges des fortifications de Pont-de-l’Arche (cliché A. Launay, juin 2010).

La tour du bailliage et ses courtines comptent parmi les plus beaux vestiges des fortifications de Pont-de-l’Arche (cliché A. Launay, juin 2010).

Le château de Limaie

Le château de Limaie, démantelé à partir de 1782, était un bastion protégeant l’entrée nord du pont. Ses courtines étaient bâties selon un plan presque rectangulaire, resserré sur sa partie Est. Une tour maitresse se trouvait à l’intérieur du corps de place du côté du sud-ouest. Les courtines étaient renforcées par trois tours d’angles cylindriques. La porte donnant sur le pont était renforcée de deux tourelles. Celle donnant vers le nord était défendue par une tourelle et était munie d’un pont-levis. Une poterne se trouvait au nord-ouest du corps de place. Deux fossés en eau, séparés par une palissade de bois, séparaient ce bastion de la plaine alluviale.

Nous avons accordé une étude plus approfondie à ce fort ici.

 
Dessin de 1782 représentant le fort de Limaie vu depuis la côte d'Amour, c'est-à-dire entre Pont-de-l'Arche et Les Damps. Le pont actuel touche la berge d'Igoville à l'endroit de la tour d'angle figurant sur ce dessin reproduit dans un article de Léon Coutil intitulé "Le vieux château de Limaie et le vieux pont de Pont-de-l'Arche (Eure)" publié dans le Bulletin de la Société d'études diverses de Louviers, tome XVI, 1921-1922.

Dessin de 1782 représentant le fort de Limaie vu depuis la côte d'Amour, c'est-à-dire entre Pont-de-l'Arche et Les Damps. Le pont actuel touche la berge d'Igoville à l'endroit de la tour d'angle figurant sur ce dessin reproduit dans un article de Léon Coutil intitulé "Le vieux château de Limaie et le vieux pont de Pont-de-l'Arche (Eure)" publié dans le Bulletin de la Société d'études diverses de Louviers, tome XVI, 1921-1922.

Plan du chasteau du Pont de l’arche par P. Petit vu comme si nous tournions le dos à Igoville (plan antérieur à 1782).

Plan du chasteau du Pont de l’arche par P. Petit vu comme si nous tournions le dos à Igoville (plan antérieur à 1782).

Richard Cœur de Lion ou Philippe Auguste ?

 

D’après les archives, on peut raisonnablement dater les fortifications archépontaines de la fin du XIIe siècle ou du début du XIIIe siècle. Cependant, peut-on les rattacher aux constructions de Richard Cœur de Lion entre 1194 et 1195 ou à celles de Philippe Auguste après 1204 ?

Dans une étude très poussée portant sur la cuisine de l’ancienne abbaye de Bonport, Frédéric Épaud et Jean-Baptiste Vincent datent du XIIIe les murs de la cuisine. Une comparaison des moellons permet de vérifier leur ressemblance avec les moellons des vestiges archépontains, hormis ceux des bords de Seine.

 
Extrait de Frédéric Épaud, Jean-Baptiste Vincent, « La cuisine de l’abbaye cistercienne de Bonport... »

Extrait de Frédéric Épaud, Jean-Baptiste Vincent, « La cuisine de l’abbaye cistercienne de Bonport... »

Les remparts de Pont-de-l’Arche sont dotés d’éléments techniques apparus dans la seconde moitié du XIIe siècle dans le domaine Plantagenet. Ainsi les tours de flanquement hémicylindriques ou en « u » apparurent à partir de 1170-1180. Elles remplaçaient des tours de flanquement rectangulaires, saillantes, aux arêtes trop brutes. De nombreuses archères, longues et fines apparurent aussi qui remplaçaient des ouvertures plus larges. Les tours furent aussi munies d’un second étage vouté en pierre alors que, précédemment, ce type de défense était planchéié. On était entré dans l’ère de la défense active des places fortes (Jean Mesqui, Les tours à archères...).

Les remparts décrits plus hauts correspondent à ces innovations techniques. Cependant, ces dernières furent aussi maitrisées et employées par les ingénieurs de Philippe Auguste. Ils les ont même reproduits systématiquement au point d’en faire une marque du pouvoir royal.

Afin de retrouver ou non la marque de Philippe Auguste à Pont-de-l’Arche, nous nous sommes intéressé à Dourdan (Essonne). En effet, selon le castellologue Jean Mesqui (Châteaux forts... pages 153 et 154) : « Dourdan est sans doute le plus pur produit de la maitrise d’ouvrage philippienne ; dernier construit parmi les châteaux de Philippe Auguste, il est le plus abouti… »2 Achevée dans les années 1220, cette place forte est construite selon un plan rectangulaire. Elle est dotée d’une tour maitresse cylindrique de 13,6 m de diamètre isolée du corps de place par un fossé propre. Archétype des tours philipiennes, elle tour possédait un double accès. Trois angles sont pourvus de tours cylindriques, voutées en coupole et sur ogives, et munies de nombreuses archères à ébrasement simple. Les courtines sont flanquées, dans leur milieu, de tours hémicylindriques d’un diamètre extérieur de 9 m. Un châtelet à deux tours hémicylindriques protège l’entrée.

 
A gauche la tour du Midi, à Dourdan (cliché Philippe_28). A droite, la tour Saint-Vigor, à Pont-de-l'Arche (cliché A. Launay, avril 2012). Sans être jumelles, ces tours hémicylindriques appartiennent à la même époque, le XIIe siècle, et témoignent d’un même savoir-faire technique.
A gauche la tour du Midi, à Dourdan (cliché Philippe_28). A droite, la tour Saint-Vigor, à Pont-de-l'Arche (cliché A. Launay, avril 2012). Sans être jumelles, ces tours hémicylindriques appartiennent à la même époque, le XIIe siècle, et témoignent d’un même savoir-faire technique.

A gauche la tour du Midi, à Dourdan (cliché Philippe_28). A droite, la tour Saint-Vigor, à Pont-de-l'Arche (cliché A. Launay, avril 2012). Sans être jumelles, ces tours hémicylindriques appartiennent à la même époque, le XIIe siècle, et témoignent d’un même savoir-faire technique.

Pour revenir à Pont-de-l’Arche, nous remarquons que le plan rectangulaire, majeur dans la fortification philippienne, a été adapté à l’arc de cercle de la cité médiévale et à Limaie où le rectangle était quelque peu resserré vers la pointe Est de l’ile artificielle. La disposition de tours cylindriques aux angles et de tours hémicylindriques flanquant les courtines a aussi été scrupuleusement observée. Quant à la tour maitresse, dans le château de Limaie, elle était isolée de la courtine mais dans le corps de place, certainement par manque d’espace extérieur sur l’ile artificielle. Les portes étaient protégées par des châtelets à deux tours hémicylindriques. Reprenons la définition de Jean Mesqui (Châteaux et enceintes..., page 44) : « Aussi la fortification philippienne, dès lors qu’elle quitte le domaine du noyau central, se cantonne-t-elle dans l’application d’un principe majeur : celui du flanquement de courtines rectilignes par des tours sphériques, celui de la défense des portes par des massifs à deux tours. »

Nous voyons que Pont-de-l’Arche répond plutôt bien à cette définition. Nous pouvons raisonnablement avancer que, si Philippe Auguste n’a pas été le seul monarque à doter Pont-de-l’Arche de fortifications, c’est lui qui les a le plus élevées et marquées de son empreinte.

    

 
La porte d’entrée de Dourdan nous donne certainement une bonne illustration de ce que furent les entrées de Pont-de-l’Arche. Comparez les dimensions des tours ainsi que les archères de Dourdan et de la porte de Crosne à Pont-de-l'Arche (cliché Philippe_28).

La porte d’entrée de Dourdan nous donne certainement une bonne illustration de ce que furent les entrées de Pont-de-l’Arche. Comparez les dimensions des tours ainsi que les archères de Dourdan et de la porte de Crosne à Pont-de-l'Arche (cliché Philippe_28).

En guise de conclusion

Si les sources écrites ne nous permettent pas d’affirmer que Richard Cœur de Lion fut le premier duc de Normandie à doter Pont-de-l’Arche de remparts en pierre, elles attestent que celui-ci y a fait réaliser d’importants travaux.

Face à la convoitise de Philippe Auguste, Richard Cœur de Lion a fortifié la vallée de la Seine (route de Rouen) avec, au premier plan, Pont-de-l’Arche et son pont, Le Vaudreuil et le Château Gaillard. Dans ce cadre, il a aussi inclus Pont-de-l’Arche dans le domaine ducal direct. Cependant, Richard Cœur de Lion mourut en 1199 et son frère Jean sans Terre perdit la Normandie en 1204.

Philippe Auguste, peu confiant dans le peuple rouennais, fit de Pont-de-l’Arche son principal lieu de résidence en Normandie. C’est ce qu’atteste le grand nombre de documents royaux signés à Pont-de-l’Arche, place forte royale.

L’observation de vues anciennes sur le château de Limaie et l’observation des vestiges actuels rattachent les fortifications archépontaines aux constructions philipiennes : un plan rectangulaire, avec adaptation locale, comportant des tours cylindriques aux angles, des tours hémicylindriques flanquant les courtines, des châtelets à deux tours aux portes, les volumes des tours au premier rang desquelles la tour maitresse de Limaie… Nous pouvons commencer à répondre à notre question : qui a bâti les fortifications de Pont-de-l’Arche ? Il s’agit de Philippe Auguste, certainement sur les bases établies par Richard Cœur de Lion…

 

 

Sources

- Baldwin John, Philippe Auguste, Paris, Fayard, 1998, 717 pages ;

- Boussard Jacques, « Philippe Auguste et les Plantagenêts », p. 263-289, in Bautier Robert-Henri (dir.), La France de Philippe Auguste - Le temps des mutations : actes du colloque international organisé par le CNRS (Paris, 29 septembre – 4 octobre 1980), Paris : éditions du CNRS, 1982, 1034 pages ;

- Chatelain (André), « Recherche sur les châteaux de Philippe Auguste », Archéologie médiévale, tome XXI, 1991, éditions du CNRS, pages 115-161 ;

- Delisle Léopold (publié par), « Cartulaire normand de Philippe Auguste, Louis VIII, Saint-Louis et Philippe le Hardi », in Mémoire de la Société des antiquaires de Normandie, 6e volume, XVIe volume de la collection, Caen, 1852, 390 pages ;

- Duranville Léon Lévaillant de, Essai historique et archéologique sur la ville du Pont-de-l'Arche : documents supplémentaires accompagnés d’une vue de la ville de Pont-de-l'Arche, d'après un croquis de E.-H. Langlois et du fac-similé d'un plan exécuté par J. Gomboust, dans le XVIIe siècle, Rouen : A. Le Brument, 1870, 55 pages ;

- Épaud Frédéric, Vincent Jean-Baptiste, « La cuisine de l’abbaye cistercienne de Bonport (Pont-de-l’Arche, Eure) », pages 99-113, in Bulletin monumental, tome 169-2, Paris, Société française d’archéologie, 2012 ;

- Erlande-Brandenburg Alain, « L’architecture militaire au temps de Philippe Auguste : une nouvelle conception de la défense », in La France de Philippe Auguste. Le temps des mutations, Robert-Henri Bautier (dir.), Actes du colloque organisé par le CNRS (Paris, 29 septembre-4 octobre 1980), Paris, éditions du CNRS, 1982, pages 595-603 ;

- Le Breton Guillaume, La Philippide, Paris, Brière, 1825, 418 pages ;

- Léchaudé d’Anisy Amédée-Louis, « Grands rôles des Echiquiers de Normandie » dans les Mémoires de la Société des antiquaires de Normandie : documents historiques, tome I, Paris, 1845, 356 pages ;

- Le Maho Jacques, « Un grand ouvrage royal du IXe siècle : le pont fortifié dit « de Pîtres » à Pont-de-l’Arche (Eure) », pages 143-158, in Des Châteaux et des sources. Archéologie et histoire dans la Normandie médiévale : mélanges en l’honneur d’Anne-Marie Flambard Héricher, Publications des universités de Rouen et du Havre, 2008, 622 pages ;

- Mesqui Jean, « Les tours à archères dans le domaine Plantagenet français 1160-1205 », p. 77-88, in Les fortifications dans le domaine Plantagenet, XIIe-XIVe siècle : actes du colloque international tenu à Poitiers du 11 au 13 novembre 1994, Université de Poitiers, 2000, 138 pages ;

- Mesqui Jean, Châteaux et enceintes de la France médiévale, volume 1 : De la défense à la résidence, Picard, 1991, 375 pages ;

- Mesqui Jean, Châteaux forts et fortifications en France, Paris, Flammarion, 1997, 493 pages ;

- Sadourny Alain, « La fin de la Normandie Plantagenêt », pages 141-151, in Le Roc’h-Morgère Louis, Richard Cœur de Lion roi d’Angleterre, duc de Normandie (1157-1199), actes du colloque international tenu à Caen, 6-9 avril 1999, Caen, Direction des archives départementales du Calvados, 2004, 365 pages ;

- Vernier Jean-Jacques, Chartes de l'abbaye de Jumièges (v. 825 à 1204) conservées aux archives de la Seine-inférieure, tome II, Rouen, Lestringant, 1916 ;

- Yver Jean, « Philippe Auguste et les châteaux normands. La frontière orientale du duché », pages 309-348, in Bulletin de la société des antiquaires de Normandie, tome LIX, 1967-1989, Caen.

 

 

Armand Launay

Pont-de-l'Arche ma ville

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