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29 septembre 2020 2 29 /09 /septembre /2020 13:13

 

Avec nos remerciements à Jean Baboux

 

Le vitrail du halage est un joyau du patrimoine de Pont-de-l’Arche. Daté de 1605, il témoigne d’une des activités cardinales du Pont-de-l’Arche d’avant 1813 qui vivait, pour partie, du montage des bateaux.

Le vitrail du montage, une œuvre de Martin Vérel datée de 1605 et située dans l'église Notre-Dame-des-arts (photo A. Launay, 2013)

Le vitrail du montage, une œuvre de Martin Vérel datée de 1605 et située dans l'église Notre-Dame-des-arts (photo A. Launay, 2013)

Le vitrail du halage : fenêtre sur une activité révolue

Le vitrail d’un point de vue patrimonial

Le vitrail du halage est situé au registre inférieur de la deuxième fenêtre sud de l’église Notre-Dame-des-arts. Classé Monument historique en 1862, comme l’ensemble des vitraux en place à cette date, il fut fabriqué en 1605 par Martin Vérel, un peintre verrier de Rouen. C’est ce que nous apprend un procès retrouvé parmi les archives du bailliage de Vernon (sic) et relaté (page 42) par Bernadette Suau dans « A Pont-de-l'Arche, la vitre des bateaux ». Ce vitrail bénéficia d’une restauration en 1883 par l’atelier Duhamel-Marette.

Description de la scène

Ce vitrail représente une scène de montage, c’est-à-dire le halage sous le pont. Au premier plan, plusieurs dizaines de haleurs – hommes, femmes et enfants – en tenue du dimanche tirent des cordages avec l’aide de quelques chevaux. Au bout des cordages, un premier bateau, suivi d’un second encore sous le pont, remonte le courant de la Seine. En bas à droite se trouve le fort de Limaie (démantelé peu après 1782) qui était situé sur la rive droite de la Seine. Au bout du pont, la ville de Pont-de-l’Arche est représentée par deux tours. Sur le pont, en dessous de la croix, se trouve le maitre de pont, personnage qui guidait les monteurs afin d’éviter que le bateau ne percute une pile du pont. Le montage nécessitait une force parfaitement maitrisée. En bas, sur le chemin de halage, se trouvent deux commerçants, propriétaires des bateaux, reconnaissables à leurs capes de voyageurs.

Détails du vitrail du montage (photos A. Launay, 2013)
Détails du vitrail du montage (photos A. Launay, 2013)
Détails du vitrail du montage (photos A. Launay, 2013)
Détails du vitrail du montage (photos A. Launay, 2013)
Détails du vitrail du montage (photos A. Launay, 2013)
Détails du vitrail du montage (photos A. Launay, 2013)
Détails du vitrail du montage (photos A. Launay, 2013)

Détails du vitrail du montage (photos A. Launay, 2013)

Une scène profane dans une église ?

Le halage, revenu de la paroisse

Des scènes profanes ornent les vitraux des églises. Parmi elles, la scène du montage de bateaux est particulièrement intéressante car elle illustre une activité professionnelle révolue. Pourquoi représenter le travail des monteurs ? Les registres de la fabrique paroissiale peuvent nous fournir une réponse. Ceux-ci nous apprennent qu’en 1511 « On a commencé à faire payer les bateaux qui montent les festes. » C’est-à-dire que la paroisse percevait de l’argent sur le montage des bateaux lors des jours fêtés. Nul doute que cette somme a largement participé à la construction de l’église Saint-Vigor dont le gros œuvre fut érigé entre 1499 et 1566.

 

Un revenu revendiqué car détourné…

Ce droit perçu par la paroisse sur les bateaux a été usurpé par la garnison royale du fort de Limaie. C’est ce qu’indique une remontrance de 1620 résumée ainsi dans les registres de fabrique : « On a aussy prié M. le colonel Dornano, lieutenant en la province de Normandie, de donner des ordres à ses soldats qui montoient les bateaux et en prenoient le droit qui avoit esté donné par les habitants à l'église. Ledit sieur Dornano ordonna que les soldats de la ville et du château auroient pour tout droit à chaque bateau quarante sols et le surplus seroit donné à l'église à quelque prix qu'il pût aller. » L’on apprend donc que des soldats s’accaparaient la partie de la taxe donnée par les habitants de Pont-de-l’Arche à la paroisse en 1511 (la nouvelle et vaste église était en construction depuis 1499). Depuis quand l'usurpaient-ils ? Les registres de fabrique ne le précisent pas. Mais cette usurpation devait avoir lieu depuis quelques années puisqu’un temps a dû s’écouler avant que la paroisse ne se retourne vers le représentant du roi en Normandie. On peut aussi l’imaginer car la réponse de ce dernier, en répartissant les taxes entre les militaires et la paroisse, a entériné l’habitude des militaires à percevoir une taxe sur les bateaux montés. Dans une note (page 59) de Diaire ou journal du voyage du chancelier Séguier en Normandie Amable Floquet rapporte que « Au mois de mai 1616, ceux qui gardaient le château du Pont-de-l’Arche se permettaient des exactions sur les marchandises dont étaient chargés les navires qui passaient par là. Plus tard, l’abbé de « Bois-Robert, ayant découvert au cardinal que Saint-Georges, gouverneur du Pont-de-l’Arche, prenoit tant sur chaque bateau qui remontoit, et qu’on appeloit ces bateaux des cardinaux, Saint-Georges fut chassé. » Une mention des registres de fabrique datée de 1629 apporte cette précision : « Le Parlement se fait montrer les titres du droit de cinq sous par courbe de chaque bateau. » Nous avons donc les sommes données par les habitants de Pont-de-l’Arche à la paroisse. Amable Floquet rapporte aussi que les Etats de Normandie, réunis à Rouen le 26 novembre 1643, remontrèrent au roi que « La garnison du Pont-de-l’Arche est un impost sur le vin » et qu’il faudrait faire « défenses aux soldats de rien prendre ausdicts basteaux » et en faire « respondre le capitaine du chasteau » qui était toujours Jean de Lonlay, seigneur de Saint-Georges. Le même Amable Floquet clôt la note ainsi : « Le 11 mars 1649 (pendant les troubles de la Fronde), le Parlement supprima, comme illégal, le droit de cinq sous par courbe de chevaux hallants bateaux entre Elbeuf et le Pont-de-l’Arche. » Quoi qu'il en soit, il nous est impossible de savoir si cette décision a définitivement clos ces exactions, tant à l'encontre de la paroisse que des marchands. Selon la tradition orale, le sobriquet des Archépontains – les Carnages – viendrait de cette situation où Pont-de-l’Arche était un pays où les "quarts (de vin) nagent" ; les marchands devant lâcher une partie de leur marchandise dans l’eau, à destination des soldats.

 

Un vitrail comme légitime revendication ?

Cette situation nous fait penser que la commande du vitrail du montage doit avoir eu pour motivation de rappeler à tous les droits donnés par les Archépontains à la paroisse en matière de montage des bateaux sous le pont. Ce vitrail nous rappelle aujourd’hui le poids des activités fluviales dans la vitalité archépontaine. Mais en quoi consistaient les professions touchant au montage ?

Vue d'élévation & plan du château de Limaie. Avant 1782. Un feuillet de papier (210 x 125 mm), lavis, aquarelle & encre. La garnison de ce fort posa bien des soucis aux marchands et à la paroisse Saint-Vigor de Pont-de-l'Arche.

Vue d'élévation & plan du château de Limaie. Avant 1782. Un feuillet de papier (210 x 125 mm), lavis, aquarelle & encre. La garnison de ce fort posa bien des soucis aux marchands et à la paroisse Saint-Vigor de Pont-de-l'Arche.

Maitre de pont et haleurs

Pourquoi monter les bateaux à Pont-de-l’Arche ?

Si Poses et Martot ont été des étapes fluviales, c’est à cause de la perte d’altitude naturelle du lit de la Seine. Pour Pont-de-l’Arche, située entre ces deux stations, ce sont les réalisations humaines qui ont contrarié la navigation fluviale. En cause, les ponts bâtis en ce lieu depuis le pont de Charles le Chauve, construit entre 862 et 873 pour barrer le fleuve aux Vikings. Ces ponts créaient une légère chute d’eau, variant selon les marées, et perturbant les courants si bien que des pilotes locaux étaient nécessaires pour aider les bateaux à passer le pont sans dommage. Lors de la description du vitrail du montage (plus haut), nous avons vu le maitre de pont donner des instructions aux monteurs depuis le tablier du pont pour éviter que le bateau ne cogne une pile.

 

Profession : maitre de pont

C’est en février 1415 le que le roi Charles VI institua l’office de maitre du pont de Pont-de-l'Arche par une ordonnance qui ne varia pas jusqu’à la Révolution française. On retrouve donc cette ordonnance dans les recueils juridiques des marchands et prévôts de Paris, qui nommaient le maitre de pont de Pont-de-l’Arche. Ce document visait à encadrer une activité qui semble avoir été très convoitée, ce qui devait perturber la navigation. En déterminant la rémunération revenant au maitre de pont (5 sous tournois par courbe), puis à ses assistants et ses « valets », cette ordonnance nous apprend que le halage avait aussi lieu, pour un moindre tirant d’eau, du côté de la ville (payé 32 deniers contre 40 deniers du côté de Limaie). Cet office sera supprimé à la Révolution et remplacé par la charge de chef de pont nommé par le sous-secrétariat des travaux-publics, dépendant du ministère de l'Intérieur.

Le maitre de pont donnant des instructions aux monteurs grâce à son chapeau. Détail du vitrail (photo A. Launay, 2013)

Le maitre de pont donnant des instructions aux monteurs grâce à son chapeau. Détail du vitrail (photo A. Launay, 2013)

Les monteurs

Combien fallait-il payer de haleurs ? L’ordonnance royale se débarrasse de la question en ces termes : « Et au cas que les eaux seront si fortes qu’il y faudra plus de gens que ledit Maistre ne doit bailler, iceluy Maistre les querra, & les Voicturiers payeront le pardessus. » Selon Joseph Dutens (page 388), la chute d’eau de 50 cm occasionnée par le pont nécessitait un halage assuré jusqu’à « soixante chevaux, et le secours de deux à trois cents hommes… ». La dépense pouvait aller jusqu’à 200 francs vers le début du XIXe siècle. Cela laisse imaginer que quelques dizaines de personnes servaient régulièrement au halage et que quelques centaines d’autres venaient ponctuellement. A défaut d’apporter une grande richesse au pays, cela devait occuper une part non négligeable d’une population estimée à 1639 habitants en 1793.

Dans son mémoire de maitrise, Bénédicte Delaune note (page 60) que les capitations de 1788 répartissent comme suit les professions à Pont-de-l’Arche : artisanat 102 personnes (dont cuir 28 et textile 37), commerce 48, notables 23, pont et eau 22 (dont commis du maitre de pont 2 et aides de pont 8), nature 25, domestique 10 et autres 13. Les métiers de l’eau formaient le quatrième secteur professionnel de la ville. Bénédicte Delaune avance (page 76) le chiffre de 10 % des électeurs qui vivaient, en 1788, des activités fluviales. Ceci ne représente, pour le montage, que les cadres d’une profession qui recourait largement aux journaliers.

Les haleurs

Combien fallait-il payer de haleurs ? L’ordonnance royale se débarrasse de la question en ces termes : « Et au cas que les eaux seront si fortes qu’il y faudra plus de gens que ledit Maistre ne doit bailler, iceluy Maistre les querra, & les Voicturiers payeront le pardessus. » Selon Joseph Dutens (page 388), la chute d’eau de 50 cm occasionnée par le pont nécessitait un halage assuré jusqu’à « soixante chevaux, et le secours de deux à trois cents hommes… ». La dépense pouvait aller jusqu’à 200 francs vers le début du XIXe siècle. Cela laisse imaginer que quelques dizaines de personnes servaient régulièrement au halage et que quelques centaines d’autres venaient ponctuellement. A défaut d’apporter une grande richesse au pays, cela devait occuper une part non négligeable d’une population estimée à 1639 habitants en 1793.

Dans son mémoire de maitrise, Bénédicte Delaune note (page 60) que les capitations de 1788 répartissent comme suit les professions à Pont-de-l’Arche : artisanat 102 personnes (dont cuir 28 et textile 37), commerce 48, notables 23, pont et eau 22 (dont commis du maitre de pont 2 et aides de pont 8), nature 25, domestique 10 et autres 13. Les métiers de l’eau formaient le quatrième secteur professionnel de la ville. Bénédicte Delaune avance (page 76) le chiffre de 10 % des électeurs qui vivaient, en 1788, des activités fluviales. Ceci ne représente, pour le montage, que les cadres d’une profession qui recourait largement aux journaliers.

 

Comment halez-vous ?

A Pont-de-l’Arche

Nous utilisons le témoignage de l’ingénieur-hydrographe Pierre-Alexandre Forfait qui était mandaté, en 1796, par le ministre de la marine, Jean Dalbarade, pour étudier les pistes d’amélioration de la navigation entre la mer et Paris. Fort de son voyage sur un lougre appelé Le saumon, il rapporta que les principaux obstacles à la navigation étaient les 9 ponts situés entre Rouen et Paris car ils interrompaient lourdement le chemin de halage. Ainsi, il décrivit précisément le montage à Pont-de-l’Arche à titre d’illustration du fonctionnement de l’ensemble des ponts. C’est cet ingénieur qui proposa la construction d’un canal et d’une écluse en lieu en place des fossés du fort de Limaie. Il écrivit sur son arrivée au pied des ruines du fort de Limaie : « On a porté trois amarres de 2PO ½ à une pointe de terre saillante à l’amont du pont et sur laquelle est établi un pilotage destiné à servir de conducteur à ces traits. Deux rouleaux verticaux terminent une grande encochure, l’arche et le poste où le navire est amarré se trouvent à peu près dans la même direction… [page 20] Cette amarre se fait avec de fortes bosses disposées et entretenues par la marine ou les navigateurs. Elles sont frappées sur le chapeau par de forts poteaux de garde bordés, qui déffendent la maçonnerie et les batteaux contre les abordages qui se feroient réciproquement. [page 21]

Cet amarrage est réalisé « par un batelier du pays qui en a le privilège sous la dénomination de "Pêcheux" ». Il est 11 heures du matin et le pont ne sera franchi qu’à la fin de la journée car le maitre de pont souhaite attendre le flot de la marée, à 6 heures du soir, pour aider le lougre de Pierre-Alexandre Forfait à passer. Ce dernier, ainsi que son pilote, ont trouvé ce secours de la marée bien inutile. Pour pouvoir passer sous la grande arche (celle de Limaie), les matelots amènent les mâts et le gréement. Trois amarres sont fixées au bateau et passées sous l’arche grâce à un canot. Sur la rive gauche (la ville), deux amarres sont attachées à quatre chevaux chacune. Sur la rive droite (Limaie), une amarre est attachée à huit chevaux. Le montage commence par le travail des chevaux de la rive gauche qui, malgré les remous du fleuve, viennent placer le lougre le long de la première pile du pont. Le bâtiment est « emponté ». Le maitre de pont donne alors l’ordre aux 16 chevaux de tirer. Pierre-Alexandre Forfait nota que, sous l’effort, deux chevaux tombèrent… Le lougre monta cependant sans difficulté et fut amarré 25 toises en amont du pont. Vers 7 heures, le montage était fini et il fallut aux matelots 45 minutes pour remonter les mâts et regréer.

Pierre-Alexandre Forfait était révolté comme on le lit dans les propos rapportés par Jean Legoy : « Au Pont de l’arche tout est préjugé ; on doutait que nous passions avec 16 chevaux sans le secours d’un grand nombre d’hommes ainsi que c’est l’usage. Le maitre de pont a trois brigades d’ouvriers sous ses ordres, des compagnons, des farigouliers. Les hommes restant attachés à quelques amarres, leurs fonctions sont nulles pour des navires (comme « Le saumon »). On ne fait rien au passage de ces ponts qu’avec des chevaux. Ce sont des chevaux qui halent le trait sous le pont, ce sont des chevaux qui remontent le bateau, les hommes ne font rien. Cependant, les hommes, femmes et enfants ont la prétention d’être employés à tous les passages de navires. » Après Vernon, l’ingénieur poursuit : « Nous reconnaissons de plus en plus que les manœuvres des ponts sont dirigées par l’habitude et le préjugé. Ils ne font rien qu’avec des chevaux, dont le mouvement ne pouvant être simultané, occasionne nécessairement des secousses qui causent des accidents de toute espèce. »

Evidemment nous sommes en pleine période de remise en cause des corporations et des monopoles, mais ce propos traduit peut-être la situation difficile des contemporains de Pierre-Alexandre Forfait. A Pont-de-l’Arche, il reproche la présence trop nombreuse de monteurs qui ne serviraient à rien à côté de la puissance aveugle des chevaux. On pourra objecter qu’en période de crise les monteurs ne devaient avoir la pleine possession de leurs moyens et que les mettre au chômage eût été bien pire encore.

 

1813, le halage obsolète

Comme nous l’avons étudié dans l’article « L’écluse de Limaie entre Pont-de-l’Arche et Igoville (1813-1858) », le montage est devenu insupportable aux autorités pour sa lenteur, son cout et le doute qu’il laissait planer sur l’approvisionnement de Paris. Qui plus est Pierre-Alexandre Forfait devint ministre de la marine et, semble-t-il, eut l’oreille de Napoléon Bonaparte quant au projet de créer une écluse à Pont-de-l’Arche. L’empereur alloua les crédits nécessaires au percement d’un canal et à la construction d’une écluse ouverte à la navigation en 1813. Désormais, un éclusier et deux aides rendaient inutiles les dizaines, voire centaines, de monteurs grâce au contournement du pont. Lorsque ce pont s’écroula en 1856, il fut remplacé par un autre ouvrage d’art aux arches suffisamment grandes pour laisser passer sans encombre le trafic fluvial. L’écluse de Limaie devint à son tour obsolète et les haleurs de la Seine perdaient leur travail à mesure que la navigation se motorisait. Pont-de-l’Arche cessa d’être une étape fluviale.

 

Conclusion

Le vitrail du montage illustre l’histoire des techniques et donc des modes de vie. Les progrès techniques (ponts, écluses, bateaux) ont permis une amélioration des moyens de transports. Mais il semble que ce soit l’approvisionnement de la capitale et la volonté de libérer le commerce qui ont motivé les autorités nationales à transformer les infrastructures locales, ce qui a bouleversé des habitudes pluriséculaires. Peut-être que de nombreux haleurs archépontains, qui se sont retrouvés sans emploi à partir de 1813, se sont reconvertis dans le chausson, un objet du quotidien qu’ils devaient user en tirant les bateaux ? C’est l’hypothèse que nous avons formulée dans notre ouvrage sur l’industrie de la chaussure à Pont-de-l’Arche. Quoi qu’il en soit, ces réalisations ont auguré les constructions de la seconde moitié du XIXe siècle – les barrages – et les vastes travaux d’endiguement de la Seine dans les années 1930. Depuis, la Seine est une voie commerciale et Pont-de-l’Arche a cessé d’être une étape fluviale.

http://pontdelarche.over-blog.com/article-pont-de-l-arche-cite-de-la-chaussure-78659707.html

 

A lire aussi…

http://pontdelarche.over-blog.com/article-l-ecluse-de-limaie-entre-pont-de-l-arche-et-igoville-1813-1858-78659430.html$

http://pontdelarche.over-blog.com/article-grands-travaux-de-la-seine-dans-la-region-de-pont-de-l-arche-annees-1930-78659526.html

 

Sources

Les ordonnances royaux, sur le faict et jurisdiction de la prevosté des marchans & eschevinage de la ville de Paris, Paris, P. Rocolet, 1544, voir chapitre XL, page 137.

Delaune Bénédicte, Pont-de-l’Arche, population, pouvoirs municipaux et société à la fin du XVIIIe siècle et pendant la Révolution, mémoire de maitrise préparé sous la direction de Claude Mazauric, université de Rouen, vers 1992, 130 pages.

Dutens Joseph, Histoire de la navigation intérieure de la France…, tome I, Paris, A. Sautelet et Cie, 1829, 651 pages.

Floquet Amable, Diaire ou journal du voyage du chancelier Séguier en Normandie après la sédition des nu-pieds (1639-1640) et documents relatifs à ce voyage et à la sédition, Rouen, E. Frère, 1842, 448 pages.

Forfait Pierre-Alexandre, Mémoire et Observations concernant la navigation du lougre de la République, sur la Seine, du Havre à Paris l’an 4e de la République, 1796, 30 pagesmanuscrit conservé à la bibliothèque municipale du Havre sous la cote mss 241.

Legoy Jean, « Le voyage du Havre à Paris par la Seine en 1796 », in Cahiers Léopold-Delisle, t. XXV-XXXVI, années 1986-1987, La Normandie et Paris : actes du XXI congrès des sociétés historiques et archéologiques de Normandie, 255 pages.

Suau Bernadette, « A Pont-de-l'Arche, la vitre des bateaux », in Nouvelles de l'Eure, n° 64-65, 1978, pages 42-55.

Collectif, « Note de ce qui s'est passé de curieux et de ce qui a été fait dans l'année de chaque trésorier », in Semaine religieuse du diocèse d'Evreux, n° des 24, 31 aout, 14, 21 septembre 1918.

Monteurs et chevaux en action. Détail du vitrail (photo A. Launay, 2010)
Monteurs et chevaux en action. Détail du vitrail (photo A. Launay, 2010)

Monteurs et chevaux en action. Détail du vitrail (photo A. Launay, 2010)

Comment halez-vous ?

Nous utilisons le témoignage de l’ingénieur-hydrographe Pierre-Alexandre Forfait qui était mandaté, en 1796, par le ministre de la marine, Jean Dalbarade, pour étudier les pistes d’amélioration de la navigation entre la mer et Paris. Fort de son voyage sur un lougre appelé Le saumon, il rapporta que les principaux obstacles à la navigation étaient les 9 ponts situés entre Rouen et Paris car ils interrompaient lourdement le chemin de halage. Ainsi, il décrivit précisément le montage à Pont-de-l’Arche à titre d’illustration du fonctionnement de l’ensemble des ponts. C’est cet ingénieur qui proposa la construction d’un canal et d’une écluse en lieu en place des fossés du fort de Limaie. Il écrivit sur son arrivée au pied des ruines du fort de Limaie : « On a porté trois amarres de 2PO ½ à une pointe de terre saillante à l’amont du pont et sur laquelle est établi un pilotage destiné à servir de conducteur à ces traits. Deux rouleaux verticaux terminent une grande encochure, l’arche et le poste où le navire est amarré se trouvent à peu près dans la même direction… [page 20] Cette amarre se fait avec de fortes bosses disposées et entretenues par la marine ou les navigateurs. Elles sont frappées sur le chapeau par de forts poteaux de garde bordés, qui déffendent la maçonnerie et les batteaux contre les abordages qui se feroient réciproquement. [page 21]

Cet amarrage est réalisé « par un batelier du pays qui en a le privilège sous la dénomination de "Pêcheux" ». Il est 11 heures du matin et le pont ne sera franchi qu’à la fin de la journée car le maitre de pont souhaite attendre le flot de la marée, à 6 heures du soir, pour aider le lougre de Pierre-Alexandre Forfait à passer. Ce dernier, ainsi que son pilote, ont trouvé ce secours de la marée bien inutile. Pour pouvoir passer sous la grande arche (celle de Limaie), les matelots amènent les mâts et le gréement. Trois amarres sont fixées au bateau et passées sous l’arche grâce à un canot. Sur la rive gauche (la ville), deux amarres sont attachées à quatre chevaux chacune. Sur la rive droite (Limaie), une amarre est attachée à huit chevaux. Le montage commence par le travail des chevaux de la rive gauche qui, malgré les remous du fleuve, viennent placer le lougre le long de la première pile du pont. Le bâtiment est « emponté ». Le maitre de pont donne alors l’ordre aux 16 chevaux de tirer. Pierre-Alexandre Forfait nota que, sous l’effort, deux chevaux tombèrent… Le lougre monta cependant sans difficulté et fut amarré 25 toises en amont du pont. Vers 7 heures, le montage était fini et il fallut aux matelots 45 minutes pour remonter les mâts et regréer.

Pierre-Alexandre Forfait était révolté comme on le lit dans les propos rapportés par Jean Legoy : « Au Pont de l’arche tout est préjugé ; on doutait que nous passions avec 16 chevaux sans le secours d’un grand nombre d’hommes ainsi que c’est l’usage. Le maitre de pont a trois brigades d’ouvriers sous ses ordres, des compagnons, des farigouliers. Les hommes restant attachés à quelques amarres, leurs fonctions sont nulles pour des navires (comme « Le saumon »). On ne fait rien au passage de ces ponts qu’avec des chevaux. Ce sont des chevaux qui halent le trait sous le pont, ce sont des chevaux qui remontent le bateau, les hommes ne font rien. Cependant, les hommes, femmes et enfants ont la prétention d’être employés à tous les passages de navires. » Après Vernon, l’ingénieur poursuit : « Nous reconnaissons de plus en plus que les manœuvres des ponts sont dirigées par l’habitude et le préjugé. Ils ne font rien qu’avec des chevaux, dont le mouvement ne pouvant être simultané, occasionne nécessairement des secousses qui causent des accidents de toute espèce. »

Evidemment nous sommes en pleine période de remise en cause des corporations et des monopoles, mais ce propos traduit peut-être la situation difficile des contemporains de Pierre-Alexandre Forfait. A Pont-de-l’Arche, il reproche la présence trop nombreuse de monteurs qui ne serviraient à rien à côté de la puissance aveugle des chevaux. On pourra objecter qu’en période de crise les monteurs ne devaient avoir la pleine possession de leurs moyens et que les mettre au chômage eût été bien pire encore.

 

1813, le halage obsolète

Comme nous l’avons étudié dans l’article « L’écluse de Limaie entre Pont-de-l’Arche et Igoville (1813-1858) », le montage est devenu insupportable aux autorités pour sa lenteur, son cout et le doute qu’il laissait planer sur l’approvisionnement de Paris. Qui plus est Pierre-Alexandre Forfait devint ministre de la marine et, semble-t-il, eut l’oreille de Napoléon Bonaparte quant au projet de créer une écluse à Pont-de-l’Arche. L’empereur alloua les crédits nécessaires au percement d’un canal et à la construction d’une écluse ouverte à la navigation en 1813. Désormais, un éclusier et deux aides rendaient inutiles les dizaines, voire centaines, de monteurs grâce au contournement du pont. Lorsque ce pont s’écroula en 1856, il fut remplacé par un autre ouvrage d’art aux arches suffisamment grandes pour laisser passer sans encombre le trafic fluvial. L’écluse de Limaie devint à son tour obsolète et les haleurs de la Seine perdaient leur travail à mesure que la navigation se motorisait. Pont-de-l’Arche cessa d’être une étape fluviale.

 

Conclusion

Le vitrail du montage illustre l’histoire des techniques et donc des modes de vie. Les progrès techniques (ponts, écluses, bateaux) ont permis une amélioration des moyens de transports. Mais il semble que ce soit l’approvisionnement de la capitale et la volonté de libérer le commerce qui ont motivé les autorités nationales à transformer les infrastructures locales, ce qui a bouleversé des habitudes pluriséculaires. Peut-être que de nombreux haleurs archépontains, qui se sont retrouvés sans emploi à partir de 1813, se sont reconvertis dans le chausson, un objet du quotidien qu’ils devaient user en tirant les bateaux ? C’est l’hypothèse que nous avons formulée dans notre ouvrage sur l’industrie de la chaussure à Pont-de-l’Arche. Quoi qu’il en soit, ces réalisations ont auguré les constructions de la seconde moitié du XIXe siècle – les barrages – et les vastes travaux d’endiguement de la Seine dans les années 1930. Depuis, la Seine est une voie commerciale et Pont-de-l’Arche a cessé d’être une étape fluviale.

 

 

A lire aussi…

L'écluse de Limaie

Les grands travaux de la Seine

 

 

Sources

Les ordonnances royaux, sur le faict et jurisdiction de la prevosté des marchans & eschevinage de la ville de Paris, Paris, P. Rocolet, 1544, voir chapitre XL, page 137.

Delaune Bénédicte, Pont-de-l’Arche, population, pouvoirs municipaux et société à la fin du XVIIIe siècle et pendant la Révolution, mémoire de maitrise préparé sous la direction de Claude Mazauric, université de Rouen, vers 1992, 130 pages.

Dutens Joseph, Histoire de la navigation intérieure de la France…, tome I, Paris, A. Sautelet et Cie, 1829, 651 pages.

Floquet Amable, Diaire ou journal du voyage du chancelier Séguier en Normandie après la sédition des nu-pieds (1639-1640) et documents relatifs à ce voyage et à la sédition, Rouen, E. Frère, 1842, 448 pages.

Forfait Pierre-Alexandre, Mémoire et Observations concernant la navigation du lougre de la République, sur la Seine, du Havre à Paris l’an 4e de la République, 1796, 30 pages, manuscrit conservé à la bibliothèque municipale du Havre sous la cote mss 241.

Legoy Jean, « Le voyage du Havre à Paris par la Seine en 1796 », in Cahiers Léopold-Delisle, t. XXV-XXXVI, années 1986-1987, La Normandie et Paris : actes du XXIe congrès des sociétés historiques et archéologiques de Normandie, 255 pages.

Suau Bernadette, « A Pont-de-l'Arche, la vitre des bateaux », in Nouvelles de l'Eure, n° 64-65, 1978, pages 42-55.

Collectif, « Note de ce qui s'est passé de curieux et de ce qui a été fait dans l'année de chaque trésorier », in Semaine religieuse du diocèse d'Evreux, n° des 24, 31 aout, 14, 21 septembre 1918.

 

Armand Launay

Pont-de-l'Arche ma ville

http://pontdelarche.over-blog.com

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26 septembre 2020 6 26 /09 /septembre /2020 15:26
"Prise de la mission d’étude en fond foret de bord", cliché du 24 janvier 1974 pris par Jean Pottier. Cote AP1736T000508 de la base POP. Médiathèque de l'architecture et du patrimoine. Le cliché a été pris depuis l'orée de la forêt sur les hauteurs de la Voie-blanche.

"Prise de la mission d’étude en fond foret de bord", cliché du 24 janvier 1974 pris par Jean Pottier. Cote AP1736T000508 de la base POP. Médiathèque de l'architecture et du patrimoine. Le cliché a été pris depuis l'orée de la forêt sur les hauteurs de la Voie-blanche.

 

Val-de-Reuil, ville de 13 000 habitants seulement mais qui devait en accueillir 100 000 en l’an 2000 selon Catherine Blain, auteure d’une étude sur le cabinet à l’origine de la conception de cette ville ! 

Cette volonté plutôt démiurgique de créer une ville nouvelle là où il n’y avait aucun habitant peut étonner aujourd’hui. Ce projet s’est, certes, réalisé mais plus modestement que les perspectives envisagées dès 1965 où fut prévue la création de neuf villes nouvelles, en France, dans les régions où la population risquait d’être trop concentrée. Délaissant un peu les villes préexistantes, des crédits furent alloués par l’État pour créer non seulement des villes nouvelles mais de nouvelles villes avec un urbanisme novateur, propice à un meilleur cadre de vie et à une citoyenneté créative, créatrice. C’est l’atelier Montrouge qui travailla sur le projet du Vaudreuil-ville nouvelle. La confusion avec le nom de la commune du Vaudreuil fut écartée en 1984 pour le nom de Val-de-Reuil, un nom témoignant qu’il est peu judicieux, pour beaucoup de personnes, de créer ex-nihilo une nouvelle entité détachée d’une continuité historique. Le projet consista à valoriser l’espace public, lieu de rencontre, en créant une dalle, belle voie piétonne au milieu des immeubles collectifs, le collectif étant vu comme favorable à la solidarité. Les voitures, qui commençaient à encombrer sérieusement les villes et les poumons, furent reléguées dans les parkings souterrains, sous la dalle, sous les immeubles. Elles demeuraient cependant très accessibles aux habitants censés les utiliser quotidiennement pour aller travailler en dehors de la ville, pour beaucoup d’entre eux. Une station de train fut prévue, mais la ville fut dans l’ensemble pensée selon la logique de la circulation automobile. 

Si la ville a émergé à partir de 1975 où les premiers habitants s’installèrent, on peut noter que le souffle a manqué. Les causes avancées sont le choc pétrolier, la limitation de la croissance… Pourtant, la prospérité économique n’a pas disparu et la démographie française a ralenti, certes, mais s’est tout de même maintenue. 

Val-de-Reuil s’inscrit, avec un léger décalage temporel, dans la construction des quartiers de banlieue  qui avaient pour finalité le bienêtre des gens frappés par la guerre. Politiques et urbanistes ont souhaité mettre à la disposition des citoyens de l’espace, des logements sains, un accès à l’eau, l’eau chaude même, le tout-à-l’égout, le chauffage, les voies de circulation, les services publics. Val-de-Reuil est, de ce point de vue, mieux réalisée que maintes banlieues auxquelles on cherche désespérément un centre de gravité, un centre-ville ; les banlieues étant à la périphérie de la vraie ville, le centre ancien à l’exemple de Paris, Rouen ou Évreux. Val-de-Reuil est une commune avec son centre, ses services administratifs, son cœur de ville. Mais les habitants cherchant à se loger ont le plus souvent préféré se tourner vers les centres-villes anciens, les zones pavillonnaires périphériques ou dans les villages. Val-de-Reuil s’est peuplée grâce à l’offre d’habitations à loyers modérés (HLM) qui ont attiré des personnes désargentées, pour beaucoup issues de l’immigration. La ville a donc trouvé sa vocation sociale et un public... quelque peu contraint. De plus, ses commerces ont souvent périclité dans le cadre d’un mouvement national de concentration des services notamment causé par l’usage des voitures, des camions et la hausse des importations. Heureusement, la ville est entourée d’industries alors que le secteur secondaire s’est, dans l’ensemble, raréfié en France. Mais les Rolivalois ne sont pas nécessairement les ouvriers de cette industrie qui recrute dans la campagne et les villes avoisinantes. Val-de-Reuil semble être en partie une banlieue excentrée à la campagne et entrant en concurrence avec son milieu avoisinant. Les communes de Louviers et Val-de-Reuil se sont retrouvées dans une logique de concurrence, notamment pour leurs édiles. Il est vrai que le pôle économique de Louviers (Incarville) a été attribué à la ville nouvelle. L’intercommunalité, créée à l’origine autour de Louviers, Incarville, Val-de-Reuil et Pont-de-l’Arche, a amoindri cette incohérence. 

L’urbanisme rolivalois fait toujours tache pour beaucoup d’observateurs de la région. Les entrées de ville d’après guerre n’ont pas la beauté et l’harmonie des centres-villes anciens. Une ville nouvelle, même à l’urbanisme pensé, n’a pas le charme de l’écrin qui la sertit : la forêt de Bord, les falaises, les champs, les berges de l’Eure et de la Seine. Il semble même que l’architecture rolivaloise ne prenne pas (encore ?) la reconnaissance d’un centre reconstruit comme celui du Havre d’Auguste Perret. Souhaitons-le lui, même dans une moindre mesure. D’une certaine manière, nous y revenons, on peut se demander si Val-de-Reuil n’a pas détourné les pouvoirs publics d’un aménagement ambitieux et concerté de Louviers et sa région ? N’aurait-on pas voulu soulager Rouen et Paris, par la proximité d’une autoroute, au lieu de créer un pôle lovérien ? 

Ne serions-nous pas sur la voie de la détérioration, d’une part, du cadre de vie des Rolivalois – citadins à la campagne – et, d’autre part, du paysage normand avec le projet de contournement est de Rouen ? 

 

Quoi qu’il en soit, nostalgiques ou non, voici quelques photographies de Jean Pottier, photographe né en 1932 qui fut missionné dans le cadre du projet de construction de la ville nouvelle du Vaudreuil afin d’illustrer le cadre géographique et humain de la future ville. Ses clichés sont consultables sur la Plateforme ouverte du patrimoine (POP) du Ministère de la culture. Ils sont conservés à la Médiathèque de l'architecture et du patrimoine. Voici donc Val-de-Reuil avant Val-de-Reuil, puis deux vues aériennes des travaux du “germe de ville” et, enfin, une comparaison cartographique entre l’avant Val-de-Reuil et la ville actuelle. 

 

 

"Champ dans lequel est prévu l’installation de la ville nouvelle". Cliché de Jean Pottier pris le 23 juin 1970. Cote AP1736T000495 de la base POP. Médiathèque de l'architecture et du patrimoine. Cliché peut-être pris depuis Saint-Étienne-du-Vauvray avec, au fond, le coteau du Vaudreuil.

"Champ dans lequel est prévu l’installation de la ville nouvelle". Cliché de Jean Pottier pris le 23 juin 1970. Cote AP1736T000495 de la base POP. Médiathèque de l'architecture et du patrimoine. Cliché peut-être pris depuis Saint-Étienne-du-Vauvray avec, au fond, le coteau du Vaudreuil.

"Champ dans lequel est prévu l’installation de la ville nouvelle". Cliché de Jean Pottier pris le 12 octobre 1970. Cote AP1736T000496 de la Base POP. Médiathèque de l'architecture et du patrimoine. Cliché pris, semble-t-il, depuis le Cavé du Vaudreuil.

"Champ dans lequel est prévu l’installation de la ville nouvelle". Cliché de Jean Pottier pris le 12 octobre 1970. Cote AP1736T000496 de la Base POP. Médiathèque de l'architecture et du patrimoine. Cliché pris, semble-t-il, depuis le Cavé du Vaudreuil.

"Ferme vue à 200 mètres de la colline qui surplombe l’autoroute en construction". Cliché de Jean Pottier pris le 23 juin 1970 depuis le coteau de Vironvay. On y voit la ferme de la Haute-Crémonville dont certaines parties datent du XVe siècle. Ce bâtiment, situé dans l'actuelle commune du Val-de-Reuil, a été inscrit sur la liste complémentaire des Monuments historiques en 1978. Cote AP1736T000489 de la base POP. Médiathèque de l'architecture et du patrimoine.

"Ferme vue à 200 mètres de la colline qui surplombe l’autoroute en construction". Cliché de Jean Pottier pris le 23 juin 1970 depuis le coteau de Vironvay. On y voit la ferme de la Haute-Crémonville dont certaines parties datent du XVe siècle. Ce bâtiment, situé dans l'actuelle commune du Val-de-Reuil, a été inscrit sur la liste complémentaire des Monuments historiques en 1978. Cote AP1736T000489 de la base POP. Médiathèque de l'architecture et du patrimoine.

"Cheval dans un pré". Cliché de Jean Pottier pris le 20 novembre 1973. Cote AP1736T000506 de la base POP. Médiathèque de l'architecture et du patrimoine.

"Cheval dans un pré". Cliché de Jean Pottier pris le 20 novembre 1973. Cote AP1736T000506 de la base POP. Médiathèque de l'architecture et du patrimoine.

"Maison rurale à Léry". Cliché pris par Jean Pottier le 30 mars 1971. Cote AP1736T000502 de la base POP. Médiathèque de l'architecture et du patrimoine.

"Maison rurale à Léry". Cliché pris par Jean Pottier le 30 mars 1971. Cote AP1736T000502 de la base POP. Médiathèque de l'architecture et du patrimoine.

Photographie aérienne de la construction du germe de ville en 1974 (cliché diffusé par Paris-Normandie sans plus de références).

Photographie aérienne de la construction du germe de ville en 1974 (cliché diffusé par Paris-Normandie sans plus de références).

Captures d'écrans du site Géoportail afin de comparer la vue aérienne actuelle et celle des années 1950-1965. On mesure que si la ville de Val-de-Reuil a été créée ex-nihilo cela ne signifie pas que le terrain était absolument vierge et inhabité. Le long du chemin entre Léry et Notre-Dame-du Vaudreuil s'égrènent des hameaux depuis le nord vers le sud : La rue Goujon et les Vallées (anciennement dans la commune de Léry) et Le Torché (anciennement dans la commune de Notre-Dame-du-Vaudreuil, rattachée le 15 avril 1969 à Saint-Cyr-du-Vaudreuil dans la commune du Vaudreuil). Quelques anciennes maisons de ces hameaux ont été conservées dans Val-de-Reuil qui servent de lieux de sociabilité.
Captures d'écrans du site Géoportail afin de comparer la vue aérienne actuelle et celle des années 1950-1965. On mesure que si la ville de Val-de-Reuil a été créée ex-nihilo cela ne signifie pas que le terrain était absolument vierge et inhabité. Le long du chemin entre Léry et Notre-Dame-du Vaudreuil s'égrènent des hameaux depuis le nord vers le sud : La rue Goujon et les Vallées (anciennement dans la commune de Léry) et Le Torché (anciennement dans la commune de Notre-Dame-du-Vaudreuil, rattachée le 15 avril 1969 à Saint-Cyr-du-Vaudreuil dans la commune du Vaudreuil). Quelques anciennes maisons de ces hameaux ont été conservées dans Val-de-Reuil qui servent de lieux de sociabilité.

Captures d'écrans du site Géoportail afin de comparer la vue aérienne actuelle et celle des années 1950-1965. On mesure que si la ville de Val-de-Reuil a été créée ex-nihilo cela ne signifie pas que le terrain était absolument vierge et inhabité. Le long du chemin entre Léry et Notre-Dame-du Vaudreuil s'égrènent des hameaux depuis le nord vers le sud : La rue Goujon et les Vallées (anciennement dans la commune de Léry) et Le Torché (anciennement dans la commune de Notre-Dame-du-Vaudreuil, rattachée le 15 avril 1969 à Saint-Cyr-du-Vaudreuil dans la commune du Vaudreuil). Quelques anciennes maisons de ces hameaux ont été conservées dans Val-de-Reuil qui servent de lieux de sociabilité.

Armand Launay

Pont-de-l'Arche ma ville

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20 septembre 2020 7 20 /09 /septembre /2020 15:31

L’église paroissiale Notre-Dame (localisez-la en cliquant ici), dans la commune de Terres de Bord (Eure), est le joyau architectural de Montaure et le joyau roman de cette partie du plateau du Neubourg, sur les hauteurs de Pont-de-l'Arche, Elbeuf et Louviers. Son histoire est liée à un ancien prieuré créé en ce lieu par les moines de l’abbaye Saint-Ouen de Rouen.

 

 

Notre-Dame de Montaure vue d'Écrosville par une chaude journée d'été (cliché d'Armand Launay, juillet 2013).

Notre-Dame de Montaure vue d'Écrosville par une chaude journée d'été (cliché d'Armand Launay, juillet 2013).

Un site élevé et alimenté en eau

Notre-Dame de Montaure est élégamment assise sur le trône naturel constitué par le rebord d'un vallon dénommé La Glacière. S'il n'est plus en eaux, celles-ci ne manquent pas dans cet espace à cheval entre la plaine du Neubourg et les vallons de la forêt de Bord-Louviers menant par de douces pentes aux vallées de l'Eure et de la Seine. L'eau jaillit toujours sous Notre-Dame à l'endroit de la fontaine Saint-Eustache, dans la crypte. Cette eau explique assurément l'implantation humaine en ce lieu (accédez ici à un autre de nos articles) avec, possiblement, un temple païen puis de successives églises primitives.

 

Le temps des seigneurs normands

Face au portail de Notre-Dame se trouve le château de Montaure, noble résidence du XVIIIe siècle lointaine héritière du château des Stigand, daté du XIe siècle. Ces seigneurs, parmi lesquels Odon Stigand, sénéchal du duc de Normandie Richard II, ont selon toute vraisemblance possédé l'espace central de Montaure. Celui-ci devait comprendre les vastes domaines du château actuel et de ce qu'on nomme le prieuré, tant et si bien que le cœur de Montaure est peu bâti ; il est vert et l'on reconnait de loin le paysage montaurois à ce pittoresque tableau d'où dépasse la flèche du clocher.  
Notre-Dame de Montaure est indissociable du prieuré, dont il est question. Il en reste un bel édifice du XVII
e siècle, son portail, et son domaine aujourd'hui boisé. 

 

Une donation à Saint-Ouen de Rouen en 1063

Auguste Le Prévost (voir dans la bibliographie à Delisle Léopold) expose une charte du 29 juin 1063 par laquelle le père d'Odon Stigand, sénéchal de Guillaume le Conquérant, donna des biens montaurois et criquebeuviens à l’abbaye Saint-Ouen de Rouen. Il donna l'église "Sanctæ Mariæ de Monte Aureo". Son nom n'a pas changé. L'abbaye Saint-Ouen fonda un prieuré rural en ce lieu, c'est-à-dire que quelques moines s'y installèrent afin de s'occuper des âmes, de faire valoir les terres et d'en envoyer le revenu à l'abbaye-mère. L'abbaye Saint-Ouen de Rouen était un des plus grands propriétaires nomrands de ce temps. On en voit encore ses locaux, certes plus récents, de l'hôtel de Ville de Rouen et son église abbatiale Saint-Ouen.  

 

La coexistence d'une église paroissiale et d'un prieuré rural

Mais MM. Charpillon et Caresme nous apprennent que les seigneurs des lieux, les Stigand, gardèrent le patronage de la paroisse, c'est-à-dire sa charge et la possibilité de nommer le clerc de leur choix. C'est ce qui explique, on le verra plus en détail, que l'église fut partagée entre les moines et le curé et, surtout, que Notre-Dame jouxte, de nos jours encore, un logis et un enclos prioraux. La fiche Mérimée de Notre-Dame nous apprend que ce patronage est passé, un temps au moins, aux mains de l'abbé de Saint-Ouen.

 

L’église Notre-Dame est inscrite comme monument historique

L’église est une propriété communale depuis 1905 et son affectataire est la paroisse catholique Notre-Dame des bois, pays de Louviers. Elle présente de très beaux vestiges romans du XIe siècle au niveau de la tour-clocher et de la base de certains murs de la nef et du transept. La statue de Notre-Dame, dans le chœur, a été classée Monument historique au titre d'objet le 12 juillet 1912. La place Jean-Baptiste-Charcot, avec la disparition du cimetière paroissial, est ornée d'une belle croix hosannière. Celle-ci a été inscrite sur l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques le 3 décembre 1954. On le mesure, un riche ensemble patrimonial, rehaussé de verdure, se dessine en ce lieu. De plus, notre église fait partie des quelques temples romans de la région avec, notamment, Alizay, Léry et Pîtres. Enfin, Notre-Dame est aussi l'église d'Écrosville, hameau presque aussi peuplé que Montaure à la fin de l'Ancien Régime, de Blacquetuit, les Fosses, la Vallée de la Corbillière et des hameaux de Tostes avant la création de la paroisse Sainte-Anne en 1687 à la demande de Louis Colbert, abbé de Bonport et fils du célèbre homme d'État.

C'est ainsi que l'église et le logis prioral ont été inscrits sur la liste complémentaire des Monuments historiques le 30 septembre 1997 comme l'atteste sa notice de la base Mérimée (PA27000021).

La pittoresque place Jean-Baptiste-Charcot regorge de patrimoine. L'église, le prieuré, la croix hosannière et un pressoir (non visible sur la photographie) sont inscrits sur la liste complémentaire des Monuments historiques (cliché d'Armand Launay, juillet 2013).

La pittoresque place Jean-Baptiste-Charcot regorge de patrimoine. L'église, le prieuré, la croix hosannière et un pressoir (non visible sur la photographie) sont inscrits sur la liste complémentaire des Monuments historiques (cliché d'Armand Launay, juillet 2013).

Le prieuré, la croix hosannière et Notre-Dame vers 1910 (?) par le cliché de Gabriel Bretocq (1873-1961) (consulté sur la Plateforme ouverte du patrimoine le 20 septembre 2020. Notice APMH00114997. Original conservé à la Médiathèque de l'architecture et du patrimoine).

Le prieuré, la croix hosannière et Notre-Dame vers 1910 (?) par le cliché de Gabriel Bretocq (1873-1961) (consulté sur la Plateforme ouverte du patrimoine le 20 septembre 2020. Notice APMH00114997. Original conservé à la Médiathèque de l'architecture et du patrimoine).

Le plan de Notre-Dame de Montaure (document publié sur le site de La sauvegarde de l'art sacré français).

Le plan de Notre-Dame de Montaure (document publié sur le site de La sauvegarde de l'art sacré français).

Le plan

Le plan de Notre-Dame est cruciforme, c'est-à-dire que l'église a une forme de croix. Ce qui lui donne cette forme est le transept débordant du vaisseau principal appelé la nef. L'église est orientée, c'est-à-dire tournée vers l'orient, l'est.

 

La tour-clocher

Une imposante tour sert de clocher. Elle est carrée et de style roman comme on peut le mesurer avec ses deux étages d'ouvertures étroites et en plein cintre et aurait conservé, grâce à des restaurations successives, son architecture du XIe siècle. Les hautes baies sont géminées, c'est-à-dire groupées par deux, presque jumelles, sous un même arc ici. La tour est couverte d'une flèche de charpente polygonale restaurée en 2008 notamment grâce aux fonds de la Sauvegarde de l'art sacré français. Cette tour est située à la croisée du transept, le lieu où le transept traverse la net, près du chœur.

Les cloches sont baptisées Perrette-Edmée (1755) et Alexandrine-Jeanne (1865). En 2009, le mécanisme des cloches a été électrifié par la mairie et l’Association de sauvegarde du patrimoine ;

La tour-clocher romane de Montaure (XIe siècle) et ses belles baies géminées (clichés d'Armand Launay, mai 2013).
La tour-clocher romane de Montaure (XIe siècle) et ses belles baies géminées (clichés d'Armand Launay, mai 2013).La tour-clocher romane de Montaure (XIe siècle) et ses belles baies géminées (clichés d'Armand Launay, mai 2013).La tour-clocher romane de Montaure (XIe siècle) et ses belles baies géminées (clichés d'Armand Launay, mai 2013).

La tour-clocher romane de Montaure (XIe siècle) et ses belles baies géminées (clichés d'Armand Launay, mai 2013).

Le chevet et la nef

Notre-Dame a un chevet plat, ce qui signifie que le mur fermant le sanctuaire, à l'ouest, est droit et non en demi-cercle, par exemple. Ce chevet semble dater du XIIIe siècle, avec ajout de contreforts.

La nef est couverte par un toit à long pans et les pignons sont couverts. Le gros-œuvre est réalisé en appareil mixte, c'est-à-dire plusieurs matériaux. Le moellon calcaire y côtoie le silex pour le remplissage et la pierre de taille forme le chainage. Ces pierres semblent être issues du réemploi de précédents murs et confèrent à l'église une plus grande ancienneté. Françoise Bercé, ayant réalisée une précieuse description pour le compte de la Sauvegarde de l'art sacré, cite une étude de Maylis Baylé que nous n'avons pas encore eu l'heur de lire. La chercheuse, spécialiste de l'art roman, avance que la base du mur sud et les épais murs du transept semblent dater de l'an 1000.

Au-dessus du portail et dans les murs de la nef, côté est, sont percées de petites ouvertures romanes. Elles ont été rehaussées de baies gothiques au XVIe siècle, près du transept.

Un avant-corps, aussi appelé porche, en brique de pays couvre le portail. Il semble dater du XIXe siècle.

Vue sur les façades extérieures et le (clichés d'Armand Launay, mai et juillet 2013).
Vue sur les façades extérieures et le (clichés d'Armand Launay, mai et juillet 2013).Vue sur les façades extérieures et le (clichés d'Armand Launay, mai et juillet 2013).

Vue sur les façades extérieures et le (clichés d'Armand Launay, mai et juillet 2013).

L'intérieur de la nef

La nef n'a pas de collatéraux. Elle présente une vue dégagée sur l'intérieur de l'édifice et son pavé de tomettes de pays. Une mise en lumière agréable fait ressortir le contraste entre, d'un côté, la sombreur du berceau lambrissé, des entraits, des boiseries, des bancs et de la chaire à prêcher et, de l'autre côté, la clarté des murs et la lumière issue des baies.

Le berceau lambrissé désigne cette coque de navire retournée qui couronne la nef et masque la charpente du toit. Les entraits sont les vastes poutres qui relient les deux murs latéraux, les murs gouttereaux. Les ouvertures romanes, côté est, tamisent la lumière comme pour plonger le visiteur dans une atmosphère propice au recueillement. Puis, plus proche du transept, la lumière se fait plus généreuse grâce aux deux séries de baies gothiques. Enfin, au loin, l'apothéose de lumière existe qui vient du chœur, le sanctuaire qui était interdit d'accès aux fidèles au Moyen Âge et réservé aux officiants.

La porte d'entrée plus deux vues de la nef (carte postale des années 1910 et clichés d'Armand Launay, mai 2013).La porte d'entrée plus deux vues de la nef (carte postale des années 1910 et clichés d'Armand Launay, mai 2013).
La porte d'entrée plus deux vues de la nef (carte postale des années 1910 et clichés d'Armand Launay, mai 2013).La porte d'entrée plus deux vues de la nef (carte postale des années 1910 et clichés d'Armand Launay, mai 2013).

La porte d'entrée plus deux vues de la nef (carte postale des années 1910 et clichés d'Armand Launay, mai 2013).

Les fonts baptismaux du XVe siècle) sont en pierre calcaire sculptée. Le couvercle en bois est couvert d’étain gravé et doré du XVIIIe siècle (clichés d'Armand Launay, septembre 2013). 
Les fonts baptismaux du XVe siècle) sont en pierre calcaire sculptée. Le couvercle en bois est couvert d’étain gravé et doré du XVIIIe siècle (clichés d'Armand Launay, septembre 2013). Les fonts baptismaux du XVe siècle) sont en pierre calcaire sculptée. Le couvercle en bois est couvert d’étain gravé et doré du XVIIIe siècle (clichés d'Armand Launay, septembre 2013). 

Les fonts baptismaux du XVe siècle) sont en pierre calcaire sculptée. Le couvercle en bois est couvert d’étain gravé et doré du XVIIIe siècle (clichés d'Armand Launay, septembre 2013). 

Vestiges de la poutre de gloire

Côté sud, à droite vers le chœur, se trouve le calvaire de la poutre de gloire. Ce groupe de trois éléments sculptés sur bois peint date du XVe ou du XVIe siècle. Il a été remanié au XIXe siècle. Il reposait autrefois sur une poutre à l’entrée de la croisée du transept, autrement dit la poutre de gloire, comme le montre la carte postale de 1910 reproduite plus haut dans cet article.

Une chaire à prêcher de la fin XIXe siècle n'a pas d'intérêt patrimonial mais présente de belles et fines sculptures, notamment les pinacles qui couronnent son abat-son. Elle est ornée des personnages du Christ et la Vierge entourés des quatre évangélistes.

Sur les murs, quelques documents témoignent d'une vie paroissiale active qui honorent des anciens curés montaurois, dont l'abbé Jules Balley mort pour la France le 15 juin 1940 et l'abbé Anatole Toussaint dont sont principalement mis en valeur, ici, ses qualités de botaniste ce qui devrait être secondaire pour un curé. Le portrait de cet homme, aux airs doncamillesques, aurait été peint chez son ami Claude Monet par un des élèves de ce peintre.

Un vitrail, signé V. Boulanger, représentant Jeanne d’Arc a été offert en 1920 par Maximilien Catoire et sa moitié. Ce bienfaiteur est à l’origine de la « Colonie », un hôpital qu’il dirigea durant la Première guerre mondiale. Il habitait La Garde-Châtel. Le vitrail fut rénové depuis par la famille montauroise Catoire-De la Haye.

Vitrail du mur collatéral nord à l'effigie de Jeanne-d'Arc (cliché d'Armand Launay, septembre 2013).

Vitrail du mur collatéral nord à l'effigie de Jeanne-d'Arc (cliché d'Armand Launay, septembre 2013).

Le transept

La croisée du transept présente quatre voutes en plein cintre caractéristiques de l'art roman. Un escalier à vis offre accès à la tour-clocher. Des autels latéraux, assez sobres pour de l'art baroque, occupent chaque aile du transept. Ils semblent dater du XVIIe siècle. 

Vue sur un arc du transept et la cage de l'escalier à vis menant au clocher (cliché d'Armand Launay, septembre 2013).

 

Un vitrail contemporain à l'effigie de Saint-Pierre se trouve dans l'aile nord du transept. Il a été offert en 1995 par l'abbé Bleunven et ses paroissiens.  

Un vitrail contemporain à l'effigie de Saint-Pierre se trouve dans l'aile nord du transept. Il a été offert en 1995 par l'abbé Bleunven et ses paroissiens.  

Vues sur les autels occupant les ailes du transept (cliché d'Armand Launay, septembre 2013).Vues sur les autels occupant les ailes du transept (cliché d'Armand Launay, septembre 2013).

Vues sur les autels occupant les ailes du transept (cliché d'Armand Launay, septembre 2013).

Aux journées du patrimoine, les tissus liturgiques de l'ancienne confrérie de charitons de Montaure sont présentés au public. Ceux-ci sont bien conservés et complètent le corbillard entreposé au nord-ouest de la nef (clichés d'Armand Launay, septembre 2013).
Aux journées du patrimoine, les tissus liturgiques de l'ancienne confrérie de charitons de Montaure sont présentés au public. Ceux-ci sont bien conservés et complètent le corbillard entreposé au nord-ouest de la nef (clichés d'Armand Launay, septembre 2013).Aux journées du patrimoine, les tissus liturgiques de l'ancienne confrérie de charitons de Montaure sont présentés au public. Ceux-ci sont bien conservés et complètent le corbillard entreposé au nord-ouest de la nef (clichés d'Armand Launay, septembre 2013).

Aux journées du patrimoine, les tissus liturgiques de l'ancienne confrérie de charitons de Montaure sont présentés au public. Ceux-ci sont bien conservés et complètent le corbillard entreposé au nord-ouest de la nef (clichés d'Armand Launay, septembre 2013).

Le chœur

Le chœur, dont le pavage fut refait en 1849 dans le ton des damiers du XVIIe siècle, est doté d’une porte murée qui permettait aux moines du prieuré d’entrer dans Notre-Dame. Leurs stalles du XVIIe siècle sont encore en place à l’entrée du chœur. Au nombre de 10, elles présentent un décor assez sobre. Leurs parcloses (séparateurs) sont ornés d'aigles, peut-être en référence à saint Jean. Ces stalles étaient utilisées par les moines bénédictins et séparaient, certainement avec les autels latéraux, le chœur de la nef où se trouvait le public.  

Les stalles des moines bénédictins dans lesquels ceux-ci s'installaient pour prier et chanter (cliché d'Armand Launay, septembre 2013).

 

Le maitre-autel et la Vierge à l'Enfant, pièce maitresse du patrimoine montaurois 

Le maitre-autel baroque en bois date du début XVIIe siècle. Il imite excellemment le marbre et bénéficie de vastes dorures qui, bien illuminées, créent ici le point le plus lumineux du sanctuaire. Une toile au centre illustre, classiquement, la crucifixion du Christ. Il comporte à droite une statue en pierre polychromée de saint Jean-Baptiste évangélisateur (d'où sa vaste croix) et son mouton qui, symboliquement, le positionne en meneur des âmes humaines. Cette statue semble contemporaine du maitre-autel. 

Mais ce qui retient surtout le regard des spécialistes et amateurs de patrimoine, c'est la statue de la Vierge à l'Enfant Jésus. En pierre polychromée, elle date de la seconde moitié du XVe siècle. Elle a été classée Monument historique au titre d’objet le 12 juillet 1912. Elle mesure 178 cm de hauteur (avec la plinthe). La base Mérimée précise (notice PM27001150) que « Les orfrois du manteau de la Vierge sont décorés de lettres capitales d'aspect un peu fleuri, séparées par deux points superposés. Elles ne forment aucun mot reconnaissable, à l'exception d’ORA, peut-être par hasard. Il y a également des lettres fantaisistes, faites d'entrelacements sans signification. » L’Enfant tient une colombe dans sa main gauche.

Vues diverses sur le maitre-autel (clichés d'Armand Launay, septembre 2013 et aout 2020).Vues diverses sur le maitre-autel (clichés d'Armand Launay, septembre 2013 et aout 2020).
Vues diverses sur le maitre-autel (clichés d'Armand Launay, septembre 2013 et aout 2020).Vues diverses sur le maitre-autel (clichés d'Armand Launay, septembre 2013 et aout 2020).Vues diverses sur le maitre-autel (clichés d'Armand Launay, septembre 2013 et aout 2020).

Vues diverses sur le maitre-autel (clichés d'Armand Launay, septembre 2013 et aout 2020).

La statue de la Vierge à l'Enfant Jésus, œuvre classée monument historique au titre d'objet en 1912 (clichés d'Armand Launay, septembre 2013 et aout 2020).La statue de la Vierge à l'Enfant Jésus, œuvre classée monument historique au titre d'objet en 1912 (clichés d'Armand Launay, septembre 2013 et aout 2020).

La statue de la Vierge à l'Enfant Jésus, œuvre classée monument historique au titre d'objet en 1912 (clichés d'Armand Launay, septembre 2013 et aout 2020).

La Vierge à l'Enfant Jésus en 1939. Cliché d'Emmanuel Mas (1891-1979) consulté le 20 septembre 2020 sur la Plateforme ouverte du patrimoine. Original conservé sous la cote APMH0195764 à la Médiathèque de l'architecture et du patrimoine.

La Vierge à l'Enfant Jésus en 1939. Cliché d'Emmanuel Mas (1891-1979) consulté le 20 septembre 2020 sur la Plateforme ouverte du patrimoine. Original conservé sous la cote APMH0195764 à la Médiathèque de l'architecture et du patrimoine.

Saint-Eustache

Une statue de Saint-Eustache, taillée au XVIIe siècle dans du bois, est encore dotée d’une belle polychromie. Saint Eustache est le patron des chasseurs.  

 

La crypte et la fontaine Saint-Eustache

Une trappe offrait un accès par escalier à la crypte. Celle-ci daterait du XIIIe siècle et fut réaménagée au XVIe siècle. Dans cette dernière, se trouve la résurgence d’une source. Un bassin en pierre recueille cette eau qui avait la réputation d'aider la guérison des enfants peureux des maladies de peau et des troubles de la "danse de Saint-Guy", autrement dit des gestes épileptiques. Cette fontaine, reliée aux deux puits de la place Jean-Baptiste-Charcot, atteste la présence d’une nappe phréatique durable qui explique assurément l’installation d'habitants. C'est ce qui a fait écrire Auguste Le Prévost qui avança que Montaure signifie le "mont de l'eau" ou de la "rivière". 

Bassin de recueillement des eaux de la fontaine Saint-Eustache (cliché d'Armand Launay, septembre 2013).

 

Ancien escalier reliant le chœur à la crypte (condamné depuis) et porte donnant accès à la fontaine depuis la rue Maxime-Marchand (clichés d'Armand Launay, septembre 2013). Ancien escalier reliant le chœur à la crypte (condamné depuis) et porte donnant accès à la fontaine depuis la rue Maxime-Marchand (clichés d'Armand Launay, septembre 2013).

Ancien escalier reliant le chœur à la crypte (condamné depuis) et porte donnant accès à la fontaine depuis la rue Maxime-Marchand (clichés d'Armand Launay, septembre 2013).

A lire aussi...

La croix monumentale de Montaure

Aux origines de Montaure et de son nom

 

Sources

- Amsellem Emmanuelle, « Les Stigand : des Normands à Constantinople », Revue des études byzantines, tome 57, 1999, pages 283 à 288 ;

- Andrieux Jules, Cartulaire de l'abbaye royale de Notre-Dame de Bon-Port de l'ordre de Citeaux au diocèse d'Evreux, Evreux, Auguste Hérissey, 1862, 434 pages ; 

- Association Saint-Blaise, Notre Dame de Montaure : l’église de la montagne dorée, 2013, 4 pages ;

- Bercé Françoise, Montaure [description architecturale de Notre-Dame dans le cadre de la levée de fonds menée par la Sauvegarde de l'art sacré français en vue d'une restauration], cahier 23 de la Sauvegarde de la art sacré, 2008, pages 156 et 157 ;  

- Bonnin Thierry, Regestrum visitationum archiepiscopi rothomagensis : journal des visites pastorales d'Eude Rigaud, archevêque de Rouen, Rouen, Le Brument, 1852, 876 pages.

- [Caresme Anatole], « Le prieuré de Montaure », 7 pages, Mélanges historiques, ch. XII, Louviers, imprimerie de Mlle Houssard et frère, document conservé à la médiathèque de Louviers sous la cote inv 9/454 et publié sur ce blog ;

- Charpillon Louis-Etienne, Caresme Anatole, Dictionnaire historique de toutes les communes du département de l’Eure, Les Andelys, Delcroix, 1868, 960 pages, tome II, voir les pages 541 à 543 et publié sur ce blog ;

- Delisle Léopold, Passy Louis, Mémoires et notes de M. Auguste Le Prévost pour servir à l’histoire du département de l’Eure, la notice sur Criquebeuf (tome I, page 562), la notice sur Montaure (tome II, page 513), Évreux, Auguste Hérissey, 1864 ;

- Guilluy Françoise, Tuiliers et potiers de l’Eure : La Haye-Malherbe et Montaure, Association pour la sauvegarde du patrimoine malherbois, 1995, 192 pages ;

- Ministère de la culture, Base Mérimée, www.culture.gouv.fr ;

- Quesné Victor, « Le Désert des carmes déchaussés de la Garde-Châtel », Bulletin de la Société d'études diverses, n° 6, 1903.

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20 septembre 2020 7 20 /09 /septembre /2020 15:23

Dans la perspective de mettre en valeur l'histoire de cette charmante commune de l'Eure et, aussi, d'y travailler nous même, voici une copie de l'article à elle consacré dans les Mémoires et notes de M. Auguste Le Prévost pour servir à l'histoire du département de l'Eure, recueillis et publiés par (...) MM. Léopold Delisle et Louis Passy, publié à Evreux en 1864.

Il s'agit du tome II pour Montaure, pages 413 à 416,. A voir, le tome I à l'article de Criquebeuf-sur-Seine où est recopiée in extenso la charte de donation de l'église de Montaure à l'abbaye Saint-Ouen de Rouen. 
 

L'histoire de Montaure selon Auguste Le Prévost
L'histoire de Montaure selon Auguste Le Prévost
L'histoire de Montaure selon Auguste Le Prévost
L'histoire de Montaure selon Auguste Le Prévost
L'histoire de Montaure selon Auguste Le Prévost
L'histoire de Montaure selon Auguste Le Prévost
L'histoire de Montaure selon Auguste Le Prévost
L'histoire de Montaure selon Auguste Le Prévost
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19 septembre 2020 6 19 /09 /septembre /2020 16:05
Vue sur le mur pignon et le mur sud du logis prioral (cliché d'Armand Launay, mai 2013).

Vue sur le mur pignon et le mur sud du logis prioral (cliché d'Armand Launay, mai 2013).

Le prieuré de Montaure désigne un ancien établissement religieux dont il reste aujourd'hui un bel espace central ainsi qu'un logis prioral, privés, et l'église Notre-Dame, propriété de la commune. Il ne faut pas le confondre avec la belle demeure bourgeoise, le prieuré, qui doit son nom à la proximité avec le logis prioral et avec le fait qu'elle a été bâti dans l'enclos dudit prieuré (voir les photographie du bas de cet article). 

Le prieuré a été fondé par les bénédictins de Saint-Ouen de Rouen à partir de 1063 et ferma après 1663. L’église Notre-Dame était partagée avec le curé, un temps, et a été placée sous la tutelle du prieuré. C'est ce qui explique leur proximité et, aussi, la présence d'une porte, aujourd'hui murée, dans le chœur par lequel les moines venaient mener l'office. Trois à quatre moines formaient ici une annexe de la grande abbaye Saint-Ouen de Rouen où se trouve aujourd'hui l'hôtel de Ville. Les religieux faisaient ici valoir des terres et percevaient des revenus dans la région (Léry, Le Vaudreuil…) dont ils rendaient une part à leur abbaye de tutelle.

L’église Notre-Dame et le logis prioral ont été reconnus par le Conservatoire régional qui les a inscrits sur la liste des Monuments historiques le 30 septembre 1997 : l'ancien prieuré en totalité : l'église et son mur de soutènement, l'enclos monastique, les sols avec les vestiges qu'il contient, le logis prioral et son portail.

Photographie aérienne disponible sur le site Géoportail (capture d'écran du 21 septembre 2020) avec un calque supplémentaire délimitant et numérotant les parcelles cadastrales. Les parcelles inscrites sur la liste complémentaire des Monuments historiques sont les suivantes : 1996 A 584, 958, 1019 à 1021, 1023, 1024, 1028 à 1031, 1168 à 1170, 1238. C'est-à-dire qu'elles forment un rectangle comprenant l'église, le prieuré et l'espace boisé.

Photographie aérienne disponible sur le site Géoportail (capture d'écran du 21 septembre 2020) avec un calque supplémentaire délimitant et numérotant les parcelles cadastrales. Les parcelles inscrites sur la liste complémentaire des Monuments historiques sont les suivantes : 1996 A 584, 958, 1019 à 1021, 1023, 1024, 1028 à 1031, 1168 à 1170, 1238. C'est-à-dire qu'elles forment un rectangle comprenant l'église, le prieuré et l'espace boisé.

Description du logis prioral

Le bâtiment du prieuré, près de l'église, est couvert d’un toit à croupes garni de tuiles plates. Quelques beaux chainages de pierre de taille calcaire font songer à une construction du XVIIe siècle avec, en remplissage, quelques tuileaux mais surtout de petits moellons de silex et de calcaire. Ceux-ci ont sûrement été réemployés à partir des restes de l'ancien bâtiment prioral. Certains commentateurs ont affirmé que le toit du prieuré fut réalisé en forme de cercueil pour rappeler aux moines la condition humaine. Il est vrai que le faite du toit penche beaucoup d'est à l'ouest et que les murs gouttereaux se rapprochent étrangement. Mais de là à y voir une injonction morale, il y a un problème de dates : dans soRegistre des visites aux établissements religieux, l’archevêque de Rouen Eudes Rigaud (vers 1210-1275) nota à plusieurs reprises que les trois à quatre religieux de Montaure acceptaient de boire dans le village, accueillaient des femmes dans le prieuré et se servaient de matelas, pourtant interdits dans leur ordre. Qui plus est, le prieuré ferma ses portes au moment où, vraisemblablement, fut construit le logis. 

Nous ignorons qui le posséda ensuite ? Servit-il de presbytère ? Quoi qu'il en soit, ses ouvertures sont étroites qui rappellent le Moyen Âge plus que les belles baies des demeures aristocratiques de la Renaissance. 

Il dut se trouver dans le giron d’un établissement religieux ou d’un noble exilé car il fut nationalisé à la Révolution puis revendu comme bien national le 22 aout 1792 à Louis Delarue, fabricant de draps à Elbeuf. Des pavés de fabrication locale orneraient son intérieur d’après Françoise Guilluy.

Aujourd'hui, comme le note la fiche des Monuments historiques, le logis prioral est le seul vestige des bâtiments qui constituaient partiellement la clôture de cet espace.  

Dans les autres parcelles, du côté de la rue Maxime-Marchand, on aperçoit encore de beaux murs de pierre. Des vestiges sont cités dans la notice des Monuments historiques. Nous n'y avons pas eu accès. 

Vue sur le mur pignon est. On mesure le rétrécissement de l'œuvre qui a fait dire à certains commentateurs que le prieuré avait une forme de cercueil pour rappeler aux hommes leur mortalité (cliché d'Armand Launay, mai 2013).

Vue sur le mur pignon est. On mesure le rétrécissement de l'œuvre qui a fait dire à certains commentateurs que le prieuré avait une forme de cercueil pour rappeler aux hommes leur mortalité (cliché d'Armand Launay, mai 2013).

Détails du mur sud du Prieuré (clichés d'Armand Launay, juillet 2013).

Détails du mur sud du Prieuré (clichés d'Armand Launay, juillet 2013).

Le portail du prieuré est un vestige du XVIIe siècle, vraisemblablement. Il est aussi protégé par l'inscription aux Monuments historiques (cliché d'Armand Launay, mai 2013).

Le portail du prieuré est un vestige du XVIIe siècle, vraisemblablement. Il est aussi protégé par l'inscription aux Monuments historiques (cliché d'Armand Launay, mai 2013).

Le prieuré est aussi le nom donné à la belle demeure bourgeoise où résidèrent Maurice Emmanuel et Jean-Baptiste Charcot. Cette demeure doit son nom au fait qu'elle a été construite dans l'enclos prioral et à côté du logis souvent appelé prieuré (carte postale de 1910 et cliché d'Armand Launay, mai 2013)..
Le prieuré est aussi le nom donné à la belle demeure bourgeoise où résidèrent Maurice Emmanuel et Jean-Baptiste Charcot. Cette demeure doit son nom au fait qu'elle a été construite dans l'enclos prioral et à côté du logis souvent appelé prieuré (carte postale de 1910 et cliché d'Armand Launay, mai 2013)..

Le prieuré est aussi le nom donné à la belle demeure bourgeoise où résidèrent Maurice Emmanuel et Jean-Baptiste Charcot. Cette demeure doit son nom au fait qu'elle a été construite dans l'enclos prioral et à côté du logis souvent appelé prieuré (carte postale de 1910 et cliché d'Armand Launay, mai 2013)..

Bibliographie à retrouver au pied de l'article portant sur Notre-Dame de Montaure.  

À consulter aussi : Maurice Emmanuel et Jean-Baptiste Charcot à Montaure.

 

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13 septembre 2020 7 13 /09 /septembre /2020 14:18

 

Sotteville-sous-le-val est une charmante commune, blottie au pied du coteau de la presqu’ile de Freneuse, qui mérite qu’on s’y balade par le corps comme par l’esprit. 

Sotteville désigne, à l’origine, quelques habitations regroupées autour de l’église Saint-Baudile. On traitait de paroisse Saint-Baudile-de-Sotteville.   

En face de l’église, le long de la route reliant Igoville à Freneuse (la rue du village), se voient d’étranges colonnes. Deux sont entièrement dégagées et une troisième se trouve à moitié engagée dans un bâtiment d’habitation. Elles sont couronnées de chapiteaux sculptés comme dans des églises. D’où viennent-elles ? 

 

Photographie de la maison aux colonnes accessible sur le site POP, la plateforme ouverte du patrimoine, proposée par le Ministère de la culture. Datant de 1939 et pris par Emmanuel-Louis Mas il montre l’édifice d'origine, disparu depuis, et ses trois colonnes restées comme orphelines au milieu du village..

Photographie de la maison aux colonnes accessible sur le site POP, la plateforme ouverte du patrimoine, proposée par le Ministère de la culture. Datant de 1939 et pris par Emmanuel-Louis Mas il montre l’édifice d'origine, disparu depuis, et ses trois colonnes restées comme orphelines au milieu du village..

Les colonnes en question devant l'église Saint-Baudile (cliché d'Armand Launay, juin 2012).

Les colonnes en question devant l'église Saint-Baudile (cliché d'Armand Launay, juin 2012).

 

Une photographie de cette maison, que nous appelons la maison aux colonnes, est accessible sur le site POP, la plateforme ouverte du patrimoine, proposée par le Ministère de la culture. Sous la cote MH0170031 et datant de 1939, un cliché d’Emmanuel-Louis Mas (1891-1979) reproduit ci-dessous montre l’édifice. On le retrouve dans la notice APMH00170031. 

Dans une certaine confusion la notice annonce le XIVe siècle pour dater on ne sait trop quoi. À l’évidence, ce siècle se rapproche plus de la création des colonnes (début du XIIIe siècle) que de la maison qui a été bâtie à la toute fin du XVIIIe siècle ou au début du XIXe siècle. Était-elle faite en pans de bois ? Nous l’ignorons. Toutefois elle complétait un beau bâtiment, peut-être du XVIIe siècle, à l’Est bâti sur des lits de silex, avec des moellons calcaires en remplissage et des chainages en pierres de taille. Celui-ci a peut-être été couvert de chaume à en croire ses pignons surélevés par rapport à la ligne du toit. Côté sud, une de ses pierres de chainage porte la lettre “M” en caractère gothique entourée d’une couronne, semble-t-il et d’un symbole que nous ne savons pas interpréter (une dédicace en hommage à un abbé décédé ?). Quant au bâtiment disparu, avait-il une vocation agricole ? C’est possible à en juger par l’espace entre deux des colonnes qui devaient laisser place à l’entrée d’une charrette, au moins à bras. Quant à l’étage, ses fenêtres laissent deviner qu’il était habité. Quoi qu’il en soit, en 1939, ce bâtiment semblait déjà à l’abandon qui était recouvert de croutes de réclames. 

 

Maison, toujours debout, qui se trouve dans le prolongement de la maison aux colonnes disparue. Une colonne la soutient en partie et une pierre de chainage porte la lettre "M" qui semble provenir de l'ancienne abbaye de Bonport (clichés d'Armand Launay, février 2014).
Maison, toujours debout, qui se trouve dans le prolongement de la maison aux colonnes disparue. Une colonne la soutient en partie et une pierre de chainage porte la lettre "M" qui semble provenir de l'ancienne abbaye de Bonport (clichés d'Armand Launay, février 2014).

Maison, toujours debout, qui se trouve dans le prolongement de la maison aux colonnes disparue. Une colonne la soutient en partie et une pierre de chainage porte la lettre "M" qui semble provenir de l'ancienne abbaye de Bonport (clichés d'Armand Launay, février 2014).

 

Ces colonnes, les connaisseurs le voient, sont cisterciennes. Ce sont les parties supérieures, les chapiteaux qui l’indiquent. Ceux-ci sont sculptés de manière à représenter des fleurs d’eau, c’est-à-dire des roseaux, que l’on appelait des cisteaux en ancien français. C’est en effet dans un lieu dit Cisteaux, puis Cîteaux, que l’ordre cistercien fut fondé par Robert de Molesme en 1098. Beau clin-d’œil, donc. 

 

Émile Chevallier, homme d’église attaché à la paroisse de Pont-de-l’Arche, publia deux ouvrages sur l’ancienne abbaye de Bonport, située dans la même paroisse. Il s’agit d’un guide et d’un ouvrage plus approfondi intitulé Notre-Dame de Bonport : étude archéologique sur une abbaye normande de l'ordre de Cîteaux, et publié en 1904 par Firmin-Didot.

À la page 13, l’abbé Chevallier nous apprend que l’abbaye de Bonport, qui fut nationalisée comme tous les biens ecclésiastiques par les députés de la Révolution en 1790, fut vendue le 2 avril 1791 à Jacques Joseph Alexandre de la Fleurière et, surtout, Alexandre de la Folie qui exploita les lieux. Outre l’exploitation agricole, celui-ci vendit des matériaux de l’abbaye. Il commença par les quatre cloches de Notre-Dame de Bonport, l’église abbatiale, qui partirent à la fonderie de Romilly-sur-Andelle dès juillet 1791. Le 22 février 1792, une chapelle était détruite ainsi que, déjà, une partie de l’abside de Notre-Dame. L’ancienne abbaye était devenue partiellement une carrière de pierres destinées aux constructions des habitants de la région. Vers 1820 la carrière était toujours exploitée semble-t-il (page 14).

 

Photographies prises dans l'enceinte de l'ancienne abbaye de Bonport. L'une montre la base des colonnes de Notre-Dame, vendues entre la fin du XVIIIe siècle et le début du XIXe siècle. L'autre montre les vestiges de faisceaux de colonnes engagés dans le mur du dortoir et donc non démontables pour être vendus (clichés d'Armand Launay, juin 2010 pour les bases de colonnes, aout 2016 pour les vestiges accolés au dortoir).
Photographies prises dans l'enceinte de l'ancienne abbaye de Bonport. L'une montre la base des colonnes de Notre-Dame, vendues entre la fin du XVIIIe siècle et le début du XIXe siècle. L'autre montre les vestiges de faisceaux de colonnes engagés dans le mur du dortoir et donc non démontables pour être vendus (clichés d'Armand Launay, juin 2010 pour les bases de colonnes, aout 2016 pour les vestiges accolés au dortoir).

Photographies prises dans l'enceinte de l'ancienne abbaye de Bonport. L'une montre la base des colonnes de Notre-Dame, vendues entre la fin du XVIIIe siècle et le début du XIXe siècle. L'autre montre les vestiges de faisceaux de colonnes engagés dans le mur du dortoir et donc non démontables pour être vendus (clichés d'Armand Launay, juin 2010 pour les bases de colonnes, aout 2016 pour les vestiges accolés au dortoir).

 

Émile Chevallier cite ensuite, (page 15) des pierres encore identifiables en 1904 dans la région : il s’agit de pierres sculptées, celles de l’église Notre-Dame. Il expose qu’il en existe à Criquebeuf, Pont-de-l’Arche, Alizay, Pont-Saint-Pierre et Sotteville-sous-le-val dans deux propriétés. 

La maison aux colonnes semble donc avoir été relevée notamment grâce à trois colonnes rachetées par un particulier à Alexandre de la Folie. Elles ont vraisemblablement servi de soutènement à une sablière portant les solives du second niveau. Ce bâtiment, disparu depuis, date donc par déduction de la toute fin du XVIIIe siècle ou des deux premières décennies du XIXe siècle. Peut-être que ces colonnes ont transité par voie de Seine car, après tout, l’ancienne abbaye bonportaise se situe presqu’en face de Sotteville. Quoi qu’il en soit, ces colonnes à chapiteaux, et la pierre avec un “M” indiquent que certaines demeures sottevillaises ont été restaurées avec des pierres de réemploi issues de Bonport. Ce constat est renforcée par la présence dans deux autres propriétés du centre-village d’autres colonnes bonportaises. Elles servent de piliers à deux portails. 

 

Nous publions ci-dessous différentes photographies de ces colonnes bonportaises réemployées dans les villes et villages de la région. 

 

 

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Autres colonnes de Bonport servant de piliers de portails dans le coeur de village de Sotteville (clichés d'Armand Launay, aout 2004 et février 2014).
Autres colonnes de Bonport servant de piliers de portails dans le coeur de village de Sotteville (clichés d'Armand Launay, aout 2004 et février 2014).
Autres colonnes de Bonport servant de piliers de portails dans le coeur de village de Sotteville (clichés d'Armand Launay, aout 2004 et février 2014).

Autres colonnes de Bonport servant de piliers de portails dans le coeur de village de Sotteville (clichés d'Armand Launay, aout 2004 et février 2014).

Colonne de Bonport servant de soutènement au local accueillant de nos jours le bar central de Tourville-la-rivière (cliché d'Armand Launay, juillet 2019).

Colonne de Bonport servant de soutènement au local accueillant de nos jours le bar central de Tourville-la-rivière (cliché d'Armand Launay, juillet 2019).

Colonne et pierres sculptées de Bonport situées dans la commune de Criquebeuf-sur-Seine (clichés d'Armand Launay, avril 2010).
Colonne et pierres sculptées de Bonport situées dans la commune de Criquebeuf-sur-Seine (clichés d'Armand Launay, avril 2010).
Colonne et pierres sculptées de Bonport situées dans la commune de Criquebeuf-sur-Seine (clichés d'Armand Launay, avril 2010).

Colonne et pierres sculptées de Bonport situées dans la commune de Criquebeuf-sur-Seine (clichés d'Armand Launay, avril 2010).

Colonne de Bonport servant de soutènement dans la cour du Cerf à Pont-de-l'Arche (cliché d'Armand Launay, mai 2008).

Colonne de Bonport servant de soutènement dans la cour du Cerf à Pont-de-l'Arche (cliché d'Armand Launay, mai 2008).

Colonnes de Bonport servant de piliers de portail dans la rue principale d'Alizay (cliché d'Armand Launay, mars 2011).

Colonnes de Bonport servant de piliers de portail dans la rue principale d'Alizay (cliché d'Armand Launay, mars 2011).

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13 septembre 2020 7 13 /09 /septembre /2020 08:43

 

Que signifie Sotteville ? 

Le toponyme de Sotteville-sous-le-val a été interrogé sous l’angle normand, c’est-à-dire la recherche des traces des northmen, les hommes du nord : en somme les vikings. L’on s’est plu à répéter que Sotteville provient de “Sóti”, du vieux danois, qui désigne “celui qui est noir comme de la suie”. L’on traite donc d’une personne à la peau mate et aux cheveux noirs, à moins que ce soit un sobriquet hérité d’une anecdote ou d’une blague potache. On rapproche ce mot de l’anglais “soot”, la suie. Le suffixe “ville” vient du roman “villa” qui désigne, non une ville ou une somptueuse villa romaine, mais un domaine rural. Ce suffixe permet donc de transformer le nom “Le Noir” en “Domaine du Noir”. 

 

Mais à quoi bon préciser “sous le val” ? 

Mais nous nous intéressons ici à la précision “sous le val” accolée au nom d’origine scandinave. À l’évidence, il s’est agi de distinguer notre Sotteville de Sotteville-lès-Rouen, située aussi le long du cours de la Seine. Mais pourquoi ne pas appeler cette paroisse Sotteville-sous-les-monts comme, à près de 13 km par la route, Amfreville-sous-les-monts ? Après tout, il existe bien une ligne de coteaux assez pentus descendant régulièrement vers Saint-Aubin-lès-Elbeuf. 

 

Fouillons l'histoire ! Sotteville-sous-le-val désigne le chef-lieu de paroisse, puis de commune, mais aussi l'ensemble du territoire communal. Il n'est donc pas sûr que la précision "sous le val" désigne le val de la Moulinière au-dessus du chef-lieu (cliché d'Armand Launay, aout 2019).

Fouillons l'histoire ! Sotteville-sous-le-val désigne le chef-lieu de paroisse, puis de commune, mais aussi l'ensemble du territoire communal. Il n'est donc pas sûr que la précision "sous le val" désigne le val de la Moulinière au-dessus du chef-lieu (cliché d'Armand Launay, aout 2019).

 

Sotteville-sous-le-val… Renoux ?

Nous avions pensé, il y a longtemps, que “le val” précisant le nom de la commune était celui du Val-Renoux, vous savez, celui par lequel passe l’autoroute 13, là où se trouve la merveilleuse sculpture “Sur la trace des vikings”, de Georges Saulterre. Cette hypothèse a, depuis, été wikipédiatisée dans la fiche dévolue à la commune sottevillaise. 

Après tout, cette hypothèse parait assez logique car le Val-Renoux se dessine nettement depuis la vallée de Seine où circulent les passants, notamment sur l’eau. 

 

Que désigne Sotteville ? 

Mais Sotteville désigne depuis 1790 tout l’espace d’une commune et, auparavant, donnait son nom à l’étendue de la paroisse en étant accolé au nom de son saint patron : Saint-Baudile-de-Sotteville. Par conséquent Sotteville est, à l’origine, un nom de lieu mais pas d’espace. Sotteville désignait le village, chef-lieu de paroisse, blotti autour de son église. Il existe aussi des hameaux : la Ferme du val, le Val-Renoux, les Bocquets et La cour à Monnier.

 

Sotteville-sous-le-val... de la côte Moulinière ? 

Or, la fiche Wikipédia de la commune, atteste que c’est depuis au moins 1757 que l’on accole la mention “sous le val” et non “à côté du val”. On ne traite pas de Sotteville-ès-val, près-val ou jouxte-val comme l’on disait Saint-Aubin-jouxte-Boulleng avant de dire Saint-Aubin-lès-Elbeuf.

La mention “sous le val” est-elle tout simplement une référence à la côte Moulinière qui passe dans un vallon derrière l’église et la mairie de Sotteville ? 

Nous en doutons car ce val n’est pas très lisible, bien qu’il existe. À ce titre, bien des villages devraient s’appeler Les Damps-sous-le-val, Igoville-sous-le-val, Connelles-sous-le-val… Même le Val-Renoux a besoin d’un nom d’homme pour qu’on le distingue et donc le retienne. 

 

Sotteville-sous-le-val... des Authieux ? Ou l’ancienne paroisse étendue. 

C’est en faisant des recherches sur Ymare que nous avons pris connaissance d’un plan terrier du XVIIIe siècle de la paroisse de Sotteville : celui-ci nous a mis la puce à l’oreille. À côté du plan terrier de Sotteville et ses hameaux valléens, il existe un plan de la paroisse de Sotteville... sur le plateau des Authieux. Cela n’est guère étonnant quand on songe que la commune est aujourd’hui en partie assise sur les hauteurs, du côté des Pointes des Authieux. Songez aussi au nouveau cimetière communal.

Mais ce plan, reproduit ci-dessous, nous apprend que les terres sottevillaises allaient par le fond des vallons jusqu’au pied des paroisses de Saint-Aubin-Celloville, alors dénommée Saint-Aubin-la-campagne, et d’Ymare. Si les bois lui échappaient, la paroisse allait jusqu’à leur lisière si bien que l’ensemble du val des Authieux (la route principale entre Igoville et Gouy) était sottevillais. On mesure aussi, mais c’est un autre sujet, que la ferme de la Folie et le Précantuit étaient igovillais.

Nous pouvons donc former l’hypothèse que “le val” dont il est question dans le nom de la commune désigne ou, plutôt, désignait cette bonne moitié de la paroisse autant accessible par Sotteville que par le Port-Saint-Ouen et qui devait être convoitée. On peut supposer que des fermes y existassent, à l’exemple de la ferme de la Folie, et que des paysans y travaillassent régulièrement. L’archéologie et l’observation aérienne y répondront peut-être un jour, si ce n’est déjà fait. 

Il est étonnant, dans le découpage des terres paroissiales, que le bas de ce val ait été attribué à Igoville et le haut à Sotteville. Ce découpage est sûrement le résultat d’une prise de pouvoir par quelque seigneur local ou par l’abbaye Saint-Ouen de Rouen, grand propriétaire foncier de la région comme l’indique toujours le nom du Port-Saint-Ouen.

On pourrait m’objecter que c’est surtout la paroisse d’Igoville qui est sise “sous le val” des Authieux. C’est géographiquement vrai. Mais toponymiquement il n’existe qu’un seul Igoville, nettement identifiable donc, alors qu’il existe bien des Sottevilles.

 

Conservé aux Archives départementales de Seine-Maritime sous la cote 12Fi106 et accessible par le site http://www.archivesdepartementales76.net, ce plan montre la partie haute de la paroisse de Sotteville-sous-le-val, le nom est donné. Ce plan terrier n'est pas millésimé mais date du XVIIIe siècle (capture d'écran du 12 septembre 2020).

Conservé aux Archives départementales de Seine-Maritime sous la cote 12Fi106 et accessible par le site http://www.archivesdepartementales76.net, ce plan montre la partie haute de la paroisse de Sotteville-sous-le-val, le nom est donné. Ce plan terrier n'est pas millésimé mais date du XVIIIe siècle (capture d'écran du 12 septembre 2020).

Détails du plan ci-dessus (captures d'écran du 12 septembre 2020).
Détails du plan ci-dessus (captures d'écran du 12 septembre 2020).

Détails du plan ci-dessus (captures d'écran du 12 septembre 2020).

 

Le val des Authieux et sa particularité.

Nous avançons un autre argument expliquant, selon nous, la référence au val des Authieux comme élément distinguant la paroisse sottevillaise. Le val des Authieux n’est pas un vallon en eau issu d’une érosion des coteaux de Seine. Il provient d’un ancien méandre de Seine asséché puis coupé du lit principal du fleuve. C’est Jérôme Chaïb, écologue et directeur de l'Agence régionale de l'environnement de Haute-Normandie, qui nous renseigne bien ici. Par des dessins très pédagogiques reproduits ci-dessous, il montre quelques phases de l’évolution du méandre de Seine qui nous intéresse. En retenant les leçons de Charles Darwin qui, dans L’Origine des espèces, nous invite à réfléchir à l’échelle géologique, bien plus vaste donc, on mesure combien le fleuve a creusé la roche et a pu modifier son cours. Ceci d’autant plus que le fleuve a été plus impétueux à certaines périodes de son histoire. On mesure donc que le val entre Igoville et le Port-Saint-Ouen mais aussi le Val-Renoux sont le vestige d’un ancien lit de la Seine. C’est un val qui se situe tout de même entre 70 et 80 mètres au-dessus de la Seine et qui descend de deux côtés vers le fleuve séquane… Ils ont été parcourus ensuite et vraisemblablement par quelques rus qui les ont creusés un peu plus surtout à leur connexion avec la vallée de la Seine actuelle. Nous songeons aux vallons descendant de Saint-Aubin-Celloville et Ymare, ce dernier semblant avoir eu un ru plongeant ensuite vers Igoville.

Dessins de Jérôme Chaïb, de l’AREHN, issu de la page 31 de La Seine en Normandie, ouvrage collectif publié en février 2012 et dirigé par Céline Dégremont et Christian Lévêque sous l’égide du GIP Seine-Aval. Nous en avons consulté la version numérique déposée dans Issuu à l’adresse suivante : https://issuu.com/seineaval/docs/la_seine_en_normandie. On voit ici que le val des Authieux est un méandre fossile. C’est donc un val particulier qui a dû compter dans la précision donnée à la paroisse de Sotteville-sous-le-val ; ce val étant pour moitié dans ladite paroisse. (capture d'écran du 12 septembre 2020).

Dessins de Jérôme Chaïb, de l’AREHN, issu de la page 31 de La Seine en Normandie, ouvrage collectif publié en février 2012 et dirigé par Céline Dégremont et Christian Lévêque sous l’égide du GIP Seine-Aval. Nous en avons consulté la version numérique déposée dans Issuu à l’adresse suivante : https://issuu.com/seineaval/docs/la_seine_en_normandie. On voit ici que le val des Authieux est un méandre fossile. C’est donc un val particulier qui a dû compter dans la précision donnée à la paroisse de Sotteville-sous-le-val ; ce val étant pour moitié dans ladite paroisse. (capture d'écran du 12 septembre 2020).

À la sortie d'Ymare, au-dessus de la mare Bouet. On voit se dessiner ici le val des Authieux, ancien lit de la Seine d'un méandre fossile. La paroisse de Sotteville-sous-le-val venait jusqu'à la lisière du bois où fut prise cette photographie (cliché d'Armand Launay, aout 2020).

À la sortie d'Ymare, au-dessus de la mare Bouet. On voit se dessiner ici le val des Authieux, ancien lit de la Seine d'un méandre fossile. La paroisse de Sotteville-sous-le-val venait jusqu'à la lisière du bois où fut prise cette photographie (cliché d'Armand Launay, aout 2020).

 

Pour conclure, la paroisse de Sotteville-sous-le val était bien plus étendue que la commune qui lui a succédé à partir de 1790. Elle occupait une partie du val des Authieux, ancien méandre de Seine. Il semble donc que Sotteville-sous-le-val désigne ce val particulier et non les vallons directs du coteau tels que le Val-Renoux et la côte de la Moulinière.    

Armand Launay

Pont-de-l'Arche ma ville

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12 septembre 2020 6 12 /09 /septembre /2020 10:16
L'église Saint-Martin de Crasville, son cimetière attenant et le Monuments aux morts pour la patrie (cliché de Frédéric Ménissier, septembre 2020). L'église est souvent le plus emblématique élément de patrimoine des communes rurales. Bien loin de clore la balade, elle nous invite au contraire à la poursuivre pour en connaitre davantage.

L'église Saint-Martin de Crasville, son cimetière attenant et le Monuments aux morts pour la patrie (cliché de Frédéric Ménissier, septembre 2020). L'église est souvent le plus emblématique élément de patrimoine des communes rurales. Bien loin de clore la balade, elle nous invite au contraire à la poursuivre pour en connaitre davantage.

 

Quelle déception ! Quand nous avons récemment fait une simple recherche sur l’histoire et le patrimoine de Crasville, sur le Net, un constat s’est imposé : la commune n’a pas bénéficié de mise en valeur, hormis une louable initiative sur le blog Preciosa qui offre de belles photographies sur la mairie, l’église Saint-Martin et le Monument aux morts. 

 

Chacun vaquant à ses occupations, sûrement, la commune de Crasville a été quelque peu négligée. Elle souffre sûrement aussi de sa petitesse car, fait rare, on ne retrouve pas de cartes postales anciennes sur Crasville, alors qu’elles abondent en général jusques et y compris dans les communes rurales. Ces cartes doivent exister mais elles ne sont, pour l’heure, pas partagées sur le Net. 

N’ayant pas beaucoup de temps, nous non plus, nous proposons ici des captures d’écran de l’imposant ouvrage de Louis-Étienne Charpillon et Anatole Caresme : Dictionnaire Historique de toutes les communes du département de l’Eure. Édité en 1868 chez Delcroix, aux Andelys, il constitue en deux volumes un admirable tri par commune de ce que les archives départementales de l’Eure, essentiellement, possèdent de chartes d’Ancien régime. Les auteurs ont décrypté et traduit le latin médiéval. Si des erreurs se retrouvent régulièrement, ils ont eu l’immense mérite d’offrir une masse d’information colossale aux analyses des amateurs d’histoire locale. Nous avons mis en valeur des pages disponibles dans Google livres mais qui n’apparaissent pas suite aux requêtes classiques des robots de recherche.  

Histoire de Crasville (Eure)
Histoire de Crasville (Eure)
Histoire de Crasville (Eure)
Histoire de Crasville (Eure)
Histoire de Crasville (Eure)
Histoire de Crasville (Eure)
Histoire de Crasville (Eure)
Histoire de Crasville (Eure)
Histoire de Crasville (Eure)
Histoire de Crasville (Eure)
Histoire de Crasville (Eure)
Histoire de Crasville (Eure)
Histoire de Crasville (Eure)
Histoire de Crasville (Eure)
Histoire de Crasville (Eure)
Histoire de Crasville (Eure)

 

La lecture de la fiche de Crasville étonne par sa relative longueur, de la page 880 à 882. On y lit l’étymologie la plus courante donnée au toponyme : “grasse ville”, se fondant sur la qualité de ses terres grasses, propices à la culture. Mais l’on peut s’interroger car ce toponyme n’apparait qu’en Normandie. Or, Grasseville devrait apparaitre passim dans toute l’aire où le roman, ancêtre du français, était pratiqué. On peut, probablement, lire ici un anthroponyme (un nom d’homme) accolé au terme villa qui désignait, en latin médiéval, un domaine rural. Cette question est bien traitée dans la fiche Crasville de Wikimanche ; Crasville étant ici un homonyme de la commune qui nous intéresse. Cette étymologie est curieusement proche de celle d'Écrosville que nous traitons dans un article consacré aux origines de Montaure.

 

Une terre agricole au centre de convoitises

Quoi qu’il en soit, Crasville compte en tant que propriété agricole qui fit l’objet au fil des siècles de convoitises de nobles, à défaut peut-être que ces convoitises soient nobles elles-mêmes. Elle se trouva, par là, constituée peu à peu en sergenterie, c’est-à-dire le siège d’une fonction de justice royale : sergent. Celui qui l’exerce assure le respect des lois dans un espace donné. Cette sergenterie, dépendant du bailliage de Pont-de-l’Arche, semble avoir eu pour fonction de régir le sud, somme toute éloigné, de l’élection de Pont-de-l’Arche du côté d’Acquigny, Louviers et du plateau. 

 

Vue sur le coq de l'église Saint-Martin de Crasville (cliché de Frédéric Ménissier, septembre 2020).

Vue sur le coq de l'église Saint-Martin de Crasville (cliché de Frédéric Ménissier, septembre 2020).

Vue sur le clocher de Saint-Martin couronné par un mat lumineux du XXIe siècle;) (cliché de Frédéric Ménissier, septembre 2020).

Vue sur le clocher de Saint-Martin couronné par un mat lumineux du XXIe siècle;) (cliché de Frédéric Ménissier, septembre 2020).

Une élégante église rurale

On y apprend que l’église fut consacrée en 1510 au nom de “Dieu et du bienheureux Saint-Martin”. Notons que Saint-Martin est un vocable ancien qui laisse présager que Crasville était déjà constitué en communauté humaine durant le haut Moyen Âge. Cette information ne permet cependant pas de dater les murs de l’édifice. En effet, ils sont composés d’un appareil mixte de pierres de taille et, surtout, de moellons calcaires et de silex noir. Cet élégant appareillage est issu d'un réemploi d'éléments antérieurs à moins qu'il ne s'agisse de maçonneries conservées, malgré des restaurations partielles. Cet appareillage rattache l'église à un passé plus lointain encore que la Sauvegarde de l'art sacré français date du XIIe siècle. Cette impression est renforcée par la présence de mini-baies (côté nord, au chevet, et au portail) rappelant les étroites ouvertures romanes. L'une d'entre elles est ici, côté chevet, couronnée d'un petit arc gothique. Cette élégance est rehaussée d’un beau muret de même appareil mixte qui enclosait le cimetière. Citons aussi le calvaire daté du début du XVIIe siècle.

Des chainages en pierre de taille calcaire sont visibles sous les baies gothiques. Elles ont été ajoutées à l'édifice afin de renforcer les murs affaiblis par le percement de baies plus larges. Ces baies gothiques semblent dater du XVIe siècle et, peut-être, de la rénovation de l'église avant sa consécration en 1510. Le clocher couronne la nef, dépourvue de transept. Ce clocher est peu élevé contrairement à ceux de petites églises rurales de la région. Très sobre et harmonieux, le chevet présente une abside en hémicycle dans l'alignement des murs de la nef.

L’église Saint-Martin est modeste malgré la présence dans cette paroisse de familles nobles. Ceci témoigne sûrement d’une démographie faible. L’intérieur de l’église, d’après les photographies du site de la Sauvegarde de l’art sacré français, est enduit. Il est richement décoré d’autels et de statues auxquels nous n’avons pas eu accès. La nef est couronnée d’un berceau lambrissé (une coque de navire inversée) et d’une poutre de gloire adossée à un mur de soutènement du clocher. Il est patent que l’édifice a été pensé pour être harmonieux à l’intérieur où la lumière pénètre correctement et où l’on perçoit tout de même une sorte de transept et un chœur.   

À noter, en 2017, la Sauvegarde de l’art sacré français a récolté 4000 € pour restaurer la couverture, certaines descentes d’eaux pluviales et poser un paratonnerre.

Photographies de l'église Saint-Martin publiées en 2017 sur le site de La Sauvegarde de l'art sacré français, institution qui a contribué à la restauration de l'édifice.
Photographies de l'église Saint-Martin publiées en 2017 sur le site de La Sauvegarde de l'art sacré français, institution qui a contribué à la restauration de l'édifice.Photographies de l'église Saint-Martin publiées en 2017 sur le site de La Sauvegarde de l'art sacré français, institution qui a contribué à la restauration de l'édifice.Photographies de l'église Saint-Martin publiées en 2017 sur le site de La Sauvegarde de l'art sacré français, institution qui a contribué à la restauration de l'édifice.

Photographies de l'église Saint-Martin publiées en 2017 sur le site de La Sauvegarde de l'art sacré français, institution qui a contribué à la restauration de l'édifice.

 

Le mobilier de l'église Saint-Martin

Saint-Martin renferme un mobilier assez nombreux que ce soit des meubles le plus souvent du XVIIIe siècle et des statues souvent du XVIIe siècle. L’objet le plus ancien semble être les fonts baptismaux du XVIe siècle. L’objet le plus notable est le groupe sculpté représentant Saint-Martin, à qui le sanctuaire est dédié, sur son cheval. En pierre calcaire polychromée, cette sculpture date du troisième quart du XVIe siècle. Elle est située au-dessus de la porte latérale sud. Au final, une douzaine d’objets sont répertoriés par la Conservation régionale des Monuments historiques. Depuis le 10 juin 1907, deux verrières du XVIe siècle sont en partie classées Monuments historiques. Il s’agit des verrières dites de la Flagellation et de saint Paul ; toutes deux remontées dans des verrières contemporaines. Ce sont les deux seules œuvres de la commune faisant l’objet d’une protection. 

 

Extrait du plan cadastral de Crasville conservé aux Archives départementales de l’Eure (sous la cote : 3PL/1161/2) et accessible en ligne sur https://archives.eure.fr. Il s’agit ici de la section A dite “du village”. Il date de 1823 et fut réalisé par M. Hautier, géomètre en chef et M. Meunier, géomètre de première classe. Peut-on relier le nom de Faroul, retrouvé chez Charpillon et Caresme (au début de cet article), et le nom d’espace “La masure Farou” ?

Extrait du plan cadastral de Crasville conservé aux Archives départementales de l’Eure (sous la cote : 3PL/1161/2) et accessible en ligne sur https://archives.eure.fr. Il s’agit ici de la section A dite “du village”. Il date de 1823 et fut réalisé par M. Hautier, géomètre en chef et M. Meunier, géomètre de première classe. Peut-on relier le nom de Faroul, retrouvé chez Charpillon et Caresme (au début de cet article), et le nom d’espace “La masure Farou” ?

 

Le bâtiment de la mairie, par sa petite taille et son matériau en brique, montre une nouvelle époque : celle de la République au village. Elle n'a pas été associée à une école. La scolarité Deux plaques commémoratives témoignent de manière explicite de cette époque qui est aussi la nôtre pour peu qu'on s'en donne les moyens.

Ainsi les membres du Conseil municipal, emmené par Albert Signol, ont laissé leurs noms à la postérité : Léon Guilbert, adjoint au maire, Ernest Loisel, Florentin Signol, Gustave Huet, Michel Huet, Ernest Meraisse, François Bérenger, Xavier Huet et Alphonse Huet. On mesure, aux noms de familles, combien la population était peu nombreuse et concentrée autour de quelques familles.

Fiers d'eux et de leur idéologie, ces élus ont inscrit leurs noms à côté du millésime de la mairie. Celui-ci est à gauche, dans le sens de la lecture et donc de la préséance. Il porte la date exacte du 26 septembre 1897 ainsi que le nom du député républicain lovérien (Jules) Ernest Thorel (1842-1906). Cet hommage n'est pas simplement dû au représentant de l'Assemblée nationale qui a assurément œuvré à l'octroi d'une subvention d'État à la construction de la mairie. Il participe de ce mouvement de républicanisation de la France par les écoles-mairies. À ce titre, la date 1897 à Crasville est un peu tardive qui témoigne de la modicité du budget communal et, peut-être, de la présence d'élus non républicains dans les précédentes mandatures ; élus qui en auront payé le prix en passant après les bons élèves.

Ernest Thorel (Wikimedia commons)

Au fond de la cour de la mairie, une plaque est située en haut d'un pilier en brique, reste de portail. Elle rend hommage à Benjamin Gangel. Cet homme a peut-être offert le terrain car on y indique qu'il s'agit d'une "place". La date de "1874" apparait peut-être, étant donné son relatif effacement. Benjamin Gangel a peut-être été le donateur d'un terrain afin d'y établir, à terme, la maison commune, c'est-à-dire la mairie. Le paradoxe aura été que la mairie a quelque peu masqué la plaque...

On peut aussi noter l'existence, à côté de Crasville, du moulin de Beauregard, sur la commune de La Haye-Malherbe.

La mairie de Crasville, datée de 1897, témoigne de l'attachement républicain de certains de ses habitants. Elle structure de nouvelle façon les liens humains autour d'une sociabilité et d'une vision de la société qui font partie de l'histoire et du présent (clichés de Frédéric Ménissier, septembre 2020).
La mairie de Crasville, datée de 1897, témoigne de l'attachement républicain de certains de ses habitants. Elle structure de nouvelle façon les liens humains autour d'une sociabilité et d'une vision de la société qui font partie de l'histoire et du présent (clichés de Frédéric Ménissier, septembre 2020).La mairie de Crasville, datée de 1897, témoigne de l'attachement républicain de certains de ses habitants. Elle structure de nouvelle façon les liens humains autour d'une sociabilité et d'une vision de la société qui font partie de l'histoire et du présent (clichés de Frédéric Ménissier, septembre 2020).La mairie de Crasville, datée de 1897, témoigne de l'attachement républicain de certains de ses habitants. Elle structure de nouvelle façon les liens humains autour d'une sociabilité et d'une vision de la société qui font partie de l'histoire et du présent (clichés de Frédéric Ménissier, septembre 2020).

La mairie de Crasville, datée de 1897, témoigne de l'attachement républicain de certains de ses habitants. Elle structure de nouvelle façon les liens humains autour d'une sociabilité et d'une vision de la société qui font partie de l'histoire et du présent (clichés de Frédéric Ménissier, septembre 2020).

En guise de conclusion, toute une histoire crasvillaise est à bâtir, notamment à partir de la lecture des délibérations du Conseil municipal. Des photographies et cartes postales anciennes sont à retrouver qui existent assurément. D'autres photographies documentaires et artistiques sont à prendre et partager. Avis aux amateurs qui hésitent à se lancer dans la constitution d’une telle histoire ! Ce serait un bon projet pour pallier ce silence relatif à l’endroit de Crasville tout comme de tant d’autres communes. 

 

Armand Launay

avec nos remerciements à notre ami Frédéric Ménissier

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6 septembre 2020 7 06 /09 /septembre /2020 18:49
Wimara, tel est le nom du groupe scolaire depuis 2018. Il plonge aux racines du nom de la commune, un nom qui appelle à s'interroger sur l'histoire plus qu'il n'y répond (clichés de Paris-Normandie).

Wimara, tel est le nom du groupe scolaire depuis 2018. Il plonge aux racines du nom de la commune, un nom qui appelle à s'interroger sur l'histoire plus qu'il n'y répond (clichés de Paris-Normandie).

 

“Wimara”, tel est le nom du groupe élémentaire de la commune d’Ymare depuis 2018 où les élus ont laissé le choix du nom aux enfants. C’est ce que nous apprend un article de Paris-Normandie en date du 19 aout 2018. Ceux-ci auront été préalablement informés de la plus lointaine trace écrite du nom de ce village : en effet Wimara apparait sur la courte fiche Wikipédia de la commune et ce grâce à la bienveillance d’un internaute ayant, de plus, laissé ses sources dans des notes de bas de page. Il s’agit de renvoi vers des cotes d’archives conservées par le département. 

Le contributeur wikipédien montre ensuite la relative permanence de ce nom jusqu’à la période contemporaine : “Le nom de la localité est attesté sous les formes Wimara vers 1240 ; Iglise d'Ymare en 1291 ; Ymare en 1319 ; Vimara en 1337 ; Imare en 1431 ; Saint Aubin d'Ymare en 1462 et 1464 ; Ecclesie Sancti Albini de Imare en 1638 ; d'Imare en 1707 ; d'Ymare en 1772 ; Ymard en 1648 ; Imare entre 1704 et 1738 (Pouillé) ; Imares en 1715 (Frémont), en 1757 (Cassini) ; d'Ymare en 1787.” Les sources de ces informations sont aussi cotées aux archives départementales de Seine-Maritime. 

Le “a” final de Wimare est une latinisation caractéristique de l’écriture des chartes médiévales. Comme bien des noms médiévaux, le son germanique “w” s’est déformé dans le langage oral en “v” ou a disparu. On retrouve ainsi cette évolution dans d’autres toponymes locaux tels que Igoville, Incarville…

 

Que signifie Wimara ?  

Ce toponyme est unique en Normandie et donc en France puisqu’il semble qu’Ymare soit un nom d’origine scandinave. 

Selon François de Beaurepaire, la forme Wimara retrouvée vers 1240 vient de l'adjectif norrois viðr “large” ou hvítr “blanc” et du vieux norrois marr “mare”. Pour les amoureux des racines scandinaves de la Normandie, ces mots sont romantiques et pleins de sens. Mais, avouons-le, ils nous sont étrangers et l’on peine à les prononcer. On peut les apparenter aux termes anglais, leurs cousins germaniques, wide et white, déjà plus clairs (surtout le second) pour les anciens collégiens que nous sommes. 

Cela donnerait à Ymare le sens de “grande mare” ou “blanche mare”. S’il est aisé d’imaginer une mare autour de laquelle les hommes et les animaux trouvaient de quoi vivre, on ne voit pas très bien quelle serait cette grandeur, ou blancheur, qui distinguerait le lieu d’Ymare des autres lieux avoisinants. De plus, n’y aurait-il qu’une seule grande mare en Normandie ? Qui plus est, si une mare pouvait être blanchâtre, n’y en aurait-il aucune autre que celle de la commune qui nous intéresse ? Enfin, même argument mais appliqué à Blacquetuit, hameau jouxtant Montaure : en quoi celui-ci serait un essart noir et non pas l’essart d’un certain Le Noir ?  

C’est pourquoi nous rejoignons le jugement de François de Beaurepaire, auteur de Les Noms des communes et anciennes paroisses de l'Eure, qui voit dans ce type de toponyme un anthroponyme, c’est-à-dire un nom de personne : Wido ou Witto. Son argumentation repose sur la fréquence de ce toponyme qu’il retrouve dans Quittebeuf (attesté sous la forme de Witeboe en 1205), Yville-sur-Seine (Witvillam, vers 1025), Ymare donc (Wimara, vers 1240) et Iville / Vitot (Witot 1035 - 1047). On pourrait suggérer aussi, peut-être, Yport. 

Le nom d’homme Wido-Witto peut se traduire par Le Grand, voire Le Large donc Le Costaud, ou Le Blanc. Ymare signifierait donc la “mare de Le Blanc” ou la “mare de Le Grand”.

 

 

Ymare, la mare blanche, la grande mare, ou la mare de Le Blanc, de Le Grand, voire du Costaud ? La toponymie est un champ d'hypothèse, un champ très fertile même (cliché d'Armand Launay, aout 2020).

Ymare, la mare blanche, la grande mare, ou la mare de Le Blanc, de Le Grand, voire du Costaud ? La toponymie est un champ d'hypothèse, un champ très fertile même (cliché d'Armand Launay, aout 2020).

 

Mais le spécialiste sur lequel le Net se repose pour commenter ce toponyme, François de Beaurepaire, avance aussi la possibilité que l’anthroponyme soit d’origine anglo-saxonne sous la forme “Hwita. Ceci car il semble que les Scandinaves établis dans le Pays de Caux et la vallée de la Seine fussent des colons danois auparavant installés en Angleterre. Des Anglo-saxons les ont sûrement suivis et peut-être influencés en Neustrie, devenue la Normandie. 

Cependant le toponyme Ymare fait écho à Yville et Yport, termes scandinaves et le suffixe proprement anglo-saxon de mare est mer comme dans Mortemer et Blingemer. 

 

Que nous apprend ce toponyme ? 

Il semble qu’une partie d’Ymare ait été donnée en tant que propriété à un Scandinave, ou Anglo-scandinave, et les siens. Peut-être s’agit-il d’un homme, dénommé “Le Blanc” ou “Le Grand” qui se rendit utile à Rollon et fut ainsi remercié par ce don de terre déjà organisée en propriété. Fut-il possessionné près de la mare actuelle ? C’est possible car le Clos de la ferme, vaste et bel espace proche de la mare, constitue une propriété noble qui doit être la lointaine héritière d’un fief seigneurial englobant l’église et la mare centrale donc. Il est donc évident qu’une source d’eau devait ressurgir en ce lieu qui le rendait propice à l’habitation et l’exploitation des ressources naturelles.  

Des maisons à pans de bois ont sûrement existé de part et d’autre de ce fief englobant la mare et l’église. Elles durent être occupées par des Neustriens et par des colons scandinaves de la suite de Le Blanc ou Le Grand. Avec leur matériau naturel, elles ont entièrement disparu et ont été remplacées par de nouvelles habitations.. 

Les habitants d’Ymare étaient-ils des Neustriens parlant roman ou des colons dano-saxons ? Les études toponymiques montrent qu’Ymare est à la limite intérieure de l’espace considéré comme densément peuplé par le colon scandinave. C’est ce que montre une cartographie de l’article “Colonisation de la Normandie” sur Wikipédia et qui se fonde sur les toponymes. 

Près d’Ymare, plusieurs lieux-dits semblent d’origine scandinave, même s’ils sont discutables. Certains semblent être aussi des noms de propriétaires comme Sotteville (la ferme de Soti), Tourville (la ferme de Tor), Amfreville (la ferme d’Asfridr)... 

Surtout, des noms de lieux seraient des mots proprement norrois.

 

 

La ferme de la Folie, à côté du champ du Précantuit, à Igoville : un des noms possiblement scandinaves de la région d'Ymare (cliché d'Armand Launay, aout 2020).

La ferme de la Folie, à côté du champ du Précantuit, à Igoville : un des noms possiblement scandinaves de la région d'Ymare (cliché d'Armand Launay, aout 2020).

 

Selon l’article Wikipédia de la commune d’Igoville, le Pré-cantui(t) serait une déformation de Brescantuit. Ce toponyme daterait de 1453 mais la fiche Wikipédia est muette sur la source de cette information. On y retrouve le terme de thuit qui désignait un essart et qui proviendrait du vieux norrois thveit (à vos souhaits). Si ce terme désigne un champ, de nos jours, mais ce champ a pu désigner une ferme. La ferme désaffectée “la Folie” en est peut-être la lointaine héritière. Le préfixe pourrait aussi être scandinave. On le retrouve dans Bretot, attesté vers 1040 selon François de Beaurepaire, et qui proviendrait de l'adjectif breiðr “grand, large”, ou de brestir, le fossé, qu’on retrouve dans Bertelonde “le bois du fossé”. Quid du radical “can” du Brescantuit ? 

Une autre terme scandinave existe sûrement dans le “Bois Bouclon”, à Saint-Aubin-Celloville et dans “Bouquelon” à Boos. C’est le même terme que celui d’une commune de l’Eure qui viendrait du scandinave bóka-lundr, “bois de hêtres”. Un doute demeure sur le “Bois Bouclon” car il jouxte un espace appelé “Le Bosc-long”, c’est-à-dire le “long bois”. Lequel des deux aurait influencé l’autre ? Aurions-nous affaire à une déformation fautive et donc à une étymologie erronée ?  

Enfin, des termes se trouvent dans la vallée ou le rebord des falaises comme la Houle à Sotteville-sous-le-val, l’ile L’Homme au Vaudreuil, le Becdal à Acquigny, Daubeuf, Vatteville, Belbeuf, Criquebeuf, Martot... 

 

En guise de conclusion, Ymare semble être un témoin de la colonisation scandinave dans la région de Pont-de-l’Arche. Ce serait la mare de Le Blanc ou Le Grand, voire Le Costaud, nom de personnage. Il semble attester qu’il existait une propriété noble autour de la mare et de ce qu’on appelle actuellement le Clos de la ferme. Chose étonnante, si Ymare signifie la mare de Le Blanc, Saint-Aubin, le nom du patron de son église, provient d’Albinus qui signifie Le Blanc... en latin. 

 

A lire sur ce blog, un petit aperçu de l'histoire d'Ymare.

 

Armand Launay

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6 septembre 2020 7 06 /09 /septembre /2020 13:23
La Croix de Rouville, ses vestiges du moins, par une belle journée d'aout 2020 (cliché d'Armand Launay).

La Croix de Rouville, ses vestiges du moins, par une belle journée d'aout 2020 (cliché d'Armand Launay).

 

Il suscite l’interrogation, quelque part entre Ymare et les hauteurs d’Alizay, cet ancien monument aux formes dolméniques qu’on appelle la Tombe du druide. Il est réputé propice à la santé et porte, gravée, une croix liturgique. Est-ce un vestige préceltique comme l’affirme sa fiche de la base Mérimée, recensant le patrimoine français, ou bien une tombe chrétienne ?   

 

La Tombe du druide dans la littérature... 

Jusqu’à plus ample informé, c’est l’abbé Jean Benoit Désiré Cochet, érudit havrais, qui a le premier écrit sur le monument qui nous intéresse. En 1871, il publia la notice que nous reproduisons ci-dessous. Ymare y semble posséder comme meilleur élément patrimonial une “table de pierre posée sur deux autres”. L’auteur ni ne la nomme ni ne la date. Il la situe à la limite d’Ymare et... de Pîtres, ce qui est partiellement erroné. En bon pâtre, meneur d’âmes, il accorde une importance aux croyances populaires affirmant que le fait de passer sous la table de pierre guérit de la fièvre et de la morsure des chiens enragés. Il suppose que cette table a remplacé un ancien monument, sans plus de précision. 

Quelle est cette “Tombe du druide” à Ymare ? Dolmen ou calvaire ?

 

Nous ne savons s’il y a un lien de cause à effet mais, 8 ans plus tard, les abbés Joseph Bunel et Albert Tougard mirent leurs pas dans ceux de l’abbé Cochet. Les auteurs de la Géographie du département de la Seine-inférieure inclurent dans le patrimoine d’Ymare cette “table de pierre” située près d’un carrefour. En 1879, ce monument était désormais une curiosité ymaroise. Les auteurs entérinèrent l’hypothèse de l’abbé Cochet qui ne demandait qu’à être formulée : ce monument témoigne de temps plus anciens. S’ils n’osèrent écrire que cette table de pierre était druidique, ce sont les rites populaires autour de la guérison de la fièvre et de la rage qui, selon eux, provenaient de “superstitions gauloises ou druidiques”. On appréciera la distinction, byzantine, entre ces adjectifs.   

 

Huit ans plus tard, de nouveau, c’est l’érudit normand Léon Coutil qui reprit la recherche et osa une interprétation allant dans le sens des abbés Bunel et Tougard mais en plus précis. Dans le Bulletin de la Société normande d'études préhistoriques, publié en 1897, Léon Coutil accorda une page de texte et un dessin à “La croix de Rouville ou Croix d’Ymare”. Lui donnant enfin son vrai nom, La Croix de Rouville, il se trompa toutefois en affirmant que ce monument était au carrefour de quatre communes dont Pîtres, comme le fit l’abbé Cochet. Il avança, de plus, que cette table de pierre était un dolmen christianisé. Ceci à cause de sa forme générale, son matériau et sa croix gravée, vraisemblablement plus récente. Mesurant tout de même la petitesse du dolmen, il affirma que ses pierres avaient été “aplanies et amincies”. C’est une interprétation qui lui permit d’ajouter un monument supplémentaire à son recensement des menhirs et dolmens de Seine-Maritime. L’érudit ne s’intéressa pas aux légendes populaires mais seulement à l’objet et ses dimensions. Voici la copie des texte et dessin de Léon Coutil. 

 

Illustrations de l'article de Léon Coutil ci-dessus avec, en sus, des exemples de mégalithes christianisés, selon lui, dans la région. Nous pouvons douter de cette affirmation et penser qu'il s'agit, pour certains, de calvaires originaux avec table de prière, voire autel pour les Rogations ou autres processions.
Illustrations de l'article de Léon Coutil ci-dessus avec, en sus, des exemples de mégalithes christianisés, selon lui, dans la région. Nous pouvons douter de cette affirmation et penser qu'il s'agit, pour certains, de calvaires originaux avec table de prière, voire autel pour les Rogations ou autres processions.
Illustrations de l'article de Léon Coutil ci-dessus avec, en sus, des exemples de mégalithes christianisés, selon lui, dans la région. Nous pouvons douter de cette affirmation et penser qu'il s'agit, pour certains, de calvaires originaux avec table de prière, voire autel pour les Rogations ou autres processions.

Illustrations de l'article de Léon Coutil ci-dessus avec, en sus, des exemples de mégalithes christianisés, selon lui, dans la région. Nous pouvons douter de cette affirmation et penser qu'il s'agit, pour certains, de calvaires originaux avec table de prière, voire autel pour les Rogations ou autres processions.

Puis, au Vingtième et Vingt-et-unième siècles on retrouve dans la littérature régionale, qu’elle soit imprimée ou sur le Net, des articles qui reprennent les mêmes interprétations que ci-dessus sans les critiquer et en se cachant derrière le mystère afin de ne pas avoir à en proposer une étude rationnelle.  

Nous citons pour l’exemple cet article du Petit Manchot, La Croix d’Ymare, qui a le mérite de mettre en valeur ce monument et ses légendes. Il cite Léon de Vesly qui est l’auteur de la meilleure étude parue sur la Croix d’Ymare et que nous aborderons plus bas. Le Petit Manchot cite une autre légende attachée à la Croix d’Ymare : celle avançant que celui qui touche cette pierre est assuré de mourir dans son pays natal. Mais l’auteur du blog n’exploite pas la matière de l’article de Léon de Vesly. D’ailleurs, il cite l’article de Léon Coutil alors qu’il s’inspire et cite celui de Léon de Vesly. Le Petit Manchot n’a pas pris le sujet à bras-le-corps. 

 

Léon de Vesly avait pourtant bien écrit et pensé au sujet de la Croix de Rouville et mérite d’être lu. Son article, intitulé “Légendes, superstitions et vieilles coutumes”, a été publié en 1895 dans le Bulletin de la Société libre d'émulation du commerce et de l'industrie de la Seine-Inférieure. On le lit grâce à la numérisation proposée par Gallica (voir notre bibliographie). 

Illustration de Léon de Vesly issu de son article traité ci-dessus et référencé dans la bibliographie.

Illustration de Léon de Vesly issu de son article traité ci-dessus et référencé dans la bibliographie.

 

Léon de Vesly narra une anecdote d’ouvriers des chemins de fer ayant déposé la table au sol et peinant à la remettre sur les autres pierres, ceci après un pari bien arrosé. C’est un bien curieux mégalithe... portatif, que voilà. Il narra surtout son témoignage sur la vivacité d’une croyance et pratique ymaroise et alentour : toucher la pierre offrirait de finir ses jours au pays. Or, il vit écrits dans la neige tombée sur la table de pierre les noms de deux navires de guerre français affectés dans la colonie de Madagascar. Des soldats ou les membres de leur famille les avaient sûrement écrits en ce lieu dans l’espoir que la vie soit plus forte que la mort. Le passage est à lire directement dans le texte de Léon de Vesly. 

L’auteur écrit avoir cru un temps que la Croix de Rouville était un dolmen. Il l’a même fait figurer sur une carte des dolmens du département. Mais il est revenu de cette croyance qu’il dit avoir hérité de savants “qui ne sont même pas venus dans les lieux”. On apprécie la ruade. L’auteur affirma que ce monument est une “table de justice”, là où les seigneurs de Rouville, du nom du fief sis à Alizay, rendaient leur jugement en cas de litige. L’auteur nous apprend aussi que ce monument était appelé “la grosse pierre” par les Ymarois et que des érudits avaient émis l’hypothèse qu’il constituait un vestige de thermes antiques… 

 

Les différentes interprétations quant à la fonction de ce monument nous laissaient sceptiques depuis longtemps et nous rejoignons les propos de Léon de Vesly. Cet auteur use d’humour lorsqu’il ironise sur la croyance selon laquelle la Croix de Rouville guérit aussi les rhumatismes lombaires si le souffrant passe sous la table… Quelle scène en effet que de faire cette gymnastique dans cet état de santé… Mais l’auteur n’a pas creusé plus loin son analyse rationnelle et nous a laissé sur notre faim de connaissance. Nous avons adopté une autre méthode pour mieux connaitre cette “grosse pierre”, ou ces trois pierres : la visualisation de cartes disponibles sur le site Géoportail.

 

Que nous apprennent les cartes actuelles et anciennes ?

Nous avons consulté les plans cadastraux de la commune mais ceux-ci sont rongés à l’endroit qui nous intéresse. Les parcellaires d’Ancien Régime disponibles sur le site des Archives départementales ne montrent pas cet espace. 

 

La carte IGN actuelle montre que La Croix de Rouville désigne, de nos jours, un champ situé sur la commune d’Alizay. Le monument qui nous intéresse est appelé “Tombe du druide”. Il est rehaussé par le symbole indiquant les dolmens. On voit, au nord-ouest, un début de chemin du village dénommé “Croix de Rouville” et qui finit rapidement en impasse.

 

Carte IGN actuelle de l'espace qui nous intéresse (capture d'écran du site Géoportail).

Carte IGN actuelle de l'espace qui nous intéresse (capture d'écran du site Géoportail).

 

La vue aérienne des années 1950-1960 montre un espace de champs ouverts qui permet de retrouver les limites communales que l’on voit dans la carte IGN actuelle. On voit aussi quelques arbres épars et même un alignement d’arbres le long du chemin de la Croix de Rouville. La “grosse pierre” se confond avec eux. Il semble qu’il y ait un arbre derrière elle, vers l’ouest. La trace d’un ancien chemin allant de l’impasse de la Croix de Rouville en direction de la vallée Galantine, et donc de Pîtres, se lit ça-et-là par une teinte parfois plus sombre parfois plus claire à travers les champs.

 

Vue aérienne des années 1950-1960 de l'espace de la Croix de Rouville (capture d'écran du site Géoportail).

Vue aérienne des années 1950-1960 de l'espace de la Croix de Rouville (capture d'écran du site Géoportail).

 

Puis, la carte d’état major de 1866 montre un petit carré au sud du chemin de la Croix de Rouville représentant assurément ladite Croix ou, tout du moins, ce qu'il en restait. Il n’était question ni de tombe ni de dolmen. C'est à partir de ce point notable du territoire que l'altitude fut prise et rapportée : 134 m. Notons qu'en ce temps la délimitation entre Alizay et Ymare était encore nette et que le monument qui nous intéresse était ymarois.

 

La Croix de Rouville sur la carte d'état major en 1866 (capture d'écran du site Géoportail).

La Croix de Rouville sur la carte d'état major en 1866 (capture d'écran du site Géoportail).

Enfin, la carte de Cassini, datant de 1780 environ, atteste l’existence d’une “Croix d’Ymare” au sud du village symbolisée par un rond au-dessus du “m” du mot “Imare”. Il rend d’ailleurs moins lisible le nom de la paroisse qui apparait comme “Limares”. Nous avons eu des doutes car les noms des lieux se tassent sur ce précieux document. Néanmoins, un symbole de village est dénommé Quévreville. Un autre est dénommé la Poterie entre Quévreville et Ymare. Il ne s'agit donc pas d'une Croix d'Ymare qui aurait désigné le précédent calvaire du rondpoint du château-d'eau. Le nom de Croix d'Ymare, par élimination, ne peut désigner que ce rond qui jouxte le "m" d'Ymare.

Extrait de la carte de Cassini (vers 1780) sur Ymare et sa proche région (capture d'écran du site Géoportail).

Extrait de la carte de Cassini (vers 1780) sur Ymare et sa proche région (capture d'écran du site Géoportail).

Était-ce une croix de carrefour ? 

À la lecture des documents cartographiques, nous trouvons que ce monument a plusieurs caractéristiques des croix de carrefour, c’est-à-dire des calvaires que l’on trouve nombreux au bord des routes, surtout celles des régions toujours attachées au catholicisme. 

Outre le rappel de la foi et ses valeurs morales, ces croix servent à orienter les voyageurs. C’est ainsi qu’on la retrouve nettement indiquée dans la carte de Cassini. Ces croix annonçaient aussi souvent la limite de paroisses. On peut ainsi citer le calvaire d’Ymare, redressé en 1791 à l’ouest de la paroisse et l’emplacement du calvaire près de la pharmacie de Quévreville-la-poterie. Celle de Rouville était à la limite entre les paroisses d’Ymare et d’Alizay dont faisait partie la proche ferme du Solitaire. Or, les terres de la paroisse d’Alizay sont devenues au Moyen Âge la propriété des seigneurs de Rouville, du nom du château situé près de l’usine Double A de nos jours. Cette mainmise seigneuriale sur les terres alizéennes se lit dans l’article “Alizay” écrit par Louis-Étienne Charpillon et l’abbé Anatole Caresme dans leur imposant Dictionnaire des communes de l’Eure. Les seigneurs de Rouville ont dû prendre possession de la ferme du Solitaire, comme le prouvent les noms de lieux : le Bois de Rouville et la Croix de Rouville. La croix en question se trouve à la limite intérieure de la paroisse d’Ymare. Elle n’a peut-être pas été la propriété des Rouville mais elle se trouvait en direction des terres rouvillaises. Ce sont les habitants d’Ymare, proches et nombreux, qui ont dû forger ce toponyme. 

Quoi qu’il en soit, ces délimitations d’Ancien Régime ont servi de trame à la constitution des territoires communaux en 1790. 

 

Un calvaire presque déchristianisé ? 

Ce qui était auparavant dénommé croix est devenu, dans les consciences, une tombe ou un mégalithe. Nous pensons que cela est dû à la déchristianisation. Celle-ci peut se lire dans l’érosion de monuments religieux et leur manque d’entretien. Une croix en bois ici n’a peut-être pas été remplacée d’autant plus que le chemin a été de moins en moins fréquenté. Puis, la Révolution française a connu un mouvement antireligieux où des calvaires ont été démolis comme celui de Pont-de-l’Arche par exemple. Les délibérations du conseil municipal ymarois contiennent peut-être la réponse. 

La Croix de Rouville a cependant survécu par ses trois pierres, contrairement à d’autres croix qui ont pleinement disparu comme la “croix Maurice” aux Damps. S’il est difficile d’imaginer quelle forme avait le calvaire, il est possible d’affirmer que ces pierres n’en sont que des restes. Il suffit de les voir pour réaliser que les rebords de la table sont cassés, que celle-ci est déséquilibrée et que les deux assises sont somme toute petites même si je ne les porterais pas, même après un pari bien arrosé. On est loin d’un mégalithe ou, tout simplement, d’un portail en pierre dont la région est, ou était, coutumière comme le montre notre illustration portant sur une propriété de Montaure. De même, Léon Coutil a dessiné des autels qui, adjoints à un calvaire, montrent que ce type d’édifice existait même sous des formes assez peu dégrossies. 

Avions-nous ici affaire à un calvaire original, avec un autel-table devant une croix, propice à la prière agenouillée ? Était-ce une croix-reposoir comme la croix de La Villeneuve-les-Convers, notamment, qu’on peut voir sur le net grâce au cliché d’un certain Michel Foucher ? La table servait-elle, non à poser des cercueils, comme ont servi certaines tables-reposoirs, mais d’autel à office lors des Rogations, ces prières collectives prononcées trois jours avant l’Ascension et ce dans l’espoir d’avoir de belles récoltes ? La table servait-elle de pause lors de processions et de pose de la statue du saint vénéré localement ?

Nous ne pouvons rien prouver. Il serait intéressant de trouver des autels ruraux ou des preuves de leur existence passée. L’origine de noms de communes, principalement normandes, laisserait alors entendre qu’ils ont existé. Nous songeons aux Authieux dont la thèse étymologique principale est les “autels”. 

Ces pierres sont-elles plus simplement des restes de paliers formant une assise pyramidale couronnées d’une croix de bois ? Nous ne pouvons pas plus le prouver. 

Ce trilithe, c’est-à-dire ces trois pierres, avec une croix liturgique gravée sur sa table, semble être une recomposition de fortune visant à prolonger la présence chrétienne en ce carrefour déclassé. Les calvaires entretenus en priorité ont, selon toute vraisemblance, été ceux des axes amenés à être les plus empruntés. Or, les croyances populaires associées à ce calvaire montrent qu’ici les rituels ont été plus nombreux qu’ailleurs, autrefois. Cette survivance des croyances, avec le besoin de délimitation spatiale, a sûrement contribué à sauver ce vestige de calvaire. 

 

Ces piliers de portail de la rue des Forrières, à Montaure, montrent que des mégalithes ("grandes pierres", en grec de salon) plus imposants que ceux de la Croix d'Ymare ont pu être utilisés par nos ancêtres bien après la préhistoire (cliché d'Armand Launay en mai 2013).

Ces piliers de portail de la rue des Forrières, à Montaure, montrent que des mégalithes ("grandes pierres", en grec de salon) plus imposants que ceux de la Croix d'Ymare ont pu être utilisés par nos ancêtres bien après la préhistoire (cliché d'Armand Launay en mai 2013).

 

Conclusion

La Croix de Rouville fut un calvaire de carrefour. On a oublié jusqu’à son nom et sa fonction, y compris les hommes de foi du XIXe siècle en quête d’exotisme. Les trois pierres actuelles, connues sous le nom de “Tombe du druide”, sont des vestiges d’un monde révolu : celui de chemins de campagne nombreux et variés ; de petits champs familiaux ; de haies et de bouquets d’arbres épars… Elles évoquent un monde parcouru quotidiennement par une foule de voyageurs de Poses et Pîtres à Boos et Rouen mais aussi, peut-être surtout, de cultivateurs et d’éleveurs de la paroisse. Ici le calvaire d’Ymare servait de repère aux passants et de support autant que de rappel aux prières catholiques. On peut imaginer les cultivateurs priant ici un instant pour l’Angélus. Il reste de ces prières des légendes assez récentes, c’est-à-dire de la fin du XIXe siècle, évoquant l’espoir de guérison et de vie bonne ressenti par nos ancêtres. C’est à peine si nous les comprenons aujourd’hui, nous qui cherchons des dolmens, des résurgences païennes à tous les carrefours, ou presque. Si l’on cherche des mégalithes, notre contrée n’en manque pas. Si l’on regrette la disparition de ces croyances catholiques populaires à l’endroit de la Croix de Rouville, il suffit d’aller dans les églises où s’expriment les vœux de ceux qu’on appelle les petites gens ; vœux adressés au divin par sainte Rita, Saint Expédit, la Vierge Marie...

Quel fut ce calvaire précisément ? Nous ne pouvons que conjecturer un autel-table ou un piédestal à paliers. Les trois pierres actuelles sont-elles des fragments d’un ancien dolmen ou, plus largement, d’une allée couverte ? Peut-être mais dans quel lieu furent ces mégalithes ? Rien n’indique qu’il y ait eu une telle construction. Rien ne l’exclut non plus mais ces trois restes de pierre n’attestent rien et ne prennent sens que dans la délimitation foncière médiévale entre les paroisses d’Ymare et d’Alizay. 

Nous avons donc étudié un espace tellement changé que le fil permettant d’en comprendre son usage a été rompu. L’avons-nous rattaché ? 


 

Orientations bibliographiques

- Bunel et Tougard, Géographie du département de la Seine-inférieure, 1879, voir la page 130, consulté sur Google livres le 3 septembre 2020 ;

- Léon Coutil, “Inventaire des menhirs et dolmens du département de la Seine-Inférieure”, voir la page 124 et après, in Bulletin de la Société normande d'études préhistoriques, publié en 1897. Consulté sur Gallica le 3 septembre 2020, ark:/12148/bpt6k54417513 ;

- Léon de Vesly, “Légendes, superstitions et vieilles coutumes”, Bulletin de la Société libre d'émulation du commerce et de l'industrie de la Seine-Inférieure, voir les pages 100 à 106, publié en 1895. Consulté sur Gallica le 3 septembre 2020, ark:/12148/bpt6k5725972c/f104.image.r=Ymare.

 

Armand Launay

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Mes activités

Armand Launay. Né à Pont-de-l'Arche en 1980, j'ai étudié l'histoire et la sociologie à l'université du Havre (Licence) avant d'obtenir un DUT information-communication qui m'a permis de devenir agent des bibliothèques. J'ai acquis, depuis, un Master des Métiers de l'éducation et de la formation, mention Lettres modernes. Depuis 2002, je mets en valeur le patrimoine et l'histoire de Pont-de-l'Arche à travers :

- des visites commentées de la ville depuis 2004 ;

- des publications, dont fait partie ce blog :

Bibliographie

- 20 numéros de La Fouine magazine (2003-2007) et des articles dans la presse régionale normande : "Conviviale et médiévale, Pont-de-l'Arche vous accueille", Patrimoine normand n° 75 ; "Pont-de-l'Arche, berceau de l'infanterie française ?", Patrimoine normand n° 76 ; "Bonport : l'ancienne abbaye dévoile son histoire", Patrimoine normand n° 79 ; "Chaussures Marco : deux siècles de savoir-plaire normand !", Pays de Normandie n° 75.

- L'Histoire des Damps et des prémices de Pont-de-l'Arche (éditions Charles-Corlet, 2007, 240 pages) ;

- Pont-de-l'Arche (éditions Alan-Sutton, collection "Mémoire en images", 2008, 117 pages) ;

- De 2008 à 2014, j'ai été conseiller municipal délégué à la communication et rédacteur en chef de "Pont-de-l'Arche magazine" ;

- Pont-de-l'Arche, cité de la chaussure : étude sur un patrimoine industriel normand depuis le XVIIIe siècle (mairie de Pont-de-l'Arche, 2009, 52 pages) ;

- Pont-de-l'Arche, un joyau médiéval au cœur de la Normandie : guide touristique et patrimonial (mairie de Pont-de-l'Arche, 2010, 40 pages) ;

- Pont-de-l'Arche 1911 I 2011 : l'évolution urbaine en 62 photographies (mairie de Pont-de-l'Arche, 2010, 32 pages) ;

- Mieux connaitre Pont-de-l'Arche à travers 150 noms de rues et de lieux ! (Autoédité, 2019, 64 pages) ; 

- Déconfiner le regard sur Pont-de-l'Arche et ses alentours (Autoédité avec Frédéric Ménissier, 2021, 64 pages) ;

- Les Trésors de Terres-de-Bord : promenade à Tostes, ses hameaux, Écrosville, La Vallée et Montaure (publié en ligne, 2022) ;

- Les Trésors de Terres-de-Bord : promenade à Tostes, ses hameaux, Écrosville, La Vallée et Montaure (version mise en page du précédent ouvrage, édité par la mairie de Terres-de-Bord, 2023).

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