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2 janvier 2019 3 02 /01 /janvier /2019 16:51

 

Aujourd’hui menacée de fermeture, nous nous sommes intéressés à la station ferroviaire de Pont-de-l’Arche, située à Alizay. Riche en histoire, elle témoigne d’une vision des transports alternative à la voiture automobile individuelle.

 

Clin d' œil à Nicolas Le Carff;)

La station de Pont-de-l'Arche, à Alizay, vues générales de 2013 (clichés Armand Launay).
La station de Pont-de-l'Arche, à Alizay, vues générales de 2013 (clichés Armand Launay).

La station de Pont-de-l'Arche, à Alizay, vues générales de 2013 (clichés Armand Launay).

 

Bref regard sur l’origine de la ligne Paris-Rouen

L’axe de Seine a permis le développement de deux des plus grandes villes de France : Paris et Rouen. Le fleuve a permis l’exportation de produits locaux et l’importation de richesses extérieures. Il a alimenté les cités. La ville du Havre fut construite en 1517 par décision de François 1er pour maintenir un port maritime à Paris et Rouen ; celui d’Harfleur s’ensablant. Dans ce même ordre d’idées, l’État travailla à l’amélioration du réseau routier depuis le Moyen Âge. Il fut aussi question, à partir de la fin du XVIIIe siècle, de maitriser et canaliser la Seine afin d’améliorer la fiabilité et la rapidité des transports et donc de renforcer le commerce ; d’où la construction d’une écluse à Pont-de-l’Arche-Igoville en 1813 afin de contourner le pont ancestral.

 

La station de Pont-de-l'Arche selon le Mini-réseau d'Igoville, association de passionnés de modélisme ferroviaire (cliché Armand Launay, 2014).

La station de Pont-de-l'Arche selon le Mini-réseau d'Igoville, association de passionnés de modélisme ferroviaire (cliché Armand Launay, 2014).

Une innovation technique modifia la donne :  le moteur à vapeur. Les navires de Seine commencèrent à s’en doter au XIXe siècle et, surtout, des ingénieurs en firent en 1832 le moteur d’un nouveau véhicule : la locomotive. Tirant un train de voitures, cela en fit “le train”, circulant sur un rail d’acier laminé. D’abord développé au Royaume-Uni pour transporter du minerai et du charbon, le train était tiré par des animaux et des hommes. La locomotive permit de transporter le train sur de longues distances et au service du transport de toutes les marchandises et des personnes.

En France, l’État commença à se saisir de cette nouvelle technologie dans les années 1820 et plusieurs sociétés privées s’intéressèrent à l’axe Paris-Le Havre pour d’évidentes raisons commerciales et démographiques. Le ministère des Travaux publics donna une concession en 1838 à une société privée (celle de Charles Laffitte et du banquier britannique Edward-Charles Blount) pour créer et exploiter 128 km de rail entre Paris et Rouen. Étant donnée l’origine de la technologie ferroviaire, le colossal chantier fut placé sous la direction du britannique Joseph Locke, ingénieur principal. Sous la direction des entrepreneurs, britanniques, William Mackenzie et Thomas Brassey, dix mil ouvriers, largement anglais, créèrent les ponts, viaducs, tunnels et voies avant de poser les rails. C’est ce qui explique qu’aujourd’hui les trains roulent à gauche en France, contrairement au métro qui roule à droite. C’est ce qui fait aussi que les infrastructures de la voie ferrée Paris-Rouen, furent réalisées en brique, matériau très utilisé en Angleterre et disponible en Normandie. L'architecte des gares, les bâtiments situés aux stations-étapes, fut le britannique William Tite. Certaines de ses gares ont disparu (Le Havre, Rouen rue Verte) et d’autres demeurent telles que Maromme, Harfleur et Le Houlme.

Il fut un temps question de relier la gare Saint-Lazare à celle de Rouen-Saint-Sever (dont il reste l’imposant espace de triage de Sotteville-lès-Rouen) et ce en passant par Pontoise, Gisors et la vallée de l’Andelle. Mais l’axe de Seine et son importante population fut priorisée. En 1843, après cinq années de chantier, la ligne Paris-Rouen fut inaugurée et mise en service. Pont-de-l’Arche fut rapprochée des grandes villes par l’octroi d’une station...

 

Pourquoi établir une station à Pont-de-l’Arche ?

Dans une logique de rentabilité commerciale, le choix d’établir une station à Pont-de-l’Arche s’explique aisément : il s’agit-là du chef-lieu de canton, peuplé de près de 2 000 habitants. C’est la bourgade la plus peuplée entre Louviers et Oissel.

Mais la ligne passe, de fait, à Alizay et Igoville. La raison en est simple : ces villages se trouvent sur la rive la plus plane de ce méandre de la Seine et près de la route nationale de Rouen (actuelle D6015). La voie ferrée fut ouverte sur une légère élévation depuis le pont du Manoir, construit pour le chemin de fer, jusqu’à Alizay où commence à s’élever le coteau nord de la vallée. Puis, le chemin de fer passe par Sotteville-sous-le-Val où il entre dans un tunnel, construit à cet effet, vers Tourville-la-rivière. Parcourir l’autre rive de la Seine aurait nécessité de faire une voie ferrée pentue à l’entrée des Damps, en venant de Léry, avant qu’elle ne redescende près de Criquebeuf-sur-Seine où elle eût franchi le fleuve. Elle eût doté Pont-de-l’Arche d’une gare bien plus proche que celle d’Alizay. On peut la rêver du côté de la rue Charles-Cacheleux, après le faubourg de la place des Champs (actuelle place Aristide-Briand).

Le choix de l’emplacement de la station de Pont-de-l’Arche fut arrêté à deux kilomètres du chef-lieu de canton, à côté de la route nationale (devenue la Départementale D6015) allant vers Rouen, entre les villages d’Alizay et d’Igoville. Il se trouve depuis au kilomètre 118 en partant de Saint-Lazare.

 

Photographie de la station de Pont-de-l'Arche dans les années 1960, avec de nombreux passagers sur le quai et, toujours, une locomotive à vapeur (collection privée).

Photographie de la station de Pont-de-l'Arche dans les années 1960, avec de nombreux passagers sur le quai et, toujours, une locomotive à vapeur (collection privée).

 

Les activités de la gare de Pont-de-l’Arche

La première activité à laquelle on pense est celle du transport de voyageurs. Rouen fut désormais à 4:00 de Paris grâce au train et ce au lieu d’une journée d’efforts sur la route. Nombreux furent les Parisiens à visiter la Normandie, ce dont témoignent les peintures des Impressionnistes. C’est ce que démontrent aussi les villas, les résidences plus ou moins temporaires bâties çà-et-là sur la côte ou ailleurs. Aux Damps, à deux pas de la station de Pont-de-l’Arche, s’établirent d’illustres “Parisiens” parmi lesquels nous citons l’écrivain et journaliste libertaire Octave Mirbeau.   

Puis, la station de Pont-de-l’Arche, tout comme celle de Saint-Pierre-du-Vauvray, dut participer du développement de l’industrie du chausson. En effet, ces deux bourgades normandes devinrent un des plus grands centres de production français du chausson puis de la chaussure. Ceci car les habitants avaient développé, dès les années 1820, une technique consistant à coudre une semelle de cuir sous un chausson fait de lisières tressées, c’est-à-dire de chutes de draps cousues ensemble. Un colporteur, Jean-Baptiste Labelle, les commercialisa dans les foires et boutiques de la région. Pont-de-l’Arche et Saint-Pierre-du-Vauvray devinrent dès les années 1860 des centres de production, avec division des tâches de travail puis mécanisation. Dans les années 1930, les usines de la région archépontaine employaient près de 2 000 ouvriers. Le rail permit le déplacement quotidien des ouvriers de la région depuis la banlieue sud de Rouen et Charleval (par la liaison Pont-de-l’Arche-Gisors, à voir plus bas). Le rail permit d’importer plus aisément des matières premières et d’exporter les produits finis. Le chemin de fer participa de l’industrialisation de la vallée de la Seine. L’industrie locale de la chaussure en bénéficia assurément.

 

Entrée en gare de Pont-de-l'Arche en venant de Rouen, carte postale des années 1910. Il faut imaginer le nombre d'ouvriers, surtout en chaussures, qui ont quotidiennement parcouru le quai de la gare avant de passer sur le pont, en arrière plan, vers Pont-de-l'Arche... et avant de prendre le chemin inverse en fin de journée.

Entrée en gare de Pont-de-l'Arche en venant de Rouen, carte postale des années 1910. Il faut imaginer le nombre d'ouvriers, surtout en chaussures, qui ont quotidiennement parcouru le quai de la gare avant de passer sur le pont, en arrière plan, vers Pont-de-l'Arche... et avant de prendre le chemin inverse en fin de journée.

 

La gare et ses bâtiments connexes

La gare, c’est-à-dire le bâti, ne semble pas signée de William Tite, architecte britannique auteur de gares de la ligne Paris-Le Havre. Son bâtiment central est sobre, sans autre prétention que d’être fonctionnel. On ne sait s’il s’agit du bâtiment qui accueillit les premiers voyageurs de 1843 ou d’une construction plus récente. Il date d’avant 1897 comme en témoignent les photographies souvent parvenues sous forme de cartes postales illustrées. Il semble dater du Second empire et, plus précisément, des années 1860. C’est ce que laissent penser ses ouvertures, moins hautes et étroites que les bâtiments de la moitié du XIXe siècle. C’est aussi ce que laissent entendre les analogies avec la gare de la ligne Pont-de-l’Arche-Gisors (à voir plus bas) inaugurée en 1868. C’est enfin et encore ce que laisse entrevoir la structure métallique du auvent, type de matériaux très utilisé durant cette période.

Le bâtiment est fait de brique, en chainage, et sûrement aussi en remplissage. Un crépit empêche d’en savoir plus. Le toit est à deux pans à faible déclivité. Ce bâtiment est composé d’un rez-de-quai, ancien hall d’accueil et guichet, et d’un étage d’habitation pour le chef de gare et sa famille. Les employés durent loger dans des maisons situées sur le long de la route départementale D6015, devant le parking de l’actuel Super U (à voir plus bas). Un premier bâtiment, sur un seul niveau, fut adjoint au premier en direction de l’ouest, vers Igoville. Peut-être date-t-il de la construction du bâtiment central. Un second bâtiment, sur un seul niveau itou, fut adjoint dans les années 1970, vraisemblablement, afin d’y stocker du matériel. Les cartes postales anciennes montrent de petits bâtiments devant servir de rangement et de toilettes au public.

 

Photographie aérienne des années 1960 imprimée sur une carte postale. On y voit la gare centrale, en bas, avec ses bâtiments annexes et la gare de Gisors, plus haut à droite, et l'hôtel des Deux gares, plus haut à gauche. Au fond, le chemin de Devise gravissant le coteau.

Photographie aérienne des années 1960 imprimée sur une carte postale. On y voit la gare centrale, en bas, avec ses bâtiments annexes et la gare de Gisors, plus haut à droite, et l'hôtel des Deux gares, plus haut à gauche. Au fond, le chemin de Devise gravissant le coteau.

 

À noter, la gare de Pont-de-l’Arche a bénéficié dans les années 1970 de la construction d’une passerelle afin que les piétons traversent la voie sans danger. Proche de la D6015, dont elle est parallèle, elle offre un curieux premier plan de grilles métalliques à la perspective vers la vallée de l’Andelle et la papèterie d’Alizay-Rouville. La station de Pont-de-l’Arche n’a pas jamais proposé de passage à niveau. La voie ferrée passe sous un pont de la route Pont-de-l’Arche-Rouen. L’ouvrage d’art est petit, et remplace un ouvrage plus ancien en brique (voir la carte postale plus haut), mais la digue de terre qui l’entoure est imposante. Elle recouvre partiellement une digue bien plus ancienne, celle du Diguet, qui permettait de maintenir une circulation routière lors des crues entre Pont-de-l’Arche et Igoville. Cette digue est toujours visible de la zone du Fort au rondpoint du Diguet (d’où l’on peut aller vers Romilly-sur-Andelle). On y voit des arches qui permettaient l’écoulement des eaux de crue d’amont en aval. Cette digue est recouverte depuis ce dernier rondpoint jusqu’au pont ferroviaire. Elle est partiellement découverte dans la rue de la gare, entre les maisons et la D6015. Deux choses le montrent : une arche en pierre située dans la cour de la maison individuelle la plus proche de la gare, du côté d’Igoville ; et l’alignement de cette arche avec le chemin de Devise qui monte vers le plateau d’Ymare (photographie ci-dessus). En recoupant ces vestiges avec des cartes anciennes, comme dans notre article sur le Diguet (hyperlien ci-dessus), on retrouve les arches du Diguet et la voie qu’elles surélevaient.

La station de Pont-de-l’Arche semble donc avoir nécessité de nombreux travaux alentour de la gare ; travaux devenus imperceptibles mais qui modifièrent le paysage et, moindrement, le réseau routier local. Peut-être que l’on peut y ajouter les maisons de brique qui longent la D6015 du côté d’Igoville, au-dessus du parking du Super U. Elles constitueraient de parfaites maisons pour les employés de la compagnie de chemin de fer sous les ordres du chef de gare, logé sur place.

Il faut noter aussi que l’espace situé entre les gares et l’hôtel est devenu un parking ; ceci à mesure que le parc automobile a explosé.  

 

Arche vestige de l'ancien passage de la voie Pont-de-l'Arche-Rouen. Elle est aujourd'hui dans la cours d'une maison particulière de la rue de la gare, côté Igoville (cliché Armand Launay, 2013).

Arche vestige de l'ancien passage de la voie Pont-de-l'Arche-Rouen. Elle est aujourd'hui dans la cours d'une maison particulière de la rue de la gare, côté Igoville (cliché Armand Launay, 2013).

Une plaque commémorative est fixée sur la gare de Pont-de-l’Arche (cliché Armand Launay, 2013). Elle rend hommage à un cheminot victime de faits de guerre entre 1940 et 1944. Cela doit être dû aux bombardements de 1944 qui visèrent les ponts et les voies de circulation. Une photographie en témoigne qui montre des dégâts portés sur les réservoirs de la station de Pont-de-l’Arche autrefois dévolus aux locomotives (photographie retrouvée sur un site de vente de photographies anciennes, Delcampe, où un propriétaire provisoire, spéculant sur la valeur monétaire du document, se permet de le signer).
Une plaque commémorative est fixée sur la gare de Pont-de-l’Arche (cliché Armand Launay, 2013). Elle rend hommage à un cheminot victime de faits de guerre entre 1940 et 1944. Cela doit être dû aux bombardements de 1944 qui visèrent les ponts et les voies de circulation. Une photographie en témoigne qui montre des dégâts portés sur les réservoirs de la station de Pont-de-l’Arche autrefois dévolus aux locomotives (photographie retrouvée sur un site de vente de photographies anciennes, Delcampe, où un propriétaire provisoire, spéculant sur la valeur monétaire du document, se permet de le signer).

Une plaque commémorative est fixée sur la gare de Pont-de-l’Arche (cliché Armand Launay, 2013). Elle rend hommage à un cheminot victime de faits de guerre entre 1940 et 1944. Cela doit être dû aux bombardements de 1944 qui visèrent les ponts et les voies de circulation. Une photographie en témoigne qui montre des dégâts portés sur les réservoirs de la station de Pont-de-l’Arche autrefois dévolus aux locomotives (photographie retrouvée sur un site de vente de photographies anciennes, Delcampe, où un propriétaire provisoire, spéculant sur la valeur monétaire du document, se permet de le signer).

 

La ligne Pont-de-l’Arche-Gisors

Le train étant devenu le moyen de transport le plus rapide, sûr et rentable, de nombreuses sociétés entreprirent de créer des lignes secondaires dans toute la France. Elles y furent opportunément aidées par la loi de 1865 portant sur la création des voies de fer d’intérêt local. C’est ainsi que fut mise en service le 24 décembre 1868 un “train d’intérêt local” sur la ligne Pont-de-l’Arche-Gisors. Ce projet fut soutenu par le président du conseil général de l’Eure, Napoléon Suchet, duc d’Albuféra, et le préfet, Eugène Janvier de la Motte.

Le tracé de cette voie de 54 km de long reprit le parcours d’un des projets Paris-Rouen (passant par Pontoise et Gisors). La ligne fut exploitée par “la compagnie de Gisors à Pont-de-l’Arche” ayant son siège à Paris. Cette ligne était raccordée à la voie des Andelys par le Vexin. Six omnibus desservaient cette voie unique au début du XXe siècle, notamment des ouvriers en chaussure travaillant à Pont-de-l’Arche (jusqu’à Charleval). En 1908, un trajet durait de 1:30 à 1:50 et coutait 6,05, 4,10 ou 2,65 francs selon la classe choisie ou subie.

Des correspondances étaient assurées avec Paris-Rouen à partir de la station de Pont-de-l’Arche. La compagnie de Gisors à Pont-de-l’Arche fut rachetée en 1891 par la Compagnie des chemins de fer de l’ouest. Cette dernière compagnie était issue de la fusion en 1855 de plusieurs compagnies possédées par les mêmes capitalistes (dont celles de Paris-Rouen et Rouen-Le Havre). La Compagnie des chemins de fer de l’ouest fut nationalisée en 1909 et devint l’administration des chemins de fer de l’État, future Société nationale des chemins de fer (SNCF). Le réseau ferré régional exista donc près de 70 ans avant d’être géré par une seule organisation.  

Quant à la ligne de Gisors, c’est en 1956 que le dernier omnibus disparut. Depuis, un tronçon de cette voie est encore utilisé entre Étrépagny et Pont-de-l’Arche pour y transporter du sucre.

 

La carte de Pont-de-l'Arche de la ligne Pont-de-l'Arche-Gisors sur une carte postale illustrée des années 1910. On y voit quatre cheminots et certains de leurs enfants.

La carte de Pont-de-l'Arche de la ligne Pont-de-l'Arche-Gisors sur une carte postale illustrée des années 1910. On y voit quatre cheminots et certains de leurs enfants.

 

L’Hôtel des deux gares

Les cartes postales montrent l’existence d’un hôtel “Des deux gares” depuis le début du XXe siècle jusque dans les années 1960. Celui-ci témoigne du flux de voyageurs et de la nécessité d’entrecouper des transports pouvant durer des journées entières dans le même territoire national. Dix-huit chambres étaient mises à la disposition des voyageurs vers 1908, coutant de 2 francs à 3,5 francs. L’hôtel se trouve dans deux maisons accolées, peut-être signe d’un développement de son activité. Cet hôtel présentait l’avantage de se trouver à proximité directe de la route nationale de Rouen et à proximité des deux gares. Il devait faciliter les correspondances entre deux les gares et délester les hôtels de la cité archépontaine. La lecture des cartes postales montre des services affichés sur la façade de l’hôtel : restauration, café, débit de tabac, billard, garage pour voitures et camions, “voitures à volonté” donc assurément un service de location de véhicules. Ce service a laissé place aux voitures individuelles et aux transports publics, un service de cars, la “CNA”, ayant été créé en ce lieu sur la ligne Évreux-Rouen. Plus récemment, cet arrêt a été intégré dans la desserte des bus de la Communauté d’agglomération Seine-Eure (CASE).

Une carte postale montre, en arrière plan, qu’un autre bâtiment, situé de l’autre côté de la route nationale, proposait aussi un service d’hôtellerie et de location de véhicules. Peut-être appartenait-il au même propriétaire que l’hôtel des Deux gares.

 

Série de cartes postales illustrées des années 1910 et une des années 1960 sur l'hôtel des Deux gares.
Série de cartes postales illustrées des années 1910 et une des années 1960 sur l'hôtel des Deux gares.
Série de cartes postales illustrées des années 1910 et une des années 1960 sur l'hôtel des Deux gares.
Série de cartes postales illustrées des années 1910 et une des années 1960 sur l'hôtel des Deux gares.

Série de cartes postales illustrées des années 1910 et une des années 1960 sur l'hôtel des Deux gares.

 

Les cartes postales nous apprennent aussi l’existence, sur le parvis de la gare, d’une “fête de la gare”, le lundi de Pâques. Les Pâques chrétiennes sont issues de la Pâque juive, c’est-à-dire la commémoration du “passage” des Hébreux de Moïse d’Égypte en Canaan. Le thème du déplacement est net et ne pose pas question, à notre sens. Mais qui était à l’origine ici de cette festivité qui proposait notamment des chevaux de bois ? Était-ce le résultat festif d’une ancienne cérémonie religieuse ? L’organisation en revenait-elle au propriétaire de l’hôtel ; aux familles de cheminots des deux sociétés exploitantes ? Quoi qu’il en soit, cette fête démontre l’importance de ce lieu dans la sociabilité locale.

 

La fête de la gare sur une photographie des années 1910.

La fête de la gare sur une photographie des années 1910.

Autres projets avortés et abandon relatif du train

Le train émerveilla nos ancêtres et joua un rôle important dans le développement commercial et la cohésion nationale. D’autres lignes furent ouvertes qui, aujourd’hui, sont presque oubliées : Louviers-Elbeuf en passant par la gare de Montaure-La Haye-Malherbe : Louviers-Pacy-sur-Eure, Louviers-Les Andelys…

Beaucoup d’autres lignes furent envisagées afin de parfaire la desserte de tout le pays et les bénéfices de sociétés. Citons le projet de ligne entre Pont-de-l’Arche et Le Havre. Afin de désengorger la voie de Rouen, et peut-être de s’en passer relativement, il a été envisagé plusieurs tracés. Les archives municipales du Havre conservent une “Protestation présentée par la Société de défense des intérêts de la vallée de la Seine” en date de mars 1913. Celle-ci répond aux travaux de la commission des travaux publics de la Chambre des députés. En effet, lors de la séance du 12 juillet 1912, un projet de loi fut étudié visant à déclarer d’utilité publique l’établissement du Chemin de fer du Havre à la ligne de Serquigny à Rouen et d’un raccordement à Pont-de-l’Arche. Ce projet de “seconde ligne du Havre à Paris” nécessitait 83 kilomètres de voies ferrées supplémentaires et un budget prévisionnel de 89 millions de francs. La ligne nouvelle devait longer la falaise du Havre à Tancarville puis passer par Petitville et Norville. Ensuite, elle devait franchir la Seine vers Aizier et se raccorder à la ligne de Serquigny et gagner Elbeuf. Un raccordement devait être réalisé entre Saint-Aubin-lès-Elbeuf et Pont-de-l’Arche-Alizay. Ce projet fut abandonné.

La station de Pont-de-l'Arche a vu sa fréquentation baisser à cause de choix de développement de l'automobile et de l'énergie pétrolière. Clichés de 2006 dans les années où nous fréquentions souvent cette gare pour les études, puis le travail (Armand Launay).
La station de Pont-de-l'Arche a vu sa fréquentation baisser à cause de choix de développement de l'automobile et de l'énergie pétrolière. Clichés de 2006 dans les années où nous fréquentions souvent cette gare pour les études, puis le travail (Armand Launay).
La station de Pont-de-l'Arche a vu sa fréquentation baisser à cause de choix de développement de l'automobile et de l'énergie pétrolière. Clichés de 2006 dans les années où nous fréquentions souvent cette gare pour les études, puis le travail (Armand Launay).
La station de Pont-de-l'Arche a vu sa fréquentation baisser à cause de choix de développement de l'automobile et de l'énergie pétrolière. Clichés de 2006 dans les années où nous fréquentions souvent cette gare pour les études, puis le travail (Armand Launay).

La station de Pont-de-l'Arche a vu sa fréquentation baisser à cause de choix de développement de l'automobile et de l'énergie pétrolière. Clichés de 2006 dans les années où nous fréquentions souvent cette gare pour les études, puis le travail (Armand Launay).

Avec la création et le développement du moteur à explosion, fonctionnant avec des produits issus du pétrole, il devint possible et rentable de créer de nombreuses voitures automobiles (“mobiles en soi” par un moteur propre à chaque voiture). Les transports se développèrent sans cesse sur la route par les camions et les voitures. Le réseau routier explosa, surtout après la Seconde guerre mondiale et sa croissance n’a cessé depuis. Nous l’avons traité, autour de Pont-de-l’Arche, dans la partie 3 d’une étude dévolue au lien entre sociabilité et activités économiques. Les zones d’activités industrielles et commerciales sont conçues en fonction du transport routier et en dehors des centres-villes que les gares renforçaient et renforcent toujours. Les travailleurs et les clients sont donc fortement incités à acquérir une voiture, à moins de dépendre d’un réseau public (cars, bus, trains, tramways...). C’est la logique privée qui vainc, faisant ainsi augmenter fortement les dépenses de transport que ce soit par l’acquisition d’un véhicule et son entretien et, aussi, par le développement et l’entretien d’un vaste réseau routier par les impôts et les gares de péage. Des dépenses de santé sont à prévoir aussi car l’automobile pollue plus fortement que le train et génère plus d’accidents. Les voies ferrées secondaires ont été abandonnées au profit des transports routiers. La ligne Pont-de-l’Arche-Gisors vivote avec le train de l’usine sucrière d’Étrépagny. Les stations secondaires sont moins fréquentées et ferment car elles sont considérées comme non rentables ou, par manque de politique publique, ont été condamnées à perdre de leur intérêt. Les grandes lignes sont fréquentées et gérées pour être rentables. Il n’est donc ni question d’entretenir les petites stations ni question de rendre moins couteux le transport par une politique publique d’ampleur nationale.     
La station de Pont-de-l’Arche est aujourd’hui menacée de fermeture par la SNCF. Un collectif de citoyens en appelle à la pétition pour maintenir ce service et, par delà, une logique politique soucieuse de faire baisser les dépenses collectives et la pollution.

 

Pétition accessible ici.
 

Sources

- François Caron, Eric Catherine dit Duchemin, Un train dans chaque village : le chemin de fer d’intérêt local, autoédité, 2018 ;

- Louis-Etienne Charpillon et Anatole Caresme, Itinéraire de Gisors à Pont-de-l’Arche, E. Lapierre, 1869 ;

- Vauquesal-Papin (sous la dir.), En ce Temps là... la Vapeur !... Les chemins de fer de l'ouest 1. Normandie, Paris, éditions Rimages, 1980, réédition d'extraits du guide Baedecker de 1908 ;

- Wikipédia.

 

 

 

Armand Launay

Pont-de-l'Arche ma ville

http://pontdelarche.over-blog.com

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18 août 2018 6 18 /08 /août /2018 19:08

 

Nos recherches sur l’histoire de Pont-de-l’Arche et des Damps nous ont donné le plaisir de faire la connaissance de nombreux anciens de Pont-de-l’Arche et des Damps. Parmi eux, nous avons discuté à plusieurs reprises avec Jacques Duretz, surtout en 2010. Collectionneur de cartes postales sur Pont-de-l’Arche et copain de mon père ‒ ancien facteur des Damps ‒ la porte était grande ouverte et les discussions n’en finissaient pas autour de l’histoire, principalement. Dans une ambiance familiale, rue du Val des Damps, avec sa femme et son fils, Thierry, nous coulions du temps et des verres bien agréables...

Jacques, d’un âge bien mûr et peinant à arquer, avait le rire fort et l’humour bien taquin. Un des sujets qui faisaient le mieux voir en lui la flamme de l’homme passionné ‒ celle du jeune homme ‒ était un des anciens métiers de son père Marceau Duretz : réparateur de péniches au chantier naval de Limaie, commune d’Igoville.

Ce chantier était situé dans l’entrée de l’ancienne écluse de Limaie, celle qui avait été bâtie sur ordre de Napoléon et inaugurée en 1813 avant de tomber en désuétude avec la chute de l’ancien pont de bois en 1856. Une entreprise avait bâti un immense local au-dessus d’une partie de l’écluse ; local permettant la réparation des péniches dans d’une période où la navigation fluviale était dense entre Paris et Le Havre.   

Jacques était fier de m’apprendre qu’il était né en 1928 dans une des maisonnettes du quai de Verdun (n° 3 ou 5). Ces maisonnettes furent construites vers 1900 à en voir le type de briques et leur assemblage et d’après ce que montrent les cartes postales des années 1910. Jacques m’apprit que ces maisonnettes furent bâties pour servir de logements aux employés Sénécaux. Les maisons de la zone du Fort (Limaie, à l’endroit de la station de lavage des voitures) avaient aussi été bâties pour les employés de Sénécaux.  

Il semble que Sénécaux désigne le nom du fondateur de l’entreprise de réparation de péniches. Jacques avança que les directeurs de Sénécaux furent Louis Lossignol puis Monsieur Serre, dernier directeur. M. Lossignol habitait la grande demeure au-dessus des maisonnettes ouvrières (la maison de feu le docteur Fernand Attal). Celle-ci furent donc bâties juste à côté de sa propriété. Elles sont une propriété de la Ville de Pont-de-l’Arche depuis 2009 où le projet était de mettre en valeur les remparts.

Jacques se rappelait avoir entendu que trois péniches avaient été coulées en face des chantiers Sénécaux pour rassembler les iles et séparer l’Eure de la Seine. Ceci dans le cadre des travaux de canalisation de la Seine et de prolongement du cours de l’Eure des Damps jusqu’à Martot.  

Souvenir de guerre, “le pont de bois construit pour les Allemands lors de l’hiver 1940 a été fait avec des péniches des chantiers Sénécaux. Le charbon que certaines péniches portaient a été déversé devant le port des Damps. Les Dampsois ont dragué les berges pendant quelques temps pour le récupérer, l’utiliser ou le revendre…” et Jacques de me montrer, à l’appui de ses dires, un de ces charbons de bois qu’il me donna.  

 

Puis, grande fierté chez mon interlocuteur, Marceau Duretz “et des employés de chez Sénécaux coulèrent des péniches Sénécaux pour ralentir la fuite des Allemands”. Marceau “fit partie du Conseil d’administration mis en place par la Résistance” en lieu et place de l’ancienne municipalité de Raoul Sergent.

 

Un document retrouvé sur le Net, une attestation de remise de somme contre la vente d’un camion, nous apprend qu’en 1956 le chantier Sénécaux était possédé par une entreprise parisienne : la Société générale de transports (SGT) ; un nom qui fleure bon la batellerie ! Ce document rappelle que la société Sénécaux avait pour raison sociale “Sénécaux, Patin et Delquigny”, c’est-à-dire exactement ce que l’avers d’une photographie de Jacques nous avait appris. Comme quoi, quand la passion est là, la mémoire ne flanche pas. Jacques, qui habitait juste en face des chantiers, de l'autre côté de la Seine, nous a quittés en 2013 avec, peu après lui, sa femme et son fils.

Nous l’avions pris en photographie sur le marché de Pont-de-l’Arche un matin de beau soleil ; un beau soleil qui me revient à l’esprit quand je songe à eux et à beaucoup d’autres...

 

 

Carte postale des années 1960 montrant les péniches devant le bâtiment principal du chantier Sénécaux (démoli depuis).

Carte postale des années 1960 montrant les péniches devant le bâtiment principal du chantier Sénécaux (démoli depuis).

Détail d'une carte des années 1950 indiquant la présence du chantier de construction (Géoportail).

Détail d'une carte des années 1950 indiquant la présence du chantier de construction (Géoportail).

Les maisonnettes du quai de Verdu où naquit Jacques Duretz en 1928. Elles servirent de logements pour les ouvriers de Sénécaux (clichés Armand Launay, 2006).
Les maisonnettes du quai de Verdu où naquit Jacques Duretz en 1928. Elles servirent de logements pour les ouvriers de Sénécaux (clichés Armand Launay, 2006).

Les maisonnettes du quai de Verdu où naquit Jacques Duretz en 1928. Elles servirent de logements pour les ouvriers de Sénécaux (clichés Armand Launay, 2006).

Carte postale des années 1910 attestant de l'existence des maisonnettes qui nous intéressent ici, quai de Verdun.

Carte postale des années 1910 attestant de l'existence des maisonnettes qui nous intéressent ici, quai de Verdun.

Maisons de Limaie, zone du Fort, entièrement rasées à la Libération à cause de dommages de guerre. Elles servirent aussi de logements aux ouvriers de Sénécaux selon Jacques Duretz.

Maisons de Limaie, zone du Fort, entièrement rasées à la Libération à cause de dommages de guerre. Elles servirent aussi de logements aux ouvriers de Sénécaux selon Jacques Duretz.

Photographie d'équipe des ouvriers de chez Sénécaux (photographie de Jacques Duretz).

Photographie d'équipe des ouvriers de chez Sénécaux (photographie de Jacques Duretz).

Photographie d'équipe des ouvriers de chez Sénécaux, avec noms (photographie de Jacques Duretz).

Photographie d'équipe des ouvriers de chez Sénécaux, avec noms (photographie de Jacques Duretz).

Vestiges des bâtiments mineurs du chantier. Salut Edouard, Jean-Pierre et Jacques ! (clichés Armand Launay, 2010).
Vestiges des bâtiments mineurs du chantier. Salut Edouard, Jean-Pierre et Jacques ! (clichés Armand Launay, 2010).

Vestiges des bâtiments mineurs du chantier. Salut Edouard, Jean-Pierre et Jacques ! (clichés Armand Launay, 2010).

Document de 1956 où l'on apprend que le chantier Sénécaux a été racheté par la Société générale de transports, siégeant à Paris.

Document de 1956 où l'on apprend que le chantier Sénécaux a été racheté par la Société générale de transports, siégeant à Paris.

Jacques Duretz durant ses emplettes au marché de Pont-de-l'Arche : le jeune homme en bas à gauche, regardant l'objectif (cliché Armand Launay, 2010).

Jacques Duretz durant ses emplettes au marché de Pont-de-l'Arche : le jeune homme en bas à gauche, regardant l'objectif (cliché Armand Launay, 2010).

Armand Launay

Pont-de-l'Arche ma ville

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17 août 2018 5 17 /08 /août /2018 14:00

 

“Je vous écris une longue lettre parce que je n’ai pas le temps de vous en écrire une courte.”

Blaise PASCAL

 

Sortie de l'usine de Paul Nion (à gauche) dans les années 1930 et sortie de l'usine Marco en 2008 durant la campagne des élections municipales (cliché Armand Launay).Sortie de l'usine de Paul Nion (à gauche) dans les années 1930 et sortie de l'usine Marco en 2008 durant la campagne des élections municipales (cliché Armand Launay).

Sortie de l'usine de Paul Nion (à gauche) dans les années 1930 et sortie de l'usine Marco en 2008 durant la campagne des élections municipales (cliché Armand Launay).

 

Quel contraste entre une sortie des usines en 1950 et en 2018 ! En 1950 les piétons empêchaient la maigre circulation automobile alors qu’aujourd’hui les quelques ouvriers doivent être protégés des voitures par des peintures au sol, un ralentisseur et une signalisation...

En effet, les activités économiques évoluent vite et nous les prenons ici comme simple prisme permettant d’interroger les rapports des habitants entre eux et avec leur environnement direct (nature, espace). Cet article a pour finalité de dresser un tableau général des activités et des rapports induits par les activités économiques et ce depuis la naissance de la ville en 862 jusqu’à nos jours. Il s’agit de caractériser des périodes afin de se repérer mentalement. Malgré la longueur de cet article, il n’est pas question de faire une analyse profonde et exhaustive de chaque activité. Pour approfondir, nous nous permettrons de renvoyer vers nos études traitant déjà d’économie et de vie locales (le drap, la chaussure, la halle, les loisirs…).

Nous traitons ici d’économie que nous définissons comme la gestion des biens domestiques (une propriété). Par extension, l’économie désigne la gestion des biens par un groupe humain, c’est-à-dire plusieurs familles travaillant et pratiquant des échanges. Nous bornons ici notre analyse aux limites de la commune actuelle de Pont-de-l’Arche. Quant à la sociabilité, elle désigne la capacité d'un individu ou d'un groupe d'individus à évoluer en société et à s’adapter à de nouveaux réseaux sociaux. Par extension, elle désigne le caractère des relations entre personnes au sein d'un groupe choisi selon son âge, sa culture, sa répartition géographique, son genre…).

Notre sujet pose un problème central : est-il possible de déterminer le ou les moteurs d’une économie archépontaine, selon les époques, et d’en déduire l’impact sur la sociabilité ?

Pour cela nous allons proposer comme hypothèse que l’on peut définir trois périodes : la première court de la fin du IXe siècle au milieu du XIXe siècle où Pont-de-l’Arche s’activa suite à la décision du roi d’y établir et maintenir un pouvoir militaire et administratif. La deuxième période court du début du XIXe siècle aux années 1950 où la ville connut un essor industriel grâce à la commercialisation du chausson puis de la chaussure. La troisième période court toujours (mais que fait la police ?) où les industries se raréfient et les pouvoirs publics prennent de l’importance en tentant de pallier les délocalisations d’entreprises et la déstabilisation de la sociabilité.

 

Marque de la présence royale, le bailliage (bâtiment de 1780), ici derrière les remparts en 2006 (cliché Armand Launay).

Marque de la présence royale, le bailliage (bâtiment de 1780), ici derrière les remparts en 2006 (cliché Armand Launay).

1. 862-1856 : la cité du roi, pôle militaire et administratif.

1.1. La ville fortifiée du roi : pôle militaire et administratif régional.

Avant la naissance de Pont-de-l’Arche en 862 existaient quelques fermes éparses, blotties dans les vallons en eau. Le paysage devait ressembler à un bocage près de la Seine et la forêt devait être percées de petites clairières exploitées comme nous l’avons étudié à la recherche de Saint-Martin de Maresdans. En 862 Charles le Chauve décida de bâtir un pont sur la Seine afin d’empêcher ou, plus modestement, de ralentir les pirates normands ; ceci afin de préparer la défense de grandes villes du royaume franc tels que Beauvais, Paris, Chartres. Le pont fut bâti à Pont-de-l’Arche, alors appelé Les Damps. Deux forts protégeaient ses entrées. L’un devint le fort de Limaie qui resta jusqu’en 1782 un châtelet avec garnison. L’autre devint la ville fortifiée qui nous intéresse sur la rive gauche de la Seine.

La suite de l’histoire est connue : les Normands vainquirent. En 911 le roi fit de Rollon un duc censé soumettre et pacifier la Normandie tout en reconnaissant le pouvoir royal. Dans la réalité, la Normandie échappa au contrôle royal jusqu’en 1204. Fait rare, Richard Cœur de Lion, roi d’Angleterre et et duc de Normandie, et où Philippe II Auguste, s’entendirent en 1189 pour bâtir une abbaye en signe de paix avant de partir tous deux en croisade. Cette abbaye fut bâtie à Pont-de-l’Arche : il s’agit de Notre-Dame de Bonport. En 1204, Philippe Auguste chassa Jean sans Terre et fit de Pont-de-l’Arche sa principale résidence normande. En effet, cette ville était doublement fortifiée ‒ donc sûre ‒ et assez proche de Rouen et de son peuple suspect aux yeux du roi. C’est ainsi que Philippe Auguste fit rehausser les fortifications de la ville et de Limaie et y maintint une garnison ainsi qu’un gouverneur chargé de police intérieur sur la région d’Elbeuf à Louviers. Le roi y structura une vicomté. Celle-ci devint un bailliage secondaire de Rouen (une sorte de sous-préfecture) regroupant le tribunal d’instance, l’élection (les impôts), le grenier à sel et les eaux et forêts.

 

1.2. Une exploitation accrue des richesses locales.

Il résulte de ce choix royal que la démographie de Pont-de-l’Arche crut, d’une part grâce à une garnison et d’autre part grâce à plusieurs dizaines de familles nobles ‒ plus aisées ‒ ainsi que leurs serviteurs. La démographie de Pont-de-l’Arche est rapidement devenue plus importante que celle des villages avoisinants. Pont-de-l’Arche était le lieu d’exploitation de richesses naturelles.

Les pêcheurs y étaient nombreux qui ont bâti, bien plus tard à la Renaissance, de petites maisons à pans de bois sous le rempart le long de la Seine. Certains pêchaient avec des nasses et des filets disposés entre les piles du pont.

Outre les cultures vivrières sous forme de jardins potagers et de vergers autour de la ville, quelques fermes existaient aux abords de la ville. Citons la ferme de la Borde (celle qui borde la forêt), celle du Bon-air et celle des moines et frères converts de Bonport et, sûrement, celle située à la porte Saint-Jean, c’est-à-dire en face de la porte de Crosne. De l’élevage n’est pas à exclure, surtout en forêt de Bord (vaches, cochons), afin d’alimenter les particuliers et les bouchers de la ville offrant une viande plus variée que celle des poulaillers des basses-cours en ville (seulement interdits au début du XVIe siècle). En forêt aussi, les Archépontains trouvaient quelques fruits ainsi que le bois mort afin de se chauffer et de cuire leurs aliments. Les biens communaux devaient aussi se trouver en forêt sans que nous n’ayons pu les localiser expressément.

La roche calcaire et siliceuse a permis d’ouvrir des carrières, notamment une située près de l’actuelle rue de l’Abbaye-sans-toile, comme le cite une charte publiée par Léopold Delisle. Une simple inspection du coteau de Seine, à Pont-de-l’Arche, démontre que la roche a été exploitée. C’est ce que montre la pente rude ‒ mais brève ‒ entre l’ancienne abbaye de Bonport et l’ancien fossé de la tour de Crosne, au pied de laquelle se trouvait un chaufournier (près de la “sente des Plâtriers”, tiens donc !). Le plan cadastral désigne aussi l'espace à l'Est de Pont-de-l'Arche sous le nom de "la carrière". La rue Henry-Prieur se nommait "chemin de la Carrière". C’est aussi ce que montre le coteau vers Les Damps, autre lieu ou la roche a été largement exploitée à ciel ouvert et, plus encore, par des galeries souterraines courant vers la forêt. Dans la forêt se trouvent aussi des dépressions de terrain témoignant de l’exploitation de la roche, notamment près du coude du chemin de la Borde. Après tout, quoi de plus normal autour d’une ville fortifiée et d’une abbaye cistercienne ?

Une activité portuaire a existé, de part et d’autre de l’ancien pont : en aval sur la Petite-chaussée (actuel nom de rue) et le départ du quai Foch et en amont sur le quai de la grande chaussée, actuel quai de Verdun. Cet espace était chaussé ‒ chose notable car rare ‒ de manière à stabiliser les berges et à faire transiter plus aisément charrettes et marchandises venues des berges avoisinantes. Des mariniers y exerçaient ainsi que des pêcheurs amenant dans la ville des poissons et des marchands apportant des denrées lourdes telles que des tonneaux de saumures et de vin, par exemple. Le grenier à sel devait être fourni par la même voie. Il semble même que la cave de l’hôtel-Dieu fût reliée à la Petite-chaussée par un souterrain encore visible dans les années 1980 au fond de la Salle d’Armes. Quelques grumes de la forêt de Bord ont transité par les quais archépontains. Ceux-ci sont attestés par des archives et nous n’en citerons ici qu’une, déjà analysée dans notre article sur la forêt de Bord (voir “Activités anciennes ‒ La coupe du bois”). Cette archive nous est fournie par l’historien Jean Boissière dans un article intitulé « Les forêts de la vallée de la Seine entre Paris et Rouen d’après l’enquête de 1714 » (Les Annales du Mantois, 1979). Cette étude se fonde sur le procès verbal d’Hector Bonnet chargé par l’hôtel de Ville de Paris de comprendre pourquoi le bois ne parvenait pas en quantité suffisante dans une période de disette de combustible. Cet homme voyagea de Paris à Rouen du 27 septembre au 18 octobre 1714. Il résida à Pont-de-l'Arche du 10 au 15 octobre. Il cita la “vente de Cocaigne”, c’est-à-dire la Cocagne, espace boisé au-dessus de la ferme de la Borde ainsi que le “port du pont de l'arche sur lequel nous aurions trouvé le nommé garde dud. port”. Dans ce port se trouve du bois provenant de la forêt de Louviers (près de la mare Glaïoleuse) et de la vallée de l’Andelle. Hector Bonnet cite aussi les ports de Bonport et des Damps. Les ventes et transports réalisés en ce lieu se produisaient donc sous le contrôle direct des agents des Eaux et forêts sis au bailliage de la ville. Où se trouvaient les ports archépontains ? Celui de Bonport devait se situer en contrebas de Saint-Martin de Maresdans, c’est-à-dire, de nos jours, La Plaine-de-Bonport, comme nous l’avons déjà étudié. Quant à celui dit de Pont-de-l’Arche, nous le verrions en contrebas du Val des Damps, entre la Cocagne et la Seine.

Cette célèbre vue sur le pont aux moulins de Pont-de-l’Arche est une lithographie de Charpentier réalisée d'après le dessin de Félix Benoist. Elle fut éditée dans un magnifique ouvrage :   La Normandie illustrée : monuments, sites et costumes.../ dessinés d'après nature par Félix Benoist et lithographiés par les premiers artistes de Paris, les costumes dessinés et lithographiés par François-Hippolyte Lalaisse,... ; texte par M. Raymond Bordeaux et Amélie Bosquet, sous la direction de M. André Pottier,... pour la Haute-Normandie…, Nantes : Charpentier père, fils et Cie, 1852, 2 volumes. On y voit un moulin, les filets et casiers de pêcheurs, un marinier et le quai de la Petite-chaussée.

Cette célèbre vue sur le pont aux moulins de Pont-de-l’Arche est une lithographie de Charpentier réalisée d'après le dessin de Félix Benoist. Elle fut éditée dans un magnifique ouvrage : La Normandie illustrée : monuments, sites et costumes.../ dessinés d'après nature par Félix Benoist et lithographiés par les premiers artistes de Paris, les costumes dessinés et lithographiés par François-Hippolyte Lalaisse,... ; texte par M. Raymond Bordeaux et Amélie Bosquet, sous la direction de M. André Pottier,... pour la Haute-Normandie…, Nantes : Charpentier père, fils et Cie, 1852, 2 volumes. On y voit un moulin, les filets et casiers de pêcheurs, un marinier et le quai de la Petite-chaussée.

Le pont de la ville était doté de trois moulins, au moins à partir de 1020, qui ont écrasé la céréale et, un temps seulement, ont battu monnaie. Les moulins n’étaient pas rares dans la région, mais ceux de notre cité ont nécessairement attiré dans la ville une population agricole nombreuse alentour, surtout à côté de la halle locale. Les droits perçus par leurs propriétaires ont été une source de revenu supplémentaire pour quelques privilégiés.

La production archépontaine ne suffit pas à nourrir la hausse démographique. Il fallut importer dans la cité des aliments et autres produits en plus grand nombre ; d’où la création de la halle et du marché dominical. Cette création ne dut poser aucun problème puisqu’elle était la prérogative du roi et Pont-de-l’Arche était une cité royale. Si nous n’avons pas retrouvé de documents attestant l’existence de la halle, il est possible de déduire qu’elle existait au début du XIIIe siècle grâce à son emplacement comme nous l’avons étudié dans un article y consacré. Avec son marché et sa halle, la cité archépontaine est devenue un pôle local en matière d’échanges. La halle permettait de pacifier les échanges en se mettant d’accord sur les poids et mesures et offrait au pouvoir un moyen de contrôle sur la vente de produits en même temps que des taxes diverses.

Il est indubitable que le marché ait favorisé l’implantation de commerces permanents aux abords de la place du marché et de la halle, les fournisseurs y venant tous les dimanches, y ayant des contacts mais ratant les nombreux acheteurs passant dans la ville le reste de la semaine.

 

1.3. Une cité-étape régionale.

Le pont désiré par le roi et ses successeurs formait un barrage artificiel sur la Seine entre les pertuis de Poses et de Saint-Aubin-les-Elbeuf. Ce barrage donna de l’importance au bourg. En effet, le pont perturbait le passage de l’eau de Seine et créait une cataracte d’un demi-mètre. C’était suffisant pour nécessiter un effort humain afin de faire monter les bateaux d’amont en aval. Il s’agit du montage dont témoigne un vitrail de 1605 dans l’église Notre-Dame-des-arts. Un maitre de pont et ses aides étaient nommés officiellement par le roi afin de s’assurer de la réussite technique du montage (ni le pont ni les bateaux né devaient être endommagés) et de percevoir les taxes. Des monteurs (haleurs spécialisés dans le montage) travaillaient auprès de bateaux à faible tirant d’eau du côté de la ville ; d’autres, plus nombreux, œuvraient du côté du fort de Limaie au service de bateaux à plus fort tirant d’eau. Plusieurs centaines de personnes, et quelques courbes de chevaux, étaient nécessaires pour les plus grands bateaux. Ce secteur d’activité offrait donc du travail à plusieurs dizaines de personnes, jusqu’à 200. C’étaient des métiers journaliers, faiblement rémunérés. Le revenu du montage revenait à l’entretien de la garnison de Limaie et à l’entretien de l’église paroissiale.

Pont-de-l'Arche, à la fois barrage et passage sur la Seine, était une importante cité-étape entre Paris et Rouen. Ici la vue de Claude Chastillon à des fins de présentation militaire (XVIIIe siècle).

Pont-de-l'Arche, à la fois barrage et passage sur la Seine, était une importante cité-étape entre Paris et Rouen. Ici la vue de Claude Chastillon à des fins de présentation militaire (XVIIIe siècle).

 

Pont-de-l’Arche était aussi le lieu d’étape de la malle-poste et de multiples voyageurs terrestres. Bien que la route du Vexin (Pontoise-Rouen) présentât moins d’obstacles, tels que le franchissement de la Seine, le chemin entre Paris et Rouen était très usité qui traversait Vernon et Pont-de-l’Arche. De nombreux voyageurs s’arrêtaient à Pont-de-l’Arche afin de bénéficier, dans une ville protégée par un couvre-feu, de la restauration, de l’hôtellerie, des écuries, des fêtes, des lieux de prière, des artisans notamment les cordonniers… Comme nous l’avons vu plus haut, le pont de la ville formait un obstacle sur la Seine. Les voyageurs et les haleurs tirant les bateaux le long des berges dans le sens aval-amont faisaient étape quand la nuit les fixait sur place ou quand le maitre de pont avait décidé de reporter au lendemain le montage. Sauf ceux qui dormaient dans les bateaux, les autres devaient recourir aux auberges de la ville. Nous avons eu l’occasion de traiter l’une d’entre elles, sur la place Hyacinthe-Langlois ; celle du panneau sculpté.  

Pont-de-l’Arche était au milieu d’un carrefour routier et fluvial. Il n’est pas étonnant qu’une partie des Archépontains travaillaient au service des voyageurs. De même, ces voyageurs renforçaient la “clientèle” des artisans et commerçants locaux non spécialisés dans l’accueil des voyageurs.

 

La composition professionnelle de la société archépontaine vers 1789

 

Bénédicte Delaune, licenciée ès Lettres, soutint en 1992 un excellent mémoire de maitrise et ce sous la direction de Claude Mazauric. Il s’intitule : Pont-de-l’Arche, population, pouvoirs municipaux et société de la fin du XVIIIe siècle et pendant la Révolution.

L’étudiante a analysé l’état civil et les documents suivants : la capitation de 1788, la contribution foncière de 1791, la liste des patentes de l’an VI (1797-1798) et la liste des votants de l’an IX (1800-1801). Elle en a déduit (page 81) que l’artisanat et le commerce étaient le “noyau de la société archépontaine” avec 39 % des capitations payées en 1788 et 47 % des votants de l’an IX. Parmi les artisans, le secteur du cuir (surtout les cordonniers), puis du bois (surtout les sabotiers et les menuisiers) dominaient. On se perdrait ensuite dans une débauche de phrases en quête de détails. Nous préférons reproduire le tableau II du mémoire de Bénédicte Delaune qui donne le meilleur aperçu de la nature et de la répartition des métiers en 1788.    

 

 

 

 Tableau II du mémoire de Bénédicte Delaune qui donne un aperçu de la nature et de la répartition des métiers en 1788.
 Tableau II du mémoire de Bénédicte Delaune qui donne un aperçu de la nature et de la répartition des métiers en 1788.

Tableau II du mémoire de Bénédicte Delaune qui donne un aperçu de la nature et de la répartition des métiers en 1788.

Il résulte de cette première partie que la ville de Pont-de-l’Arche est devenue un pôle local de services artisanaux et commerciaux de manière à satisfaire une population en partie composée de nobles et de militaires présents par décision royale. De là, une halle et un marché ont attiré nombre de producteurs et de consommateurs dans la ville. Le pont barrant la Seine et reliant les rives du fleuve, la ville était un lieu de passage nécessaire et une étape pour les voyageurs devant se reposer ; de quoi renforcer l’offre de services. Ceci laisse imaginer que le centre-ville regorgeait d’activités et d’échanges entre habitants et ce dans un espace réduit à l’intérieur des fortifications. Nous pouvons imaginer des conditions de vie frugales pour la majeure partie de la population pour qui la solidarité était nécessaire à la fourniture du minimum vital.

 

2. 1856-1955 : fort déclin avant que Pont-de-l’Arche devienne un pôle industriel français de la chaussure.

2.1. La perte des privilèges royaux et l’abandon de la ville par l’État.

Durant la Renaissance, les fortifications archépontaines perdirent leur intérêt. Elles ne servirent plus à lutter contre l’ennemi extérieur comme lors de la Guerre de Cent-ans. Elles tombèrent même entre les mains de nobles frondeurs en 1650 (le duc de Longueville). En 1782, suite à la demande de la municipalité, l’intendant de Normandie Louis Thiroux de Crosne autorisa la démolition du fort de Limaie et le démantèlement des fortifications de la ville. Les fossés furent en partie comblés et des boulevards plantés de tilleuls furent créés. Nous ne voyons pas d’impact notable sur l’économie de la ville hormis le départ de quelques hommes de garnison.

L’Assemblée nationale constituante fit perdre à Pont-de-l’Arche beaucoup de son importance administrative. En effet, en 1790, dans le cadre de la réforme instituant les communes et les départements, les députés réorganisèrent la carte juridique et militaire. Le bailliage de Pont-de-l’Arche ferma avec ses quatre tribunaux. La ville avait déjà perdu, à une date qui nous échappe, son gouvernement, c’est-à-dire la direction militaire. Ce sont les villes d’Elbeuf et, surtout, de Louviers qui accueillirent ces prérogatives. La ville perdit donc une large partie de sa classe aisée.  

En 1813 Napoléon inaugura une écluse qui améliora la navigation fluviale mais qui ôta du travail au maitre de pont, ses aides et surtout les dizaines de journaliers qui vivaient du montage. Ceci était volontaire car, durant les famines de la période révolutionnaire, des Archépontains avaient saisi du grain destiné à pacifier les parisiens qui faisaient pression sur le cours de la Révolution à Paris. Pour assoir son pouvoir Napoléon a écarté le danger de rébellion des monteurs. La motorisation et la chute du pont de bois en 1856 achevèrent d’ôter tout rôle d’étape fluviale à la ville en engendrant la fin de l’écluse. En 1840, le nouveau chemin de fer entre Paris et Rouen fit de Pont-de-l’Arche une halte secondaire du réseau mais rapprocha notre cité des grandes villes (Paris était à 4:00). L’ouverture de la ligne Pont-de-l’Arche-Gisors (1868) n’accrut pas considérablement l’importance de la ville mais surtout du trafic de la gare de Pont-de-l’Arche-Alizay. En 1857, la halle fut démolie : son cout n’était semble-t-il plus compensé par les gains réalisés auprès des exposants venus de la région pour y vendre leurs produits.

La ville de Pont-de-l’Arche connaissait donc une période particulièrement pauvre et où sa population était tentée par un exode : 1639 personnes y résidaient en 1793 alors qu’il n’en restait que 1483 en 1831 (Wikipédia).

La couture du chausson de lisière dans les ruelles archépontaines par Ernest Baillet (1886, archives de l'Eure). Ici une chaussonnière sur le degré d'une maison de la rue Abbaye-sans-toile.

La couture du chausson de lisière dans les ruelles archépontaines par Ernest Baillet (1886, archives de l'Eure). Ici une chaussonnière sur le degré d'une maison de la rue Abbaye-sans-toile.

 

2.2. La commercialisation du chausson ou l’arrivée du capitalisme

Comme nous l’avons retracé dans notre ouvrage : Pont-de-l’Arche, cité de la chaussure, notre cité est entrée dans l’ère du capitalisme par un savoir-faire local : le chausson. Les cordonniers étaient très nombreux dans la ville (25 pour 1700 habitants en 1788), sûrement en lien avec l’usure des souliers quand le montage des bateaux existait encore. Un commerçant de Saint-Pierre-du-Vauvray, Jean-Baptiste Labelle (1775-1839), commença à vendre des chaussons de lisière. Il s’agissait d’une semelle de cuir cousue sous un tressage de bouts de tissus. Ces derniers étaient des chutes issues de la découpe des bords des draps ; ceci afin que les lisières des draps soient bien droites avant ourlet. Vendant très bien ce produit dans les marchés de Normandie, Jean-Baptiste Labelle vint s’approvisionner à Pont-de-l’Arche qui commença à exporter le fruit d’un savoir-faire local. Il créa sa première société en 1820 avec son associé Roussel. Des dizaines d’Archépontains devinrent chaussonniers et en 1833 un cordonnier de notre cité, Antoine Ouin, créa à son tour son entreprise. C’est l’ancêtre de la société Marco qui œuvre toujours. Les premiers ateliers naquirent vers 1840 autour de premières divisions du travail : des ouvriers tressaient les draps, d’autres les cousaient sur les semelles en cuir. Le salariat commença alors à toucher en masse les travailleurs. À la fin du XIXe siècle, la ville de Pont-de-l’Arche comptait une vingtaine de manufactures et des centaines de travailleurs. Les chaussons de Pont-de-l’Arche, produits par millions chaque année, étaient nationalement réputés et vendus au-delà de l’Europe.

La ville connut alors une augmentation démographique (1815 personnes en 1851) avant une nouvelle décrue (1618 personnes en 1876), peut-être due à la pauvreté et à l’essor industriel plus fort dans les proches villes voisines. En effet, le travail du chausson laissa les Archépontains dans une pauvreté crasse, dénoncée par l’écrivain Octave Mirbeau. Celle-ci engendra la naissance d’un mouvement social et de premières grèves ouvrières. Au début du XXe siècle, la mécanisation engendra une nouvelle étape : celle de l’industrie de la chaussure.

 

Quelques ouvriers posant à l'entrée de l'usine Ouin (ancêtre de Marco) vers 1910. Crédit : Bruno Daniel, avec tous nos remerciements !

Quelques ouvriers posant à l'entrée de l'usine Ouin (ancêtre de Marco) vers 1910. Crédit : Bruno Daniel, avec tous nos remerciements !

2.3. Pont-de-l’Arche : un des pôles français de l’industrie de la chaussure.

Avec la division des tâches et la mécanisation, la production capitaliste crut encore afin de dégager des profits plus grands. Les manufactures devinrent des usines, citons celles d’Henry Prieur (route de Tostes), Paul Nion (place Langlois), Ouin (route du Vaudreuil), Morel (route de Louviers), qui employaient dans les années 1930 plusieurs centaines de travailleurs chacune. À côté d’elles œuvraient plusieurs dizaines de petites et moyennes industries, à caractère familial. Le bassin d’emploi de Pont-de-l’Arche atteignait alors les 2000 postes et les travailleurs ‒ hommes, femmes et enfants ‒ venaient quotidiennement en train depuis la vallée de l’Andelle, la banlieue sud de Rouen et en car du plateau du Neubourg. La cité Archépontaine était un pôle industriel régional de second ordre mais un des principaux centres de production de chaussures de France (avec Romans-sur-Drôme, Cholet, Fougères, Nancy…).

Pont-de-l’Arche connut une hausse de sa population (1921 personnes en 1911) puis un maintien jusqu’à la Seconde guerre mondiale (1913 personnes en 1936).

La ville était marquée par une rupture entre, d’un côté, quelques familles aisées, patronales ou notables, habitant de grandes demeures autour de la ville et, d’un autre côté, des centaines de familles issues du peuple archépontain et d’un début d’immigration massive, tout d’abord depuis d’autres régions de France puis, après 1918, de Belgique, Pays-Bas, Grèce… Entre les deux se situait une classe moyenne composée d’artisans, de commerçants, de petits patrons et quelques rentiers. La vie politique locale s’est bipolarisée (gauche/droite) avec l’émergence d’une lutte républicaine puis socialiste au sens digne du terme. Longtemps bastion républicain radical de gauche avec Maurice Delamare puis Pierre Mendès-France, Pont-de-l’Arche n’a vu son courant communiste émerger qu’après la Seconde guerre mondiale avec pour maires André Benet et Roger Leroux. Son centre ville commerçant, autrefois radical, a peu à peu basculé vers le courant conservateur et parvenait au pouvoir (Roland Levillain) quand la gauche socialiste et communiste se divisait. La ville connut un courant syndical fort qui retentit surtout en 1932.  

À l’issue de cette deuxième partie, nous avons vu qu’un savoir-faire local, mêlant draperie et cuir, est devenu un produit commercial : le chausson. Quelques familles se sont enrichies par la logique et la pratique capitaliste et ont employé une partie des habitants de la ville et de la proche région, ce qui a évité un exode de population. Les travailleurs se sont retrouvés solidaires dans un mode de production et dans des conditions de vie précaires. Les Archépontains sont restés ‒ dans l’ensemble ‒ pauvres et lotis dans les maisons à pans de bois de la cité médiévale et quelques nouveaux quartiers ouvriers bâtis aux alentours immédiats de la ville (rue Henry-Prieur, rue Olivier-des-Bordeaux, rue Abbé-de-Lanterie). Ces logements furent bâtis à l’initiative de patrons paternalistes puis de sociétés d’habitations à bon marché, ancêtres des HLM. Une classe ouvrière s’est constituée, cliente du commerce du centre-ville. Elle a fait vivre une forte sociabilité autour d’une culture commune, comme en témoigne la pratique, révolue, du parler local et des sobriquets. Cette solidarité était nécessaire car difficilement évitable ‒ à moins de quitter la ville ‒ mais aussi par intérêt général. La ville a ainsi exporté un savoir-faire et une production. Elle s’est spécialisée et a prospéré dans la mesure où de fortes inégalités ont perduré entre une minorité et le reste de la population.

A Pont-de-l'Arche, le groupe Luneau conçoit, fabrique et distribue des machines optiques médicales, notamment de la marque Briot (crédit photographique : Luneau technology operation).

A Pont-de-l'Arche, le groupe Luneau conçoit, fabrique et distribue des machines optiques médicales, notamment de la marque Briot (crédit photographique : Luneau technology operation).

 

3. La cité résidentielle et son noyau de services dans le centre ancien.

3.1. Concentration capitaliste, diversification industrielle puis délocalisations.

La logique capitaliste étant de dégager du profit, ce dernier se perd quand plusieurs entreprises atteignent la même taille et une organisation aussi efficace. C’est ce qui a frappé l’industrie archépontaine. Beaucoup d’entreprises ont fermé entre 1945 et 1970, laissant Marco seule “boite à chaussures” de la cité. Mais les locaux industriels archépontains ont été repris quelques années par des sociétés sans rapport avec la chaussure : Jeanbin (imprimerie), Briot (outillage de miroiterie, toujours active), Ouest-isol (produits isolants), Chesebrough-Pond’s (coton-tiges), Société normande de conditionnement (appelée "Jauneau")... Dans le même temps, se sont installées dans la proche région des industries plus grandes encore : la SICA (1954, pâte à papier), la régie Renault (1958, voitures automobiles). Celles-ci ont offert de bien meilleurs salaires que ceux de l’industrie de la chaussure et ont attiré beaucoup d’Archépontains, précipitant ainsi la chute d’entreprises locales par la perte d’ouvriers qualifiés.

Le centre-ville est resté dynamique, grâce aux ouvriers de la ville consommant ici et grâce au marché du dimanche. Pont-de-l’Arche était un chef-lieu de canton d’un point de vue administratif mais aussi par sa concentration de services. Les commerçants étaient nombreux à vivre dans le centre-ville, lui apportant une sociabilité réelle. Dans les années 1960, ils se fédérèrent dans une entente : L’Union commerciale, industrielle et artisanale (UCIA). Celle-ci créa les premières animations et le premier terrain de camping de la ville ‒ toujours existant ‒ songeant au développement du tourisme et à ses retombées sur la consommation.

Les fermetures d’usines des années 1960 et 1970 n’ont pas déstabilisé le pays puisqu’elles ont été remplacées par d’autres industries, y compris étrangères. Mais, à partir des années 1980, le chômage de masse est apparu. En effet, les délocalisations d’entreprises dans d’autres pays se sont amplifiées et la région a commencé à se désindustrialiser. La finalité est de produire plus de produits et à moindre cout en exploitant des travailleurs non protégés et moins chers à rémunérer car ils sont dans l’incapacité de se défendre d’un point de vue matériel et juridique. Des locaux archépontains sont restés vides longtemps qui sont devenus des verrues urbaines (l’usine Nion, devenue depuis L’Espace Jacques-Henri Lartigue). Un nouveau stade de concentration capitaliste a été franchi. Même les grandes entreprises de la chaussure ont cessé leur activité. L’usine Marco subsiste mais en passant de 320 travailleurs vers 1970 à seulement 60 en 2014 et avec une moitié de la production délocalisée en Tunisie depuis les années 1980. Au niveau mondial, la chaussure s’est fabriquée un temps en France, puis Italie, en Chine et aujourd’hui aussi en Éthiopie.

Désormais la production locale est faible ‒ voire inexistante dans de nombreux domaines ‒ et les importations augmentent énormément. Les réseaux de transports sont adaptés à grands couts pour les permettre et les faciliter. La voirie de notre ville en témoigne où le centre-ville est délaissé. Ainsi, le nouveau pont inauguré en 1955 par Pierre Mendès-France a-t-il été construit en dehors de la ville. Certes, la ville a toujours constitué un obstacle sur les voies mais elle revêt désormais un faible intérêt en retour pour des voyageurs parcourant des centaines de kilomètres par jour. Les aubergistes ont laissé place à un seul hôtel dans la ville (l’hôtel de la Tour). L’offre hôtelière est désormais essentiellement à Val-de-Reuil, près de l’autoroute, et pour le compte d’un grand groupe hôtelier (Accor). Les débits de boisson et restaurants se sont raréfiés dans la ville (à lire, notre étude sur l'offre hôtelière à Pont-de-l'Arche). Pis, la circulation est devenue un souci pour les riverains tant elle s’est accrue. Un contournement Est-ouest, au sud de la ville, a été inauguré en 2010 qui réduit le passage dans le centre-ville. Il complète ainsi le contournement nord-sud de 1955 avec le nouveau pont. La ville a perdu sa fonction de pôle ou d’étape. Les réseaux de transports passent à côté d’elle.

 

Sur ces détails de cartes de Pont-de-l'Arche de 1950 et de 2018 (Géoportail) on mesure à quel point le tissu urbain a gagné la majeure partie des terres disponibles entre l'Eure et la forêt. Sur ces détails de cartes de Pont-de-l'Arche de 1950 et de 2018 (Géoportail) on mesure à quel point le tissu urbain a gagné la majeure partie des terres disponibles entre l'Eure et la forêt.

Sur ces détails de cartes de Pont-de-l'Arche de 1950 et de 2018 (Géoportail) on mesure à quel point le tissu urbain a gagné la majeure partie des terres disponibles entre l'Eure et la forêt.

3.2. Consommation de masse, keynésianisme et spéculation.

La concentration capitaliste, qui a imposé les délocalisations, joue sur les économies d’échelle. Il faut fabriquer  et vendre plus de produits afin de réduire proportionnellement les couts de fabrication (en exploitant l’homme et en baissant la qualité des produits) et de transports (par l’énergie pétrolière). Cela permet de baisser le prix de vente et donc d’accroitre les marges grâce à une clientèle plus nombreuse. C’est ce qui explique pourquoi les boutiques ont gagné en surface. Déjà dans les années 1960 un supermarché apparut sur la place Hyacinthe-Langlois (Super Buna). L’ancien Coop (coopérateur de Normandie), épicerie variée de la rue de Paris ‒ un temps tenue par Roger Bonnet ‒ s’est agrandi le long de la rue Général-de-Gaulle dans un ancien local industriel. Les magasins se spécialisèrent et accrurent le débit de leurs ventes. Finies les petites crèmeries-débit de boissons familiales. Cette concentration capitaliste s’est déroulée partout où l’espace était disponible. Un centre-ville s’est retrouvé disqualifié pour accueillir les hypermarchés de la taille de ceux d’Igoville (Leclerc), de Caudebec puis Saint-Pierre-lès-Elbeuf (Leclerc), Val-de-Reuil (Mammouth)… Aujourd’hui, Pont-de-l’Arche est entouré d’au moins 15 hypermarchés dans un rayon de 12 kilomètres. Les hypermarchés ne sont plus seulement généralistes mais spécialistes (meubles, jouets, décorations, bricolage, travaux, vêtements…). Or, les économies que les clients réalisent en allant dans les hypermarchés, ils les laissent ‒ tout ou partie ‒ dans l’achat de voitures qui de luxe deviennent nécessité quand toute la ville les emploie en causant, par là-même, la fermeture des services de proximité. Les hypermarchés sont conçus pour la voiture et par le camion d’importation. Il n’est pas étonnant que le réseau soit devenu si dense autour des villes. Même la Seine a connu ce schéma : de fleuve naturel elle a été canalisée et les écluses ont été réduites au nombre minimum afin de libérer la navigation. Les anciens mariniers, haleurs, monteurs et même réparateurs du chantier naval d’Igoville (chantier Sénécaux, de 1900 aux années 1960) ont disparu et la Seine passe devant la ville sans rien lui apporter du point de vue de l’activité. Idem pour la gare, autrefois très fréquentée, elle a été délaissée au profit de la voiture individuelle (années 1970) et rares sont désormais les trains qui s’y arrêtent. Pourtant, la circulation ferroviaire n’a pas décru.

Le contournement inauguré en 2010 libère la ville du flot de voitures et camions qui font partie du mode de fonctionnement économique actuel. Mais il contribue à vider un peu plus le centre-ville et à faire de Pont-de-l'Arche une cité-dortoir, une périphérie de Rouen, Val-de-Reuil, voire de Paris (cliché Armand Launay, 2013).

Le contournement inauguré en 2010 libère la ville du flot de voitures et camions qui font partie du mode de fonctionnement économique actuel. Mais il contribue à vider un peu plus le centre-ville et à faire de Pont-de-l'Arche une cité-dortoir, une périphérie de Rouen, Val-de-Reuil, voire de Paris (cliché Armand Launay, 2013).

 

Mais ces immenses réseaux de transport servent aussi à mieux mettre en concurrence les travailleurs et à les exploiter. Ainsi, les travailleurs doivent déménager pour obtenir un emploi. Maints Archépontains ont quitté leur région et leur sociabilité d’origine pour bénéficier d’un emploi ailleurs, parfois très loin (cet article est rédigé à 9000 kilomètres de Pont-de-l’Arche). Inversement, une immigration massive, issue désormais de tous les continents, vient fournir un contingent de travailleurs souvent plus exploitables. Les routes ont donc été goudronnées après 1945, les routes nationales cèdent peu à peu la place à un réseau autoroutier. C’est en 1970 que Pont-de-l’Arche s’est retrouvé à une heure de route seulement de Paris par la construction du tronçon Les Essarts-Heudebouville de l’autoroute de Normandie. Le contournement sud de la ville, inauguré en 2010, a pour fonction de relier des parties d’autoroute afin d’éviter un péage supplémentaire. Il libère aussi la ville du trafic routier mais la vide encore d’une part de sa clientèle. Aujourd’hui, il est question de construire une nouvelle autoroute afin de contourner par l’Ouest l’agglomération de Rouen et ce en longeant le Val-de-Reuil, Léry et en coupant de nouveau la Seine au niveau du Manoir.

Le capitalisme a aussi été contraint de changer un peu. Après des études et des luttes socialistes, après constatation de la logique perverse de la course au profit à court terme (crise de 1929, déclenchement des guerres), le capitalisme a intégré, par la force, une dose de keynésianisme. Cette doctrine de l’économiste britannique John Maynard Keynes (1883-1946) pose que l’État doit réguler le capitalisme et imposer une dose de démocratie dans le fonctionnement autocratique (le pouvoir d’un seul) de l’entreprise. Keynes a montré qu’il était bénéfique de réguler l’économie et d’augmenter les dépenses publiques pour relancer la commande, donc la production, donc l’emploi et, ainsi, la prospérité. Depuis les années 1930 ‒ à l’initiative notamment de député de Louviers, Pierre Mendès-France, devenu ministre ‒ la France est entrée en partie dans le keynésianisme. En augmentant les salaires, en officialisant la mutualisation de certaines caisses (sécurité sociale, retraite...), les travailleurs ont accédé à un meilleur niveau de vie. C’est ce qu’on appelle l’État providence, l’État qui intervient au nom des citoyens qui se protègent des aléas de la vie. Pour cela, l’État réutilise largement les outils monétaires du capitalisme. Les travailleurs deviennent donc de plus grands consommateurs à défaut, peut-être, d’en être de meilleurs.

Cette logique a renforcé la consommation de masse et la logique capitaliste s’est renforcée. Une partie des opposants au capitalisme sont devenus, presque malgré eux, les chantres d’une consommation de masse appelée “pouvoir d’achat”, “accès aux services” et qui passe pour sociale. Or, le keynésianisme s’est retrouvé noyé dans une nouvelle phase de dérégulation du capitalisme dans les années 1980. La population est sommée, depuis, de travailler plus pour gagner plus et... consommer plus ; tout cela en croyant que ses intérêts sont ceux du grand capital.

 

Les services publics pallient les défauts du mode de fonctionnement capitaliste et lui donnent, peut-être, un visage humain avant la prochaine crise (cliché Armand Launay, 2014).

Les services publics pallient les défauts du mode de fonctionnement capitaliste et lui donnent, peut-être, un visage humain avant la prochaine crise (cliché Armand Launay, 2014).

 

Le secteur de l’immobilier illustre cela qui a fait l’objet d’un développement capitaliste. Suscitant le désir des gens d’habiter dans des logements agréables, vastes, avec chambres individuelles, places de parking… des entreprises se sont développées autour de la vente de terrains, de construction et de vente de biens immobiliers. D’un centre-ville médiéval ramassé derrière ses remparts, la ville s’est étalée sur la majeure partie des terres cultivables tout en abandonnant la culture vivrière par les potagers et autres vergers. Seule une exploitation agricole perdure sur quelques terres archépontaines et, surtout, criquebeuviennes (Jean-Marie Delimbeuf, abbaye de Bonport, avec en sus une activité de production de machines d’exploitation agricole et forestière). Les petites maisons qui accueillaient encore de grandes familles dans les années 1960 ont été délaissées par de grandes maisons accueillant en moyenne 4 personnes aujourd’hui. Cette marchandisation des sols et de la construction a fait doubler la population archépontaine : de 2025 personnes en 1946, la population était de 4223 personnes en 2015. Ce doublement n’est pas dû à une activité intense des Archépontains autour du lit conjugal mais bien plutôt à l’attraction de populations nouvelles, cherchant un cadre de vie agréable et doté de services publics variés proches de leurs lieux de travail à Rouen, ou Val-de-Reuil... Les maisons sont, le plus souvent, isolées au milieu d’une propriété et donc moins propice au contact. Elles constituent de petits châteaux où leurs résidents peuvent avoir ‒ pour certains ‒ la sensation de s’autosuffire dans les loisirs fournis par les appareils tels que la télévision et l’ordinateur. Pour payer ces belles demeures, les foyers consacrent un budget de plus en plus lourd à l’immobilier, que ce soit à l’achat ou à la location. Les sols se faisant rares, ils n’en deviennent que plus précieux donc plus chers. Les foyers s’endettent car les banques font recette sur les prêts, tout comme elles le font sur les États qui commandent beaucoup aux grands groupes (infrastructures, routes…). Les habitants ayant été formés à l’esprit capitaliste, nombre d’entre eux spéculent sur la valeur des biens et les mettent en location afin de courir au profit, faisant ainsi monter plus encore les loyers. Il n’est pas étonnant que les agences bancaires soient devenues nombreuses dans le centre-ville commerçant où les logements vides sont de plus en plus nombreux.

Cette très forte demande immobilière explique aussi pourquoi l’exploitation des carrières s’est répandue dans la vallée de la Seine. Pour ne citer que les communes jouxtant Pont-de-l’Arche, les sablières ont déformé le paysage à l’orée de la forêt à Martot et Criquebeuf, le fond de vallée à Igoville, Alizay et Martot et la vallée de l’Eure à Val-de-Reuil, Léry et Poses où des lacs de loisirs ont rempli et remplacé les anciens lieux d’extraction des sables et graviers.

 

 

Pour satisfaire le secteur de la construction immobilière, en pleine explosion depuis 1945, la ville de Pont-de-l'Arche est encerclée de carrières de sables et graviers (cliché Armand Launay, 2006).

Pour satisfaire le secteur de la construction immobilière, en pleine explosion depuis 1945, la ville de Pont-de-l'Arche est encerclée de carrières de sables et graviers (cliché Armand Launay, 2006).

 

3.3. Un quartier périphérique à animer.

La course aveugle vers le profit, qui caractérise la logique capitaliste de libération du désir, pose de nombreux problèmes concrets et moraux. Les luttes républicaines et ouvrières l’ont démontré. Elles conduisent les victimes, quand elles sont conscientes, à exiger que les autorités publiques obtiennent de nouvelles prérogatives pour réguler et, si possible, équilibrer les rapports sociaux afin d’espérer améliorer l’intérêt général.

Pont-de-l’Arche fut un pôle militaire, administratif puis industriel. La ville a été dépossédée de ses atouts. Elle est aujourd’hui essentiellement à côté des flux. Elle est le lieu de quelques industries, devenues rares, voire précaires. Son centre-ville commerçant et artisan perd de son attractivité. Pont-de-l’Arche constitue un quartier périphérique où les travailleurs veulent se reposer en fuyant le fonctionnement du monde qu’ils contribuent à faire vivre. La ville est un quartier de Val-de-Reuil, de Rouen et, moindrement, de Paris. Certains traitent de cité-dortoir.  

La commune et la Communauté d’agglomération Seine-Eure (CASE, fondée en 1997) sont en charge de nombreuses demandes. Le développement économique en revient à la CASE qui promeut le territoire et favorise l’implantation d’industries et de services à l’échelle de l’agglomération. À ce titre, un village d’artisans, baptisé “la lisière” a été implanté à Pont-de-l’Arche en 2014 le long du contournement sud. La CASE a entériné le fait que le centre-ville n’existe économiquement plus selon cette logique. À destination des employés, la commune et certains services d’État, ou délégataires, accompagnent la population vers le retour à l’emploi. Concernant les commerces et artisans, près de 60 sur toute la ville, la commune a ‒ le plus souvent ‒ repris les animations autrefois assurées par l’Union commerciale. La commune propose ainsi des animations de Noël, une communication et un soutien au tourisme par le biais du terrain de camping municipal et autres activités. Elle propose aussi une participation à la Journée nationale du commerce de proximité, des repas en plein air animés de concerts dansants l’été (les Nocturnes du vendredi), des expositions d’arts plastiques, une commande directe pour la cérémonie des vœux...  

Les élus doivent aussi se mobiliser afin de sauvegarder au mieux l’industrie locale. C’est ce qu’a démontré la volonté de l’entreprise Mreal de fermer définitivement sa papèterie d’Alizay ; ceci afin de raréfier la production et donc de vendre plus chers ses produits par une entente avec ses “concurrents” ayant chacun fermé un site de production. Il a fallu une mobilisation sans relâche des employés, par le biais des syndicats et avec l’aide d’élus et de collectivités, afin que la papèterie puisse continuer à exister mais en devenant, en 2013, une propriété du groupe thaïllandais Double A. Ceci ne garantit en rien les décisions à venir de cette entreprise pour qui Alizay (150 employés) n’est qu’un point sur la carte.

 

 

La commune et des organismes d’Habitations à loyers modérés (HLM) tentent de loger les personnes exclues du marché économique ou mal incluses. La commune tente de respecter la loi relative aux Solidarités et au renouvellement urbains (SRU, adoptée en 2000) qui dispose qu’au moins 20 % des logements doivent être dévolus à l’habitat solidaire. La population semble donc mise à mal par la spéculation immobilière. Mais le nouveau type d’habitat ‒ et le fait de rassembler des populations venues de différents horizons ‒ semble poser des problèmes de sociabilité : la commune est tenue d’offrir des services palliant ces lacunes et rapprochant les gens dans un concept nouveau appelé la “cohésion sociale”.

La mise en concurrence et le besoin de formation à des emplois plus techniques conduit les parents à désirer un système scolaire performant et donc à développer les infrastructures. Les parents étant pris par un emploi, le plus souvent hors de Pont-de-l’Arche, la commune se voit chargée d’occuper les jeunes par une crèche, un relai des assistantes maternelles, un service parentalité, puis un accueil périscolaire le matin, le midi et le soir, une cantine, un accueil de loisirs, un espace pour les adolescents et les jeunes adultes. Une politique de jeunesse a ainsi émergé depuis les années 1970.

En matière de lien social, toujours, la commune se doit de plus en plus de produire les occasions où les gens peuvent se rencontrer, faire connaissance. Cela allait naguère de soi car les gens se fréquentaient nécessairement en tant que voisins, membres de familles locales, passants dans les rues du quotidien, clients des mêmes commerces, membres des mêmes associations (fanfare, majorettes, paroisse, partis, clubs sportifs) et collègues dans les entreprises de la ville. Depuis les années 1950 la sociabilité, largement par le biais des loisirs, fait l’objet d’un projet politique de plus en plus fort. La municipalité doit proposer une salle des fêtes (1954), une piscine (pendant quelques années), et mettre des infrastructures, souvent sportives, à la disposition des habitants par le biais des associations. Elle propose un agenda culturel et soutient techniquement et financièrement les associations, notamment par la mise à disposition de locaux communaux.  

 

En ce qui concerne les vieilles personnes, la commune et divers organismes publics doivent intervenir pour pallier le manque de présence de familles et l’accroissement de la durée de vie nécessitant une vigilance et des soins médicaux. Ainsi l’Établissement hospitalier pour personnes âgées dépendantes (l’EHPAD Julien-Blin) est devenu l’un des grands employeurs de la ville (plus de 50 personnes, même si cela ne suffit pas à l’augmentation des exigences de soins). La commune a pris en charge la résidence pour personnes âgées “Les Pins” en 2016 et propose des moments de sociabilité dont certains sont appelés “intergénérationnels”.

Autre aspect non négligeable des actions à entreprendre : l’environnement. Puisque la majeure partie des terres sont désormais construites, les espèces se font rares, l’écosystème est perturbé et la pollution omniprésente. L’action publique travaille à la qualité des eaux, des berges, de l’air, de l’entretien des espèces végétales naturelles, de la circulation des animaux malgré le contournement et l’autoroute, en forêt de Bord. En effet, la forêt de Bord est aussi exploitée avec visée de rendement. Ses parcelles sont taillées en quatre, ses essences choisies aux fins de commercialisation par l’Office national des forêts.  

Les espaces libres sont devenus rares. Cependant, la commune continue à bétonner selon une logique de production effrénée. Il s’agit désormais de construire dans les “dents creuses”, de densifier l’habitat, de “reconstruire la ville sur la ville”. La commune ressemble, depuis les 1950, à un promoteur immobilier qui voit le nombre d’habitants comme une recette fiscale, un rendement. Quand les habitants souhaitent conserver un espace non bâti, cela peut faire l’objet d’une lutte comme autour d’un lot de la Pommeraie ; lutte qui a participé de la chute du maire Paulette Lecureux en 2001.  

Il s’ensuit une prise d’importance de l’action et de l’emploi publics. Elle se manifeste dans la structure de l’emploi ; la commune étant devenue le plus grand employeur de Pont-de-l’Arche avec près de 90 personnes salariées en 2018. Ceci sans compter les agents publics des différentes administrations d’État, du département, de la CASE qui interviennent sur le territoire communal.  

 

Image industrielle dans la froidure de l'hiver 2011. Ici les toits de l'usine Marco depuis les bureaux de la mairie (cliché Armand Launay).

Image industrielle dans la froidure de l'hiver 2011. Ici les toits de l'usine Marco depuis les bureaux de la mairie (cliché Armand Launay).

Conclusion

Nous nous posions comme problème central : est-il possible de déterminer le ou les moteurs d’une économie archépontaine, selon les époques, et d’en déduire l’impact sur la sociabilité ?

Après cette étude, qui commence à ressembler à un plan de mémoire de Master, nous sommes tentés de répondre par l’affirmative.

Nous avons découpé l’histoire de Pont-de-l’Arche en trois périodes. La première regroupe le Moyen âge et l’Ancien régime. D’un point de vue patrimonial, c’est le Pont-de-l’Arche intramuros qui témoigne aujourd’hui encore, partiellement, de ce que fut la cité du roi. Le centre-ville fourmillait d’activités de services pour les familles nobles, officiant pour le roi, ainsi que pour la garnison de la ville et de Limaie. Un marché et une halle attiraient les producteurs et les acheteurs de la région. Les voyageurs trouvaient dans cette étape sur la voie Paris-Rouen et dans ce point de passage sur la Seine, un ensemble de services de restauration, hôtellerie, cordonnerie… La population se voyait contrainte de produire et importer de quoi assurer le fonctionnement de cette place forte du roi. Elle y était pleinement occupée même si elle demeurait généralement pauvre.

La deuxième période concerne la révolution industrielle et le développement d’un savoir-faire local : le chausson, puis la chaussure. C’est le Pont-de-l’Arche intramuros ainsi que celui des faubourgs qui en témoignent. Des centaines d’Archépontains se sont retrouvés salariés et ouvriers. Leurs conditions de vie sont restées frugales, voire misérables. Leurs intérêts se sont rejoints dans la revendication de droit sociaux et de meilleures conditions de vie. Ce peuple a habité dans les petites maisons médiévales et les quelques logements ouvriers des faubourgs. Il a fait vivre le commerce et la sociabilité du centre-ville.  

La troisième période concerne l’après-guerre et le franchissement d’une nouvelle étape de concentration capitaliste des moyens de production. C’est le Pont-de-l’Arche des nouveaux quartiers et des aménagements publics. La sociabilité a explosé afin de se conformer aux investissements capitalistes. Les entreprises de chaussures ont fermé leurs portes, hormis Marco. D’autres industries vont et viennent, sans garantie de rester à moyen terme. Une partie de la population a quitté les lieux pour trouver meilleur emploi. Une large partie de la population est venue s’installer récemment dans les nouveaux quartiers issus de la spéculation foncière et immobilière. Désormais, une très large partie des habitants ne travaillent pas dans la ville et fréquentent un réseau routier aussi immense que l’argent qu’il engloutit dans sa construction et son entretien. Ces habitants résident dans des quartiers peu propices au lieu social, hormis le voisinage immédiat. Les pouvoirs publics sont sommés de pallier le manque de sociabilité par une offre de loisirs, de formation, de culture. Ils sont sommés de donner une place professionnelle aux habitants ou, à défaut, un toit, une subsistance.   

La ville a largement perdu son rôle central en matière d’échanges. Les habitants échangent surtout en dehors de la ville. Le centre-ville se vide de sa substance, bien qu’il résiste mieux que dans beaucoup d’autres cités. Ce n’est pas une question de rentabilité qui nous intéresse mais bien plutôt de rôle social, d’habitude au contact qui manque à nombre d’habitants. Il semble que les habitants aient beaucoup perdu en qualité de vie à cause des choix économiques d’une minorité. Nous avons même l’impression d’une aliénation des consciences tant ce mode de vie semble normal, ou acceptable, pour de nombreuses personnes isolées dans leurs maisons et qui ne fréquentent ni les rues ni les associations sauf, peut-être, pour les loisirs de leurs enfants.    

Sans en faire une revendication, c’est le paradigme marxien qui nous a le plus aidé dans l’analyse de l’économie locale. En effet, sans trop y réfléchir on pourrait se leurrer en croyant que la pensée de Karl Marx valait pour une période révolue depuis le début de la désindustrialisation. Or, sa pensée, celle du Capital en particulier, est plus d’actualité que jamais : les bras locaux ne sont plus guère nécessaires car il en existe de plus exploitables ailleurs. Il semble que ce soit le keynésianisme, c’est-à-dire grossièrement le pouvoir d’achat donné par l’État ‒ dit providence ‒ aux habitants, qui rende intéressants les habitants et la région aux yeux des investisseurs capitalistes. Mais l’argent continuera-t-il à couler ? Qui plus est, cette vision très monétaire des choses donne l’illusion, à grands renforts de transferts de sommes, que chacun peut vivre satisfait sans contact réel avec autrui et sans devoirs envers lui. C’est une vision aveuglée par la course à l’argent et aux plaisirs à court terme. Les rapports humains doivent être soignés et les consciences doivent réaliser combien notre système économique nous coute cher en bienêtre.

 

Armand Launay

Pont-de-l'Arche ma ville

http://pontdelarche.over-blog.com

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12 août 2018 7 12 /08 /août /2018 16:58

 

 

Recherche historique ou chasse aux fantômes ? Nous nous intéressons à l’ancienne halle de Pont-de-l’Arche démolie en 1857 et qui, jusqu’à plus ample informé, n’a fait l’objet d’aucune représentation hormis son contours sur le plan cadastral...

 

 

L’ancienne halle de Pont-de-l’Arche et son marché
Perspective sur la rue Isaac-Benserade depuis la place de la halle, à Lyons-la-forêt (2013). Cette vue présente quelques analogies avec la place Hyacinthe-Langlois à Pont-de-l'Arche : les maison à pans de bois, une halle vers la partie haute de la place, une légère dépression directement au nord de la halle, une rue qui descend vers le nord (la rue Alphonse-Samain, ancienne rue du pont à Pont-de-l'Arche), des façades à pans de bois, une halle orientée Est-ouest ; la halle archépontaine devant avoir de plus petites dimensions.

Perspective sur la rue Isaac-Benserade depuis la place de la halle, à Lyons-la-forêt (2013). Cette vue présente quelques analogies avec la place Hyacinthe-Langlois à Pont-de-l'Arche : les maison à pans de bois, une halle vers la partie haute de la place, une légère dépression directement au nord de la halle, une rue qui descend vers le nord (la rue Alphonse-Samain, ancienne rue du pont à Pont-de-l'Arche), des façades à pans de bois, une halle orientée Est-ouest ; la halle archépontaine devant avoir de plus petites dimensions.

 

 

À quoi pouvait ressembler la halle ?

Le plan cadastral de Pont-de-l’Arche date de 1834. Signé Le Fébure et consultable aux Archives de l’Eure, notamment en ligne, il montre les limites de l’ancienne halle ; ici au centre de ce détail de la section B (parcelle 254).

Il n’y a pas lieu de douter que la halle était structurée en bois et couverte de tuiles, comme celle de Lyons-la-forêt. Elle semble composée d’un vaisseau principal, où circulaient les badauds, et de bas-côtés réservés aux exposants plaçant leurs étals entre les piliers. Sur le plan, ces bas-côtés sont irréguliers, sûrement afin de moins perturber la circulation sur les voies Paris-Rouen et Pont-de-l’Arche-Léry.

 

 

La halle de Lyons-la-forêt fournit peut-être une idée de ce qu'était la halle de Pont-de-l'Arche avant 1780 avec des dimensions sûrement plus réduites, toutefois. Carte postale des années 1950.

La halle de Lyons-la-forêt fournit peut-être une idée de ce qu'était la halle de Pont-de-l'Arche avant 1780 avec des dimensions sûrement plus réduites, toutefois. Carte postale des années 1950.

 

 

De quel siècle datait ce bâtiment ?

Nous n’en savons rien avant 1780. Une délibération du 24 novembre 1830 nous apprend que la halle a été rénovée en 1780 et 1781. Que signifie “rénovée” ? Était-ce un coup de pinceau ou une reprise des pièces maitresses de la charpente ? Il est possible que la halle soit à l’image du mythique navire de Thésée : composée de pièces changées les unes les autres au fil des âges sans reconstruction de fond en comble à une date précise. Quoi qu’il en soit, la délibération traite de travaux à faire. Il semble que 50 années suffisent à faire vieillir considérablement la halle. La délibération du 9 août 1833 nous apprend qu’une “partie du pavage a été laissé libre depuis la suppression de l’ancienne halle.” Les travaux, alors entrepris par le Département (voir plus bas), ont bien mis à bas la halle ancienne.

Une lecture d'une carte réalisée par Nicolas Magin vers 1702 (visible dans notre article sur le cimetière de la ville) montre un autre emplacement à la halle archépontaine. Il semble s'agir d'un précédent bâtiment situé plus à l'ouest, devant les boutiques des maisons du côté sud de la place. Cette halle, sur un document qui se veut réaliste, est symbolisée par des lignes de poteaux de bois tout comme le sont les avant-soliers, souvent disparus, de maison alentours. C'est l'observation faite par notre ami Frédéric Ménissier. Cela expliquerait pourquoi la place Hyacinte-Langlois s'ouvre dès cet endroit au lieu de se cantonner à une sorte de rectangle autour de la halle telle que représentée sur le plan cadastral. La halle ancienne serait donc plus propice au chargement et déchargement de denrées et matériaux à partir de la route. Elle devait cependant gêner plus la circulation sur la voie reliant Paris à Rouen. C'est ce qui doit expliquer la construction de la nouvelle halle plus à l'Est d'autant plus que la porte de Pons, à l'autre bout de la rue Jean-Prieur, était murée.

 

Pourquoi la halle était-elle à cet emplacement ?

L’emplacement de la halle s’explique. Dans notre étude sur les fortifications de Pont-de-l’Arche, nous avons émis l’hypothèse que les premières fortifications de la ville se concentraient plus près de l’église. Elles devaient aller de la tour de Crosne à l’entrée du pont ancien en passant par l’arc de cercle de la rue Julien-Blin et la place Hyacinthe-Langlois. Si tel fut la réalité, le premier bâtiment de la  halle aurait été bâti directement à côté de la principale porte d’entrée de la ville, au pied du chemin montant vers l’église.

Puis, certainement du temps où Philippe Auguste fit de Pont-de-l’Arche sa principale résidence normande (voir notre étude sur le bailliage), les remparts durent être reconstruits selon un arc de cercle plus éloigné de l’église en direction de la forêt (au sud). Ce serait donc au début du XIIIe siècle que le bâtiment de la halle a été englobé, ainsi que quelques maisons faubourgeoises, dans le Pont-de-l’Arche intramuros. Un espace s’est dessiné.

À en lire les courbes de terrain, la halle étaient idéalement située : elle se trouvait au dessus d’une pente qui existe toujours. Cette pente était pratique pour l’écoulement des liquides usagés (sang, nettoyage...). Elle était située au-dessus de la rue de l’Abreuvoir (actuelle rue Abbaye-sans-toile) par laquelle les Archépontains égouttaient les eaux usagées vers la Seine et vidaient leurs pots de chambre. C’est ce que confirme une délibération du Conseil municipal du 4 mai 1809 où il est question de mauvais écoulement des eaux usées au niveau de la halle : “Les eaux usagées des ruelles plus hautes apportent une odeur nauséabonde qui nuit à la salubrité publique.” Les élus préconisent de percer une évacuation entre la halle et les habitations puisqu’aucun “véhicule n’y peut circuler”. Le passage entre la place du marché et la rue Abbaye-sans-toile devait être plus aisé qu'aujourd'hui. Il faut imaginer, nous semble-t-il, une pente douce et non des marches comme de nos jours.

Les courbes de niveau laissent aussi entendre qu’un ru a dû couler au grand jour le long des actuelles rues Président-Roosevelt et Alphonse-Samain. La mémoire populaire rapporte qu’il y a quelques décennies des puits étaient encore en eau dans le centre ville (cour Ainé, notamment). Ces eaux doivent être depuis pompées et drainées par le système d’adduction urbain. Par conséquent, un ru coulait sûrement près de la halle quand son premier bâtiment a été érigé.

On peut enfin fonder l'hypothèse que des marchands et des clients profitaient de la proximité de la Seine pour transporter plus aisément des denrées lourdes comme les tonneaux de vins ou de saumures. Il leur restait à les transporter par la rue Abbaye-sans-toile ou à s'entendre pour les faire changer de bateaux.  

 

Quelle était la finalité de cette halle ?

La finalité de cette halle est simple. Après la création de Pont-de-l’Arche par Charles II le Chauve entre 862 et 869, la population locale a augmenté autour d’une garnison et d’hommes du roi chargés de l’administration. Il fallut alimenter cette population qui devint plus nombreuse que celle de chaque proche village. La ville étant royale, le privilège d’y créer un marché n’a pas dû poser problème et a dû arranger un officier du roi chargé de gérer cet évènement.

Le marché de la ville se tenait le dimanche d’après les documents que nous avons retrouvés. Ceci sûrement afin que les badauds bénéficient de la messe en l’église Saint-Vigor (actuelle Notre-Dame-des-arts) et entretiennent des liens avec la ville centrale. Le marché, tenu sous la halle, devait être à l’origine de la plus grande cohue de la semaine à Pont-de-l’Arche. C’est d’ailleurs sous le nom breton de cohue que les halles étaient connues en France. Ce nom est tombé en désuétude sauf pour désigner un attroupement. Cet afflux de badauds de la contrée a dû faciliter l’implantation de commerces, surtout de services, autour de la place du marché et ailleurs dans la ville fortifiée. Le reste de la semaine, on peut imaginer que la halle était le lieu d’une sociabilité où, à l’abri de la pluie et peut-être de certains vents, les habitants pouvaient discuter. La halle dût aussi servir de lieu de réunions plus officielles (voisinage, prédications, corporations de métiers...) en l’absence de maison commune.

Nous n’avons pas retrouvé de dénomination particulière comme “halle aux grains” ou “halle aux draps”... La halle de Pont-de-l’Arche a, logiquement, été une halle généraliste où s’échangeaient et vendaient des viandes, des grains, des fruits, des légumes, des œufs, fromages, beurre, des étoffes, outils...

La halle permettait de disposer les produits convenablement, dans un lieu ventilé, et ce à l’abri des intempéries (qui arrivent, parfois, en Normandie). La halle était aussi un lieu de contrôle. Un agent s’assurait que les échanges se fassent pacifiquement en se portant garant des poids et mesures. À cette fin, les halles étaient munies d’outils de mesure et de poids bien réglés. L’agent percevait le droit de halle, d’étalage, de minage (mesure des grains)... Ce revenu permettait de payer son salaire, les réparations du bâtiment et l’officier du roi responsable du fonctionnement et de l’entretien de ce lieu.  

 

Qui furent les propriétaires ou responsables de la halle ?

La délibération du Conseil municipal du 9 août 1833 nous informe que le sol sous la halle appartient bien à l’État. Preuve en est que « le roi percevait tous les droits de halage et de minage consistant dans les droits de coutume et de mesurage des grains, d’étalage des merciers et droits de coutume des autres marchandises, ainsi qu’il résulte de l’adjudication passée à son profit devant le subdélégué de l’Intendance de Rouen le quatre octobre 1784. »

On comprend que l’État, après la Révolution, est resté propriétaire des halles. Cependant, la délibération du 24 novembre 1830 montre que la Ville de Pont-de-l’Arche a paisiblement joui de la halle à partir de 1790 ou 1792. Un différend avait éclaté avec le Département (alors institution d’État). La ville essaya de prouver son bon droit mais les archives communales étaient et demeurent lacunaires. Le Département n’avait pas la preuve que la halle ait été cédée à la Ville de Pont-de-l’Arche. Il rappela à cette dernière un décret de 1806 offrant la possibilité aux communes de prendre les halles en concession. Or, aucune demande ne fut formulée par les élus archépontains (délibération du 18 août 1831). Par arrêté du 10 décembre 1830, le Département décida d’intenter une action auprès du tribunal de Louviers pour récupérer la halle de Pont-de-l'Arche. Les élus de la ville s’inclinèrent, faute de preuve. Ils émirent le vœu de reprendre légalement les droits sur la halle, moyennant finance. C’est ce qui fut fait (délibération du 6 août 1835). La Ville dut 1925 francs au Département : 1500 francs pour la cession par le Département de la halle suivant un arrêté préfectoral du 25 mars 1834 ; et 375 francs pour les intérêts sur le capital sur 5 années depuis que le Département a formulé ses droits sur la halle (17 décembre 1830). Les contribuables archépontains eurent 10 centimes d’imposition supplémentaire sur 7 ans.        

Mais l’enjeu était de taille : la halle offrait une recette non négligeable à la ville. Déjà en l’an XII, la recette de la halle compta pour 18 % des recettes de la ville (206 francs sur 1128,34). En 1818, 1000 francs provinrent de la halle, des marchés et des foires sur une recette totale de 2485,95 fr (40 % des recettes). La Ville ne gérait pas directement la halle et le marché. Comme nous l’apprend la délibération du 24 septembre 1818, la Ville mettait en adjudication la halle et le marché. On adjugeait la gestion du marché au plus offrant. Celui-ci bénéficiait d’un droit d’accès au grenier et au corps de garde (à pied, à cheval ou en voiture). L’adjudicataire percevait les taxes légales et plaçait les commerçants. Il devait faire respecter le règlement dont voici quelques alinéas résumés :

  • 15 centimes de location par quart de mètre sous la halle ;

  • 7,5 centimes dans les rues ;

  • pas de frais pour les cultivateurs qui viennent à la halle sauf pour le mesurage lors de la vente de leurs grains (comme l’usage le consacre) ;

  • 5 centimes par corbeille, hotte, mannequin de nourriture exposé ;

  • 5 centimes par animal présenté au public sur le champ de foire ;

  • les porcs de lait coutent la place prise dans l’objet qui les porte (corbeille, poche, tombereau, charrette…) ;

  • les marchands exposant devant leurs domiciles sont exempts de taxes ;

  • l’adjudicataire paiera les frais de tambour, timbres et frais d’expédition, affiches ;

  • le bail prend fin le 31 décembre 1821 ;

  • le paiement du loyer se fait en pièces d’or ou d’argent, en 4 fois.

 

Début XIXe siècle : vers la fin de la halle

La halle a été confrontée à une nouvelle contrainte : la circulation. Une délibération du 16 février 1809 traita de la prise en compte par les élus d’une pétition à propos du danger de circuler en ville. Il est vrai que des études furent réalisées en ce temps pour frapper d’alignement les bâtiments gênant le plus la circulation. En 1809, les élus règlementèrent le marché : les bouchers de la ville et des autres communes se mettront en deux rangées de part et d’autre de la rue, laissant libre le passage entre l’église et la halle. “Les marchands de boeure [sic], œufs, volailles, gibier, légumes et autres combustibles occuperont toute la place du marché à partir de la maison du sieur Vallet, cordonnier, jusqu’à l’encoignure de la rue Haut... et exposeront devant les façades des maisons de ce côté-là sans nuire aux propriétaires et sans boucher le ruisseau”. Il s’agit du sud de la place Hyacinthe-Langlois. Les élus demandent aux “marchands de potteries” de se placer “au bout de la halle du costé des héritages du sieur Frigard ou Heuvé ou à l’autre costé de la rue de la Fédération [rue Jean-Prieur] à leur choix…”. La halle semble débordée par des vendeurs qui prennent l’habitude d’exposer leurs marchandises à l’air libre ou, du moins, sous leurs toiles.

Même son de cloche dans une délibération du 3 novembre 1823 où les élus arrêtent que le stationnement des charrettes près de la halle, empêchant la libre circulation, sera interdit. Idem dans la délibération du 20 juillet 1831 : “À partir de ce dimanche 24, les postillons et autres conducteurs ne pourront garer leurs véhicules sur la place de la halle à cause du marché. En effet, la présence des chevaux obture le passage surtout pendant la période de la moisson.” Il est question d’affluence au marché entre 6 et 11 heures du matin. L’arrêté est valable de mai à septembre.

Le coup de grâce arrive du Sous-préfet qui en 1857 considéra que la halle n’était plus utile et gênait la circulation (délibération du 12 août 1857). Il suggéra de la démolir. La délibération du 21 octobre 1857 entérina cette demande en arguant que la halle coutait cher en réparations et qu’elle conférait à la ville un aspect hideux vue depuis le nouveau pont. La démolition de la halle fut votée à l’unanimité. Nous sommes au début du Second empire, la France était prospère et commençait à observer le culte de la nouveauté.

Voilà qui sauva MM. Jean Ferrandier et Émile Leblanc. Ils opposèrent aux élus que la disparition de la halle rendit inutile le projet de frapper leurs maisons d’alignement (délibération du 24 mai 1860).

 

 

Le marché vers 1910 se tient à l'endroit de l'ancienne halle. Le buste et le piédestal rendant hommage à Hyacinthe Langlois occupent aussi en partie l'espace laissé vacant.

Le marché vers 1910 se tient à l'endroit de l'ancienne halle. Le buste et le piédestal rendant hommage à Hyacinthe Langlois occupent aussi en partie l'espace laissé vacant.

Le marché dans les années 1950 avant que la ville n'appartiennent aux voitures.

Le marché dans les années 1950 avant que la ville n'appartiennent aux voitures.

 

 

1857 : la place est libre et le vide ressenti.

En 1857 la halle fut démolie. La place du marché naquit. Le marché dominical s’y tient toujours comme témoin des temps passés ou les transaction se faisaient sous la halle. Des foires saisonnières se tinrent dans la ville pour vendre, le plus souvent, des animaux.

Mais la place était trop vide et les temps anciens semblent manquer un peu. En 1868 furent créés par souscription publique le buste et piédestal en hommage à Hyacinthe-Langlois. La place portait déjà ce nom depuis 1865. C’est justice car cet enfant de Pont-de-l’Arche consacra sa vie à la conservation et la mise en valeur du patrimoine médiéval.

Il est dommage que la ville ait perdu sa halle, même une halle tardive. Elle serait profitable au tourisme, au bienêtre des habitants. Lyons-la-forêt attire largement les visiteurs et quelques reconstitutions cinématographiques par ce tourisme agricole. Cette halle a nécessité d’entretenir le caractère rural et normand de cette place. À Pont-de-l’Arche, la circulation automobile et la petitesse de la place ont condamné la halle. Les élus choisirent de transformer le centre ville de Pont-de-l’Arche en cité du XIXe siècle. Cela se lit encore en 2018 : les façades sont généralement enduites et fades, hormis quelques réclames peintes durant la Belle époque et restaurées depuis. Le pan de bois des demeures anciennes est caché et, pis, moisit peu à peu faute de respirer.  

Bel aveu, les travaux de réhabilitation des rues du centre ville, durant le deuxième mandat de Paulette Lecureux, avaient pour finalité de redonner la ville aux piétons. Les voitures étaient et sont toujours intrusives, consommatrices de place et de calme. C’est un blason de la ville, fait en pavés, qui se trouve depuis à l’endroit de l’ancienne halle avouant qu’un élément central de la ville a disparu qui n’est pas totalement remplacé par le marché dominical.  

Risible enfin, les élus de la municipalité dirigée par Dominique Jachimiak avaient voulu créer un parking sur les berges de l’Eure. Pour justifier une demande de subvention à l’agglomération de communes Seine-Eure (CASE), ils avaient proposé de créer une halle, en lointain rappel de la halle qui nous a mobilisé ici. Devant le cout, il fut décidé de créer une demi-halle en béton et en métal. En 1857 c’était la halle en bois qui gâchait le paysage d’entrée de la ville par le beau pont. En 2018, c’est la demi-halle qui gâche le paysage de la ville quand on se trouve sur le pont de 1954.

 

En conclusion

En raison du faible nombre de documents, nous avons émis des hypothèses pour les premiers siècles : la halle de Pont-de-l’Arche a trouvé place devant les anciens remparts de la ville et s’est retrouvée dans les fortifications de Philippe Auguste au début du XIIIe siècle. Elle a trouvé place ici car le roi était maitre des marchés et des halles et la population crut en raison du choix royal d’y entretenir une ville militaire et administrative. Elle a renforcé le commerce dans la cité. La halle se trouvait au-dessus d’une pente vers la Seine où s’écoulait les eaux usagées. Un ru devait passer en ces lieux à une date indéterminée. La halle est devenue désuète car les vendeurs du marché se sont organisés autrement. La halle est devenue un obstacle à la circulation. Elle a donc été démolie en 1857 durant une période de prospérité économique plus portée vers les innovations et l’hygiène publique que par la conservation de vestiges des temps médiévaux, surtout s’ils avaient été remplacés récemment. Le marché, avec l’espace de la place Hyacinthe-Langlois, sont les rappels de l’existence de cette halle où l’on se pressait avant les messes dominicales.  

 

 

Armand Launay

Pont-de-l'Arche ma ville

http://pontdelarche.over-blog.com

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20 juillet 2018 5 20 /07 /juillet /2018 13:09
Richard Jacquet (deuxième en partant de la gauche) entouré d'élus et du précédent Directeur général des services, Christophe Hardy, lors d'une visite de quartier, rue Charles-Michels (cliché Armand Launay, juillet 2013).

Richard Jacquet (deuxième en partant de la gauche) entouré d'élus et du précédent Directeur général des services, Christophe Hardy, lors d'une visite de quartier, rue Charles-Michels (cliché Armand Launay, juillet 2013).

Richard Jacquet est né en 1974 à Rouen. Dès 1989, il démontra son intérêt pour la vie collective en intégrant le comité des fêtes de Pont-de-l’Arche et en créant, avec plusieurs Archépontains, une association de loisirs dénommée « La Caverne des jeunes ». Puis, il contribua à la création du secteur jeunesse au Centre de loisirs associatif, devenu municipal en 2003. Richard Jacquet s'investit dans le théâtre, notamment en participant à plusieurs compagnies amatrices locales. Professionnellement, il devint animateur à l'Accueil de loisirs de Pont-de-l’Arche puis coordinateur des actions pour la jeunesse de la Ville de Sotteville-lès-Rouen. Depuis 2011, il est "chargé de mission" pour la Ville de Grand-Quevilly (dont le maire est Marc Massion, bras droit de Laurent Fabius PS).

 

Un militant et candidat socialiste

On ne connait qu’un seul engagement partisan officiel à Richard Jacquet : le parti socialiste. En 1995, il fut élu conseiller municipal sur la liste de Paulette Lecureux (PS). Il fut nommé conseiller municipal délégué à la communication et adhéra au Parti socialiste à la même époque. En 2001, il devint secrétaire de la section cantonale du PS.

La même année, suite à l’élection de Dominique Jachimiak aux élections municipales, il créa l’association « Questions d’avenir » afin d’organiser une opposition non élue. Il présidait cette association jusqu’en 2013. Devenu principale figure socialiste à l'échelle cantonale, il se présenta aux cantonales en 2004 (22 % des suffrages au premier tour) et en 2011 (18,3 %). Il fut aussi candidat sur la liste PS-PRG aux élections régionales de 2010 mais sans être élu. Idem aux élections départementales de 2015. Idem aux législatives de 2017. 

 

2008-2014 : maire de Pont-de-l’Arche et Vice-président de l'agglomération Seine-Eure. 

Richard Jacquet constitua une liste aux élections municipales de mars 2008 parvenant à rassembler toutes les forces de gauche locales, une première depuis 1983 dans la ville. Cette union a fait de Richard Jacquet le plus jeune maire de l’histoire de Pont-de-l’Arche – 33 ans – en obtenant plus de 47 % des suffrages au second tour. Sa gestion commença avec l'ancienne Directrice générale des services (DGS) : Monika Franz-Jachimiak. Puis, Benjamin Modi fut recruté à ce poste (2009) et laissa place à Christophe Hardy (février 2010). Ce mandat est caractérisé par le développement des services publics malgré une baisse légère mais régulière  des dotations d'État aux collectivités territoriales :

- en lien avec la première adjointe Angélique Chassy, création du Tremplin : maison des initiatives et des ressources (2009) et de l’Espace jeunes (2011) ;

- structuration d’une police municipale (2010) ;

- rénovation lourde de l'Accueil de loisirs (2011-2013) ;

- sauvegarde des archives municipales (2012) et création d'un espace de conservation adapté au sous-sol du Tremplin (2010) ;

- attribution de locaux adaptés à la Banque alimentaire (au Tremplin) qui ouvre désormais toute l'année (2009).

- création d'une résidence HLM (Simone-de-Beauvoir, 2009) et lancement de deux autres (Lucie-et-Raymond-Aubrac, 2013, et Jean-Paul-Sartre, 2013) ;

- trois années successives d'effacement de réseaux (2010-2013) ;

- acquisition d'un columbarium (2013) ;

- création d'une 7e classe (2008) ;

- agrandissement de la cour de l'école maternelle et création d'un préau (2013) ;

- sauvegarde du four à pain du bailliage grâce à des chantiers de jeunes et l'association Chantier histoire et archéologie médiévales (CHAM) ; 

- une réflexion sur la création d'un centre culturel débute qui est suivie par l'acquisition de locaux sur la place Aristide-Briand (2011) ;

- des terrains sont acquis (2012 et 2013) au boulevard de la Marne afin de mettre en valeur des douves ;

- du côté des animations, l'équipe de Richard Jacquet créa les Nocturnes du vendredi (2008), les Olympiades 276 (2012), le Festival "Livres en ville" (2012).

En tant que président de l'EHPAD, Richard Jacquet travailla au financement et au lancement de la troisième grande restructuration de cet établissement hospitalier pour personnes âgées dépendantes. 

Durant ce mandat, un foyer associatif de jeunes travailleurs "Le Prieuré", aidé par la précédente municipalité, fut inauguré à la place de la résidence d'urgence (2009). Le contournement sud de la ville fut ouvert (2010). La résidence privée "Les Marquises" fut livrée (2012). Le Village des artisans "la lisière, l'esprit d'entreprise Seine Eure", porté par la CASE, vit le jour au chemin de la Procession (2014). La restructuration de l’axe Est-ouest débuta par l'importante rénovation conduite par la CASE de la place Aristide-Briand qui perdit son étrange giratoire (2014)…

Le premier mandat de Richard Jacquet participa de la création d'associations, notamment l'Amicale du personnel de la commune et ATLEA fédérant les parents désireux de s'exprimer sur les loisirs des enfants et, notamment, à l'Accueil de loisirs où la gestion associative fut supprimée en 2003 par le maire Dominique Jachimiak.  

Enfin, Richard Jacquet compta parmi les élus mobilisés au côté de l'intersyndicale du personnel de Mreal qui lutta pour la reprise de la papèterie d'Alizay et donc la sauvegarde de l'emploi malgré la mauvaise volonté de Mreal. Cette lutte aboutit sur la reprise de la papèterie d'Alizay par le thaïlandais Double A et donc le maintien d'une partie des employés.

En 2008, Richard Jacquet fut nommé vice-président de la Communauté d'agglomération Seine Eure (CASE) présidée par Franck Martin (PRG). Il fut nommé vice-président au logement, comme l'était son prédécesseur à la mairie. À partir de 2013, il proposa l'étude de la fusion des communes de Pont-de-l'Arche et des Damps, sans rencontrer ni l'hostilité ni la coopération de son homologue des Damps René Dufour.  
À l'issu de son premier mandat, Richard Jacquet était connu pour son investissement auprès de ses concitoyens. C'est ce que confirma le résultat des élections municipales de 2014 où les Archépontains l'élirent, lui et son équipe, avec 72 % des suffrages exprimés face à la liste "Pont-de-l'Arche ensemble".

 

 

2014-2018 : second mandat de maire de Pont-de-l’Arche et Vice-président de la CASE.

Ce mandat a débuté dans la lignée du premier, c'est-à-dire par une contrainte budgétaire croissante. Élus et agents ont travaillé à baisser les dépenses de fonctionnement alors que les dotations d'État ont continué à baisser et que la réforme portant sur les rythmes scolaires a accru les dépenses communales. Cependant, le budget est devenu déficitaire malgré une hausse des impôts locaux (2017). Cette situation difficile a été confiée par l'ancien Directeur général des services, Christophe Hardy, à Paul-Louis Ameztoy qui assume la fonction de directeur de mairie depuis octobre 2017.

Concernant la vie intercommunale, toujours, Richard Jacquet est maintenu dans sa Vice-présidence malgré l'élection du maire du Vaudreuil, classé "divers droite", Bernard Leroy (2014). Il est officiellement en charge des "parcours résidentiels" depuis 2014.

Richard Jacquet, avec Angélique Chassy, première adjointe en charge des finances, et d'autres élus, s'investissent toujours auprès des demandeurs d'emplois archépontains. Après la création d'un forum annuel de l'emploi (premier mandat), les élus ont créé "Les ponts de l'emploi", un dispositif d'accompagnement, de conseil et de formation de personnes choisies pour leur motivation. Ce dispositif connait des résultats encourageants. 

En 2016, la résidence pour personnes âgées "Les Pins", gérée par une association, a été prise en gestion par le Centre communal d'action sociale (CCAS) afin de mieux prendre soin du cadre de vie des résidents que ce les animations ou l'entretien des appartements et des locaux communs.

Du côté des réalisations, en 2017 l'extension de la mairie a été réalisée qui comprend une nouvelle salle des mariages et des conseils, un accueil du public adapté aux personnes à mobilité réduite et un espace de pause pour le personnel. Les anciens locaux ont été redistribués afin de donner aux agents de meilleurs espaces de travail. 

Du côté du patrimoine ancien, des restaurations des vestiges de remparts ont été entreprises et le dossier de rénovation de l'église Notre-Dame-des-arts est constitué (le cahier des charges, la mise en sécurité de la façade sud et le financement d'une première tranche de travaux en lien avec la Fondation du patrimoine).

Le projet de centre culturel a avancé par la réalisation d'une étude de faisabilité. Cependant, le financement de ce lieu culturel vient buter sur les difficultés budgétaires de la commune sans que le projet ne soit abandonné. 

Le tourisme est aussi pensé comme l'atteste le projet d'un appontement, sur l'ile Saint-Pierre, destiné aux croisiéristes de Seine (projet de la CASE et de Rouen-Métropole).

La CASE a rénové la rue Roger-Bonnet (2018) en y créant une bande cyclable.

Les travaux de rénovation de la rue Général-de-Gaulle ont débuté par le remplacement des canalisations (2017), l'enfouissement de réseaux (2018) et la réhabilitation des trottoirs et de la voie (2019) avec arrivée de la fibre optique accroissant le débit de l'Internet.  

Par ailleurs, l'agrandissement de l'EHPAD a pris fin (2017). Il est baptisé Julien-Blin, du nom du maire donateur des premiers locaux de l'hôpital local. La réhabilitation partielle des anciens locaux et du patrimoine ancien s'est poursuivie (2018).

Quant au cadre de vie, les élus travaillent à l'accession à la propriété par les ménages aux revenus modérés et en lien avec des entreprises privées. C'est ce que montre l'inauguration de 4 maisons en juin 2017 dans la rue Docteur-Sorel ; de même que la démolition du Mille club en 2019 afin d'y bâtir des logements (projet en cours). Ceci engendre une communication étrange dans le magazine municipal où il est difficile de faire la part entre communication publique et communication commerciale au bénéfice de l'entreprise privée. Idem pour le projet immobilier, privé, du "parc des remparts" non loin du cimetière (2017). 

Le bureau de la perception ayant été fermé par décision de l'État, les élus archépontains en ont vendu les locaux (2019). Les élus ont proposé aussi de transférer à la CASE la gestion du service destiné à la petite enfance (crèche Bidibul). Ils ont argué que ce service a une vocation intercommunale comme l'a démontré l'ancienne Communauté de communes Seine-Bord qui avait pris la compétence sur cette offre de service public.

 

 

En 2020, Richard Jacquet reconduit pour un troisième mandat.

Malgré une période difficile entre 2017 et 2018, que nous retraçons ici, et malgré un scrutin perturbé par la pandémie de Covid-19, Richard Jacquet son équipe sont élus dès le premier tour avec une participation modérée ; la plus basse des élections municipales archépontaines. Ce scrutin est relaté dans un article de notre blog. Avec Roland Levillain, Richard Jacquet est cependant le seul maire élu (et non nommé) de la ville à avoir été reconduit deux fois à son siège.

 

Développement durable

Le nouveau mandat est entamé sur des promesses écologiques. La première adjointe est Anne-Sophie de Besses. Ses fonctions sont dévolues au développement durable et à la promotion de la santé. Professionnellement, elle est chargée de mission développement durable à l’Agence normande de la Biodiversité et du Développement durable. En 2021, une personne rejoint le personnel municipal : une chargée de mission en développement durable. Ce mandat est riche en réalisations dans ce domaine, très en vogue. Les réalisations les plus visibles sont la création d’un Festival du développement durable annuel (2021) et l’obtention du label Territoire engagé pour la nature (2021).  

Espace culturel et salle de danse

L’espace culturel La passerelle a été inauguré le 24 juin 2023 en présence de son parrain, Michel Bussi, écrivain archépontain internationalement reconnu. La ville est ainsi dotée d’une bibliothèque, médiathèque, elle qui était en grand retard dans ce domaine par rapport aux villes de sa taille. Ce nouveau bâtiment accueille aussi la salle de danse de l’école Érik-Satie, une salle d’exposition et un mini-amphithéâtre en plein-air. Une passerelle, d’où son nom, a aussi été posée entre le boulevard de la Marne et la place Rouville afin d’offrir plus de circulation aux piétons et cyclistes et, notamment, en franchissant l’ancien rempart.  

Patrimoine

Un chantier d'insertion a mis en valeur des douves du boulevard de la Marne en abaissant un ancien mur de clôture qui s'était assez largement effondré (2020). Le projet de rénovation partielle de Notre-Dame-des-arts se poursuit, en lien avec la Fondation du patrimoine. L’ancien bailliage, propriété de la CASE, est partiellement restauré (couvertures, charpentes, façades et menuiseries) (2023). Une mise en valeur de ce même patrimoine a été entreprise par la CASE à travers la réalisation d’une visite touristique numérique (2020). 

CCAS et social

Devenue une propriété du CCAS en 2016, la résidence pour personnes âgées Les Pins sera restructurée. Ses 56 appartements et ses espaces communs seront rénovés pour 7 millions d’euros (annonce de 2022). 

Le Tremplin accueille depuis le 11 mai 2021 une Maison France Services. Sous un label reconnu par l’État, cette maison rassemble une vingtaine de partenaires responsables de l’aide et de l’accompagnement des citoyens. 

Les locaux du Tremplin, centre social créé en 2009, seront remplacés. Grâce au bailleur social MonLogement27, il s’agit de créer une nouvelle résidence de 13 logements ainsi que des espaces publics accueillant le Tremplin (annonce de 2022). 

Un nouveau collège (Conseil départemental)

Les nouveaux bâtiments du collège Hyacinthe-Langlois (propriété du département) ont démarré le 27 aout 2020 pour une ouverture aux élèves le 27 février 2023. Il a été bâti en lieu et place de l'ancien stade municipal Jacques-Havet dont le terrain de foot a été déplacé à la Maison des associations. L’ancien collège accueillera un temps le Tremplin puis sera rasé et cédé à la commune qui entend y bâtir un quartier d'habitation.

Enfance

En 2023, les locaux du Pôle de la petite enfance (ancien service municipal, confié à la CASE) devraient sortir de terre, après un aménagement en 2020, sur un terrain communal situé entre l'ancienne abbaye de Bonport et la gendarmerie. L’entrée de ville depuis Bonport a été rénovée (2023)  de manière à entrer en harmonie avec les aménagements récents de la rue Général-de-Gaulle.  

Santé (projet privé)

Une maison de santé privée a émergé le long du terrain de la Procession (2022), près de la déchèterie.

Sports

Le 18 juin 2022 a été inaugurée La plaine des sports derrière la Maison des associations. Hormis un espace de course à pied de 1,5 km, les terrains préexistaient. Il s’est agi de donner le nom de Jacques-Havet au terrain de football en remplacement de celui qui a disparu afin de laisser place au nouveau collège. Le stade Max-Fournier a bien entendu gardé son nom. 

 

=> Le bilan de Richard Jacquet est retracé dans Pont-de-l'Arche magazine (2008-2014), puis Pont de l'Arche mag (2014-2023), puis Mon MAG notamment accessible en ligne.  

 

Sources

Pont-de-l'Arche magazine

Registre des délibérations du Conseil municipal.

À lire aussi...

Les maires de Pont-de-l'Arche

Armand Launay

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12 juillet 2018 4 12 /07 /juillet /2018 10:31

Merci à Audrey Clier, historienne de formation et journaliste de Paris-Normandie, pour cet article - fourni - consacré aux noms des rues de Pont-de-l'Arche ! 

 

A lire ici

Cliché d'Audrey Clier, Paris-Normandie (juillet 2018).

Cliché d'Audrey Clier, Paris-Normandie (juillet 2018).

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9 mai 2018 3 09 /05 /mai /2018 19:14

=> Le dernier magazine de la mairie de Pont-de-l'Arche contient la première partie de l'article ci-dessous. Il invite ses lecteurs à accéder à la suite de cet article sur ce présent blog.

 

Eustache-Hyacinthe Langlois (Pont-de-l’Arche le 3 aout 1777–Rouen le 29 septembre 1837) fut un artiste et écrivain au service de la conservation du patrimoine médiéval normand.

Le prénom Hyacinthe est précieux autant que littéraire : le nom Langlois est bien normand qui rappelle les Anglois de la guerre de Cent-ans. Le nom d’Hyacinthe Langlois, donné à la place centrale de Pont-de-l’Arche, exprime à merveille le patrimoine médiéval normand et début XIXe de notre ville.

C’est son père, André Gérard, alors officier du roi au bailliage de Pont-de-l’Arche, en charge des forêts, qui choisit le prénom d’Hyacinthe. Beau choix s’il en est, car Hyacinthe est décrit dans les mythes grecs comme un bel homme aimé d’Apollon, dieu des arts et des lettres, père des Muses. André Gérard souhaitait que son fils lui succédât à la charge d’officier du roi, mais le cœur d’Hyacinthe battait pour les arts, lui qui réalisait ‒ enfant déjà ‒ des croquis sur Pont-de-l’Arche, ses habitants, le pittoresque de ses demeures et de son environnement. Quand la Révolution éclata, il avait bientôt 12 printemps. Il put vivre bon an mal an sa passion pour l’art, devenant à Paris l’élève et le modèle posant pour le grand Jacques-Louis David, peintre du Serment du jeu de paume et du Sacre de Napoléon.

 

Esquisse d'Hyacinthe Langlois sur le Pont-de-l'Arche de son enfance. Représenté ici depuis l'ile de La Potterie, actuellement Saint-Pierre (Bibliothèque municipale de Rouen).

Esquisse d'Hyacinthe Langlois sur le Pont-de-l'Arche de son enfance. Représenté ici depuis l'ile de La Potterie, actuellement Saint-Pierre (Bibliothèque municipale de Rouen).

Eustache, son ​premier prénom, lui convient aussi. Inspiré de la commune de Saint-Eustache-la-forêt, près de Bolbec, il désigne en grec, ce “qui porte de beaux épis”. L’art d’Hyacinthe germa, même si pauvre il demeura, avec femme et enfants à Rouen. Il mit le précis de ses gravures sur bois, de sa plume et de son crayon au service de travaux documentaires, soient plus de 1000 dessins et croquis. Il valorisa l’architecture religieuse et civile, la sculpture, le vitrail, le mobilier… et ce principalement de la Normandie médiévale que dépréciaient ses contemporains au profit des arts gréco-romains. Il se fit antiquaire et archéologue, c’est-à-dire historien dans la langue des anciens. Il devint également professeur à l’école des Beaux-arts de Rouen et initia, avec ses amis des sociétés, le musée des antiquités. Eustache le saint médiéval. Hyacinthe le grec rationnel.

Hyacinthe, le personnage des mythes grecs, mourut accidentellement et de son sang naquit la fleur ‒ jacinthe ou iris, c’est selon ‒ symbole du cycle de la nature sans cesse renaissante. Hyacinthe Langlois laissa itou son travail et sa sensibilité à la postérité. Il sensibilisa de nombreux architectes tels qu’Arcisse de Caumont, des auteurs tels que Gustave Flaubert, des artistes tels que Célestin Nanteuil. Écrivain, il légua des nouvelles où il évoque sa fidélité au catholicisme, aux temps anciens, souvent médiévaux et magiques, où il s’échappe du présent le décevant, où il retrouve le soleil de sa jeunesse. Il y campa un paysage nostalgique, annonciateur de l’imagerie gothique, romantique.

Dessin de Polyclès Langlois, fils d'Hyacinthe, pour la réalisation du médaillon devant orner la tombe et la plaque commémorative d'Hyacinthe Langlois sur sa maison natale à Pont-de-l'Arche.

Dessin de Polyclès Langlois, fils d'Hyacinthe, pour la réalisation du médaillon devant orner la tombe et la plaque commémorative d'Hyacinthe Langlois sur sa maison natale à Pont-de-l'Arche.

Aimé, il fut honoré à sa mort par le témoignage de très nombreux amis. Une tombe adossée à un réel menhir l’atteste toujours au cimetière monumental de Rouen. Elle porte un médaillon dessiné par Polyclès, son fils, et sculpté par Pierre-Jean David en 1838. Il porte cette inscription : « À E.-H. Langlois né à Pont-de-l’Arche le 3 août 1777, peintre, graveur, archéologue, la Normandie reconnaissante. » Une copie de ce médaillon fut apposé sur sa maison natale à Pont-de-l’Arche. Levez le regard au-dessus de la vitrine de la boulangerie du bas, “Au fournil de l’arche”, rue Alphonse-Samain.

Photographie du médaillon et de la plaque posés en hommage à Hyacinthe Langlois sur sa maison natale de la rue Alphonse-Samain (cliché Armand Launay, 2011)..

Photographie du médaillon et de la plaque posés en hommage à Hyacinthe Langlois sur sa maison natale de la rue Alphonse-Samain (cliché Armand Launay, 2011)..

En 1865, le Conseil municipal de Pont-de-l’Arche, présidé par Jean-Baptiste Delaporte, décida de baptiser la place du marché (où se trouvait la halle, démolie en 1857) du nom d’Hyacinthe Langlois et ses épis. En 1867, pour le 30e anniversaire de sa mort, un buste en bronze ‒ signé Auguste-Vincent Iguel ‒ fut posé sur un piédestal au centre de la place ; ceci grâce à un comité public. Le buste fut réquisitionné par les autorités allemandes en 1941 pour équiper les armées. En 1953, les édiles firent démolir le ​piédestal, demeuré vide ; en couler un nouveau étant jugé trop cher pour cette période où le passé ‒ peut-être ‒ était plus considéré comme une charge que comme un héritage.

La place Hyacinthe Langlois quand elle portait encore en son point central le buste rendant hommage à l'enfant du pays.

La place Hyacinthe Langlois quand elle portait encore en son point central le buste rendant hommage à l'enfant du pays.

Charmées par la littérature d’Hyacinthe, Simone Sauteur et Anita Patin, enseignantes, donnèrent l’idée de baptiser le collège du nom d’Hyacinthe Langlois. Le baptême eut lieu le 10 octobre 1987, officié par le maire Roger Leroux et la principale du collège Chantal Leroy.

Le souvenir d’Hyacinthe, qui aimait signer “Langlois du Pont de l’Arche“, fit germer l’idée chez son ami Léon Levaillant de Duranville d’étudier l’histoire de notre ville. Il façonna la première marche de l’escalier des études traitant l’histoire de Pont-de-l’Arche.

Une partie des œuvres d’Hyacinthe Langlois sont accessibles, passim, sur le Net.

 

Lisez aussi :

Les monuments rendant hommage à Hyacinthe Langlois à Pont-de-l'Arche, Rouen et Lyons-la-forêt. 

 

 

Armand Launay

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9 novembre 2017 4 09 /11 /novembre /2017 17:19
Le Général de Gaulle acclamé par les Archépontains devant l’hôtel d’Elbeuf (merci à Josiane Chêne-Azuara y oro).

Le Général de Gaulle acclamé par les Archépontains devant l’hôtel d’Elbeuf (merci à Josiane Chêne-Azuara y oro).

Avant 1945, la rue Général-de-Gaulle était nommée « route d’Elbeuf » et parfois « route de Bourtheroulde ». Cela avait le mérite de la clarté. En 1944, les édiles de Pont-de-l’Arche voulurent honorer les martyrs de la résistance locale ainsi que certains chefs d’États alliés contre l’Allemagne nazie ; d’où les rues Jean-Prieur, Charles-Cacheleux, André-Antoine, Alphonse-Samain...

Contre toute attente, c’est le nom du président des États-Unis d’Amérique, Franklin Roosevelt, qui fut donné à la rue principale de Pont-de-l’Arche, c’est-à-dire la rue de Paris (de la place Aristide-Briand à la place Hyacinthe-Langlois). Une logique existe car le général de Gaulle parcourut lui-même la route d’Elbeuf le 8 octobre 1944. Une photographie immortalise cet évènement qui montre Charles de Gaulle devant l’hôtel d’Elbeuf, entouré par des habitants nombreux et disciplinés. Derrière la voiture officielle, d’où est descendu le général, se trouve un porte-drapeau indiquant qu’une gerbe allait être déposée au Monument aux morts, à proximité. De mémoire d’Archépontain, le général se rendit ensuite Au Grand-Saint-Éloi, un restaurant où se réunissait la résistance locale durant le conflit. L’historien local Roland Chantepie relata cet évènement dans un manuscrit intitulé Pont-de-l’Arche à travers les âges. Cet ancien antiquaire y narra que le Général de Gaulle « présida la cérémonie d’inauguration de la rue qui depuis porte son nom, entouré du maire provisoire M. Rohée, du conseil municipal et des principaux membres de la résistance. Une foule délirante, enthousiaste, ne cessa de l’acclamer jusqu’à sa voiture en partance pour Évreux. »

C’est donc le principal coordinateur de la résistance française qui fut loué en 1945 en la personne du général de Gaulle (1890-1970). C’est lui qui, alors qu’il n’était que colonel d’infanterie, appela les Français au combat par son célèbre appel du 18-Juin 1940 radiodiffusé depuis Londres. C’est lui qui décida de coordonner les actions de la résistance française, avec Jean Moulin, quelles qu’en soient les composantes, de l’extrême-gauche communiste à l’extrême-droite royaliste. C’est lui qui contribua, grâce à l’aide de Winston Churchill, premier ministre anglais, à faire reconnaitre la France parmi les nations alliées, niant ainsi la légitimité du gouvernement de Vichy, dirigé par le maréchal Philippe Pétain et collaborant avec l’Allemagne nazie.

D’autres lieux célèbrent en France le président du Gouvernement provisoire de la République française et, surtout, le président de la Ve République que devint Charles de Gaulle en 1959. Citons l’aéroport de Roissy, désormais aussi appelé Charles-de-Gaulle. Ce n’est pas le cas à Pont-de-l’Arche où le nom de Général-de-Gaulle reste seul usité pour dénommer la rue. Pourtant, cet axe réalise la jonction entre la ville médiévale et les nouveaux quartiers notamment issus des Trente glorieuses, ces années où notamment Charles de Gaulle a présidé aux destinées de la France et à sa reconstruction urbaine et industrielle. C’est durant cette période que naquit l’idée de bâtir l’ensemble de l’espace autour de la ville médiévale. Il est plaisant de lire que le nom de Charles de Gaulle, qui avait voulu unir l’ensemble des Français, serve à unir différents quartiers de Pont-de-l’Arche.

L’histoire est ironique, enfin. La rue Général-de-Gaulle est séparée de la rue Président-Roosevelt par la place Aristide-Briand. Aristide Briand reçut le prix Nobel de la paix en 1926 avec Gustav Streseman pour son action en faveur de la paix entre la France et l’Allemagne. Au contraire, le général de Gaulle a montré que souhaiter la paix avec des nations belliqueuses est une forme de faiblesse. Pourtant, pour la grandeur de la France et la souveraineté du peuple français dans le monde et notamment par rapport aux États-Unis d’Amérique, Charles de Gaulle engagea la France dans l’union avec l’Allemagne. C’est ainsi qu’il lança le projet d’union européenne. C’est ainsi que la volonté de De Gaulle s’imprime toujours sur le pays. C’est à la place qui revient à la France dans le concert des nations qu’on peut mesurer si nous sommes restés fidèles au Général. Rompez !

La route d'Elbeuf, future rue Général-de-Gaulle, sur une carte postale datant des années 1910.

La route d'Elbeuf, future rue Général-de-Gaulle, sur une carte postale datant des années 1910.

Armand Launay

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22 septembre 2017 5 22 /09 /septembre /2017 15:10
Quelques jeunes et moins jeunes rassemblés dans le Mille club autour de Paulette Lecureux, adjointe, Aurélie Philippe, Mickaël Dumais et Romain Niaudeau (agents municipaux). (cliché Armand Launay, octobre 2012)

Quelques jeunes et moins jeunes rassemblés dans le Mille club autour de Paulette Lecureux, adjointe, Aurélie Philippe, Mickaël Dumais et Romain Niaudeau (agents municipaux). (cliché Armand Launay, octobre 2012)

 

À Aurélie PHILIPPE,

comme quoi les promesses n’engagent pas seulement ceux qui y croient,

mais aussi ceux, et celles, qui savent attendre...  


 

Lors du conseil municipal du 26 juin 2017, les édiles de la cité archépontaine ont voté la démolition du célèbre Mille club situé à l’entrée de la résidence Pierre-Mendès-France. Est-ce la fin de la politique destinée à la jeunesse à l’échelle de la commune ? Plus encore, quelle est la politique communale en matière de jeunesse ? De quand date-elle ? Comment évolue-t-elle ? Que nous apprend-elle de l’évolution de la société ?  

Vues diverses sur le Mille club et la résidence Pierre-Mendès-France (clichés Armand Launay, avril 2010).
Vues diverses sur le Mille club et la résidence Pierre-Mendès-France (clichés Armand Launay, avril 2010).Vues diverses sur le Mille club et la résidence Pierre-Mendès-France (clichés Armand Launay, avril 2010).
Vues diverses sur le Mille club et la résidence Pierre-Mendès-France (clichés Armand Launay, avril 2010).

Vues diverses sur le Mille club et la résidence Pierre-Mendès-France (clichés Armand Launay, avril 2010).

Les prémices d’une politique pour la jeunesse

La jeunesse, c’est-à-dire l’enfance, l’adolescence et les premières années de l’âge adulte, est une notion complexe. Il est impossible de la restreindre à un âge précis. Il est cependant possible de tracer son évolution depuis un siècle et de distinguer les principales classes d’âge concernées.  

La question de la jeunesse ne se posait guère avant le XXe siècle. Auparavant, l’enfant grandissait sous le regard de la société, participait aux tâches domestiques et professionnelles dès que ses forces le lui permettaient et devenait adulte grâce à l’apparition de qualités physiques et par un rituel de passage tel que le mariage auquel nul, ou presque, n’échappait.

Or, au XIXe siècle la législation française commença à distinguer les enfants des adultes. C’est ce que montre la la loi du 22 mars 1841 qui encadre le travail des enfants engrenés dans la révolution industrielle. Cette loi stipula, par exemples, que le travail avant 8 ans était interdit dans les entreprises de plus de 20 employés et que, avant 12 ans, un enfant ne pouvait travailler plus de 8 heures par jour. Les mentalités et la législation évoluèrent peu à peu. Dans les années 1930, on trouvait toujours des enfants travailleurs, comme, par exemple pour nous, dans les usines de chaussures de Pont-de-l’Arche. Ils étaient désormais employés avec un certificat d’aptitude délivré par un médecin, conformément à la législation. Le travail des mineurs commençait à être perçu comme illégitime à moins que la médecine ne s’y oppose pas. C’est ce dont témoignent toujours les anciens qui étaient entrés dans la vie professionnelle qui à 13 ans qui à 14 ans. Dans ces conditions, le passage de l’enfance à l’âge adulte était rapide.

En moins d’un siècle, la société française devint plus prospère et fut acquise aux idées des Lumières portant sur l’éducation. Il fut, d’une part, globalement possible de scolariser les enfants de plus en plus tard et, d’autre part, l’instruction devint obligatoire à partir de 13 ans en 1882 (lois Jules Ferry), 14 ans en 1936 et 16 ans en 1959. Par conséquent, peu à peu émergea une classe d’âge située entre l’enfance et l’âge adulte marqué du sceau des responsabilités conjugales, parentales, professionnelles et, désormais, politiques.

Parallèlement, l’idée de loisirs prit beaucoup d’importance grâce à une aisance plus large, une réduction progressive du temps hebdomadaire de travail, l’acquis de congés payés (1936) et d’une protection médicale et sociale (1947).

 

C’est ainsi qu’à Pont-de-l’Arche, des années 1930 aux années 1960, les activités destinées à la jeunesse se répartissaient en trois catégories :

- les animations proposées par les enseignants ‒ républicains ‒ du groupe scolaire : les fêtes de la jeunesse, les spectacles et kermesses de fin d’année, fête de Noël (si si), la bibliothèque scolaire... ;

- les animations proposées par la paroisse ;

- les animations participant de la sociabilité communale : la fête patronale Sainte-Anne, la fête nationale, la fête du printemps, la fanfare, les associations sportives dont le football, le théâtre au cinéma L’Éden, les séances de cinéma, des conférences, les fêtes de saison…

Il y avait donc des animations pour les enfants de l’école et des activités concernant l’entière population de la commune. Il n’y avait pas d’activités propres à une classe d’âge intermédiaire entre l’enfance et l’âge adulte.   


Le frémissement d’une politique nationale comprenant la jeunesse, et ayant des répercussions locales, se lit dans le journal L’Industriel de Louviers du 13 mars 1937. Un article explique le travail d’une association, “Les Amis de l’école laïque”, qui vient de créer le « Comité des loisirs ». Affilié au comité national, lui-même issu du Front populaire, il affiche ses objectifs : voyages collectifs, sports, fêtes, bibliothèques... Il précise sa finalité : faire « un appel à la jeunesse, qui pourra bénéficier de grandes facilités pour l’organisation de ses congés. » La question des loisirs et du bienêtre de la jeunesse se trouve dans le milieu associatif républicain et socialiste. Mais pas encore dans les actions et prérogatives de la commune donc de l’administration.

Le maire Roland Levillain au bord du premier cour de tennis construit en 1964. Photographie destinée au bulletin municipal de 1965.

Le maire Roland Levillain au bord du premier cour de tennis construit en 1964. Photographie destinée au bulletin municipal de 1965.

 

Roland Levillain (1959-1977) : la mairie met en place des actions destinées à la jeunesse

Comme nous l’avons vu plus haut, une classe d’âge émerge dans les années 1960 qui sort de l’enfance sans toutefois être adulte de fait et de droit. En clair, il s’agit de collégiens.

Il a été reproché à Roland Levillain, maire de Pont-de-l’Arche de 1959 à 1977, de n’avoir pas agi en faveur de la jeunesse. C’est faux. L’action du premier magistrat se lit à travers deux axes :

- la scolarité avec l’agrandissement et la rénovation des locaux du groupe scolaire et, de même, la réalisation, pour le Conseil départemental, du collège (1967) avec, en préliminaires, l’accueil de classes de 6e, de 5e dans des préfabriqués et, encore, de formations professionnalisantes dans divers bâtiments de la ville (l’école ménagère dans la salle Croizat) ;

- le sport avec l’accompagnement des associations par la construction de structures telles que la piscine, le stade de football et d’athlétisme Jacques-Havet, les terrain de tennis.

On lit ici la vision d’un maire né en 1912. Avec son équipe, il se faisait une représentation classique de la jeunesse qui va à l’école et a besoin de sport et d’activités culturelles. En ce sens, les trois mandats de Roland Levillain ont été bien remplis. Il a joué la carte du promoteur immobilier qu’il était en construisant des infrastructures publiques.

Mais, il n’a pas vu venir l’évolution. Il a laissé vieillir la population du centre ville, comme un chef-lieu de canton d’une zone rurale en perte d’activité, notamment à cause des fermetures d’usines surtout de chaussures. Il n’a lancé aucune construction d’Habitations à loyer modéré (HLM). Il a lancé quelques projets immobiliers privés, l’intéressant parfois personnellement, mais pas après 1972. La population archépontaine a baissé, la désindustrialisation aggravant cette évolution. Elle s’est renouvelée par l’arrivée de jeunes familles extérieures à la commune, motorisées, souhaitant ou étant contraintes de travailler à deux et donc nécessitant une plus grande prise en charge de ses enfants en dehors des liens traditionnels de la famille.

Qui plus est, la jeunesse commença à connaitre le lycée, les études universitaires, le chômage. L’adolescence se prolongea et laissa place à une classe d’âge plus large entre la fin de l’enfance et l’âge adulte où l’individu est autonome et indépendant. C’est durant cette décennie, les années 1970, qu’émergèrent les concepts d’adolescence et de “culture jeune”. Roland Levillain n’a pas adapté la gestion de la commune aux attentes de nouveaux citoyens désireux de plus d’accompagnement de leurs enfants par les services municipaux et le réseau associatif.

C’est ce que montra un projet, tout droit descendu de la politique d’État : le Mille club. Le Mille club était une salle polyvalente accordée à la commune par le ministère de la Jeunesse et des sports afin de promouvoir la cohésion sociale. Les élus archépontains ont, tout d'abord, envisagé de mettre le Mille club dans la Salle d’Armes. Ceci parce qu’on y pratiquait déjà le judo. Cela démontre l’incompréhension des élus qui ne voyaient pas l’intérêt de bâtir un nouveau bâtiment, pour quelle population et avec un nouveau budget alourdissant l’impôt.

Pourtant, Roland Levillain et son conseil acceptèrent officiellement la proposition du ministère lors du conseil municipal du 2 février 1977. Les élus votèrent un budget pour créer une dalle en béton devant supporter le Mille club.

 

Cette même année, 1977, les urnes portèrent la gauche ‒ enfin unie à Pont-de-l’Arche ‒ qui hissa le communiste Roger Leroux au siège de premier magistrat.  

Roger Leroux, en haut, regardant vers sa droite, sur le degré de l'hôtel de ville en compagnie des récipiendaires de la cérémonie de la fête des mères de 1979 (photographie des archives municipales).

Roger Leroux, en haut, regardant vers sa droite, sur le degré de l'hôtel de ville en compagnie des récipiendaires de la cérémonie de la fête des mères de 1979 (photographie des archives municipales).

 

Roger Leroux (1977-1989) : la mairie accompagne les associations et soutient activement les actions en faveur des loisirs des enfants

Roger Leroux était entouré d’une équipe jeune, dynamique, habituée au tissu associatif et désireuse de participation citoyenne. L’offre faite par le ministère de bâtir un Mille club arrivait au bon moment. Cette nouvelle équipe souhaitait rajeunir la population archépontaine et animer la cité médiévale, quitte à alourdir l’impôt considérablement, notamment à cause des emprunts permettant les acquisitions et constructions immobilières et à cause de l’augmentation du nombre d’employés communaux.

Entre tissu associatif et moyens municipaux, les nouveaux élus créèrent des sociabilités officielles telles que :

- l'Association pour les loisirs éducatifs de Pont-de-l'Arche (ALEPA) gérant l’Accueil de loisirs ;

- l'Office municipal des sports (OMS) ;

- le Groupe municipal d'actions culturelles (GMAC).

Les élus menèrent une réflexion sur l’accroissement de la population, son rajeunissement, les services publics nécessaires à son épanouissement. Cette réflexion fut menée, notamment, au sein de la Commission “jeunesse et loisirs”. Elle se traduisit rapidement par la création d’un Accueil de loisirs, d’abord dans les locaux des écoles (1978), une école communale de musique (1978) puis, aussi, de danse (1979), la construction d’équipements sportifs (tennis de table, terrain de rugby…), l’accompagnement des nouvelles associations notamment par des subventions…

Deux lieux symbolisent cette nouvelle politique :

- le plus important est le château de l’Accueil de loisirs acquis en 1980. Il s’agit de l’emplacement actuel. Les élus avaient hésité. Ils avaient tout d’abord envisagé de le créer de toutes pièces dans le quartier du Bon-air, à l’actuelle résidence Pierre-Mendès-France, mais le cout total était insupportable pour la commune. Le château est le pivot des actions destinées aux jeunes depuis lors ;   

- le Mille club, que nous traitons ci-après.

 

Les activités de l'Accueil de loisirs promues dans le bulletin municipal de l'équipe de Roger Leroux, Le Trait d'union n° 29, de novembre 1983.

Les activités de l'Accueil de loisirs promues dans le bulletin municipal de l'équipe de Roger Leroux, Le Trait d'union n° 29, de novembre 1983.

 

Le Mille club (1978) où le symbole d’une politique nationale destinée à la jeunesse

L’équipe de Roger Leroux avait souhaité créer de nouvelles résidences HLM. Prévoyant un rajeunissement de la population, les élus imaginèrent tout d’abord de bâtir l’Accueil de loisirs au Bon-air, près des quartiers à venir. Ils abandonnèrent ce projet, comme nous venons de le voir, mais gardèrent l’idée d’y laisser un espace de sociabilité. C’est ainsi que le Mille club fut bâti à l’endroit indiqué.

Il fut utilisé de suite pour accueillir principalement le judo et la toute nouvelle école de musique et de danse. Il arriva à point nommé pour la jeunesse des nouveaux quartiers de Pont-de-l’Arche, des quartiers à l’architecture nouvelle, pour une population issue notamment de l’extérieur de la ville, moins socialisée.

Néanmoins, la sociabilité de Pont-de-l’Arche se trouvait toujours vers le centre ville. Le Mille club servit surtout de salle associative, pas de lieu de vie spontané de la jeunesse du Bon-air.   

 

La place du Mille club dans les objectifs du ministère  

L’opération “Mille clubs de jeunes” a été impulsée par le ministère de la Jeunesse et des sports (MJS) entre 1966 et 1978. Depuis les années 1950, l’État gaullien était le promoteur de la “reconstruction nationale” de la France. Il construisit, notamment, les barres d’HLM dans les Zones à urbaniser d’urgence (les ZUP), ainsi qu’un réseau de Maisons des jeunes et des citoyens (MJC).

Cependant, au début des années 1960, l’État laissa le soin à des promoteurs privés de poursuivre la reconstruction selon un schéma déterminé. Il lança une vaste opération de construction de 1000 salles polyvalentes pour assurer la cohésion sociale principalement dans les quartiers nouveaux. La cohésion était primordiale dans ces nouvelles quartiers à l’architecture contemporaine, moins propice aux liens que les anciens centres bourgs ou les quartiers ouvriers, et où les gens arrivaient de tout le pays, sans bien se connaitre. Il s’agissait de recomposer une sociabilité, surtout à destination des 15-25 ans, notamment en leur faisant monter eux-mêmes leur local au cœur du quartier. Ce n’était pas une création, mais une action visant à compléter les MJC, dans l’esprit de déconcentration cher à Charles de Gaulle.  

Les Mille clubs étaient des subventions en nature attribuées par le ministère. À charge pour les communes de préparer le terrain, de faire les branchements et de bâtir les fondations. Aucun personnel n’était mis à disposition par l’État. Les jeunes des quartiers concernés devaient assembler les pièces préfabriquées, faire cause commune, faire corps et poursuivre l’aventure par d’autres projets socio-éducatifs de leurs choix (culture pour tous, creuset d’initiatives citoyennes, sports...).

Le cahier des charges requérait des constructions modulables, avec quatre locaux, un coin feu, un coin bar, des constructions standardisées, non laides et de qualité bien que provisoires. Quant à la beauté, on comprend qu’elle se mesurait, alors, depuis les habitudes sévissant durant les Trente glorieuses.  

Le nombre de Mille clubs fut attribué par région. Puis, des commissions départementales choisissaient et accordaient des subventions aux communes les moins riches. La priorité était donnée aux communes jeunes et dynamiques. On comprend alors que Pont-de-l’Arche, gérée par l’équipe de Roland Levillain, fût parmi les dernières communes récipiendaires.

En 1972, 1130 Mille clubs étaient bâtis dépassant les ambitions d’origine et démontrant un besoin parmi les communes et, aussi surement, parmi les entreprises attributaires des marchés. Dans le Plan de construction national adopté en 1971, une deuxième série de Mille clubs fut lancée. En 1978, le total de construction des deux séries fut de 2500 préfabriqués.

Quant à Pont-de-l’Arche, il y fut construit un Mille club d’un modèle poétiquement appelé “CL 480”, de “type Warens”. Ce modèle était construit par l’entreprise “SEAL-A. Béchu architecte”. Il était fonctionnel, sans appui intérieur limitant les mouvements. Avec sa trame de 1,2 m, il permettait une combinaison de panneaux de cloisonnement, sur deux carrés se recoupant en partie. Il faisait 150 m² et coutait 178 000 € TTC à l’État. Après cette expérience, l’interventionnisme de l’État par la commande cessa. Depuis, le soutien de l’État à la cohésion sociale passa par la suggestion et l’orientation de politiques communales par des subventions pour des constructions à la carte.

Mais, revenons à la politique en faveur de la jeunesse archépontaine. Qu’est-elle devenue depuis le virage de Roger Leroux et son équipe ?

Plan d'architecte des projets de Mille clubs (extrait du site mpt-blamont.com).

Plan d'architecte des projets de Mille clubs (extrait du site mpt-blamont.com).

Paulette Lecureux (1989-2001) : la mairie structure ses services et coordonne les actions en faveur de la jeunesse.  

Les successeurs de Roger Leroux n’ont pas remis en cause sa politique. Ils l’ont développée et étendue notamment aux adolescents et aux jeunes adultes. C’est à partir de Paulette Lecureux que l’on peut pleinement parler de politique, c’est-à-dire un débat, une réflexion sur les manières de vivre en société et, surtout, de bien vivre en société. La réflexion a, alors, porté sur l’inclusion des jeunes dans la cité (éducation, loisirs, travail, santé…). Il y a donc lieu de parler de politique pour la jeunesse au niveau communal.   

Dans les années 1970, l