Commentaire après le premier et unique tour (publié le 27 mars 2020)
Sans avancer de résultats fantaisistes ‒ tirés du chapeau ‒ nous avions émis dans notre commentaire du 29 février dernier (ci-dessous), la forte probabilité qu’un seul tour suffise à élire les conseillers municipaux de Pont-de-l’Arche. C’est ce qui s’est produit le dimanche 15 mars où la liste de Questions d’avenir, dirigée par le maire sortant Richard Jacquet, a été élue avec 52,9 % des suffrages exprimés. Ce sont 42 voix qui ont permis à Questions d’avenir de dépasser la majorité absolue (c’est-à-dire plus de 50 %).
La deuxième liste est ‒ sans surprise ‒ celle de Démocratie archépontaine de Patrick Bellamy qui arrive cependant bien après celle du maire sortant avec 20,9 % des voix. Puis, la liste Pont-de-l’Arche ensemble d’Hervé Lour cumule 17,4 % des voix et, enfin, le Rassemblement national autour de William Bertrand obtient 8,7 % des suffrages exprimés.
Résultat du vote réparti par bureaux et en pourcentages.
Une analyse par bureau confirme que le bureau 1, celui du centre-ville, est le plus conservateur de la ville qui a donné à Hervé Lour son meilleur pourcentage. Mais nous sommes loin du temps où ce bureau plaçait en tête des candidats de droite. Il n’est plus spécialement ni bourgeois ni conservateur comme lorsque Pont-de-l’Arche était un centre-bourg commerçant, avec son marché dominical et, qui plus est, siège d’un chef-lieu de canton. C’était encore le cas du temps de Roland Levillain (dans les années 1970).
Le RN national obtient un résultat relativement plus fort dans le bureau 2, celui du Pont-de-l’Arche du sud-Est (collège, rue Charles-Cacheleux...). Le bureau 3, traditionnellement plus à gauche, offre de meilleurs résultats aux listes plutôt de gauche. Quoi qu’il en soit, il n’y a que 10 % de différence entre le résultat de droite du bureau 1 et du bureau 3, ce qui signifie que le choix des citoyens, lors du scrutin municipal, est avant tout fondé sur les forces citoyennes en présence et non sur une orientation idéologique forte, l’ensemble des listes se revendiquant de valeurs républicaines. Le RN traduit cependant un désaveu quant aux listes et partis traditionnels et un manque de confiance dans les candidats dits de l'"establishment", c'est-à-dire issus d'élites, de groupes établis qui se maintiendraient au pouvoir et confisqueraient le pouvoir démocratique.
Des pourcentages qui masquent une abstention record
Les pourcentages ne sont que des proportions. Ils masquent une abstention forte. Si elle était prévisible, l’abstention a cependant atteint un niveau record dans l’histoire de la commune. En effet, sur 3 024 inscrits sur les listes électorales, 1 529 personnes (50,56 %) ne se sont pas déplacées en 2020. Cela fait donc 550 voix de moins qu’en 2014, le nombre d’inscrits ayant ‒ il est vrai ‒ baissé de 46. Ce sont donc près de 500 électeurs qui ont manqué, soit un électeur sur six.
Les résultats n’engagent donc que 49,44 % des inscrits, ce qui s’explique notamment par la panique et l’appel gouvernemental au confinement afin de limiter la propagation du coronavirus, pandémie venue de Chine. L’abstention est cependant moins forte à Pont-de-l’Arche qu'au niveau national (55,25 %). Cette abstention exprime-t-elle un désaveu local pour l’offre de service politique proposée par les candidats ? C’est possible étant donné le travail des élus “lanceurs d’alertes” depuis 2018 qui s’est soldé par l’éviction de leur propre fer de lance, Angélique Chassy. Nombre d’électeurs auront retenu du travail de Démocratie archépontaine l’idée que Questions d’avenir n’est pas si efficace et honnête qu’elle l’annonce mais que Démocratie archépontaine n’a pas été en mesure d’être plus ouverte et prompte au dialogue que le maire en place.
Quant aux votes blancs et nuls, la loi les exclut des suffrages exprimés. Les bulletins blancs et nuls étaient 108 en 2014 et 47 en 2020. À croire que la peur du virus a dissuadé des électeurs de se déplacer pour glisser un bulletin non comptabilisé parmi les exprimés.
Au-delà des pourcentages : qui a gagné de l’audience ?
Quant aux suffrages exprimés, ils étaient 1 998 en 2014 (soit 65 % des inscrits) et 1 448 en 2020 (soit 47,9 %). Il y a donc une baisse de 27,5 % entre ces deux élections. Une liste a-t-elle été plus touchée ?
Oui, il s’agit de cette d’Hervé Lour qui est passé de 561 voix (28,1 %) en 2014 à 252 suffrages en 2020 (17,4 %) soit une baisse de 55,1 %.
Celle de Richard Jacquet est passée de 1 437 électeurs en 2014 (71,9 %) à 766 en 2020 (52,9 %) soit une perte de 46,7 %.
Ces deux listes ont perdu la moitié , ou presque, de leur électorat, donc de leur représentativité et, quelque part, de leur légitimité.
Quant à la répartition des voix en 2020, on mesure aisément que ces pourcentages sont presque remplacés par ceux des deux nouvelles listes : les 19 % de perte du maire sortant se retrouvent dans les 20,9 % de Démocratie archépontaine. La perte de 10,7 % d’Hervé Lour semble s’expliquer par le résultat du RN et ses 8,8 %. Ce serait caricatural de penser qu’il y a eu un parfait report de voix de chacune de ces listes vers les nouvelles équipes, mais une logique existe puisque le RN incarne une droite contestataire et populaire, ce qui est le profil d’Hervé Lour, et Démocratie archépontaine est un peu plus marquée à gauche que Questions d’avenir. C’est ce dont témoignent les déclarations des listes faites en préfecture où Questions d’avenir n’apparait désormais qu’en tant que “divers” et non plus “divers gauche”, voire “socialiste”. Cela traduit le rapprochement de Richard Jacquet et ses proches avec La République en marche. La déclaration en préfecture classe, cependant, Démocratie archépontaine comme “divers gauche”, bien que certains de ses membres n’aient rien à voir avec les tendances de gauche et bien que l’on ne sache pas pour quelles étiquettes les membres de Démocratie archépontaine eussent appelé leurs coéquipiers grands électeurs (maire et adjoints) à voter aux sénatoriales.
La répartition des sièges
Les calculs offrent la moitié des sièges à la liste majoritaire soit 14 élus pour Questions d’avenir. Les sièges restant, 13 donc, sont répartis proportionnellement entre les quatre listes. Ainsi Questions d’avenir glane 6 sièges en sus, Démocratie archépontaine 3 sièges, 2 sièges pour Pont-de-l’Arche ensemble et, enfin, 1 siège pour le Rassemblement national.
Questions d’avenir a, conformément à la finalité de la loi, une large majorité de 21 sièges sur 27, soit plus des ¾ des conseillers. Elle perd cependant 3 sièges par rapport à la précédente mandature.
Quelle conduite à prévoir au Conseil municipal ?
Une opposition de trois élus de Démocratie archépontaine, soutenus par une dynamique associative, doit traverser une longue nouvelle période de vaches maigres et exploiter d’éventuelles erreurs du maire et son équipe. Ils devront battre le pavé et faire le tour des boites aux lettres pour espérer maintenir et grossir une dynamique critique et citoyenne face au maire et son équipe. C’est ce qui explique sûrement le renoncement de 7 colistiers (!), annoncé dans La Dépêche de Louviers le 26 mars, qui ont démissionné à la simple annonce de devoir siéger au conseil municipal.
Ce constat est pire encore du côté de Pont-de-l’Arche ensemble qui, hormis Hervé Lour, n’a pas réussi durant le précédent mandat à trouver des personnes suffisamment motivées et pertinentes pour tenir longtemps leur rôle d’élu d’opposition au Conseil municipal. Cela s’est traduit par un certain rapprochement d’Hervé Lour avec l’équipe majoritaire de Questions d’avenir... tant il est difficile de s’opposer intellectuellement et émotionnellement seul face aux idées d’un groupe majoritaire, qu’on ait tort ou raison.
La nouveauté est l’entrée officielle du RN au conseil municipal. Officielle car durant la précédente mandature avait siégé un temps Doris Perreaux, élue de Pont-de-l’Arche ensemble, et qui était adhérente à titre personnel au RN. Le RN aura donc une voix locale si elle est utilisée. Mais il sera difficile de faire passer un programme national pour une participation pertinente aux questions communales. L’élu RN devra surtout démontrer qu’il est une force de proposition communale pour être crédible à la table des débats. C’est peut-être seulement à ce titre qu’il sera rétrospectivement le gagnant de ce scrutin.
Les élus d’opposition auront la difficulté de se trouver face à un maire expérimenté, qui a construit tout un organigramme autour de lui et rodé sa manière de travailler. Il a conservé un tremplin municipal pour réussir, peut-être enfin, aux élections départementales, régionales voire législatives. Ce sont des horizons qu’il vise depuis près de 20 ans et qui le placent dans le piège des grands projets qui le coupent peu à peu des préoccupations des habitants.
Richard Jacquet rejoint quoi qu’il en soit Roland Levillain au rang de maire réélus deux fois et réalisant trois mandats. C’est un des deux gagnants, presque par défaut d’opposition et de vitalité citoyenne, de ces élections.
Quel positionnement politique et idéologique à venir dans la commune ?
Le maire s’est bâti un espace politique centriste, se faisant passer pour non partisan, neutre, au-delà des idéologies comme si cela était possible. Il a contribué à la dilution du message de gauche à l’échelle communale. Déjà entre 2008 et 2014 le courant communiste s’est éteint après le départ d’Arnaud Levitre qui contribua à l’élection de Richard Jacquet en 2008, devenant adjoint à la culture avant de démissionner et de devenir, plus tard encore, maire d’Alizay. Qui plus est, depuis 2014, c’est la fin du courant socialiste, qui n’a jamais été ni vindicatif ni formateur de l’opinion publique locale, qui se produit avec la fin du seul et simple affichage de gauche aux élections puis le siphonnage de ses cadres et nombre de ses militants par La République en marche d’Emmanuel Macron, ceci entre la fin de l’année 2016 et le début de 2017.
Or, à Pont-de-l’Arche, aucune mouvance politique d’extrême-gauche, ni même de gauche gouvernementale n’a perduré. Une mouvance n’est pas qu’une idéologie, un parti national désincarné autant que lointain, mais une sociabilité militante, appelant à la réflexion et à la mobilisation.
Le vote contestataire est donc réapparu dans la ville du côté du Rassemblement national. La mauvaise gestion budgétaire du maire et sa volonté manifeste de cacher la réalité des finances communales, doublée de la stratégie modérée de Démocratie archépontaine, marchant sur les plates-bandes de Questions d’avenir, ont dégagé localement un petit espace au Rassemblement national.
Enfin le maire, Richard Jacquet, se sort bien de ce mandat calamiteux. Après avoir perdu une grande minorité de ses élus par la scission de 2018 ; à cause d'un lourd déséquilibre, la gestion du budget communal a été déléguée à la demande du maire, pendant quelques mois, par le service financier de la CASE (une première dans l’histoire de la ville, le maire ayant même souhaité donner un chèque-cadeau de 100 € pour chaque agent de la CASE ayant travaillé au budget archépontain, avant une invalidation de ce chèque par la préfecture) ; après la promesse de bâtir un centre culturel surdimensionné et engendrant une hausse, à venir, des impôts locaux ; après tout cela... le maire se faire réélire avec l’apparence d’un assentiment populaire alors que le peuple décroche.
Commentaire du 29 février 2020 avant la tenue du scrutin.
Les élections municipales auront lieu les 15 et 22 mars... Tout du moins s’il y a besoin d’un second tour. En effet si, dès le premier tour, une liste obtenait la majorité des suffrages, elle bénéficierait de la moitié des sièges à pourvoir. Dans une commune de la strate de Pont-de-l’Arche, 27 personnes sont à élire. La liste gagnante aurait d’office 14 sièges. Le reste des sièges serait distribué proportionnellement au nombre des suffrages exprimés, du moins pour les listes réalisant plus de 5 % des suffrages exprimés. Ceci est clairement favorable à la liste vainqueuse afin de lui dégager une majorité nette facilitant son exercice du pouvoir. La liste majoritaire se choisira des représentants à l'intercommunalité.
S’il n’y avait pas de liste obtenant plus de 50 % des suffrages au premier tour, un second tour serait organisé. Y participeraient les listes ayant obtenu plus de 10 % des suffrages exprimés au premier tour. Ceci laisserait la possibilité d’un appel au report des voix d’une liste vers une autre. Les listes encore en lice pourraient fusionner si elles le souhaitaient et s’y entendaient.
Pour se rafraichir la mémoire concernant les élections municipales de 2014, cliquez ici.
La situation politique locale de 2014 à 2020 (pour approfondir ce sujet, cliquez ici)
Il s’agit du second mandat de Richard Jacquet (PS), élu avec 71,92 %, dès le premier tour, en 2014. Il rassembla sur son nom plutôt les suffrages de gauche, étant donné qu’il fut le rassembleur de plusieurs partis et différentes opinions de gauche en 2008. Ceci n’empêcha pas que des personnalités plus conservatrices ou libérales s’allient au maire sortant. Face à Richard Jacquet et sa liste, baptisée Questions d’avenir, dans la lignée de l’équipe élue en 2008, s’est trouvée la liste d’Hervé Lour dénommée Pont-de-l’Arche ensemble. Cette dernière n’obtint en vertu ‒ ou vice ‒ des calculs électoraux, que trois sièges.
Durant ce mandat, des réalisations ont eu lieu telles que l’agrandissement de la mairie, la rénovation de la rue Général-de-Gaulle ; des réalisations assez cantonnées sur la construction d’édifices et infrastructures neufs, faisant appel à la commande publique. Mais ce mandat laisse une impression mitigée par rapport au mandat précédant. En effet, les services publics municipaux ont plutôt été maintenus que développés, exception faite de la municipalisation de la maison de retraite “Les Pins” dont la gestion par une association avait été jugée défaillante. Ce bilan modéré s’est produit dans une période de fermeture des services publics de l’État qui s’est soldée, dans la ville, par la disparition du Trésor public. De plus, un recrutement à un poste de direction a été effectué en 2015. D’après l’élu d’opposition Hervé Lour, il aurait été réalisé sur la base de réseaux de connaissances au sein du Parti socialiste local et non sur les seules compétences et la seule notion d’intérêt général.
Bien des électeurs ont eu l’impression de perte de vitalité associative au sein de Questions d’avenir et d’institutionnalisation de ses principaux élus. Questions d’avenir a commencé à se scinder en 2017 entre partisans et sympathisants de la République en marche (LREM) ou fidèles aux partis antérieurs, c’est-à-dire de gauche gouvernementale. Des élus de la liste Questions d’avenir n’ont jamais trouvé leur place dans l’analyse de dossiers ou en tant que relais des opinions archépontaines au sein du Conseil municipal. Pis, lors des élections législatives, l’adjointe à l’urbanisme et le Directeur général des services ont fait campagne pour le candidat LREM, Bruno Questel, face au maire Richard Jacquet. Bien loin d’être en rupture, il semble que ce fait ait trahi le positionnement devenu plus ouvert ‒ pour ne pas dire opportuniste ‒ du maire en matière partisane.
L'institutionnalisation des principaux élus s’est manifestée aussi dans des actions : le passage en force sur la création d’une bande cyclable dans le cadre de la réhabilitation de la rue Roger-Bonnet, par la CASE, et sans prendre en compte l’avis des riverains ; des choix d’économies assez révélatrices comme la réduction des décorations de Noël, la fermeture de la piscine de l’Accueil de loisirs un été, la limitation du Banquet des anciens en reportant l’âge des convives de 60 à 67 ans et l’âge des récipiendaires du colis des anciens de 60 à 80 ans, le projet de fusionner avec Montaure et Tostes sans autre finalité que de prétendues économies ; la fermeture de l’accueil du public en mairie le matin...
Enfin, un autre point de rupture s’est dessiné autour de ce qui peut apparaitre comme un reniement. Nous traitons de la construction projetée de la crèche intercommunale sur un terrain municipal proche de l’entrée de l’ancienne abbaye de Bonport. C’est pourtant en partie sur l’opposition au projet de lotir ce terrain que Richard Jacquet et ses colistiers ont été élus en 2008 face à Dominique Jachimiak, maire qui avait prévu ‒ un temps ‒ d’y faire construire un supermarché. De plus, après avoir promis la valorisation du centre ville comme lieu de sociabilité, la logique consumériste domine désormais chez les élus majoritaires autour de la construction d’édifices neufs, accessibles aux voitures, et de la consommation d’espaces non bâtis. On peut adjoindre ici l’acceptation par les élus du projet ‒ privé ‒ de déplacer le centre médical des Tilleuls en haut de la rue Charles-Michels, près de la maison forestière.
L’élément le plus sombre de ce mandat se situe au niveau des finances et de la transparence du maire envers ses concitoyens et ses propres élus. En 2018, un contrôle de la Chambre régionale des comptes a révélé quelques irrégularités (des subventions non versées comme celle allant au CDIS, c’est-à-dire à la caserne des sapeurs-pompiers). Celles-ci ont permis à certains élus de la majorité d’apprendre que le budget communal était déficitaire, en cessation de paiement, avec des factures non déclarées et en retard de plusieurs années. Il faut adjoindre à cela quelques dépenses semble-t-il indues. Ceci a été révélé par des agents et des élus entre le départ de l’ancien directeur général des services et le nouveau. Le maire a reproché aux élus lanceurs d’alertes d’avoir révélé ces informations à la population. Il leur a demandé de signer une charte de bonne conduite stipulant qu’ils devaient se taire après débats internes. Neuf élus ont été exclus du groupe Questions d’avenir ou l’ont quitté. C’est ainsi que 6 élus ont fondé une association d’opposition : Démocratie archépontaine.
Jusqu’en 2018, la politique locale se lisait, sans les conversations et sous la plume des journalistes locaux, principalement Thomas Guilbert pour La Dépêche de Louviers, à travers l’action du maire Richard Jacquet. Depuis lors, c’est plutôt à travers les questions des membres de Démocratie archépontaine que le débat politique local s’est tenu.
Les listes en lice...
Démocratie archépontaine…
Cette liste est née de ces deux oppositions décrites ci-dessus : celle des six élus Lanceurs d’alertes à partir de 2018 et celle d’une partie de la population qui ne se retrouve pas ‒ ou plus ‒ dans l’action du maire sortant Richard Jacquet.
Cette liste est née d’une dynamique associative, avec une consultation citoyenne large réalisée en 2019 et ayant obtenu la réponse de 300 Archépontains. Elle représente plutôt un gage de renouvellement du personnel politique et de ses relations, ses accointances. Cependant elle comporte en elle une partie de l’équipe municipale élue entre 2001 et 2008 autour de Patrick Bellamy, qui fut adjoint au maire Dominique Jachimiak. Renouveau, expérience et/ou ancien temps.
Cette liste se revendique du bon sens, notamment en limitant les dépenses de la commune, principalement le couteux ‒ et peut-être illusoire ‒ projet de centre culturel prévu sur la place Aristide-Briand. Elle se revendique aussi de la transparence en matière de décision et de finances.
Mais cette liste s’est sabordée en janvier 2020. Quelques membres du bureau de Démocratie archépontaine ont reproché à leur tête de liste Angélique Chassy, première adjointe aux finances jusqu’en 2018, d’être à la fois non-malléable mais aussi fragile. À 8 semaines du premier scrutin, ce choix peut laisser perplexe : si la tête de liste ne satisfaisait pas tous les membres du bureau, pourquoi ne pas l’avoir écartée et, surtout, rétrogradée dans la liste auparavant et ce avec concertation ? Si elle était fragile, pourquoi était-elle le fer de lance de cette association ? Si elle n’était pas malléable, pourquoi s’était-elle entourée de personnes issus d’horizons divers : actuels élus, citoyens désireux de se présenter pour la première fois, anciens élus d’avant 2008 ? Deux chefs d’accusation antinomiques qui ‒ qu’on nous pardonne cette analogie ‒ comme pour Socrate, accusé d’être athée et de créer de nouveau dieux, semblent être des prétextes plus que des raisons. L’exclusion d’Angélique Chassy n’a, à ce propos, fait l’objet d’aucun vote, d’aucun débat argumentatif au sein de l’association Démocratie archépontaine et de ses colistiers. Il semble que des ambitions individuelles se soient déclarées ‒ certes tardivement ‒ bien qu’Angélique Chassy ait diplomatiquement annoncé à la population qu’elle se retirait pour une raison professionnelle. Des membres de cette association ont aussi perdu confiance envers Angélique Chassy qui aurait menacé, en décembre, de se démettre de la tête de la liste. Le manque de confiance réciproque s'est donc installé entre les colistiers. Démocratie archépontaine a d’ores-et-déjà montré une limite entre ses prétentions démocratiques et sa capacité d’écoute et de décider selon des critères de raison et non de rapports arbitraires et individualistes. Cela rappelle un étrange procédé qui eut lieu aux élections de 2001 où, entre les deux tours, la tête de liste Claude Blot fut remplacée par Dominique Jachimiak, mieux placé dans les résultats alors par tête et non par liste, et ce malgré l'avis du premier intéressé et malgré la surprise de l'électorat.
Quid de ce sabordage donc ? Les membres du bureau de Démocratie archépontaine se surestiment-ils quand ils croient pouvoir être élus sans Angélique Chassy qui a regroupé autour d’elle de nombreux membres de Démocratie archépontaine et des sympathisants appréciant à la fois son investissement depuis 2008 et son relationnel sincère et dynamique ? Angélique Chassy est une figure qui incarnait une opposition au maire par son expérience et son absence de calcul partisan. Depuis lors, le débat public semble être de nouveau issu des initiatives du maire sortant, bien relayé par La Dépêche de Louviers.
Si elle possède une vitalité citoyenne, Démocratie archépontaine ne se distingue pas, en apparence et sur les documents à l’attention du public, par une philosophie politique différente de celle de Questions d’avenir. Elle risque d’en payer les frais d’autant plus que de nombreux habitants préfèrent la certitude d’avoir un maire connaisseur, même s’il a failli sur des points cruciaux et qu’il s’est institutionnalisé, que des moins-connus, voire méconnus, qui tiennent un discours proche du maire, mais avec des promesses de meilleure moralité et de sobriété budgétaire.
“Pont-de-l’Arche ensemble” avec le maire sortant ?
Cette liste existait déjà en 2014 autour d’Hervé Lour, un ancien sapeur-pompier de la Ville ayant évolué depuis en grade en dehors de Pont-de-l’Arche. Pont-de-l’Arche ensemble a obtenu trois élus suite aux élections de 2014. Démissions officielles et démobilisation officieuse caractérisent ses élus sauf Hervé Lour qui est demeuré fidèle à son siège. De sensibilité de droite, ce groupe n’a pas eu de vie associative réelle durant le mandat. La vigilance et la force de proposition des élus de Pont-de-l’Arche ensemble ont été rares et faibles durant les conseils municipaux de la mandature. Plus étonnant, les votes d’Hervé Lour, ces derniers mois, ont été en accord avec ceux de Questions d’avenir. Ce comportement est d’autant plus déroutant qu’Hervé Lour a préféré rejeter les élus qui ont fait scission de Questions d’avenir à cause de la gestion défaillante et de la communication insincère du maire sortant. Il lui était pourtant possible de brandir-là la preuve du manque de rigueur et d’efficacité du maire sortant sur ces points. Au lieu d’exploiter la faille, il a préféré la minimiser et viser plutôt le challenger que le leader, à croire qu’il n’espère qu’une deuxième place.
Il n’y a pas eu de formation de nouveaux citoyens à la politique locale durant le mandat mais l’inclusion de personnes durant les mois précédant les élections afin de dresser la liste des candidats.
Ayant réalisé 28 % des voix en 2014 avec pour colistier un ancien maire de la ville, Dominique Jachimiak, peut-on envisager un meilleur résultat en 2020 étant donné les déçus du maire sortant ? C’est peu probable car il risque d’y avoir une dispersion des voix entre les trois listes d’opposition ainsi qu’une hausse de l’abstention.
Le “Rassemblement national” peut-il être un Rassemblement local ?
William Bertrand est un entrepreneur à la retraite, habitant Pont-de-l’Arche depuis plus de 25 ans. Son étiquette partisane ne doit pas tromper : le Rassemblement national fait sa promotion durant des scrutins locaux en vue des scrutins nationaux où ce parti glane bien plus de suffrages. Il est difficile pour ce parti, brocardé de tous côtés et ayant souvent des élus avérés malhonnêtes, de recruter pour ses listes des citoyens crédibles dans un rôle représentatif. Ne voulant pas être incisif, nous nous contentons de mesurer que la majeure partie des candidats locaux du RN prêtent leurs noms et apportent leur caution à un ensemble de revendications nationales bien plus qu’ils ne veulent ‒ et peuvent, souvent ‒ s’investir pour l’intérêt général. Le Rassemblement national pourra-t-il réunir 27 Archépontains, surtout des personnes crédibles dans cette mission ? C’est une première interrogation. Si tel était le cas, combien de suffrages pourrait-il rassembler sur son étiquette ? Un scrutin national permet au RN d’espérer de nombreuses voix à Pont-de-l’Arche, comme dans tant de communes. Marine Le Pen fit 29,33 % des suffrages exprimés au premier tour en 2017, la plaçant en tête de tous les candidats. Mais le scrutin local se décide surtout sur les noms des candidats, leur crédibilité, leur investissement dans la vie locale. Cela ne s’improvise pas et le fait que la tête de liste soit habituée aux scrutins locaux ne lui donne pas meilleure publicité qu’un investissement ‒ plein et entier ‒ dans le tissu associatif ou la vie culturelle et politique locale.
William Bertrand, en haut et à l'extrême-droite du cliché, et des représentants locaux et régionaux du Rassemblement national, dans sa propriété (capture d'écran en date du 29 février 2020 de la page Facebook du RN en Normandie).
La campagne de Questions d’avenir
La campagne de Questions d’avenir repose sur une expérience datant de 25 ans. Richard Jacquet fut élu avec Paulette Lecureux (PS) entre 1995 et 2001, puis opposant associatif entre 2001 et 2008, et maire depuis. Dans le privé ‒ si l’on ose dire ainsi ‒ il est “chargé de mission” à la mairie PS de Grand-Quevilly. La communication de Questions d’avenir est donc rodée et réfléchie. Les supports de communication de cette liste et de la mairie sont travaillés par le même graphiste professionnel et se situent ‒ à défaut d’être identiques ‒ dans une esthétique semblable. Ils confèrent donc un caractère officiel et professionnel à la liste de Questions d’avenir. La communication de Questions d’avenir est d’autant plus efficace que les équipes concurrentes se sont cantonnées à des documents amateurs, bricolés, ne mettant pas en lumière le contenu, voire le desservant.
Le discours de Questions d’avenir repose sur l’argument ex-cathedra, c’’est-à-dire celui du maire qui parle depuis son siège. C’est lui qui a choisi ses colistiers et non un groupe de citoyens actifs réunis en association. La vie associative de Questions d’avenir a été quasi-inexistante durant le mandat. La vitalité de l’équipe majoritaire, nous l’avons montré, a surtout résidé dans les heurts nés de la division du groupe entre partisans de LREM et de la gauche gouvernementale et entre ceux qui admettaient de se taire sur le déficit budgétaire de la commune et la volonté du maire de la cacher aux administrés. Le maire a commencé à réanimer le groupe de Questions d’avenir durant l’été 2019 autour d’élus minoritaires ‒ étant donné les défections, les abandons et les exclusions ‒ qui ont continué à le suivre. Puis, il s’est adjoint des personnes motivées et impliquées dans la vie publique, notamment un transfuge de Démocratie archépontaine ayant repris l’idée de Conseil consultatif de citoyens, sous un autre nom. Ce sont donc des personnes nouvelles mais ayant déjà admis de siéger autour d’un chef et d’un débat encadré.
Le programme est bien travaillé et relayé, au moins dans la forme, par les personnes pressenties pour être adjointes : nature, sérieux budgétaire, intercommunalité, emploi, bienêtre des habitants, écoute des citoyens. Ce sont les promesses attendues de citoyens bienveillants et positifs ; des promesses attendues chez toutes les listes si bien qu’il est difficile de les départager à l’aune des promesses. Le programme de Questions d’avenir comporte toujours le projet de centre culturel. Pourtant c’est un dossier qui parait irréaliste tant les finances de la Ville sont faibles ‒ quoique tout juste équilibrées en 2020 ‒ le maire répétant à l’envi que l’État se désengage des dotations aux collectivités territoriales. Ce dernier propos étant juste, on imagine mal comment la Ville trouverait un budget de fonctionnement permettant d’ouvrir et animer un centre culturel (budget évalué à 200 000 € supplémentaires par an). Une intercommunalisation de services et la vente de bâtiments communaux ne parait pas équilibrer financièrement ce projet. Une hausse des impôts locaux, plus forte que celle votée en 2015 par l’équipe de Questions d’avenir, parait donc nécessaire à ce projet, même si elle n’est pas mise en évidence dans les programmes. Quand bien même, puisque la baisse des dotations d’État grève de plus en plus le budget archépontain, entre autres, aucune équipe d'élus ne pourra se permettre de maintenir les taux d’impositions.
Y aura-t-il un second tour ?
C’est probable, mais pas certain. Qu’il y ait une érosion de la liste de Questions d’avenir et de son meneur Richard Jacquet est une évidence. Malgré la prime au maire sortant et les voix des familles et proches des nouveaux candidats, il y aura une perte de voix par rapport à 2014 et ses 71,92 %. Mais la liste de Démocratie archépontaine s’est sabordée 8 semaines avant le scrutin et a perdu une partie de sa crédibilité et des soutiens d’Angélique Chassy. La liste d’Hervé Lour a-t-elle apporté une vitalité ou un débat éclairant sur la vie politique municipale ces dernières années ? Le RN saura-t-il monter une liste crédible et, quand bien même, un scrutin municipal n’est pas le lieu ou le moment de l’expression de ce type de votes protestant contre des actions politiques nationales et internationales (souverainisme, immigration, antiparlementarisme...).
Chance est donnée au maire sortant et sa liste d’être en tête devant deux listes récupérant les voix des déçus. Il ne serait pas étonnant que 50 %, et plus, des suffrages exprimés se portent sur Questions d’avenir, dans quel cas le second tour n’aurait pas lieu. Démocratie archépontaine et Pont-de-l’Arche ensemble auraient donc leurs groupes d’élus.
L’abstention augmentera traduisant, d’une part, le désaveu national du peuple dans des élites déconnectées de ce qui fait l’intérêt général et, d’autre part, le fait que des électeurs attendaient la candidature d’Angélique Chassy ou ne voient pas de liste convaincante.
Enfin, notre tableau est peu réjouissant et peut démotiver au vote. Ce n’en est pas l’objectif mais il nous a semblé intolérable de cacher la réalité. L’écueil politique local se trouve, à notre sens, dans le fait que c’est essentiellement tous les 6 ans que les habitants sont sollicités et, pour certains, s’intéressent à la vie municipale et locale. lls n’en connaissent que le relief et laissent le champ libre aux élus. Il conviendrait que chacun s’investisse régulièrement, ne serait-ce qu’en se tenant au courant et en sollicitant ses élus, afin que la démocratie représentative ne soit pas que la représentation d’une partie des citoyens et d’un clientélisme de ceux-ci auprès des autres.
Ajout du 12 mars 2020 :
Liste des candidats de Démocratie archépontaine :
Patrick Bellamy, Myriam Rasse, Laurent Montlaurd, Marion Steer, Christophe Otero, Anita Hervieux, Guy Cottrez, Mélanie Hamon, Sébastien Da Costa, Sandrine Dolla, Olivier Molho, Karine Demarest, François Hagen, Charlotte Ricouard, Michel Lacombe, Sandrine Vandensteen, Éric Barillé, Sophie Rabl, Stéphane Bréham, Géraldine Sublet, Fabrice Fuzeau, Marlène Schneider, Romain Boitelle, Estelle Duriez, Geoffroy Bosquillon de Jenlis, Nicole Cliville, Gérard Demarest.
Liste des candidats de Pont-de-l’Arche ensemble :
Sébastien Berrenger, François Biquillon, Rodolphe Cariou, Mélanie Carré, Midried Charpentier, Marie-José Gonord, Hervé Dehame, Marc-Antoine Deloire, Sigrid Demon, Angélique Duhamel, Véronique Fort, Béatrice Galliot, Roland Garreau, Adrien Henry, Chantal Infray, René Infray, Jérémy Jacob, Déborah Lair, Marc Lévy, François Loison, Valérie Louchel, Hervé Lour, Maria Mendes de Brito, Reynald Mentré, Julie Morisse, Françoise Picard, Jean-François Roussel.
Liste des candidats du Rassemblement national :
William Bertrand, Sylviane Defresne, Sylvain Forfait, Claudine Lefevre, Patrick Leroy, Jeanne Leroy, Yannick Leroy, Mylène Lémery, Philippe Devillers, Laëtitia Flambard, Pascal Renard, Muriel Brunet, Jérôme Libercé, Danièle Launay, Sylvain Flambart, Katia Boucher, Pierre Calle, Evelyne Damesne, Jacky Desmonts, Reine Guérin, Jean-Pierre Lendormy, Jocelyne Deshais, Pierre Dffacis, Hélène Girard, Louis Boulnois, Adrienne Lesueur, Patrice Jacquot.
Liste des candidats de Questions d’avenir :
Mourad Afif-Hassani, Danielle Bertre, Karine Botté, Daniel Breiner, Arnaud Damien, Maryvonne Davot, Anne-sophie de Besses, Nadine Deschamps, Manuella Ferreira, Pascal Ferreira, Ludovic Guiot, Carole Hervagault, Monique Infray, Richard Jacquet, Marie-Claude Lauret, Anthony Le Pennec, Corentin Lecomte, Hélène Lepresle, Majo Maire, Pascal Marie, Philippe Mauger, Albert Naniyoula, Aurélie Philippe, Mikaël Polard, Jessica Pousset, Léon Taisne, Cédric Viguerard.
Armand Launay
Pont-de-l'Arche ma ville
http://pontdelarche.over-blog.com
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