La rue des Soupirs est située le long du parc de la mairie. Nous avons noté déjà dans cette rue deux éléments de patrimoine : un mur en bauge et des stigmates de bombardements de 1944. Ce nom intrigue, de quels soupirs est-il question ?
Le plus ancien document, que nous ayons retrouvé, qui note le nom de rue des Soupirs date de 1917. Il questionnne une rue des Soupirs du camp aux Anglais.
Nous nous plaisons à relier ces soupirs aux noms de lieux, près des villes, qui font joliment référence aux herbes folles où folâtraient les amoureux : le Bel ébat à Evreux, la Côte des amoureux à Louviers et la Côte d’amour à Pont-de-l’Arche... Pour ne citer qu'elles.
Lucien Barbe, auteur du Dictionnaire du patois normand en usage à Louviers et environ, nous apprend que la Côte des amoureux, à Louviers donc, était nommée la "Côte à mamours" en dialecte normand. Faire des mamours signifie faire des bisous, des papouilles, des câlins… Ces pratiques expliquent le besoin de se retrancher non loin de la ville mais déjà dans une certaine intimité...
Quant aux soupirs, au figuré, ils désignaient l’amour. L’expression soupirant nous est restée aujourd’hui qui désigne celui l'expression de celui qui se languit d’amour.
Enfin, la rue des Soupirs est située non loin de la Côte d’amour, nom inusité de nos jours et que l’on retrouve dans les cartes postales des années 1910. Cet endroit, situé près de l’ancienne poste, a été recouvert par l’avenue De-Lattre-de-Tassigny afin de permettre l’accès au nouveau pont de la ville (1955). On retrouve le nom de Côte d'amour depuis au moins 1782 comme en témoigne un dessin que nous reproduisons ci-dessous.
Quand les noms officiels rejoignent la poésie… et la remplacent quelque peu !
La Côte d'amour, un joli nom de lieu archépontain encore usité dans les années 1910 comme en témoigne cette illustration de carte postale.
Sur cette autre carte postale, quelques jeunes prennent du bon temps dans les herbes, ce qui illustre notre thèse selon laquelle la Côte d'amour et la rue des Soupirs tiennent leurs noms de ces moments insouciants parmi les pâquerettes des beaux jours...
La coste d'amour nommé dans un dessin de 1782 représentant le fort de Limaie, c'est-à-dire le fort situé de l'autre côté du pont de Pont-de-l'Arche. Le pont actuel touche la berge d'Igoville à l'endroit de la tour d'angle figurant sur ce dessin reproduit dans un article de Léon Coutil intitulé "Le vieux château de Limaie et le vieux pont de Pont-de-l'Arche (Eure)" publié dans le Bulletin de la Société d'études diverses de Louviers, tome XVI, 1921-1922.