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29 septembre 2020 2 29 /09 /septembre /2020 13:13

 

Avec nos remerciements à Jean Baboux

 

Le vitrail du halage est un joyau du patrimoine de Pont-de-l’Arche. Daté de 1605, il témoigne d’une des activités cardinales du Pont-de-l’Arche d’avant 1813 qui vivait, pour partie, du montage des bateaux.

Le vitrail du montage, une œuvre de Martin Vérel datée de 1605 et située dans l'église Notre-Dame-des-arts (photo A. Launay, 2013)

Le vitrail du montage, une œuvre de Martin Vérel datée de 1605 et située dans l'église Notre-Dame-des-arts (photo A. Launay, 2013)

Le vitrail du halage : fenêtre sur une activité révolue

Le vitrail d’un point de vue patrimonial

Le vitrail du halage est situé au registre inférieur de la deuxième fenêtre sud de l’église Notre-Dame-des-arts. Classé Monument historique en 1862, comme l’ensemble des vitraux en place à cette date, il fut fabriqué en 1605 par Martin Vérel, un peintre verrier de Rouen. C’est ce que nous apprend un procès retrouvé parmi les archives du bailliage de Vernon (sic) et relaté (page 42) par Bernadette Suau dans « A Pont-de-l'Arche, la vitre des bateaux ». Ce vitrail bénéficia d’une restauration en 1883 par l’atelier Duhamel-Marette.

Description de la scène

Ce vitrail représente une scène de montage, c’est-à-dire le halage sous le pont. Au premier plan, plusieurs dizaines de haleurs – hommes, femmes et enfants – en tenue du dimanche tirent des cordages avec l’aide de quelques chevaux. Au bout des cordages, un premier bateau, suivi d’un second encore sous le pont, remonte le courant de la Seine. En bas à droite se trouve le fort de Limaie (démantelé peu après 1782) qui était situé sur la rive droite de la Seine. Au bout du pont, la ville de Pont-de-l’Arche est représentée par deux tours. Sur le pont, en dessous de la croix, se trouve le maitre de pont, personnage qui guidait les monteurs afin d’éviter que le bateau ne percute une pile du pont. Le montage nécessitait une force parfaitement maitrisée. En bas, sur le chemin de halage, se trouvent deux commerçants, propriétaires des bateaux, reconnaissables à leurs capes de voyageurs.

Détails du vitrail du montage (photos A. Launay, 2013)
Détails du vitrail du montage (photos A. Launay, 2013)
Détails du vitrail du montage (photos A. Launay, 2013)
Détails du vitrail du montage (photos A. Launay, 2013)
Détails du vitrail du montage (photos A. Launay, 2013)
Détails du vitrail du montage (photos A. Launay, 2013)
Détails du vitrail du montage (photos A. Launay, 2013)

Détails du vitrail du montage (photos A. Launay, 2013)

Une scène profane dans une église ?

Le halage, revenu de la paroisse

Des scènes profanes ornent les vitraux des églises. Parmi elles, la scène du montage de bateaux est particulièrement intéressante car elle illustre une activité professionnelle révolue. Pourquoi représenter le travail des monteurs ? Les registres de la fabrique paroissiale peuvent nous fournir une réponse. Ceux-ci nous apprennent qu’en 1511 « On a commencé à faire payer les bateaux qui montent les festes. » C’est-à-dire que la paroisse percevait de l’argent sur le montage des bateaux lors des jours fêtés. Nul doute que cette somme a largement participé à la construction de l’église Saint-Vigor dont le gros œuvre fut érigé entre 1499 et 1566.

 

Un revenu revendiqué car détourné…

Ce droit perçu par la paroisse sur les bateaux a été usurpé par la garnison royale du fort de Limaie. C’est ce qu’indique une remontrance de 1620 résumée ainsi dans les registres de fabrique : « On a aussy prié M. le colonel Dornano, lieutenant en la province de Normandie, de donner des ordres à ses soldats qui montoient les bateaux et en prenoient le droit qui avoit esté donné par les habitants à l'église. Ledit sieur Dornano ordonna que les soldats de la ville et du château auroient pour tout droit à chaque bateau quarante sols et le surplus seroit donné à l'église à quelque prix qu'il pût aller. » L’on apprend donc que des soldats s’accaparaient la partie de la taxe donnée par les habitants de Pont-de-l’Arche à la paroisse en 1511 (la nouvelle et vaste église était en construction depuis 1499). Depuis quand l'usurpaient-ils ? Les registres de fabrique ne le précisent pas. Mais cette usurpation devait avoir lieu depuis quelques années puisqu’un temps a dû s’écouler avant que la paroisse ne se retourne vers le représentant du roi en Normandie. On peut aussi l’imaginer car la réponse de ce dernier, en répartissant les taxes entre les militaires et la paroisse, a entériné l’habitude des militaires à percevoir une taxe sur les bateaux montés. Dans une note (page 59) de Diaire ou journal du voyage du chancelier Séguier en Normandie Amable Floquet rapporte que « Au mois de mai 1616, ceux qui gardaient le château du Pont-de-l’Arche se permettaient des exactions sur les marchandises dont étaient chargés les navires qui passaient par là. Plus tard, l’abbé de « Bois-Robert, ayant découvert au cardinal que Saint-Georges, gouverneur du Pont-de-l’Arche, prenoit tant sur chaque bateau qui remontoit, et qu’on appeloit ces bateaux des cardinaux, Saint-Georges fut chassé. » Une mention des registres de fabrique datée de 1629 apporte cette précision : « Le Parlement se fait montrer les titres du droit de cinq sous par courbe de chaque bateau. » Nous avons donc les sommes données par les habitants de Pont-de-l’Arche à la paroisse. Amable Floquet rapporte aussi que les Etats de Normandie, réunis à Rouen le 26 novembre 1643, remontrèrent au roi que « La garnison du Pont-de-l’Arche est un impost sur le vin » et qu’il faudrait faire « défenses aux soldats de rien prendre ausdicts basteaux » et en faire « respondre le capitaine du chasteau » qui était toujours Jean de Lonlay, seigneur de Saint-Georges. Le même Amable Floquet clôt la note ainsi : « Le 11 mars 1649 (pendant les troubles de la Fronde), le Parlement supprima, comme illégal, le droit de cinq sous par courbe de chevaux hallants bateaux entre Elbeuf et le Pont-de-l’Arche. » Quoi qu'il en soit, il nous est impossible de savoir si cette décision a définitivement clos ces exactions, tant à l'encontre de la paroisse que des marchands. Selon la tradition orale, le sobriquet des Archépontains – les Carnages – viendrait de cette situation où Pont-de-l’Arche était un pays où les "quarts (de vin) nagent" ; les marchands devant lâcher une partie de leur marchandise dans l’eau, à destination des soldats.

 

Un vitrail comme légitime revendication ?

Cette situation nous fait penser que la commande du vitrail du montage doit avoir eu pour motivation de rappeler à tous les droits donnés par les Archépontains à la paroisse en matière de montage des bateaux sous le pont. Ce vitrail nous rappelle aujourd’hui le poids des activités fluviales dans la vitalité archépontaine. Mais en quoi consistaient les professions touchant au montage ?

Vue d'élévation & plan du château de Limaie. Avant 1782. Un feuillet de papier (210 x 125 mm), lavis, aquarelle & encre. La garnison de ce fort posa bien des soucis aux marchands et à la paroisse Saint-Vigor de Pont-de-l'Arche.

Vue d'élévation & plan du château de Limaie. Avant 1782. Un feuillet de papier (210 x 125 mm), lavis, aquarelle & encre. La garnison de ce fort posa bien des soucis aux marchands et à la paroisse Saint-Vigor de Pont-de-l'Arche.

Maitre de pont et haleurs

Pourquoi monter les bateaux à Pont-de-l’Arche ?

Si Poses et Martot ont été des étapes fluviales, c’est à cause de la perte d’altitude naturelle du lit de la Seine. Pour Pont-de-l’Arche, située entre ces deux stations, ce sont les réalisations humaines qui ont contrarié la navigation fluviale. En cause, les ponts bâtis en ce lieu depuis le pont de Charles le Chauve, construit entre 862 et 873 pour barrer le fleuve aux Vikings. Ces ponts créaient une légère chute d’eau, variant selon les marées, et perturbant les courants si bien que des pilotes locaux étaient nécessaires pour aider les bateaux à passer le pont sans dommage. Lors de la description du vitrail du montage (plus haut), nous avons vu le maitre de pont donner des instructions aux monteurs depuis le tablier du pont pour éviter que le bateau ne cogne une pile.

 

Profession : maitre de pont

C’est en février 1415 le que le roi Charles VI institua l’office de maitre du pont de Pont-de-l'Arche par une ordonnance qui ne varia pas jusqu’à la Révolution française. On retrouve donc cette ordonnance dans les recueils juridiques des marchands et prévôts de Paris, qui nommaient le maitre de pont de Pont-de-l’Arche. Ce document visait à encadrer une activité qui semble avoir été très convoitée, ce qui devait perturber la navigation. En déterminant la rémunération revenant au maitre de pont (5 sous tournois par courbe), puis à ses assistants et ses « valets », cette ordonnance nous apprend que le halage avait aussi lieu, pour un moindre tirant d’eau, du côté de la ville (payé 32 deniers contre 40 deniers du côté de Limaie). Cet office sera supprimé à la Révolution et remplacé par la charge de chef de pont nommé par le sous-secrétariat des travaux-publics, dépendant du ministère de l'Intérieur.

Le maitre de pont donnant des instructions aux monteurs grâce à son chapeau. Détail du vitrail (photo A. Launay, 2013)

Le maitre de pont donnant des instructions aux monteurs grâce à son chapeau. Détail du vitrail (photo A. Launay, 2013)

Les monteurs

Combien fallait-il payer de haleurs ? L’ordonnance royale se débarrasse de la question en ces termes : « Et au cas que les eaux seront si fortes qu’il y faudra plus de gens que ledit Maistre ne doit bailler, iceluy Maistre les querra, & les Voicturiers payeront le pardessus. » Selon Joseph Dutens (page 388), la chute d’eau de 50 cm occasionnée par le pont nécessitait un halage assuré jusqu’à « soixante chevaux, et le secours de deux à trois cents hommes… ». La dépense pouvait aller jusqu’à 200 francs vers le début du XIXe siècle. Cela laisse imaginer que quelques dizaines de personnes servaient régulièrement au halage et que quelques centaines d’autres venaient ponctuellement. A défaut d’apporter une grande richesse au pays, cela devait occuper une part non négligeable d’une population estimée à 1639 habitants en 1793.

Dans son mémoire de maitrise, Bénédicte Delaune note (page 60) que les capitations de 1788 répartissent comme suit les professions à Pont-de-l’Arche : artisanat 102 personnes (dont cuir 28 et textile 37), commerce 48, notables 23, pont et eau 22 (dont commis du maitre de pont 2 et aides de pont 8), nature 25, domestique 10 et autres 13. Les métiers de l’eau formaient le quatrième secteur professionnel de la ville. Bénédicte Delaune avance (page 76) le chiffre de 10 % des électeurs qui vivaient, en 1788, des activités fluviales. Ceci ne représente, pour le montage, que les cadres d’une profession qui recourait largement aux journaliers.

Les haleurs

Combien fallait-il payer de haleurs ? L’ordonnance royale se débarrasse de la question en ces termes : « Et au cas que les eaux seront si fortes qu’il y faudra plus de gens que ledit Maistre ne doit bailler, iceluy Maistre les querra, & les Voicturiers payeront le pardessus. » Selon Joseph Dutens (page 388), la chute d’eau de 50 cm occasionnée par le pont nécessitait un halage assuré jusqu’à « soixante chevaux, et le secours de deux à trois cents hommes… ». La dépense pouvait aller jusqu’à 200 francs vers le début du XIXe siècle. Cela laisse imaginer que quelques dizaines de personnes servaient régulièrement au halage et que quelques centaines d’autres venaient ponctuellement. A défaut d’apporter une grande richesse au pays, cela devait occuper une part non négligeable d’une population estimée à 1639 habitants en 1793.

Dans son mémoire de maitrise, Bénédicte Delaune note (page 60) que les capitations de 1788 répartissent comme suit les professions à Pont-de-l’Arche : artisanat 102 personnes (dont cuir 28 et textile 37), commerce 48, notables 23, pont et eau 22 (dont commis du maitre de pont 2 et aides de pont 8), nature 25, domestique 10 et autres 13. Les métiers de l’eau formaient le quatrième secteur professionnel de la ville. Bénédicte Delaune avance (page 76) le chiffre de 10 % des électeurs qui vivaient, en 1788, des activités fluviales. Ceci ne représente, pour le montage, que les cadres d’une profession qui recourait largement aux journaliers.

 

Comment halez-vous ?

A Pont-de-l’Arche

Nous utilisons le témoignage de l’ingénieur-hydrographe Pierre-Alexandre Forfait qui était mandaté, en 1796, par le ministre de la marine, Jean Dalbarade, pour étudier les pistes d’amélioration de la navigation entre la mer et Paris. Fort de son voyage sur un lougre appelé Le saumon, il rapporta que les principaux obstacles à la navigation étaient les 9 ponts situés entre Rouen et Paris car ils interrompaient lourdement le chemin de halage. Ainsi, il décrivit précisément le montage à Pont-de-l’Arche à titre d’illustration du fonctionnement de l’ensemble des ponts. C’est cet ingénieur qui proposa la construction d’un canal et d’une écluse en lieu en place des fossés du fort de Limaie. Il écrivit sur son arrivée au pied des ruines du fort de Limaie : « On a porté trois amarres de 2PO ½ à une pointe de terre saillante à l’amont du pont et sur laquelle est établi un pilotage destiné à servir de conducteur à ces traits. Deux rouleaux verticaux terminent une grande encochure, l’arche et le poste où le navire est amarré se trouvent à peu près dans la même direction… [page 20] Cette amarre se fait avec de fortes bosses disposées et entretenues par la marine ou les navigateurs. Elles sont frappées sur le chapeau par de forts poteaux de garde bordés, qui déffendent la maçonnerie et les batteaux contre les abordages qui se feroient réciproquement. [page 21]

Cet amarrage est réalisé « par un batelier du pays qui en a le privilège sous la dénomination de "Pêcheux" ». Il est 11 heures du matin et le pont ne sera franchi qu’à la fin de la journée car le maitre de pont souhaite attendre le flot de la marée, à 6 heures du soir, pour aider le lougre de Pierre-Alexandre Forfait à passer. Ce dernier, ainsi que son pilote, ont trouvé ce secours de la marée bien inutile. Pour pouvoir passer sous la grande arche (celle de Limaie), les matelots amènent les mâts et le gréement. Trois amarres sont fixées au bateau et passées sous l’arche grâce à un canot. Sur la rive gauche (la ville), deux amarres sont attachées à quatre chevaux chacune. Sur la rive droite (Limaie), une amarre est attachée à huit chevaux. Le montage commence par le travail des chevaux de la rive gauche qui, malgré les remous du fleuve, viennent placer le lougre le long de la première pile du pont. Le bâtiment est « emponté ». Le maitre de pont donne alors l’ordre aux 16 chevaux de tirer. Pierre-Alexandre Forfait nota que, sous l’effort, deux chevaux tombèrent… Le lougre monta cependant sans difficulté et fut amarré 25 toises en amont du pont. Vers 7 heures, le montage était fini et il fallut aux matelots 45 minutes pour remonter les mâts et regréer.

Pierre-Alexandre Forfait était révolté comme on le lit dans les propos rapportés par Jean Legoy : « Au Pont de l’arche tout est préjugé ; on doutait que nous passions avec 16 chevaux sans le secours d’un grand nombre d’hommes ainsi que c’est l’usage. Le maitre de pont a trois brigades d’ouvriers sous ses ordres, des compagnons, des farigouliers. Les hommes restant attachés à quelques amarres, leurs fonctions sont nulles pour des navires (comme « Le saumon »). On ne fait rien au passage de ces ponts qu’avec des chevaux. Ce sont des chevaux qui halent le trait sous le pont, ce sont des chevaux qui remontent le bateau, les hommes ne font rien. Cependant, les hommes, femmes et enfants ont la prétention d’être employés à tous les passages de navires. » Après Vernon, l’ingénieur poursuit : « Nous reconnaissons de plus en plus que les manœuvres des ponts sont dirigées par l’habitude et le préjugé. Ils ne font rien qu’avec des chevaux, dont le mouvement ne pouvant être simultané, occasionne nécessairement des secousses qui causent des accidents de toute espèce. »

Evidemment nous sommes en pleine période de remise en cause des corporations et des monopoles, mais ce propos traduit peut-être la situation difficile des contemporains de Pierre-Alexandre Forfait. A Pont-de-l’Arche, il reproche la présence trop nombreuse de monteurs qui ne serviraient à rien à côté de la puissance aveugle des chevaux. On pourra objecter qu’en période de crise les monteurs ne devaient avoir la pleine possession de leurs moyens et que les mettre au chômage eût été bien pire encore.

 

1813, le halage obsolète

Comme nous l’avons étudié dans l’article « L’écluse de Limaie entre Pont-de-l’Arche et Igoville (1813-1858) », le montage est devenu insupportable aux autorités pour sa lenteur, son cout et le doute qu’il laissait planer sur l’approvisionnement de Paris. Qui plus est Pierre-Alexandre Forfait devint ministre de la marine et, semble-t-il, eut l’oreille de Napoléon Bonaparte quant au projet de créer une écluse à Pont-de-l’Arche. L’empereur alloua les crédits nécessaires au percement d’un canal et à la construction d’une écluse ouverte à la navigation en 1813. Désormais, un éclusier et deux aides rendaient inutiles les dizaines, voire centaines, de monteurs grâce au contournement du pont. Lorsque ce pont s’écroula en 1856, il fut remplacé par un autre ouvrage d’art aux arches suffisamment grandes pour laisser passer sans encombre le trafic fluvial. L’écluse de Limaie devint à son tour obsolète et les haleurs de la Seine perdaient leur travail à mesure que la navigation se motorisait. Pont-de-l’Arche cessa d’être une étape fluviale.

 

Conclusion

Le vitrail du montage illustre l’histoire des techniques et donc des modes de vie. Les progrès techniques (ponts, écluses, bateaux) ont permis une amélioration des moyens de transports. Mais il semble que ce soit l’approvisionnement de la capitale et la volonté de libérer le commerce qui ont motivé les autorités nationales à transformer les infrastructures locales, ce qui a bouleversé des habitudes pluriséculaires. Peut-être que de nombreux haleurs archépontains, qui se sont retrouvés sans emploi à partir de 1813, se sont reconvertis dans le chausson, un objet du quotidien qu’ils devaient user en tirant les bateaux ? C’est l’hypothèse que nous avons formulée dans notre ouvrage sur l’industrie de la chaussure à Pont-de-l’Arche. Quoi qu’il en soit, ces réalisations ont auguré les constructions de la seconde moitié du XIXe siècle – les barrages – et les vastes travaux d’endiguement de la Seine dans les années 1930. Depuis, la Seine est une voie commerciale et Pont-de-l’Arche a cessé d’être une étape fluviale.

http://pontdelarche.over-blog.com/article-pont-de-l-arche-cite-de-la-chaussure-78659707.html

 

A lire aussi…

http://pontdelarche.over-blog.com/article-l-ecluse-de-limaie-entre-pont-de-l-arche-et-igoville-1813-1858-78659430.html$

http://pontdelarche.over-blog.com/article-grands-travaux-de-la-seine-dans-la-region-de-pont-de-l-arche-annees-1930-78659526.html

 

Sources

Les ordonnances royaux, sur le faict et jurisdiction de la prevosté des marchans & eschevinage de la ville de Paris, Paris, P. Rocolet, 1544, voir chapitre XL, page 137.

Delaune Bénédicte, Pont-de-l’Arche, population, pouvoirs municipaux et société à la fin du XVIIIe siècle et pendant la Révolution, mémoire de maitrise préparé sous la direction de Claude Mazauric, université de Rouen, vers 1992, 130 pages.

Dutens Joseph, Histoire de la navigation intérieure de la France…, tome I, Paris, A. Sautelet et Cie, 1829, 651 pages.

Floquet Amable, Diaire ou journal du voyage du chancelier Séguier en Normandie après la sédition des nu-pieds (1639-1640) et documents relatifs à ce voyage et à la sédition, Rouen, E. Frère, 1842, 448 pages.

Forfait Pierre-Alexandre, Mémoire et Observations concernant la navigation du lougre de la République, sur la Seine, du Havre à Paris l’an 4e de la République, 1796, 30 pagesmanuscrit conservé à la bibliothèque municipale du Havre sous la cote mss 241.

Legoy Jean, « Le voyage du Havre à Paris par la Seine en 1796 », in Cahiers Léopold-Delisle, t. XXV-XXXVI, années 1986-1987, La Normandie et Paris : actes du XXI congrès des sociétés historiques et archéologiques de Normandie, 255 pages.

Suau Bernadette, « A Pont-de-l'Arche, la vitre des bateaux », in Nouvelles de l'Eure, n° 64-65, 1978, pages 42-55.

Collectif, « Note de ce qui s'est passé de curieux et de ce qui a été fait dans l'année de chaque trésorier », in Semaine religieuse du diocèse d'Evreux, n° des 24, 31 aout, 14, 21 septembre 1918.

Monteurs et chevaux en action. Détail du vitrail (photo A. Launay, 2010)
Monteurs et chevaux en action. Détail du vitrail (photo A. Launay, 2010)

Monteurs et chevaux en action. Détail du vitrail (photo A. Launay, 2010)

Comment halez-vous ?

Nous utilisons le témoignage de l’ingénieur-hydrographe Pierre-Alexandre Forfait qui était mandaté, en 1796, par le ministre de la marine, Jean Dalbarade, pour étudier les pistes d’amélioration de la navigation entre la mer et Paris. Fort de son voyage sur un lougre appelé Le saumon, il rapporta que les principaux obstacles à la navigation étaient les 9 ponts situés entre Rouen et Paris car ils interrompaient lourdement le chemin de halage. Ainsi, il décrivit précisément le montage à Pont-de-l’Arche à titre d’illustration du fonctionnement de l’ensemble des ponts. C’est cet ingénieur qui proposa la construction d’un canal et d’une écluse en lieu en place des fossés du fort de Limaie. Il écrivit sur son arrivée au pied des ruines du fort de Limaie : « On a porté trois amarres de 2PO ½ à une pointe de terre saillante à l’amont du pont et sur laquelle est établi un pilotage destiné à servir de conducteur à ces traits. Deux rouleaux verticaux terminent une grande encochure, l’arche et le poste où le navire est amarré se trouvent à peu près dans la même direction… [page 20] Cette amarre se fait avec de fortes bosses disposées et entretenues par la marine ou les navigateurs. Elles sont frappées sur le chapeau par de forts poteaux de garde bordés, qui déffendent la maçonnerie et les batteaux contre les abordages qui se feroient réciproquement. [page 21]

Cet amarrage est réalisé « par un batelier du pays qui en a le privilège sous la dénomination de "Pêcheux" ». Il est 11 heures du matin et le pont ne sera franchi qu’à la fin de la journée car le maitre de pont souhaite attendre le flot de la marée, à 6 heures du soir, pour aider le lougre de Pierre-Alexandre Forfait à passer. Ce dernier, ainsi que son pilote, ont trouvé ce secours de la marée bien inutile. Pour pouvoir passer sous la grande arche (celle de Limaie), les matelots amènent les mâts et le gréement. Trois amarres sont fixées au bateau et passées sous l’arche grâce à un canot. Sur la rive gauche (la ville), deux amarres sont attachées à quatre chevaux chacune. Sur la rive droite (Limaie), une amarre est attachée à huit chevaux. Le montage commence par le travail des chevaux de la rive gauche qui, malgré les remous du fleuve, viennent placer le lougre le long de la première pile du pont. Le bâtiment est « emponté ». Le maitre de pont donne alors l’ordre aux 16 chevaux de tirer. Pierre-Alexandre Forfait nota que, sous l’effort, deux chevaux tombèrent… Le lougre monta cependant sans difficulté et fut amarré 25 toises en amont du pont. Vers 7 heures, le montage était fini et il fallut aux matelots 45 minutes pour remonter les mâts et regréer.

Pierre-Alexandre Forfait était révolté comme on le lit dans les propos rapportés par Jean Legoy : « Au Pont de l’arche tout est préjugé ; on doutait que nous passions avec 16 chevaux sans le secours d’un grand nombre d’hommes ainsi que c’est l’usage. Le maitre de pont a trois brigades d’ouvriers sous ses ordres, des compagnons, des farigouliers. Les hommes restant attachés à quelques amarres, leurs fonctions sont nulles pour des navires (comme « Le saumon »). On ne fait rien au passage de ces ponts qu’avec des chevaux. Ce sont des chevaux qui halent le trait sous le pont, ce sont des chevaux qui remontent le bateau, les hommes ne font rien. Cependant, les hommes, femmes et enfants ont la prétention d’être employés à tous les passages de navires. » Après Vernon, l’ingénieur poursuit : « Nous reconnaissons de plus en plus que les manœuvres des ponts sont dirigées par l’habitude et le préjugé. Ils ne font rien qu’avec des chevaux, dont le mouvement ne pouvant être simultané, occasionne nécessairement des secousses qui causent des accidents de toute espèce. »

Evidemment nous sommes en pleine période de remise en cause des corporations et des monopoles, mais ce propos traduit peut-être la situation difficile des contemporains de Pierre-Alexandre Forfait. A Pont-de-l’Arche, il reproche la présence trop nombreuse de monteurs qui ne serviraient à rien à côté de la puissance aveugle des chevaux. On pourra objecter qu’en période de crise les monteurs ne devaient avoir la pleine possession de leurs moyens et que les mettre au chômage eût été bien pire encore.

 

1813, le halage obsolète

Comme nous l’avons étudié dans l’article « L’écluse de Limaie entre Pont-de-l’Arche et Igoville (1813-1858) », le montage est devenu insupportable aux autorités pour sa lenteur, son cout et le doute qu’il laissait planer sur l’approvisionnement de Paris. Qui plus est Pierre-Alexandre Forfait devint ministre de la marine et, semble-t-il, eut l’oreille de Napoléon Bonaparte quant au projet de créer une écluse à Pont-de-l’Arche. L’empereur alloua les crédits nécessaires au percement d’un canal et à la construction d’une écluse ouverte à la navigation en 1813. Désormais, un éclusier et deux aides rendaient inutiles les dizaines, voire centaines, de monteurs grâce au contournement du pont. Lorsque ce pont s’écroula en 1856, il fut remplacé par un autre ouvrage d’art aux arches suffisamment grandes pour laisser passer sans encombre le trafic fluvial. L’écluse de Limaie devint à son tour obsolète et les haleurs de la Seine perdaient leur travail à mesure que la navigation se motorisait. Pont-de-l’Arche cessa d’être une étape fluviale.

 

Conclusion

Le vitrail du montage illustre l’histoire des techniques et donc des modes de vie. Les progrès techniques (ponts, écluses, bateaux) ont permis une amélioration des moyens de transports. Mais il semble que ce soit l’approvisionnement de la capitale et la volonté de libérer le commerce qui ont motivé les autorités nationales à transformer les infrastructures locales, ce qui a bouleversé des habitudes pluriséculaires. Peut-être que de nombreux haleurs archépontains, qui se sont retrouvés sans emploi à partir de 1813, se sont reconvertis dans le chausson, un objet du quotidien qu’ils devaient user en tirant les bateaux ? C’est l’hypothèse que nous avons formulée dans notre ouvrage sur l’industrie de la chaussure à Pont-de-l’Arche. Quoi qu’il en soit, ces réalisations ont auguré les constructions de la seconde moitié du XIXe siècle – les barrages – et les vastes travaux d’endiguement de la Seine dans les années 1930. Depuis, la Seine est une voie commerciale et Pont-de-l’Arche a cessé d’être une étape fluviale.

 

 

A lire aussi…

L'écluse de Limaie

Les grands travaux de la Seine

 

 

Sources

Les ordonnances royaux, sur le faict et jurisdiction de la prevosté des marchans & eschevinage de la ville de Paris, Paris, P. Rocolet, 1544, voir chapitre XL, page 137.

Delaune Bénédicte, Pont-de-l’Arche, population, pouvoirs municipaux et société à la fin du XVIIIe siècle et pendant la Révolution, mémoire de maitrise préparé sous la direction de Claude Mazauric, université de Rouen, vers 1992, 130 pages.

Dutens Joseph, Histoire de la navigation intérieure de la France…, tome I, Paris, A. Sautelet et Cie, 1829, 651 pages.

Floquet Amable, Diaire ou journal du voyage du chancelier Séguier en Normandie après la sédition des nu-pieds (1639-1640) et documents relatifs à ce voyage et à la sédition, Rouen, E. Frère, 1842, 448 pages.

Forfait Pierre-Alexandre, Mémoire et Observations concernant la navigation du lougre de la République, sur la Seine, du Havre à Paris l’an 4e de la République, 1796, 30 pages, manuscrit conservé à la bibliothèque municipale du Havre sous la cote mss 241.

Legoy Jean, « Le voyage du Havre à Paris par la Seine en 1796 », in Cahiers Léopold-Delisle, t. XXV-XXXVI, années 1986-1987, La Normandie et Paris : actes du XXIe congrès des sociétés historiques et archéologiques de Normandie, 255 pages.

Suau Bernadette, « A Pont-de-l'Arche, la vitre des bateaux », in Nouvelles de l'Eure, n° 64-65, 1978, pages 42-55.

Collectif, « Note de ce qui s'est passé de curieux et de ce qui a été fait dans l'année de chaque trésorier », in Semaine religieuse du diocèse d'Evreux, n° des 24, 31 aout, 14, 21 septembre 1918.

 

Armand Launay

Pont-de-l'Arche ma ville

http://pontdelarche.over-blog.com

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8 septembre 2019 7 08 /09 /septembre /2019 15:38

 

Quand on les nomme, on les appelle “les poternes”, faute de savoir précisément à quoi on a affaire. Il s’agit des deux alcôves situées en contrebas du pont Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, là où les escaliers penchent drôlement. Une poterne désigne une porte piétonne perçant l’enceinte de fortifications médiévales. Mais, cette appellation elle-même est problématique : pourquoi mettre deux portes côte-à-côte ? Quelle fut leur utilité, si proches de l’ancienne porte de Pons, une des quatre grandes entrées de la ville, qui se trouvait à l’entrée de la rue Jean-Prieur (rue du marché) ? De plus, pourquoi faire entrer des passants dans l’espace non bâti d’une propriété privée située à contremont ? 
 

 

 

Les mystérieuses alcôves en mars 2010 (cliché Armand Launay) le long du pont du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, du côté des Damps.

Les mystérieuses alcôves en mars 2010 (cliché Armand Launay) le long du pont du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, du côté des Damps.

 

Observons le rempart, oh oui !

Le rempart qui nous intéresse ici se trouve entre la rue Jean-Prieur (rue du marché) et le quai de Verdun (les berges de l’Eure, où s’installe la fête foraine de la Sainte-Anne). Il est longé par le pont et deux volées d’escaliers ne possédant aucun nom officiel. Cette partie des remparts de la ville a été inscrite sur l'inventaire supplémentaire des Monuments historiques le 15 juin 1939.

Les escaliers déformés par un tassement de terrain (juillet 2018, cliché Armand Launay).

Les escaliers déformés par un tassement de terrain (juillet 2018, cliché Armand Launay).

 

Dans sa partie haute, seul demeure le tracé des anciens remparts. Ce tracé est aujourd’hui occupé par un mur d’enceinte en brique et moellon calcaire et, aussi, par une petite maison qui servait, naguère, de cabinet de feu le docteur Attal. Ce mur se poursuit jusqu’au dessus du rempart du quai de Verdun. Il repose sur une élévation de terre retenue par les anciens remparts. De ces anciennes fortifications, il reste l’épaisseur d’un mur longeant les escaliers sans nom dont nous traitons. Les escaliers cachent, en partie, les vestiges des remparts. 

Dans sa partie la plus basse, au nord, ce mur comporte toujours quelques belles pierres de taille qui semblent dater des XVIIe et XVIIIe siècles et qui servaient de parement aux murs d’enceinte. Remaniées depuis, elles se situent de part et d’autre des alcôves qui nous intéressent. Les autres pierres sont des moellons calcaires qui servaient au remplissage des murs. L’état général de ce mur est sain. Il semble donc avoir fait l’objet de restaurations assez récentes, peut-être au XIXe siècle et après 1952 pour les jointures (comme le démontre une vue de 1952 reproduite plus bas). 

Vue sur les alcôves en juin 2010 (cliché Armand Launay).

Vue sur les alcôves en juin 2010 (cliché Armand Launay).

 

En contrebas, sur le quai de Verdun, on peut voir et mesurer l’épaisseur de ce mur. On comprend que ces quelques parties du rempart ont été préservées car elles avaient toujours une utilité : celle de retenir la masse de terre de la propriété sise plus haut, intramuros. 

L'épaisseur du rempart à l'angle des escaliers des alcôves et du quai de Verdun (2008 et 2010, clichés Armand Launay).
L'épaisseur du rempart à l'angle des escaliers des alcôves et du quai de Verdun (2008 et 2010, clichés Armand Launay).

L'épaisseur du rempart à l'angle des escaliers des alcôves et du quai de Verdun (2008 et 2010, clichés Armand Launay).

 

L’épaisseur du rempart ?

Elle va bien merci. Dans sa partie haute, le mur du rempart laisse apparaitre quelques pierres alignées les unes au-dessus des autres. Elles sont légèrement décalées vers l’Est (vers Les Damps, à gauche de notre photographie) par rapport au mur sur lesquelles elles reposent. Il semble qu’on ait affaire au départ d’un mur de parement de l’ancienne tour d’angle qui se trouvait ici et qui fut représentée par le cartographe Nicolas Magin, vers 1702, dans un plan des fortifications de la ville conservé à la Bibliothèque nationale de France et accessible sur Gallica. 

Plan de la ville et de ses fortifications vers 1702 par le cartographe Nicolas Magin. On y voit, au nord-Est, une vaste tour d'angle.

Plan de la ville et de ses fortifications vers 1702 par le cartographe Nicolas Magin. On y voit, au nord-Est, une vaste tour d'angle.

 

Les pierres des voutes, hum ?

La comparaison avec une photographie de 1952 (plus bas) montre que des grilles ont été apposées depuis et, sûrement, de petits murets au niveau du sol ; ceci pour éviter les intrusions et sécuriser ainsi les passants, voire les importuns. On peut imaginer que ces légers aménagements ont fait suite à l’inauguration du pont (1955) et des escaliers contigus.

Cette vue de 1952 montre aussi une alvéole, sur la partie gauche, ressemblant à un petit espace de stockage.

Les clés des deux voutes, en pierres de taille de moyen appareil, composent deux arcs surbaissés. Ces pierres ressemblent à celles du rempart que nous datons volontiers des XVIIe et XVIIIe siècles.  

Sur cette photographie de septembre 1952, issue des studios Henry (Louviers), les ouvriers travaillant à la culée de la rive gauche du nouveau pont s'étonnent devant ces vestiges de maçonneries. Au second plan se voit une des deux alcôves qui forment ici notre sujet. A gauche, on voit aussi une alvéole.

Sur cette photographie de septembre 1952, issue des studios Henry (Louviers), les ouvriers travaillant à la culée de la rive gauche du nouveau pont s'étonnent devant ces vestiges de maçonneries. Au second plan se voit une des deux alcôves qui forment ici notre sujet. A gauche, on voit aussi une alvéole.

Et les pierres du fond des alcôves ? 

Le fond des alcôves est composé de moellons calcaires réemployés et cimentés grossièrement, sans lit et sans appareillage. Dans l’alcôve du sud (du côté du marché), une pierre taillée montre le dessin d’une nervure. Elle dût être utilisée pour une nervure de croisées d’ogives, sûrement celle de la tour d’angle ayant disparu. Nous écrivons cela car la tour de Crosne possède encore les départs des croisées d’ogives de son rez-de-place (le niveau de la place forte).

Dans l’alcôve du nord, il existe d’autres voussures, plus profondes et plus basses. Elles témoignent d’une profondeur de vaisseau légèrement plus grande.

 

Quant aux vestiges de fondations en bois ?

Notre ami Frédéric Ménissier a observé que les vestiges de fondations en bois sur le cliché ci-dessus sont sûrement à relier à l'ancienne tour d'angle. En effet, celle-ci fut érigée dans la partie la plus basse des fortifications, au bord de la Seine qui était alors plus haute et moins profonde avant les travaux des années 1930. Or le bois est un bon matériau pour constituer des assises fiables en milieu humide. Les ouvriers des années 1950 ont dû exhumer ces pièces anciennes (que nous ne datons pas) lors du creusement de la roche en vue de la construction des fondations de la culée de la rive gauche. Nécessairement, selon cette hypothèse ménissière, ces pièces de bois n'étaient pas sous le rempart qui nous intéressent. Elles devaient assoir la tour d'angle, légèrement sortie du rempart.

 

Vue sur les pierres du fond de l'alcôve du nord, du côté des berges de l'Eure (cliché Armand Launay, juin 2010).

Vue sur les pierres du fond de l'alcôve du nord, du côté des berges de l'Eure (cliché Armand Launay, juin 2010).

Le plan cadastral de 1834.

Le plan cadastral ne nous apprend pas grand chose, ici. Dessiné en 1834, il ne montre pas d’aménagements particuliers en ce lieu ; si ce n’est que la tour d’angle et la porte de Pons avaient déjà complètement disparu.

Extrait du plan cadastral de 1834 (Archives départementales de l'Eure, accessibles en ligne).

Extrait du plan cadastral de 1834 (Archives départementales de l'Eure, accessibles en ligne).

 

Bons baisers des cartes postales de 1910.

Les cartes postales des années 1910 montrent un environnement différent de celui que nous connaissons. Le pont du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny n’existait pas encore. Si les anciens fossés n’étaient toujours pas comblés en aval de la rue Jean-Prieur, ils étaient, cependant, désormais bâtis. Le long de la rue Jean-Prieur, la rue du marché, fut construite une maison en brique (du côté de la rue) et en moellon calcaire (au moins sur les murs pignons). Un vaste bâtiment, aligné dans le sens nord-sud, fut bâti qui servait d’espace de stockage. Un mur en moellon calcaire enceignait cet espace qui prolongeait le boulevard des Marronniers (aujourd’hui dit de la Marne) jusqu’à l’Eure en passant derrière le bâtiment de l’ancien bureau de poste. Une autre voie allait du quai de la Grande chaussée (aujourd’hui dit de Verdun) et remontait vers le boulevard des Marronniers. Ce mur défendait l’accès aux alcôves qui nous intéressent. Si celles-ci existaient, alors elles eussent une fonction privée.

La lecture précise des cartes postales, laisse entrevoir une différence entre le mur situé immédiatement en aval des alcôves et le reste du mur d’enceinte de la propriété. 

Il est possible qu’un propriétaire des lieux ait aménagé, un temps durant, une communication entre ses alcôves et les berges. Dans quel cas, les alcôves nous intéressant servissent d’espaces de stockage en vue de l’embarquement sur la Seine, ou après le débarquement, de matériaux divers.

Sur cette carte postale des années 1910, on aperçoit les vestiges de remparts à l'angle nord-Est de la ville. On y voit aussi le mur d'une propriété privée qui comprenait un bâtiment de stockage et une maison d'habitation accessible par la rue Jean-Prieur.

Sur cette carte postale des années 1910, on aperçoit les vestiges de remparts à l'angle nord-Est de la ville. On y voit aussi le mur d'une propriété privée qui comprenait un bâtiment de stockage et une maison d'habitation accessible par la rue Jean-Prieur.

Sur cette carte postale des années 1910, on aperçoit la maison du haut de la propriété où se trouvaient les alcôves qui nous intéressent.

Sur cette carte postale des années 1910, on aperçoit la maison du haut de la propriété où se trouvaient les alcôves qui nous intéressent.

 

 

En guise de conclusion, nous nous orientons vers l’hypothèse suivante : cette partie des remparts était particulièrement ruinée à la fin de l’Ancien Régime. Lorsque l’intendant de Rouen, Louis Thiroux de Crosne d’Arconville, autorisa en 1782 les habitants à démolir les remparts et permit à la municipalité de créer des boulevards, les pierres de cette partie des fortifications furent vite réemployées. La porte de Pons, rue Jean-Prieur, disparut ainsi que la tour de l’angle nord-Est. En 1834, il ne restait des remparts que leur tracé et quelques pierres à l’angle nord-Est de la ville. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, un propriétaire investit ce bout de fossé de la ville. À contremont, il fit construire sa maison et un bâtiment de stockage. En contrebas, il semble qu’il ait fait restaurer un bout de rempart, avec du matériau de réemploi, afin d’en faire un espace de stockage ; le tout étant protégé de murs d’enceinte. Comme le démontrent les recherches de Jean Mesqui, les alcôves semblent se situer à l'endroit de l'ancienne tour d'angle. La démolition de cette tour a dû laisser vacant un espace. Afin de maintenir la terre, il semble que des voutes ont été bâties avec du matériau de récupération et ce dans le prolongement des murs d'enceinte, permettant ainsi d'économiser de la pierre et, répétons-le, de créer un espace de stockage.

Le mystère des alcôves provient, semble-t-il, de la difficulté de faire la distinction nette entre des parties médiévales du rempart et des réemplois de matériaux des XVIIe et XVIIIe siècles et, sûrement, de siècles précédents. La difficulté se trouve aussi dans le mélange entre la fonction militaire des lieux, dont témoigne le tracé des remparts, et la réutilisation pragmatique de la seconde moitié du XIXe siècle (le soutènement, le stockage), seule période où les lieux furent à la fois privatisés et habités. Enfin, la difficulté se trouve dans une évolution plus forte et riche qu’on ne l’aurait imaginé pour un simple bout de rempart à la marge de la ville ancienne.  

 

 


Armand Launay

Pont-de-l'Arche ma ville

http://pontdelarche.over-blog.com

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4 janvier 2016 1 04 /01 /janvier /2016 15:17
Ce dessin de 1782 montre que le châtelet de Limaie était en bel état de conservation. Cette vue fut reproduite dans l'article de Léon Coutil intitulé "Le vieux château de Limaie et le vieux pont de Pont-de-l'Arche (Eure)" publié dans le Bulletin de la Société d'études diverses de Louviers, tome XVI, 1921-1922.

Ce dessin de 1782 montre que le châtelet de Limaie était en bel état de conservation. Cette vue fut reproduite dans l'article de Léon Coutil intitulé "Le vieux château de Limaie et le vieux pont de Pont-de-l'Arche (Eure)" publié dans le Bulletin de la Société d'études diverses de Louviers, tome XVI, 1921-1922.

Notre ville doit son nom aux multiples ponts bâtis par les rois depuis 862 sur la Seine. Ces ponts ont eu une fonction militaire (contre les Vikings et les Anglais) et de police intérieure au royaume (navigation sur la Seine, émeutes populaires, Ligues…).

Il fallait donc fortifier ces ponts. Ainsi, la ville royale de Pont-de-l’Arche fut entourée de remparts et un châtelet fut érigé sur la rive droite de la Seine, sur la paroisse d’Igoville : le fort de Limaie. Entièrement disparu mais souvent cité lorsqu’on tourne les pages de l’histoire locale, nous avons résumé l’histoire de cet ouvrage qui a laissé son nom à un hameau d’Igoville : “le Fort”…    

 

Où était ce fort précisément ?

Imaginez-vous du côté de l’ancienne poste de Pont-de-l’Arche, c’est-à-dire au niveau d’Arche immobilier de nos jours. Allez un peu plus vers Les Damps (il n’y avait alors pas autant de maisons en ce lieu). Imaginez-vous à cet endroit en 1782. Vous regardez de l’autre côté de la Seine et vous avez cette vue : le château fort de Pont-de-l’Arche, c’est-à-dire Limaie, vue depuis la coste d'amour. Le pont que vous connaissez de nos jours toucherait sur ce dessin la berge d'Igoville presque à l'endroit de la tour d'angle la plus proche de nous. Ce dessin est une reproduction d’une illustration parue dans un article de Léon Coutil intitulé "Le vieux château de Limaie et le vieux pont de Pont-de-l'Arche (Eure)".

 
Pour localiser plus précisément ce châtelet disparu, nous avons dessiné sur la vue satellitaire de Google earth quelques tours, les remparts et le corps de garde contrôlant l’accès nord du pont.

Pour localiser plus précisément ce châtelet disparu, nous avons dessiné sur la vue satellitaire de Google earth quelques tours, les remparts et le corps de garde contrôlant l’accès nord du pont.

 

Description d’ensemble

 

Le châtelet est protégé par deux fossés en eau. S’il n’est pas sûr que les ingénieurs aient utilisé une ancienne ile alluviale pour bâtir le châtelet, il est évident qu’ils ont profité du fond de la vallée de la Seine pour aménager ces deux protections naturelles.

Le premier fossé n'est pas protégé. Il barre d'accès au premier rempart, une palissade dans le document de 1640 signé P. Petit, ci-dessous, qui est accessible par un pont-levis au bout d'un petit pont de pierre.

Le second fossé protège le rempart principal. Un pont en pierre constitue le principal accès au châtelet. La vue de P. Petit montre un petit pont-levis contrôlé par un corps de garde. Un second pont, en bois celui-ci, offre accès à une poterne, peut-être pour un meilleur déploiement de la garnison durant un assaut, voire pour une contre-attaque.

Le second et principal rempart est flanqué de tours cylindriques. Deux possèdent une terrasse, une autre est couverte d'un toit conique. Un angle est étonnant ; celui du sud-Est, donnant sur la Seine. Il est constitué d'un angle droit dans le rempart et semble ne servir que de poste de guet. C'est la tour maitresse, la tour philipienne, qui devait assurer le gros de la défense de ce côté-ci du châtelet, ainsi que des engins de tir sur une sorte de chemin de ronde plus élargi le long du flanc Est. Dans la cour intérieure, se trouvent des potagers, des jardins, quelques maisons blotties contre les remparts. Une chapelle (placée sous le vocable de Saint-Étienne) est visible côté nord et reconnaissable à une croix surplombant le pignon Est situé près de la poterne. Une longue maison semble tenir lieu de caserne devant la tour maitresse. Selon le plan de 1640, quelques demeures longent le chemin central reliant les deux garde-corps. Selon la vue de Gomboust, c'est bien plutôt un rempart intérieur qui interdit l'accès vers la caserne et la tour maitresse. Les deux ont très bien pu se compléter comme le montre un plan de 1754 plus bas dans cet article.

 

Nous voyons donc ici une suite impressionnante d'obstacles visant à garder le contrôle de l'entrée nord du pont. Avec une faible garnison, le châtelet de Limaie était en mesure de résister à plusieurs semaines d'assaut avant l'arrivée de renforts. Sans compter que, tant que la ville de Pont-de-l'Arche n'était pas prise, elle pouvait ravitailler Limaie.

 

 

 
"Plan du chasteau du ¨Pont de l'Arche" par P. Petit, 1640, cabinet des estampes, Bibliothèque nationale de France.

"Plan du chasteau du ¨Pont de l'Arche" par P. Petit, 1640, cabinet des estampes, Bibliothèque nationale de France.

Illustration du tome I de l’Encyclopédie médiévale, 1873, d’Eugène Viollet-le-Duc (illustration de l’article “châtelet“ de Wikipédia).

Illustration du tome I de l’Encyclopédie médiévale, 1873, d’Eugène Viollet-le-Duc (illustration de l’article “châtelet“ de Wikipédia).

"Chasteau du Pont de l'Arche" par Jacques Gomboust, extrait de l'ouvrage du cartographe Matthäus Merian (vers 1593-1650) intitulé Topographiae Galliae et publié en 1657. Une comparaison entre les vues précédentes montre qu'Eugène Viollet-le-Duc a reposé son travail sur celui de Jacques Gomboust.

"Chasteau du Pont de l'Arche" par Jacques Gomboust, extrait de l'ouvrage du cartographe Matthäus Merian (vers 1593-1650) intitulé Topographiae Galliae et publié en 1657. Une comparaison entre les vues précédentes montre qu'Eugène Viollet-le-Duc a reposé son travail sur celui de Jacques Gomboust.

Qui a bâti Limaie ?

Le choix de l’emplacement du fort ne fait aucun mystère : protéger l’entrée du pont à la place de fortifications antérieures dont les plus anciennes datent de Charles le Chauve. Mais qui a fait bâtir les fortifications que nous voyons dans les vues du XVIIIe siècle ?

Jusqu’à plus ample informé, la plus ancienne mention du nom de Limaie date de 1198, encore sous le règne de Richard Cœur de Lion donc. On la retrouve dans les Grands rôles de l’Échiquier de Normandie : “Limai de Capite Pontis Arche” c’est-à-dire Limai à la tête du pont de Pont-de-l’Arche.

Nous avons consacré un article aux fortifications de Pont-de-l’Arche, la ville et aussi, un peu, de Limaie. Nous avons vu que Richard Cœur de Lion avait consacré presque 1000 livres à des travaux sur le pont et les fortifications de Pont-de-l’Arche, soit le vingtième d’un budget annuel. Pas étonnant que le nom de Limaie ait été associé à ces importants travaux. Dans cet article, nous avons aussi vu que son rival, Philippe Auguste, avait fait de Pont-de-l’Arche sa résidence après qu’il a pris possession de la Normandie. Il fit faire des travaux sur le pont et les remparts. Il installa son administration et signa en ce lieu beaucoup d’actes royaux. Notre analyse fait ressortir que les fortifications archépontaines s’inscrivent nettement dans l’architecture militaire de Philippe Auguste. Une tour philippienne en est l’élément le plus clair dans l’enceinte de Limaie.

Nous concluons que Limaie a été bâti par Philippe Auguste sur les bases édifiées par Richard Cœur de Lion. Le châtelet que nous voyons sur les vues du du XVIIIe siècle est donc un jeune homme de presque 500 ans qui a eu l’air de bénéficier de restaurations régulières.

 

Que signifie le nom de “Limaie” ?  

Belle énigme que ce nom de Limaie ! Jacques Le Maho le rattache au mot latin “limites” désignant la limite, ici entre les deux pays gaulois que sont le Roumois (pays de Rouen) et l’Évrecin (pays d’Évreux). Le châtelet de Limaie aurait donc bien marqué une limite. Nous pouvons penser qu’il a surtout constitué un passage à travers cette limite, un point de contrôle, tant au niveau de la route qu’au niveau de la navigation. La limite en question concernait certainement plus la navigation que la route ou la frontière entre pays. Nous restons cependant sur notre faim car il dût il y avoir d’impressionnantes quantités de lieux-dits “la limite” si ce nom permettait à nos ancêtres d’identifier aisément des lieux.

Nous nous sommes intéressés à l’homophone Limay, près de Mantes (Yvelines) où la thèse de la limite est aussi défendue dans le Lexique toponymique de l’arrondissement de Mantes-la-Jolie de Claude Guizard. L’encyclopédie Wikipédia rapporte aussi que “La localité est attestée sous le nom Limaium en 1249. Le nom de "Limay" parait être abrégé de celui de "Limais" ou plutôt "Li Mais", qui veut dire la maison, la demeure, l'habitation, en latin Mansio.” À se demander ‒ une fois encore ‒ pourquoi il n’y a pas plus de Limaies dans les pays romans ?

L’étonnant point commun entre notre Limaie et le Limay des Yvelines est sa position vis-à-vis de la grande ville : à la sortie du pont sur la rive opposée de la Seine. Le pont de Limay, face à Mantes, date du XIe siècle. Si la thèse de la “limite” était bonne, nous pourrions envisager que ce sont les habitants de Mantes et de Pont-de-l’Arche qui désignaient par limite les habitations ou constructions militaires situées à la limite du pont. Là cette appellation aurait été suffisamment concrète pour ce nom soit significatif.

Nous en sommes donc aux conjectures. La thèse du “limites” latin pourrait aussi nous renvoyer vers le proche mot “limus” qui a donné limon. Le limon est peut-être un point commun entre Limay, Limaie et Limetz (Yvelines)... des lieux habités près du fond de la vallée de la Seine ?

D’autres conjectures sont possibles. Le plan cadastral d’Igoville nomme précisément “Les Limais” la zone autour de la ferme située à l’Est de l’auberge du Pressoir, au bord de l’ancienne route du Manoir. On pourrait rattacher ce nom aux ormaies, les bois formés d’ormes, du latin “ulmus” et qui est lié à la racine, si je puis dire, indo-européenne “al” comme dans alisier (une des étymologies possibles d’Alizay)…

 

Autres représentations visuelles

Le fort de Limaie : un châtelet sur la Seine à Pont-de-l’Arche
Le corps de garde contrôlant l'accès nord du pont de Pont-de-l'Arche. Détail d'un vitrail de l'église Notre-Dame-des-arts (cliché Armand Launay, 2007).

Le corps de garde contrôlant l'accès nord du pont de Pont-de-l'Arche. Détail d'un vitrail de l'église Notre-Dame-des-arts (cliché Armand Launay, 2007).

La représentation la plus étonnante est celle du vitrail du montage des bateaux. Ce vitrail se trouve dans l’église Notre-Dame-des-arts, autrefois Saint-Vigor, et date de 1606. Comme nous l’avons décrit dans un article, ce vitrail a constitué une revendication de la paroisse sur certaines taxes perçues sur les commerçants passant sous le pont. Or, ces taxes furent détournées par la garnison de Limaie.

En attendant la représentation est belle, surtout en ce qui concerne les monteurs de bateaux. Le fort de Limaie est bien mis en valeur, pour ne pas dire montré du doigt, au centre de la perspective qui se trouve dans l'axe de la route reliant les deux garde-corps du châtelet. La représentation n'est toutefois fidèle à la réalité. Ceci particulièrement net dans le nombre de tours, volontairement limité ici, et la grandeur du petit pont donnant accès au châtelet.

« Plan du château du Pont de l'Arche pour servir au projet de l'année 1754 ». Ce plan aquarellé (41 x 54 cm), est conservé à la Bibliothèque nationale de France, département Arsenal, et accessible sur Internet : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb421591410. Il confirme plutôt les vues de P. Petit et Jacques Gomboust.

« Plan du château du Pont de l'Arche pour servir au projet de l'année 1754 ». Ce plan aquarellé (41 x 54 cm), est conservé à la Bibliothèque nationale de France, département Arsenal, et accessible sur Internet : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb421591410. Il confirme plutôt les vues de P. Petit et Jacques Gomboust.

Quelles furent ses activités ?

La fonction du fort de Limaie était avant tout d'assurer la police intérieure : le contrôle de la circulation sur le pont et sous ce pont. Ces passages étaient taxés. Le châtelet constituait de plus une caserne, non loin de Rouen, prête à intervenir en cas de souci.

La suite de ce paragraphe provient des écrits de Léon Coutil. Nous préciserons nos recherches plus tard.

Cependant, Limaie a aussi été utile en matière militaire. C'est ainsi qu'en 1417, le châtelet fut réparé et complété afin de résister aux Anglais. L'effort fut vain car Pont-de-l'Arche, ville et fort compris, tomba sous la domination d'Henry V d'Angleterre. Le fort de Limaie ne fut repris par les Français qu'en 1449 que grâce à la ruse (par abus de confiance d'un soldat du corps de garde).

Sous les guerres de religions, le château et la ville restèrent aux mains des catholiques.

Mais Limaie trouva une autre utilité, contraire aux intérêts du roi ce coup-ci. En effet, après la reddition de Pont-de-l'Arche à Henri IV en 1589, le châtelet resta aux mains des Ligueurs. Qui plus est, pendant la Fronde, le gouverneur était le marquis de Chamboy qui ne rendit le château que le 7 février 1650. Limaie pouvait très bien être une base hostile au roi.

 

Pourquoi et quand fut-il détruit ?

Le châtelet de Limaie avait perdu de son intérêt militaire. De plus, il avait été utilisé à plusieurs reprises contre le pouvoir royal. C'est ainsi que le projet de démolition de Limaie fut approuvée par Louis XIV peu après 1650. Cependant, une vue de 1782 montre que le châtelet avait encore fière allure et que, comme toute base militaire, le pouvoir ne trouvait pas sa destruction urgente. Limaie servait notamment de prison, notamment pour certains protestants.

Le coup de grâce a été donné à LImaie par Louis Thiroux de Crosne (1736-1794), intendant de la généralité de Rouen de 1768 à 1787. Cet homme, une sorte de Préfet de l’époque, fit appliquer certaines ordonnances royales traitant d’urbanisme. Il fit ainsi dresser les plans des boulevards de Rouen avant de combler les fossés médiévaux. Il en fit de même dans d’autres villes haut-normandes (Louviers) et donna son accord à la municipalité de Pont-de-l’Arche d’utiliser le déblai de la corvée pour aplanir la place des Champs (délibération du conseil municipal de Pont-de-l’Arche du 16 septembre 1779). Puis, il autorisa le conte de Pons, gouverneur de Pont-de-l’Arche, à faire démolir le châtelet de Limaie (1782). La somme récupérée de la vente des pierres permit de démolir deux portes de chaque côté de la ville, comme le souhaitent les habitants. En hommage, la municipalité décida de donner le nom de Crosne à la porte Saint-Jean et de Pons à la porte de Léry (rue Jean-Prieur) (délibération du 20 avril 1782).

 
En 1790, Aubin-Louis Millin présenta à l’Assemblée constituante une œuvre recensant le patrimoine national. Dans le chapitre 43 de ses désormais célèbres Antiquités nationales l’auteur accorde quelques belles pages à Pont-de-l’Arche. Il aborde notamment « … le château de Pont-de-l’Arche, actuellement démoli, et que j’ai fait dessiner au moment de la destruction… ».  Il s’agit d’une vue sur le châtelet de Limaie, alors en démantèlement. Reproduite ci-dessus, elle fut dessinée par Garneray et sculptée par Desmaisons.

En 1790, Aubin-Louis Millin présenta à l’Assemblée constituante une œuvre recensant le patrimoine national. Dans le chapitre 43 de ses désormais célèbres Antiquités nationales l’auteur accorde quelques belles pages à Pont-de-l’Arche. Il aborde notamment « … le château de Pont-de-l’Arche, actuellement démoli, et que j’ai fait dessiner au moment de la destruction… ». Il s’agit d’une vue sur le châtelet de Limaie, alors en démantèlement. Reproduite ci-dessus, elle fut dessinée par Garneray et sculptée par Desmaisons.

L’espace autrefois occupé par le fort de Limaie ne resta pas longtemps sans emploi. En effet, en 1813 Napoléon fit réaliser un canal et une écluse auxquels nous avons consacré un article. Pour cela, l’ile fut transformée et un fossé du châtelet servit partiellement au percement du canal. Léon Coutil précisa qu'en 1918, on boucha l'écluse et après la démolition des derniers vestiges des vieux murs on construisit au-dessus des hangars. La photographie ci-dessous montre ces derniers vestiges.

Cette reproduction de carte postale des années 1910 montre le pont enjambant le canal de l'ancienne écluse de Napoléon. Remarquez, à gauche, ce qui semble être (le dernier ?) vestige du châtelet de Limaie.

Cette reproduction de carte postale des années 1910 montre le pont enjambant le canal de l'ancienne écluse de Napoléon. Remarquez, à gauche, ce qui semble être (le dernier ?) vestige du châtelet de Limaie.

Découvertes de vestiges de fondations du fort de Limaie par les équipes travaillant à la construction du pont actuel de Pont-de-l'Arche (de 1951 à 1954). Il semble que l'arc de cercle en bas de cliché (studio Henry, Louviers, page 15 de la référence ci-dessous) montre une partie de la tour maitresse. Le reste est plutôt méconnaissable.

Découvertes de vestiges de fondations du fort de Limaie par les équipes travaillant à la construction du pont actuel de Pont-de-l'Arche (de 1951 à 1954). Il semble que l'arc de cercle en bas de cliché (studio Henry, Louviers, page 15 de la référence ci-dessous) montre une partie de la tour maitresse. Le reste est plutôt méconnaissable.

Sources

- Coutil Léon, "Le vieux château de Limaie et le vieux pont de Pont-de-l'Arche (Eure)" publié dans le Bulletin de la Société d'études diverses de Louviers, tome XVI, 1921-1922 ;

- Le Maho Jacques, « Un grand ouvrage royal du IXe siècle : le pont fortifié dit « de Pîtres » à Pont-de-l’Arche (Eure) », pages 143-158, in Des Châteaux et des sources. Archéologie et histoire dans la Normandie médiévale : mélanges en l’honneur d’Anne-Marie Flambard Héricher, Publications des universités de Rouen et du Havre, 2008, 622 pages ;

- Ministère des travaux publicsLe nouveau pont-route de Pont-de-l’Arche : 1951-1954, imprimerie Logier et Cie, 32 pages.

Armand Launay

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4 septembre 2014 4 04 /09 /septembre /2014 21:49

Le 24 aout 2014 cela a fait 70 ans que Pont-de-l'Arche a été libéré de l'occupant nazi. Après notre étude sur le combat de Pont-de-l'Arche de juin 1940, nous avons étudié cette partie poignante de l'histoire de la ville.

 

La population sous terre

Depuis le Débarquement en Normandie, le 6 juin, les habitants de Pont-de-l’Arche entendent s’approcher les Alliés et les combats qu’ils mènent contre l’armée d’occupation. Les bombardements se sont intensifiés partout en Normandie. Le pont ferroviaire du Manoir et pont provisoire en bois de Pont-de-l'Arche sont devenus des cibles de choix pour l’aviation Alliée. Le pont de la ville est devenu inutilisable depuis le 31 mai. On compte quelques morts et de nombreux sinistrés archépontains. En aout, pendant plus de deux semaines, des centaines d’habitants résident jour et nuit dans les caves et les carrières souterraines situées à Pont-de-l’Arche et aux Damps. Sur terre, les convois allemands fuyant les Alliés deviennent nombreux, fournis et de plus en plus désordonnés. Ils convergent vers Poses afin de franchir la Seine. La future rue Général-de-Gaulle se garnit en permanence de trois colonnes d’hommes et de véhicules. La peur est à son paroxysme.

 

Prise d’otages sur la place Aristide-Briand

Comme à Criquebeuf et dans maintes communes, Pont-de-l’Arche a évité de justesse une exécution de civils par l’armée allemande. Le 24 aout, un officier allemand arrête son camion sur la place Aristide-Briand. Il est 9h, il descend la rue de Paris pour voir si la Seine est franchissable. Pendant ce temps, deux jeunes Archépontains tentent de voler les roues de son véhicule. Des soldats allemands s’en rendent compte et ouvrent le feu. Les convois allemands passant ici prennent peur. Un soldat sur la tourelle d’un char voit une fenêtre d’entrouvrir et craint pour ses jours. Il dégoupille une grenade, la lance vers la fenêtre ouverte par Alphonse Samain, huissier et résistant attiré par les tirs sur la place. Il meurt sur le coup. Les voleurs archépontains s’enfuirent. Les Allemands, sur le qui-vive, tiennent en joug les civils. Des officiers somment les gendarmes de réquisitionner 60 otages à fusiller. Les gendarmes obtempèrent. Ils réunissent une dizaine d’Archépontains dans leur cellule. C’est à ce moment que les premiers obus des Canadiens, vraisemblablement prévenus par la résistance, tombent sur la place Aristide-Briand. Les Allemands abandonnent les lieux et les otages sont saufs. Cependant les obus canadiens laissent un mort sur la place. Une femme, Gisèle Lapeyre, est grièvement blessée. Le résistant Charles Cacheleux, sur ordre du chef de son réseau, la transporte vers l’hôpital d’Elbeuf. Cependant sa voiture est mitraillée à Martot. Il meurt ainsi que Jean Prieur et Gabriel Briavoine.

Le 23 aout 1944, sur les berges de l’Eure, les Allemands abandonnent leur matériel pour traverser le fleuve. De jeunes Archépontains y jouent peu après…  (photo famille Duretz).

Le 23 aout 1944, sur les berges de l’Eure, les Allemands abandonnent leur matériel pour traverser le fleuve. De jeunes Archépontains y jouent peu après… (photo famille Duretz).

La Ville se libère le 25 aout !

Le 25 aout, les derniers Allemands quittent la ville et concentrent leurs forces de l’autre côté de la Seine. Les drapeaux français sont hissés et la Résistance assure la direction de la ville. Le registre des délibérations du Conseil municipal en témoigne : « Le Vendredi 25 août 1944 à 13h45 les Forces Françaises de l'Intérieur [FFI] se sont emparées de la ville de Pont-de-l'Arche […]. A 19 heures le Conseil d'Administration de la ville a pris possession de la Mairie de Pont-de-l'Arche. Le magnifique résultat a été obtenu sans pertes inutiles, grâce à l'étroite collaboration entre les forces de Police et les [FFI] […]. Dans la nuit du 25 au 26 les patrouilles des [FFI] ont poussé leurs reconnaissances jusqu'au Vaudreuil et dans les forêts de Louviers et de Bord et ont pu constater qu'il ne restait aucun noyau de résistance dans un secteur de 6 kilomètres. Le lendemain 26, entre 10 et 12 heures les troupes canadiennes entrent dans la Ville libérée et reçoivent l'accueil enthousiaste de la population.

Pont-de-l'Arche le 26 Août 1944.

Le chef des Forces Françaises de l'Intérieur. Loze Maurice.

Le président du Conseil d'Administration de la ville de Pont-de-l'Arche. Tardy Roger. »

 

Les Canadiens arrivent !

Le départ de l’occupant n’est pas synonyme de paix. L’artillerie ennemie fait pleuvoir sur la ville des obus tirés notamment depuis le château de la Sahatte, sur les hauteurs d’Igoville. Pont-de-l’Arche connait alors plus de victimes civiles que durant le reste de la guerre. Cependant, la ville échappe au pire car le mauvais temps semble avoir dissuadé l’aviation alliée de raser la région de Pont-de-l’Arche aux écluses d’Amfreville. L’armée canadienne installe des canons notamment dans ce qui est devenu le Centre de loisirs et à la tour de Crosne. Il faut attendre encore quelques jours pour que Pont-de-l’Arche sorte de la zone de combats et qu’arrive le gros de l’armée canadienne, par la route de Tostes. Dans l’allégresse générale, les Archépontains voient alors passer d’incessants convois canadiens pendant plus d’une semaine, bientôt renforcés par ceux des autres armées alliées. Les gens sont sur leurs pas de porte et échangent des œufs aux soldats, qui en sont très friands, contre du chocolat, des cigarettes, des pâtes de fruit… Les Canadiens jettent le pont d’Arromanches sur l’Eure et la Seine.

Fin aout 1944, l’arrivée des premiers éléments de l’armée canadienne (route de Tostes) dans une ville libérée (photo famille Jouvin).

Fin aout 1944, l’arrivée des premiers éléments de l’armée canadienne (route de Tostes) dans une ville libérée (photo famille Jouvin).

La fin des combats

La Libération est synonyme de joie mais pas d’opulence. Le rationnement des denrées est maintenu, beaucoup d’habitants sont sinistrés et occupent des baraquements provisoires, notamment dans la rue Charles-Michels. Les familles attendent le retour de soldats français emprisonnés, de résistants engagés dans l’armée ou de déportés. Enfin, malgré l’interdiction lancée par le Conseil provisoire issu de la Résistance, Pont-de-l’Arche n’échappe pas aux représailles. Quelques Archépontaines sont rasées pour leurs relations avec des Allemands, même quand il s’est agi de liens amoureux à l’origine de familles et de retrouvailles après guerre.

Visite du général de Gaulle à Pont-de-l’Arche le 8 octobre 1944 (ici rue… Général-de-Gaulle) (photo famille Azuara y Oro).

Visite du général de Gaulle à Pont-de-l’Arche le 8 octobre 1944 (ici rue… Général-de-Gaulle) (photo famille Azuara y Oro).

Le pont d’Arromanches est composé d’un ponton du port artificiel bâti par les Alliés à Arromanches en juin 1944 et amené à Pont-de-l’Arche en 1946 (cliché Armand Launay).

Le pont d’Arromanches est composé d’un ponton du port artificiel bâti par les Alliés à Arromanches en juin 1944 et amené à Pont-de-l’Arche en 1946 (cliché Armand Launay).

Sources

Archives départementales de l’Eure, fonds FFI.

Mémoires de l’abbé Desdouits

Archives familiales

 

 

 

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8 janvier 2014 3 08 /01 /janvier /2014 15:30

Expliquer le blason de Pont-de-l’Arche, c’est remonter aux éléments historiques qui ont pu l’inspirer. C’est pourquoi nous proposons ce bref historique des représentations de ce visuel. Au-delà, c’est le thème de la représentation d’une ville par un dessin qui nous a motivé. Nous nous sommes demandé si les logotypes ayant émergé depuis la fin du XXe siècle sont en rupture ou en continuité avec les blasons ?

 

Le blason de Pont-de-l'Arche sur un vitrail de Notre-Dame-des-arts (au-dessus du portail) cliché Armand Launay, 2012).

Le blason de Pont-de-l'Arche sur un vitrail de Notre-Dame-des-arts (au-dessus du portail) cliché Armand Launay, 2012).

Des emblèmes du XIVe siècle

Jusqu’à plus ample informé, c’est Alfred Canel qui a le plus poussé la réflexion sur le blason archépontain, lui qui écrivit en 1863 un Armorial des villes et corporations de Normandie.

Celui-ci explique que la plus ancienne représentation de la ville de Pont-de-l'Arche date du XIVe siècle où un écu de la vicomté montre « au milieu, un écu parti de France et de Navarre, et, en arrière de l'écu, un pont sur lequel s'élève un fort, dont on n'aperçoit que le sommet. A chaque côté de l'écu, une petite croix pose sur le parapet du pont. »

Alfred Canel en publie un dessin (page 208) avec un pont reposant sur neuf arches, Alfred Canel trouvant plus convenable de donner à la ville plus de trois ou quatre arches, chiffres habituellement attribués aux ponts jetés sur de plus petites rivières comme à Pont-Audemer et Pontorson (page 210). 

 

1669 : la plus ancienne représentation retrouvée

La plus ancienne représentation subsistante du blason de Pont-de-l’Arche, citée par Alfred Canel (page 209), date de 1669. On peut la retrouver dans le premier volume de La description des provinces et villes de France par Pierre de La Planche, prêtre et bibliothécaire de l'Oratoire de Paris. Illustré de 560 blasons, l’ouvrage est conservé à la Bibliothèque du Musée Condé de Chantilly et diffusé sur son site Internet (voir nos Sources). Pont-de-l’Arche y est donc décrit par sa géographie et ses fonctions administratives et militaires.

Le blason est ainsi décrit :

« De gueulles & au pont de 4 arches d’argent chargé d’une tige de croix sur le milieu et de 2 tours couvertes aux 2 bouts, au chef d’azur a 3 fleurs de lis d’or » 

La première représentation retrouvée du blason de Pont-de-l'Arche date de 1669 et se trouve dans l'ouvrage "La description des provinces et villes de France" de Pierre de La Planche (Bibliothèque du musée Condé).

La première représentation retrouvée du blason de Pont-de-l'Arche date de 1669 et se trouve dans l'ouvrage "La description des provinces et villes de France" de Pierre de La Planche (Bibliothèque du musée Condé).

Des variantes considérables

Puis Alfred Canel parcours les représentations successives du blason archépontain. Nous prenons par exemple le travail de Charles-René d'Hozier qui décrit le blason en ces termes (page 37) : « de sable, à un pont de trois arches d’argent, massonné de sable ; et un chef cousu d’azur, chargé de trois fleurs de lis d’or. » Il semble que les travaux de messieurs Saint-Allais et d'Avannes concordent avec Charles-René d'Hozier en écartant les emblèmes militaires.

Alfred Canel cite enfin les travaux de messieurs Traversier et Vaïsse pour lesquels le blason de Pont-de-l'Arche se compose : « De gueules, à un pont de trois arches, d'argent, mouvant d'une rivière de sinople ; au chef cousu de France. »

Version de la fin du XXe siècle du blason de la ville, signée Grégory Patin, et régulièrement utilisée par la collectivité territoriale.

Version de la fin du XXe siècle du blason de la ville, signée Grégory Patin, et régulièrement utilisée par la collectivité territoriale.

Que retenir ?

Alfred Canel rappelle à juste titre qu'il n'y a pas de vérité en matière de blason, ce dernier devant seulement être « en rapport avec ce qu'il doit exprimer » (page 210). C'est donc l'analyse historique qui doit permettre de dessiner un emblème représentatif.

 

La ville du roi

Depuis l'écu de la vicomté (XIVe siècle), toutes les représentations mettent en avant les lys royaux car Pont-de-l'Arche était une ville royale, siège de quatre tribunaux du monarque. Quid donc de la thèse avançant que les fleurs de lys sont un don d'Henri IV daté de 1589 ; thèse reprise sur Wikipédia (au 7 janvier 2014).

 

Le pont fondateur

S'il y a un emblème que l'on peut difficilement retirer à la ville, c'est bien son pont autour duquel est née la ville fortifiée à partir du IXe siècle. La question réside plutôt dans le nombre d'arches. Quatre, trois, neuf... La seule symbolique qui semble crédible est celle de la multiplicité des arches et non la représentation fidèle de la réalité.

 

Les fortifications

Les tours symbolisent les fortifications de part et d'autre du pont : le fort de Limaie et la ville fortifiée. Quid de la tour unique sur l'écu de la vicomté ? Est-elle l'emblème de la place forte que constituait Pont-de-l'Arche, toponyme désignant à la fois la ville du pont et son fort ?

 

Les croix

De deux croix sur l'écu de la vicomté à la croix unique de tous les blasons, cet élément illustre sans équivoque la fidélité au catholicisme. La croix unique au milieu du pont est une réalité historique attestée sur tous les dessins représentant le pont tombé en 1856.

 

Les logotypes de la Ville de Pont-de-l'Arche

Certains nostalgiques regrettent que les collectivités territoriales ne se contentent pas des blasons pour marquer leur présence, leur action. C'est le fruit d'une habitude qui fut donnée – et qui se maintient par endroits – par certaines collectivités elles-mêmes. Les archives municipales démontrent, çà-et-là, que la Ville de Pont-de-l'Arche utilisa le blason au moins à partir de 1871 (sans tours) quand Prosper Morel-Dubosc était maire. Elle a continué à utiliser le blason juste très récemment, même après avoir adopté un logotype.

 

Le logotype est-il de trop ?

Blason et logo n'ont pas la même histoire, ils ne revêtent pas non plus le même sens. Une collectivité peut à bon droit utiliser un blason mais n'en a pas l'exclusivité. Chacun est libre de l'utiliser car il appartient au domaine public. Qui plus est, le blason est suranné. La royauté a disparu, exit les fleurs de lys dans un document communal, et la République ne reconnait aucun culte, exit la croix catholique dans un document communal représentant la population quelle que soit sa spiritualité de chacun de ses membres.

 

Un premier logo éphémère : 1993

Le premier maire à avoir ressenti le besoin de créer un logo est Paulette Lecureux. Elle, son adjoint à l'information-communication Alain Petitprez, et son équipe lancèrent un concours auprès des enfants. Grégory Patin signa le premier logo de Pont-de-l'Arche, publié en une du n° 18 de « Pont-de-l'Arche », bulletin municipal édité en juin 1993.

Un premier logo de la Ville apparait en 1993, de Grégory Patin, et reprend le pont à quatre arches du blason de Pont-de-l'Arche (extrait du bulletin municipal).

Un premier logo de la Ville apparait en 1993, de Grégory Patin, et reprend le pont à quatre arches du blason de Pont-de-l'Arche (extrait du bulletin municipal).

Un deuxième logo : 1994-2008

Vraisemblablement insatisfaits des retours de la population, les élus décidèrent d'adopter un nouveau logo, réalisé par une entreprise. Celui-ci fut présenté dans l'éditorial du bulletin municipal « Pont-de-l'Arche » n° 21 de mars 1994. Réalisé par LGC concepts, d'Evreux, celui-ci comprend un trait vert pour la forêt de Bord, deux traits bleus pour l'Eure et la Seine et un trait jaune pour le pont ; le tout barré par le nom de la ville. Ce logo tint bon pendant 26 ans sans toutefois être systématiquement reproduit sur tous les documents et propriétés de la commune.

Le deuxième logo de la Ville a été adopté en 1994 durant le premier mandat de Paulette Lecureux.

Le deuxième logo de la Ville a été adopté en 1994 durant le premier mandat de Paulette Lecureux.

Un troisième logo : 2008

Le troisième logo a été conçu dans le cadre de l'adoption de la première ligne graphique de la Ville, c'est-à-dire l'édition de supports visuels cohérents rappelant sans équivoque l'appartenance ou l'action de la Ville. Ceci par souci de lisibilité de l'action publique mais aussi par souci professionnel. Le logo fut donc travaillé par Richard Jacquet, maire, Armand Launay, conseiller délégué à la communication, les élus et conçu par Yvon Ronnel, artisan-graphiste (Libre équerre). Le résultat témoigne de la volonté de concilier patrimoine et vie contemporaine. Ainsi sont représentés le pont disparu, pour l'histoire, mais aussi la tour de Crosne et l'église Notre-Dame-des-arts, éléments clés du patrimoine de la ville. Devant cela, deux personnages de taille inégale se tiennent la main. Ils représentent le principe de solidarité et d'éducation, à la fois compétences officielles de la Ville en matière de petite enfance et d'action sociale, mais aussi projet, Richard Jacquet ayant adopté « Pont-de-l'Arche, une ville à vivre ensemble » comme slogan de son action.

Adopté en 2008, le nouveau logo de Pont-de-l'Arche reprend des éléments d'histoire (pont disparu), de patrimoine (église Notre-Dame et tour de Crosne) avec la mise en avant des notions d'éducation et de solidarité.

Adopté en 2008, le nouveau logo de Pont-de-l'Arche reprend des éléments d'histoire (pont disparu), de patrimoine (église Notre-Dame et tour de Crosne) avec la mise en avant des notions d'éducation et de solidarité.

Sources

- Bibliothèque numérique du musée Condé (consultée le 7 janvier 2014) : http://www.bibliotheque-conde.fr/pdf/laplanche/1_300.pdf ;

- Canel Alfred, Armorial des villes et corporations de Normandie, Paris, Auguste Audry, 1863, 446 pages, voir pages 208 à 2011

- D'Hozier Charles-René, Armorial général de France : recueil officiel dressé en vertu de l'édit royal du 20 novembre 1696, volume 4, Paris, librairie des "Archives de la noblesse", 1903-1904, Gallica (consulté le 7 janvier 2014) : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb30621509j

- Pont-de-l'Arche, bulletin municipal.

Le blason archépontain sur une en-tête d'un courrier officiel de la mairie en 1912 (archives municipales).

Le blason archépontain sur une en-tête d'un courrier officiel de la mairie en 1912 (archives municipales).

Blason sur verre offert à la Ville en 2006 par Paul Grizel, habitant de Pîtres. Il orne depuis la salle du Conseil municipal (cliché Ville de Pont-de-l'Arche).

Blason sur verre offert à la Ville en 2006 par Paul Grizel, habitant de Pîtres. Il orne depuis la salle du Conseil municipal (cliché Ville de Pont-de-l'Arche).

Blason sur pierre adossé au mur pignon de la salle Ambroise-Croizat et de la salle d'Armes (cliché Armand Launay, 2012).

Blason sur pierre adossé au mur pignon de la salle Ambroise-Croizat et de la salle d'Armes (cliché Armand Launay, 2012).

Blason sur portail chez un particulier du n° 38 de la rue Coste-et-Bellonte (cliché Armand Launay, 2013).

Blason sur portail chez un particulier du n° 38 de la rue Coste-et-Bellonte (cliché Armand Launay, 2013).

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22 mars 2013 5 22 /03 /mars /2013 17:16

 

L'armée de l'air britannique et la première salle des fêtes

C’est la présence de l’armée de l’air britannique, le Royal flying corps, qui dota Pont-de-l’Arche d’une première salle des fêtes. En effet, durant la Première guerre mondiale l’armée de sa Majesté occupa tout l’espace compris entre la rue des Peupliers, aux Damps, et la rue des Soupirs à Pont-de-l’Arche. Les soldats achevèrent la construction de l’usine de chaussures des Fils de Georges Prieur (avenue de la Forêt de Bord), le gouvernement britannique loua le Vieux manoir, actuel Manoir de Manon, afin d’établir le quartier général des officiers. L’armée construisit de nombreux baraquements provisoires au Camp dont il reste le bar Les Dardanelles. Elle fit aussi bâtir une salle des fêtes, aujourd’hui disparue, au bout de la rue de Montalent, actuelle rue Jean-Prieur. Cette salle était constituée de deux baraquements en bois, longs et accolés. Quelques décorations peintes égayaient ses façades.

Le 7 décembre 1921, la Ville de Pont-de-l’Arche acheta ce baraquement 10 000 francs aux établissements Ponda, dirigés par M. Fabre. Ce bâtiment devait servir de salle des fêtes.  Les élus décidèrent de mette en location cette salle à des particuliers souhaitant y réaliser des animations. L’Industriel de Louviers du 14 octobre 1922 narre l’inauguration du cinéma d’Édmond Béquet et de R. L’Hernaut dans la salle des fêtes. Le 17 mars 1923, le journal annonçait des spectacles : « The great mystery », et « Robertson et sa mystérieuse Compagnie ». Le 30 décembre 1935, les élus confièrent le bail à Maurice Lavoisey, par ailleurs animateur d’une troupe lovérienne de théâtre : « la Revue locale ». Une anagramme lui servait de nom de réalisateur « Maurice de Yésioval ». Le 22 aout 1928, les élus signèrent un bail avec Emile Chary qui réalisa plusieurs spectacles avec Maurice Lavoisey.

 

Eden 1 (3 M 1)

La première salle des fêtes de Pont-de-l'Arche se trouvait dans un baraquement provisoire bâti par l'armée de l'air britannique durant la Première guerre mondiale (photo archives municipales). 

 

Le nouveau pont oblige la création d'une nouvelle salle 

A la Libération, il fut décidé de construire le nouveau pont en amont de la ville, devenue trop étroite pour les moyens de transports. Ainsi, les Ponts et chaussées décidèrent de créer une déviation depuis la limite des Damps jusqu’à l’entrée du pont prévue au bout de la rue Jean-Prieur. Cette nouvelle voie, la future avenue De-Lattre-de-Tassigny, condamna plusieurs espaces et bâtiments dont la salle des fêtes. Le 30 mars 1950, sous la présidence de Charles Morel, le Conseil municipal décida la construction d’une salle des fêtes « en remplacement de celle expropriée pour le passage d’un tronçon de la RN 182 selon l’état descriptif et estimatif sommaire établi par M. Rivier, architecte à Louviers, qui se monte à environ 8 305 000 F ». Le projet suivit son cours et c’est Alix Duchemin qui mena à bien la construction de la salle des fêtes (1954). Elle fut inaugurée en présence de Pierre Mendès France en face du groupe scolaire Maxime-Marchand et près de ce qui sera l'école maternelle et le stade Jacques-Havet. Pour la première fois, la ville avait une salle des fêtes construite pour durer. Elle témoigne des années 1950 par son plan en carré long et son toit à quatre pans recouverts de tuiles mécaniques. 

Salle des fêtes non terminée (oct. 1954)

L'inauguration de la salle des fêtes en 1954 en présence (de gauche à droite) du Préfet, d'Alix Duchemin, maire, de Pierre Mendès France, député, conseiller général de Pont-de-l'Arche et président du Conseil général, et de la veuve Georges Bluet, présidente du cercle radical Edouard-Herriot de la ville. 

 

La salle des fêtes bénéficia d’une restauration achevée en 1987 pendant le mandat de Roger Leroux. C’est depuis lors que l’entrée de cet espace est enrichie d’œuvres du sculpteur Jean Kerbrat qui habita Pont-de-l’Arche quelques années.

Ce bâtiment fut restauré en 2006 pendant le mandat de Dominique Jachimiak. Celui-ci décida de lancer un concours afin de nommer ce lieu. Le nom d’Espace des Arts’chépontains fut retenu suivant le jeu de mots d’Odile Maës. Il repose sur l’identification du mot « Arts » dans la sonorité du nom des habitants : les Archépontains. 

 

Maurice Delamare (9)

Vue sur la salle des fêtes peu après sa construction (carte postale). 

 

Sources

Registres des délibérations du Conseil municipal

Archives municipales

 

Armand Launay

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21 mars 2013 4 21 /03 /mars /2013 20:39

Inauguré le 29 janvier 1955 par Pierre Mendès France, président du Conseil des ministres, le pont de Pont-de-l’Arche ne portait pas de nom officiel avant le 4 mai 1969. Ce jour-ci, le maire Roland Levillain baptisa le nouvel ouvrage « De-Lattre-de-Tassigny » en présence de la veuve de ce maréchal né le 2 février 1889 à Mouilleron-en-Pareds (Vendée) et mort le 11 janvier 1952 à Paris. L’avenue percée pour l’accès à ce pont prit aussi ce nom. 

Nous reproduisons ci-dessous un plan de situation du pont avant travaux édité par le Ministère des travaux publics dans une brochure intitulée « Le nouveau pont-route de Pont-de-l’Arche : 1951-1954 » (page 2). 

Carte nouveau pont


On mesure que l’avenue De-Lattre-de-Tassigny n’était qu’un projet sous le nom de « déviation » partant de la limite avec Les Damps jusqu’à la culée sud du pont. Elle fut réalisée dans le cadre des travaux du pont et coupa en deux le boulevard de la Marne et la rue Marie-Morel-Billet, atrophia le square Didier-Simon, coupa le parc de la Folie-Vallet, fit tomber une maison (parking de la rue Jean-Prieur) et amena le Conseil municipal à détruire l’ancienne salle des fêtes.

Quid alors de la partie sud de l’avenue jusqu’à la forêt de Bord ?   

C’est Jean Verdier, dans un article publié dans Présence normande en 1960 (voir sources) qui nous fournit la réponse. A la page 23, il écrit que les travaux sur la RN 154 eurent lieu « par petites tranches successives entre 1953 et 1957. » Il précisa que ce « long travail de patience [fut] couronné en 1958 par l’élargissement à quatre voies (…) au sommet (...) du Val-aux-loups. » Plus précisément, pour ce qui nous intéresse ici : « De l’orée de la forêt de Bord à l’entrée est de Pont-de-l’Arche, un tracé nouveau réalisé en 1955, amène l’automobiliste en souplesse jusqu’à l’entrée du pont, reconstruit en amont de l’agglomération. » Un tracé qui délimite le récent lotissement de la Forêt.

En 2006, cette route nationale 154 fut départementalisée et rebaptisée poétiquement D 6015.

En 2001, cette avenue est partiellement restaurée par le Conseil général. Le carrefour avec la rue Maurice-Delamare est remplacé par un rondpoint. En 2005, un rondpoint est créé en forêt pour le futur contournement sud de la Ville inauguré en 2010. 

 

P1070508.JPG

Vue sur le pont en 2012 (photo A. Launay).


Sources

Ministère des travaux publics, Le nouveau pont-route de Pont-de-l’Arche : 1951-1954, imprimerie Logier et Cie, 32 pages.

Verdier Jean, « Dix ans de travaux sur la RN 13 bis », Présence normande n° 5, juillet 1960, 10 pages.

 

A lire aussi...

La rue des Soupirs et la Côte d'amour

  

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19 décembre 2012 3 19 /12 /décembre /2012 22:41

 

Le pont du diable à Pont-de-l’Arche : la légende face à l’histoire

Il fut un temps, pas si lointain, où l’on bâtissait tout ou presque à la force du poignet, les ponts y compris. Les chantiers étaient alors de vastes entreprises qui devaient impressionner nos ancêtres tout comme nous sommes admiratifs des prouesses tecniques et donc humaines que sont le pont de Normandie ou le viaduc de Millau, par exemple.

C’est pourquoi les observateurs du chantier d'un pont devaient se dire que l’architecte avait vendu son âme au diable pour mener à bien une entreprise de cette ampleur, voire de cet orgueil. Enfin, avait-il vendu son âme ou conclu quelque autre marché satanique ? L’architecte exposait toujours la vie des autres ; que ce soit celle des ouvriers pendant les travaux ou celle des usagers depuis l’inauguration du pont jusqu’à son délabrement. Il avait, en ce sens, pouvoir sur autrui ou encore partie liée avec Satan. 

Les légendes qui font intervenir le diable dans la construction de ponts sont loin d’être rares. Citons pour témoin le pont sur le Vaerebro, près de Roskilde (dans le canton de Jyllinge au Danemark, sur la même ile que Copenhague) [1].

Plus précisément, l’exemple de Pont-de-l’Arche nous a fait remarquer que de nombreuses versions existaient autour d’un même pont. Si elles peuvent se résumer autour de mêmes personnages aux actes assez similaires, elles expriment chacune une originalité qui dénote la culture, la sensibilité de leurs auteurs.

Les versions de la légende touchent aux thèmes de la prouesse déployée pour la construction du pont et de son érosion. Trois des quatres versions que nous reproduisons ci-dessous citent la dernière arche du pont, celle qui permet le passage des bateaux. Difficile à bâtir et à entretenir, c'est donc l’arche du diable. Ce point semble inspiré de la réalité...

En effet, aux XVIIe et XVIIIe siècles, des témoins ont noté la difficulté de l’entretien de la grande arche, près du château de Limaie. Lorsque le dimanche 1er janvier 1640 M. le chancelier Séguier inspecta en personne le pont et le château de Limaie, il remarqua dans son Diaire que l’une des piles de l’arche principale, proche le dict chasteau, par laquelle on faict remonter les bateaux… est presque toute ruinée et consommée soit par le hurt des glaçons, soit par le courant de l’eaüe… Cette même année commencèrent de vastes travaux financés par l’État afin d’ériger un pont neuf.

Or on rapporta, dès 1712, que ce pont menaçait déjà ruine et que la navigation était entravée par les pêcheurs et les gords [2]. Selon Yves Fache, dont les références sont parfois aléatoires, deux arches du pont s’ouvrirent au début du XVIIIe siècle [3].

Du fait de la grandeur de l’arche sous laquelle on halait les navires, il n’est pas étonnant de penser qu’elle était la plus exposée à la chute et, par conséquent, qu’elle nécessita plus d’entretien que les autres arches. À notre avis, la légende du pont diabolique trouve son origine ici même ainsi que dans l’impression de défi humain que constitue l’érection et l’entretien d’un tel ouvrage. Les variantes autour de la la légende restent mineures et doivent provenir des érudits qui ont eu l’heureuse idée de coucher par écrit cette légende populaire. C'est ce qui expliquerait le mélange des siècles, la présence du duc de Normandie, du gouverneur d’Hasdans (terme qui n’a pu franchir les âges puisqu’il s’est transformé, dans sa forme populaire, en Les Damps)…

A. Launay

 

 

A lire aussi...

Les ponts de Pont-de-l'Arche de 862 à nos jours

 

 

Notes

[1] Dumézil Georges, "La gestatio de Frotho III et le folklore du Frodebjerg", pages 81 à 90, in Mythes et dieux de la Scandinavie ancienne, Paris : Gallimard, 2000, coll. Bibliothèque des sciences humaines, 373 pages ;

[2] Brisson Charles, Hostalier A., "Le sixième pont de Pont-de-l’Arche – I.– Un pont millénaire", 7 mars 1952, 1 page, archives d’Elbeuf : Fonds Brisson, dossier 188 C 329 ;

[3] Fache Yves, Histoire des ponts de Rouen et de sa région, Luneray : Bertout, 1985, 392 pages.

 

 

Version de la légende par Alf. B. (1833) 

Alf. B., "Le Pont-de-l’Arche – Tradition normande", in La Revue de Rouen, 2e semestre 1833, 423 pages.

 

 

Nam asellus, quem ante me agebam,

Primus tibi occurrit.

 

Car l’âne que je menais devant moi

Vous a rencontré le premier.

 

                (Hist. d’Alexandre-le-Grand).

 

« Par saint Vigor, mon patron ! Voici bien du nouveau ! Pauvre passager que je suis ! Comment nourrir, maintenant, ma bonne mère que j’aime ? Comment épouser Brigide, la fille du pêcheur ? »

Et le malheureux s’élança dans la ville, criant partout au miracle !

C’est qu’en vérité ses yeux avaient été frappés d’un bien incroyable prodige : la veille encore, lorsqu’aux rayons du soleil couchant il avait attaché sa barque au rivage, la Seine passait libre et fière devant sa cabane : esclave aujourd’hui, elle partage ses eaux aux vingt-deux arches d’un pont.

Certes, il y avait, dans cette rapide construction, quelque chose d’inaccessible à toute intelligence humaine, et les bourgeois se refusèrent, tout d’abord, au témoignage de l’infortuné batelier. Mais, enfin, comme il continuait de crier, sans qu’on eût pu apercevoir en lui aucune marque de folie, un, puis deux, puis tous, descendirent aux poternes : Force leur fut alors de se rendre compte à l’évidence.

Or, ce que le seul Jehan, compagnon cordonnier, osa penser à cette époque, tous le répètent aujourd’hui : « Ce pont était œuvre infernale. » 

Voici le fait : 

Dans une année qui n’est plus bien connue, mais que l’on sait seulement être fort éloignée, le désir vint au duc de Normandie d’aller faire une visite au comte d’Évreux, son puissant vassal. D’aucuns disent qu’il y avait, dans cette démarche, plus que de la courtoisie, quelque arrière pensée d’usurpation. D’autres témoignent, au contraire, de la bonne foi du prince, et il en est même qui rappellent un mariage. Quelle que soit, du reste, la meilleure de ces opinions, peu importe à notre récit. Le point principal, le seul nécessaire est le passage du duc par la ville théâtre de cette action, et située entre Rouen et Évreux.

Toutes les lumières étaient disparues des maisons ; le fiancé de Brigide, lui-même, reposait depuis deux heures, et la garde de nuit était déjà renouvelée trois fois à la grande tour du château. Tout à coup retentissent au loin les pas d’un cheval au galop ; puis un homme d’arme paraît bientôt, qui d’un seul mot fait tomber le pont-levis. Il semblait un guerrier normand, et se disait chargé pour le gouverneur des volontés du terrible duc, leur souverain seigneur à tous les deux. Aucune porte ne résistait à ce nom tant redouté, et l’envoyé se trouva bientôt en présence de celui qu’il cherchait. Le gouverneur était un homme bon et vaillant à demande, épris, avant tout, de son épée et de sa fille.

Ne saurait dire quel effet produisit sur lui l’arrivée de l’inconnu, car ses gardes étaient éloignés, et l’homme qu’il aperçu n’était plus celui qu’avaient reçu ses archers.

Au lieu de l’humble costume d’un chevaucheur, une armure noire étincelant brillait sur sa poitrine. Sa taille était haute, son visage livide et profondément ridé. Quand il s’approcha du grand foyer, la flamme pâlit, et ce fut comme un bruit d’airain quand il vint à parler :

« Messire, dit-il, un homme venait de Rouen vers toi à la plus grande vitesse de son cheval. Mais, entourés des ténèbres, coursier et cavalier se sont abîmés dans le fleuve. L’ordre qu’ils portaient, le voici, de son exécution dépend ta bonne où ta mauvaise fortune. »

Le gouverneur étendit le bras comme porté par une force invisible, et reçut une large parchemin au sceau du duc de Normandie.

Lecture faite, il semble réfléchir, puis il allait appeler :

« Quels ordres veux-tu donner ? » dit, en l’arrêtant, son mystérieux interlocuteur : « la deuxième heure n’aura pas sonné demain depuis le lever du soleil, que déjà le duc paraîtra sur la rive opposée, suivi de ses hommes d’armes et des gens de sa maison.

En si peu de temps, que faire ?

Ne te serait-il pas impossible de rassembler le nombre de barques nécessaire au passage, que de manquer aux volontés de si puissant et si impérieux seigneur ? »

Le gouverneur ne répondit rien, mais il sentait toute la portée de ces paroles.

« Que les ordres du duc soient remplis, ajouta l’inconnu, et puissance croîtra suivant son bon désir. Néglige, au contraire, de le satisfaire, et ta ruine entraînera celle des tiens, celle de ta fille.

Puissance de Satan ! Qui peut m’aider en ce pressant danger ?

- Celui-là même que tu viens d’invoquer. »

Le gouverneur frémit, car il savait maintenant quelle voix lui parlait, quelle main s’appuyait pesante sur son épaule.

« Nos conditions, dit-il en balbutiant ?

- Pour toi un pont, pour moi le premier être qui de ses pas en pressera les dalles. »

Le gouverneur jura sa parole de chevalier, et Satan disparut pour tenir la sienne.

À ce nom, disent les vieilles, un bruit de chaînes, mêlé de voix nombreuses, retentit par tout le pays.

Cette apparition resta toute la nuit comme un songe dans l’esprit du gouverneur. Puis, à la première lueur du jour, poussé par je ne sais quel mouvement indicible qui, dans les choses même les plus incroyables, nous fait toujours tenter une vérification, il sortit de son château sans trop se faire compte de cette démarche. Mais le même instinct qui l’avait amené dans la ville, le conduisit au rivage. Partout régnait le silence car les bourgeois dormaient encore.

Déjà, il était en vue du pont, lorsque accourut vers lui son enfant bien aimée qui, inquiète de ne l’avoir point trouvé à son réveil, le cherchait partout, et pensa, dans la rapidité de sa course, être entraînée sur les dalles maudites.

Le souvenir des paroles de Satan vint alors frapper comme la foudre, la tête du malheureux père. Un froid subit courut par tous ses membres ; une sueur glaciale couvrit son visage ; et ce fut comme machinalement qu’il trouva encore assez de force pour lancer avant sa gentille Alice un chat, mis près de lui, disent les braves gens, par la protection de saint Vigor.

Anéanti, tremblant de tout son corps, il serre sa fille contre son sein, et, chargé de ce précieux fardeau, regagne précipitamment le château.

Une heure après, le passager, avait, comme nous l’avons dit, réveillé tout le monde ; et ce ne fut, durant la journée, que bruits d’hommes et de chevaux. Sur le soir, le duc de Normandie quitta la ville pour continuer son voyage ; mais on ne m’a point dit s’il fut ou non surpris de l’architecture diabolique du pont.

Seulement, au milieu de la nuit suivante, une forte odeur de soufre arracha le gouverneur au sommeil, et l’homme de la veille apparut à son chevet.

« J’ai accompli ma promesse, dit-il, et toi, tu as éludé la tienne : par grâce pour les bourgeois de la ville, ce qui est fait est fait ; mais, quand le jour m’a surpris, une arche restait inachevée : jamais on ne la finira. Ta mauvaise foi l’a méritée ; ma puissance y pourvoira. »

Il dit, et s’abîme comme la première fois.

Huit jours plus tard, le batelier, riche d’un trésor qu’il avait trouvé, épousa Brigide, sa fiancée.

La ville où tout cela s’est passé a reçu depuis le nom de Pont-de-l’Arche ; et cette arche si célèbre, on la montre encore à gauche, en arrivant de Rouen, à l’entrée du pont. Souvent, on a tenté de la fermer, mais les pierres qu’on a employé, ou deviennent tout à-coup disproportionnées en longueur, ou, placées pendant le jour, disparaissent la nuit au fond des eaux. »

 

                                                                                                          Alf. B. (Rouen) 

 

Version de la légende par Léon de Duranville (1843)

Léon Levaillant de Duranville, "Nouveaux documents sur la ville de Pont-de-l’Arche", in Revue de Rouen, 1843, vol.1-2.

 

Comme si ce n’était point assez, pour le pont construit sous Charles-le-Chauve, et qui fournit le nom de la petite ville de Pont-de-l’Arche, que de remonter jusqu’aux invasions normandes, et d’avoir été construit au chant des terribles litanies du IXe siècle, on a voulu lui donner une origine diabolique : le prince de l’enfer a semblé préférable au roi de France, au petit-fils de Charlemagne.

Il existe plusieurs variantes de cet événement merveilleux. [...]. Ou bien l’architecte n’aurait pas voulu de l’assistance du prince d’enfer, qui lui faisait offre de services, et pour lors Satan, partout reconnaissable à ses griffes, c’est-à-dire à ses mauvais tours, aurait juré que personne ne verrait le pont fait et parfait, ni dans les IXe, Xe et XIe siècles, ni même dans le XIXe. Ou bien le découragement de l’architecte fut si grand, qu’il supplia le mauvais génie de lui venir en aide. Le prix qu’il s’engageait à payer était d’une autre valeur que le premier objet vivant : il promettait de livrer son âme, de la dévouer aux tourments éternels de l’autre monde, à ces supplices que le tentateur porte partout avec lui, à cet enfer, qui n’abandonne jamais Satan quand il apparaît sous forme humaine, quand il se plonge dans les eaux de l’Océan et soulève d’affreuses tempêtes. Le jour de l’échéance devait être le propre jour où l’ouvrage serait terminé : “Or sus, maintenant,” lui crierait une voix épouvantable, “tu m’appartiens à bon droit, tu es un de mes vassaux.” Désolé d’avoir souscrit un semblable engagement, il répandait des larmes amères : on peut en répandre à moins. Heureusement, son repentir intéresse son patron en sa faveur et, chaque nuit, ce bienheureux habitant du ciel enlève quelque pierre du pont. Il en fut ainsi de la toile de Pénélope et du tonneau des Danaïdes : le pont ne fut jamais achevé entièrement ; l’architecte eut le temps de mourir de sa belle mort et d’échapper aux griffes qui le convoitaient » 

 

 

 

Version de la légende par Louis Bascan (1902) 

Bascan Louis, Légendes normandes, Paris : C. Delagrave, 1902, 238 pages, voir page 135.

 

 

Il y a des siècles et des siècles, la ville de Pont-de-l’Arche s’appelait Hasdams, et Hasdams était fort connu dans toute la Normandie par son pont de vingt-deux arches qui faisait communiquer les rives de la Seine.

Il n’avait pas été facile à construire, ce pont-là. L’architecte qui en avait dressé les plans avait bien édifié vingt et une arches sans trop de difficulté, mais la vingt-deuxième défiait tous ses efforts. On apportait des montagnes de moellons : en quelques heures, le courant les entraînait. On entassait des blocs énormes : les pierres s’allongeaient ou se rétrécissaient. On coulait du mortier au fond de l’eau : il s’en allait comme du sable fin. Le malheureux architecte était désespéré.

Un jour qu’une nouvelle tentative venait d’échouer piteusement, il s’assit par terre, mit sa tête entre ses mains et s’écria plein d’amertume :

« Je n’ai plus rien à faire. Que le diable finisse le pont s’il le peut ! »

À peine avait-il achevé ces paroles qu’il entendit une voix étrange lui répondre :

« Le diable peut tout ce qu’il veut. »

L’architecte, stupéfait, regarda autour de lui. Il ne vit personne, sauf son chien, un grand lévrier noir, qui fixait sur lui des yeux de flammes. Jamais il ne lui avait vu des yeux pareils. Toutefois, croyant être le jouet d’une hallucination, il haussa les épaules et laissa retomber sa tête sur sa poitrine.

La même voix étrange reprit avec force :

« Je te répète que le diable peut tout ce qu’il veut. »

Cette fois, il n’y avait point à s’y méprendre : c’était son chien qui avait parlé, car il avait encore la bouche ouverte.

L’architecte voulut répondre ; aucun son ne put sortir de sa gorge.

« Allons, dit son chien d’un ton sarcastique, n’aie pas peur. Je suis venu pour t’aider.

- Alors, demanda l’architecte, c’est donc vrai ce qu’on disait ?

- Que disait-on ?

- On disait que vous êtes le diable.

- C’est vrai ; je n’ai pu le cacher. Un jour que des apprentis voulaient me jeter à l’eau, je saisis le plus méchant d’entre eux par le cou et le lançai dans le fleuve, où il se noya. Depuis cette aventure on me laisse tranquille, mais j’ai une mauvaise réputation. Qu’importe après tout ! Voyons, ne perdons pas de temps : désires-tu que je finisse ton œuvre ?

- Je le souhaite de tout mon cœur ; mais c’est impossible.

- Impossible ! Rien ne m’est impossible. Si je le veux, la vingt-deuxième arche de ton pont touchera la rive demain matin.

- Oh ! que je vous serais reconnaissant !

- Merci, je ne tiens pas à la reconnaissance. Je préfère quelque chose de positif.

- Quoi donc ?

- Pas grand’chose.

- Mais encore ?

- L’âme de la première créature qui franchira le pont.

- C’est tout ?

- Je voudrais bien traiter avec vous, mais qu’est-ce qui me prouve que...

- Ah ! tu doutes de ma puissance ?

- Ma foi !...

- C’est bon ; je vais te montrer des choses que tu n’as jamais vues. Monte sur mon dos, prends-moi par le collier, et ferme les yeux ; tu ne les ouvriras que lorsque je te le dirai. »

Machinalement, l’architecte obéit à son chien, et, en un clin d’œil, il se trouva transporté dans un lieu désert et sauvage. D’énormes quartiers de rocs, dressés çà et là, donnaient à ce lieu l’aspect d’un cimetière de géants. Une herbe maigre et courte, qui poussait par places, semblait couvrir la terre d’un manteau déchiré.

Le chien tendit le cou vers un fossé où remuait quelque chose et aboya. Aussitôt les rocs disparurent ; à leur place s’éleva un merveilleux palais. Des colonnes d’onyx soutenaient le fronton imposant ; les marches étaient de granit rose ; les couloirs et les murs, brillants comme des glaces, étaient incrustés de marbres de toutes les couleurs ; le plafond, lumineux comme un ciel d’Orient, resplendissait d’étoiles.

L’architecte ébloui se tourna vers le chien pour lui exprimer son admiration. À ses côtés, il ne vit plus un lévrier noir, mais un beau seigneur vêtu de velours rouge et couvert de pierreries étincelantes.

« Eh bien! lui demanda le beau seigneur, doutes-tu encore de ma puissance ?

- Excusez-moi, balbutia l’architecte.

- Volontiers, mais je veux te montrer autre chose avant de travailler pour toi. »

Il frappa dans ses mains. Au même instant, une salle immense apparut à leurs yeux, remplie de seigneurs et de dames richement vêtus, qui dansaient au son d’un orchestre invisible. La musique était douce et langoureuse comme un chant d’amour. Puis, les couples s’assirent devant des tables chargées de flacons dorés, de coupes de cristal et de fruits superbes. De petits hommes, d’une prestesse inouïe, satisfaisaient leurs moindres désirs. Bientôt après, la salle du festin s’évanouit, et devant les convives, à perte de vue, s’étendirent des jardins avec de vertes pelouses, de frais ombrages et des fontaines murmurantes.

- « Que tout cela est beau ! s’écria l’architecte ravi.

- Alors, c’est entendu ? dit le diable. Rentre chez toi et dors en paix jusqu’à demain matin. Pendant ce temps, je vais achever ton pont, et j’aurai en récompense l’âme de la première créature qui le franchira.

- Entendu, » dit l’architecte.

Un voile de ténèbres s’abattit devant ses yeux ; il s’affaissa sur le sol et s’endormit d’un profond sommeil...

Quand il se réveilla, il était chez lui, dans une cabane en planches construite non loin du pont. S’étant frotté les yeux, il aperçut son chien qui paraissait le veiller. Cette vue le tira de sa torpeur : vite il se leva, se vêtit et courut dehors.

Ô prodige ! la vingt-deuxième arche s’arrondissait par dessus le fleuve.

L’artiste ressentit une fierté inconnue. Son orgueil fut bientôt caressé par les éloges de ses compagnons, des habitants du pays, du seigneur et de sa suite. Jamais il n’avait rêvé pareil triomphe. Sa joie fut complète lorsque le seigneur, à haute voix, devant tout le monde, promit de lui accorder ce qu’il voudrait.

Notre homme, embarrassé, demanda un jour de réflexion. Il se retira dans sa cabane, l’esprit préoccupé. Il n’était pas sans remords. Toute la nuit, il médita sur les terribles conséquences du pacte qu’il avait conclu avec Satan. Il craignit pour les autres, il craignit pour lui-même. Son front était baigné de sueur. Des visions épouvantables défilaient devant lui...

Enfin, après avoir souffert mille angoisses, il poussa un soupir de soulagement, sourit et se frotta les mains : il venait de trouver le moyen de duper l’éternel dupeur.

Le lendemain matin, il pria le seigneur de lui donner un âne pour éprouver lui-même la solidité du pont. Dès qu’on le lui eut amené, il s’arma d’un aiguillon, piqua le baudet, qui partit au galop et traversa la vingt-deuxième arche ; ce fut ainsi la première créature qui passa le pont.

Le diable, qui avait repris la forme d’un lévrier noir et qui était assis à l’extrémité de son œuvre, comprit le mauvais tour qu’on lui jouait. Humilié de sa défaite, il jura, mais trop tard, qu’on ne le prendrait plus à contracter des marchés avec des architectes normands.

 

 

Version de la légende par Charles Brisson (1929)

Brisson Charles, Herval René, Lepilleur A., Légendes et récits de Normandie, Elbeuf : Paul Duval, 1929, 157 pages, voir pages 25 à 29.

 

 

Dendeville--pont-diable-.JPGIllustration de Raymond Dendeville dans Légendes et récits de Normandie de Charles Brisson, René Herval… voir page 8. 

 

Le 12 juillet 1856, s’écroulait le vieux pont de Pont-de-l’Arche, sur la Seine, l’un des doyens des ponts de France, puisqu’édifié en trois ans, de 862 à 865 par ordre de l’archevêque Hincmar.

C’était à la fois un barrage et un pont fortifié, portant moulins et demeures, et solidement défendu à ses extrémités par des ouvrages militaires.

Il s’en fallait donc de peu – neuf ans seulement, – que le vénérable édifice ne vécut mille ans ! Naturellement, il avait sa légende, née du fait qu’une telle construction ne pouvait être œuvre humaine. – Si l’histoire affirme que trois années avaient été nécessaires, la légende qui voyait là œuvre surnaturelle se contentait... d’une nuit ! mais avec l’inévitable concours du Diable.

Hincmar avait appelé des ingénieurs byzantins réputés, tenant à ce que son seigneur et roi, Charles-le-Chauve, disposât d’une œuvre susceptible de défier le temps et les hommes. Mais Byzance était loin et la route longue... Le roi se morfondait en l’attente des orientaux attendus et chaque jour craignait quelque nouvelle incursion des pirates venus du bas-fleuve.

C’est alors qu’un pauvre homme de la paroisse de Saint-Germain d’Alizay, désireux de voir son roi débarrassé de tout souci, et sans doute aussi de savoir son chétif patrimoine à l’abri, se dit à haute voix sans doute :

« Si je connaissais quelque moyen de satisfaire le désir du Roi nostre Sire, sans attendre ceux qui tardent tant, certes ma fortune serait chose faite... Mais seul le Diable pourrait faire celà et m’assister ! »

Il n’avait pas achevé sa phrase... ou sa pensée, que Satan surgissait, dans la classique odeur de souffre qui accompagne ses apparitions. – Le bonhomme, dit la Légende, n’en fut pas exagérément surpris, ce qui peut paraître étrange, mais il avait tant de fois vu le diable logé en sa bourse qu’une apparition de plus n’était pas pour l’effrayer outre mesure !

« Tu as besoin de moi ?

- Sire diable, dit le paysan, je ne t’ai pas appelé, mais puisque te voilà, dis-moi donc si tu saurais bâtir un pont solide, d’ici où nous sommes jusqu’à l’autre côté de la vallée ?

- Jeu d’enfant pour moi ! » répliqua le Malin.

- « Possible ! mais quelle preuve peux-tu me donner d’un pouvoir dont j’ai ouï parler, mais que je n’ai jamais éprouvé ?

- Une preuve ? Tiens, prends les charbons qui rougeoient en ton âtre ! »

L’homme cherchait déjà sa pelle, mais Satan le repoussant, se baissa et prit à larges poignées les charbons ardents.

- « Ouvre tes mains ! »

Or, quand le paysan se décida à obéir, ce furent lingots froids et plus lourds que du plomb qui churent en ses paumes : c’était de l’or !

- « Comment ne te croirai-je maintenant ! Je cours chez le roi et lui vais dire que son pont sera bâti... quand donc, au fait ?

- Demain matin, avant même que le soleil soit levé ! »

Satan attendait son homme au logis et eut tous les remerciements qu’il pouvait désirer, et auxquels il se contenta de répondre :

- « Je n’ai que faire de tes mercis ! Certes, ma complaisance est grande, mais elle se paie : il me faut, corps et âme, le premier qui passera sur le pont. »

Il était bien tard pour reculer, le paysan était pris, il ne pouvait qu’accepter la condition... se réservant de ne pas passer le premier. – Mais déjà une idée venait de germer en lui.

La nuit venue, il était aux aguets, désireux de voir s’accomplir l’œuvre prodigieuse dont il était tout de même un peu l’auteur.

Satan était là, commandant à des milliers de pierres qui, toutes taillées, arrivaient sans bruit sur toutes routes et chemins et prenaient leur place, s’assemblaient, s’entassaient sans répit...

Il fallut quinze minutes pour la première arche, et quatre autres s’élevaient au bout d’une heure ! Or, pas un ouvrier n’était là ! Tout se faisait sans un homme, sans une main, sans un outil, sans mortier ni    ciment : Satan suffisait à tout, mais encore sa présence était-elle suffisante ! Par exemple, il suait à grosses gouttes, et sans doute, mais pour tout autre motif, le paysan de même !

Quand minuit sonna à Pont-de-l’Arche, les vingt-quatre petites arches de la vallée étaient alignées... Quand les premières lueurs du jour apparurent à l’orient, le Diable ordonnait aux pierres de s’assembler pour la dernière arche !

Le bonhomme était fou de joie ! II voyait sa fortune assurée, il était certain de la magnifique reconnaissance du roi ; demain il serait comte, duc, prince...

Et c’est alors qu’il se précipita en sa demeure avant que le Diable eut repris le chemin du royaume des Ténèbres ! II détacha son âne et prit une branche de chardon qu’il réservait pour le repas de l’animal, puis s’en fut à l’entrée du pont.

Satan, se frottant les mains, attendait sans trop d’impatience quelque croquant, voire même un personnage d’importance – la proie promise – qu’amènerait la stupéfaction devant l’œuvre surnaturelle de la nuit passée...

Mais le bonhomme lança de toutes ses forces l’appât sur le pont et déjà l’âne se précipitait pour le saisir ; Satan, quelque peu tard, comprit la ruse et disparut en emportant pour tout butin un corps et une âme d’âne, en admettant que les ânes aient une âme !

... Par contre, une arche demeurait inachevée, mais la terminer était si peu auprès de l’œuvre accomplie ! Or, on ne put jamais en venir à bout et le nom lui demeura d’Arche du Diable.

... De retour chez lui, le paysan se dit que la perte de son âne était certes largement compensée par le monceau d’or que le Diable avait tiré de l’âtre ; il y avait à peine porté la main qu’il la retira avec un horrible cri : le charbon était redevenu charbon, et bel et bien ardent. Ce fut d’ailleurs la seule vengeance du Démon !

Telle est la légende du défunt pont de Pont-de-l’Arche ; fait curieux, elle se retrouve sous la même forme et avec les mêmes péripéties sur les bords du Rhin – avec une seule différence que, comme il se doit, l’âne y est devenu… un chat.

 

Charles Brisson

 

 

 

Armand Launay

Pont-de-l'Arche ma ville

http://pontdelarche.over-blog.com

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19 novembre 2012 1 19 /11 /novembre /2012 22:15

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Quelques soldats français devant l’église Notre-Dame-des-arts avant que le feu ne tonne.

 

 

8-9 juin 1940 : le combat de Pont-de-l’Arche

1940, l’armée allemande avance à toute allure en France et bientôt en Normandie. A Pont-de-l’Arche, l’armée allemande fut annoncée par un immense défilé de civils en exode et d’éléments militaires désorganisés. Deux centres d’accueil furent ouverts à leur intention à Pont-de-l’Arche. Dans l’après-midi du samedi 8 juin, on observa dans les hauteurs boisées d’Igoville et Alizay les avant-gardes de la 7e division de panzers d’Erwin Rommel, général allemand qui voulait encercler Rouen par Elbeuf.

Pour les retarder, se trouvaient quelques éléments des armées britannique et française, principalement la centaine d’hommes du 4e Groupe franc motorisé de cavalerie commandé par le capitaine François Huet. L’accès au pont de la ville était sérieusement gardé avec, notamment, des pièges antichars. Deux canons de 37 faisaient face au pont, sur la place Hyacinthe-Langlois. Trois pièces d’artilleries se trouvaient dans la propriété de Crosne en plus de quatre mitrailleuses placées sur la terrasse de la tour et deux autres au rez-de-chaussée, à travers les meurtrières. Deux pièces d’artillerie étaient installées dans la cour de l’abbaye de Bonport. En haut de la route de Tostes, une grosse pièce d’artillerie pouvait tirer sur toute la vallée.

Un peu après minuit, le dimanche 9 juin, des éclats d’obus et de mitraille retentirent à Igoville où restaient coincés beaucoup de civils. Des éléments motorisés allemands descendirent la route de Rouen et rencontrèrent la résistance des forces anglaise et française. Vers quatre heures et demie, malgré l’impressionnant bruit de canonnade, les quelques Archépontains encore dans la ville – des élus municipaux, des religieuses, quelques vieillards de l’hôpital et le curé – entendirent très distinctement les motorisés allemands s’avancer vers la Seine.

Vers 6 h 25, conformément aux ordres reçus par le capitaine François Huet, les soldats du génie firent exploser le pont dont les projections retombèrent jusqu’à 400 m. Toutes les vitres volèrent en éclat et couvrirent les rues de verre cassé.

La canonnade continua, le reste de la population partit de la ville. A Igoville, deux chars français épuisaient héroïquement leurs munitions face aux Allemands. Les six soldats qui les actionnaient durent les abandonner, les détruire, et rejoindre les berges de Seine, sous le feu nourri de l’ennemi, avant de traverser à la nage jusqu’à Pont-de-l’Arche. Le général Erwin Rommel a cité dans ses mémoires cette résistance des aspirants Dubern et Lepage qui ont retardé l’ennemi près de 2 h 30. Il faut croire que l’état-major français n’était pas conscient de cette exceptionnelle résistance, lui qui ordonna de faire sauter le pont, abandonnant ainsi à l’ennemi de nombreux soldats français et surtout anglais sur la rive droite de la Seine.

Le pont de Pont-de-l’Arche étant coupé, les Allemands se dirigèrent vers Saint-Pierre-du-Vauvray et Gaillon où ils passèrent la Seine le dimanche soir. Le mercredi, les derniers soldats français quittèrent Pont-de-l’Arche, ville occupée dès le lendemain par les Allemands et ce jusqu’en aout 1944. L’action du capitaine François Huet avait atteint son objectif : empêcher Erwin Rommel d’assiéger Rouen et ses défenseurs. Le prix à payer était la destruction des ponts de Pont-de-l’Arche, ceux d’Elbeuf et celui d’Oissel.

 

2

Ce cliché du 7 décembre 1940 montre le pont de la ville après son dynamitage par des soldats du génie français et britannique le dimanche 9 juin 1940. 

 

Le pont de bois provisoire

Pont-de-l’Arche n’ayant plus de pont, l’occupant allemand fit bâtir un pont de bateaux dès les premiers jours de juillet à 500 m en aval du pont détruit. Après avoir beaucoup servi, il fut emporté par la débâcle des glaces en janvier 1941.

Cependant, depuis septembre 1940 la direction des Ponts & chaussées avait réfléchi à un nouveau pont. Celui-ci fut élaboré par la Société de construction des Batignolles après l'intervention de Technische Nothilfe qui dynamita sous l’eau les restes du pont détruit en juin 1940.

Etant donnée la pénurie de matériaux, Maurice Blosset, ingénieur en chef des ponts et chaussées, prit la direction de 17 chefs d’équipes et 180 hommes disposant de 6 500 pins de la forêt de Bord pour réaliser une véritable prouesse technique et humaine, tant l’hiver fut glacial. Les pins, de 10 à 14 mètres de long et 25 cm de diamètre, étaient enfoncés de 3 m 50 dans l’assise calcaire du fleuve. Au total, ce sont 4 600 m3 de bois qui ont été travaillés par 70 charpentiers et 40 aides ou manœuvres et 3 670 m3 de bois mis en œuvre sur le pont.

 

3

Décembre 1940, devant les restes d’une pile de l’ancien pont, une partie des 20 bucherons et 20 manœuvres français réalisent – dans le froid – un pont de bois ; une prouesse technique et humaine qui resta debout du 8 juin 1941 aux bombardements des 30 mai et 7 juin 1944. 

 

En plus de la passerelle principale dédiée aux véhicules, le pont de 360 m de long était muni d’un niveau inférieur pour piétons, interrompu en son milieu à cause de l’arche fluviale laissant passer les bateaux. Le niveau supérieur se scindait en deux à certains endroits pour autoriser un trafic à double-sens.

Lors de sa mise en service, le 18 juin 1941, un drapeau tricolore flottait fièrement sur l’ouvrage. Cet acte patriotique faillit couter cher à l’ingénieur Maurice Blosset bien que son implication n’ait pas été révélée. Voir un court métrage de l'inauguration. Le pont de bois tint debout trois ans.

Il fut largement détruit par les bombardements alliés des 30 mai et 7 juin 1944. Eddy Florentin rapporte le témoignage suivant : « les bombardiers passent trente minutes durant, l’épave du pont git, moitié dans le fleuve, moitié sur la terre ferme. Les sapins, qui constituaient la principale ossature de l’ouvrage, sont tordus, confondus dans un enchevêtrement indescriptible ». La grande voie de communication est interrompue sans qu’il y ait eu une seule victime.

 

4

Février 1942, le pont de bois provisoire photographié depuis la berge de Pont-de-l’Arche (du côté des Damps). On distingue la passerelle pour les piétons quelques mètres sous le tablier destiné aux véhicules.

 

Puis vinrent les libérateurs Canadiens, le 24 aout 1944… 

 

 

Patrick Stewart à Pont-de-l’Arche ! 

Patrick Stewart

Bien connu pour ses rôles dans Star Trek nouvelle génération ou encore X-men, Patrick Stewart est venu à Pont-de-l’Arche le 18 avril 2012.

En effet, dans le cadre de la préparation de la 9e saison de l’émission Who do you think you are ? (qui pensez-vous être ?), le célèbre acteur britannique est venu avec une équipe de la BBC retracer le parcours de son père, Alfred, qui servait dans l’armée britannique.

Aidé par l’historien Timothy Lynch, Patrick Stewart a suivi les pas de son père et de son bataillon, les Flowkoyl, depuis Abbeville à Igoville où il devait protéger la rive droite de la Seine jusqu’au pont ferroviaire du Manoir face aux panzers allemands.

L’équipe de la BBC a pris des images sur le rempart, derrière l’église, puis s’est rendue au cimetière de Saint-Etienne-du-Rouvray où reposent des compagnons d’armes d’Alfred Stewart. L’émission a été diffusée en octobre.  

 

Sources

- BLOSSET Maurice, MEO G., « Le pont de Pont-de-l’Arche », in Travaux, n° de novembre et décembre 1942 ;

- DESDOUITS Maurice, "Pont-de-l’Arche", pages 78 à 82, in Collectif, Héros et martyrs de la France au combat (1939-1944). À travers les départements meurtris : l’Eure, Paris : La France au combat, 1947, 210 pages ;

- LAUNAY Armand, « Les ponts de Pont-de-l’Arche depuis 862 à nos jours », in La Fouine magazine n° 14, septembre 2006, 24 pages, ISSN 1765-2278 ou http://pontdelarche.over-blog.com/article-les-14-ponts-qui-ont-fait-l-histoire-de-pont-de-l-arche-78659464.html ;

- ANONYME, Le combat de Pont-de-l'Arche, article de Wikipédia.  

 

 

Armand Launay

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9 novembre 2012 5 09 /11 /novembre /2012 22:40

Cet article fait suite à :

 

L’invasion prussienne de 1870-1871 aux Damps

"Les Prussiens au Pont-de-l’Arche", texte du maire Prosper Morel-Dubosc

L'occupation de Pont-de-l'Arche par l'armée prussienne en 1870-1871

 

 

Les documents que nous avons abordés ont mis en valeur le fait que Les Damps, Pont-de-l’Arche, mais aussi les villages les plus proches, ont particulièrement subi l’occupation de 1870-1871. Ceci à cause du pont de Pont-de-l’Arche qui attira le passage et le stationnement de nombreuses troupes prussiennes. Les réquisitions furent plus importantes qu’ailleurs.

En revanche, malgré la hauteur de l’humiliation et du montant des richesses pillées, Pont-de-l’Arche ne figure pas au nombre des villes martyres de cette guerre : le nombre de victimes fut minime et les dégâts matériels négligeables. Le fait que l’armée française n’ait pas opposé un front de résistance a évité des bombardements mais aussi l’explosion du pont. Et c’est là que se manifeste bel et bien la débandade de l’armée française : les mines du pont, tout comme la défense du lieu (pourtant aidé par la frontière naturelle qu’est la Seine), furent abandonnées. Quant au pont du Manoir, il ne fut pas prévu de le miner mais d’y établir une redoute tournée vers Léry… alors que les troupes allemandes vinrent du Manoir…

Les notables de Pont-de-l’Arche ne s’y trompèrent pas : faire sauter le pont de la ville eût causé plus de pertes, notamment en représailles, que d’avantages pour la ville. En attendant, il est intéressant de constater le besoin de nos deux témoins de justifier leur choix, comme si leur acte fût une lâcheté qui eût enfoncé le clou de la défaite. De plus, ces hésitations participaient bien de la réticence des conservateurs locaux vis-à-vis de la politique du Gouvernement de Défense Républicaine. Pour eux, la défense à tout prix était la dernière des aberrations, eux qui fustigeaient les républicains radicaux. Ces derniers désiraient donner à la France tous les moyens de repousser l’armée de Prusse (et d’Allemagne, en définitive) afin d’éviter de nouvelles humiliations de l’occupation car, en effet, à l’époque, le patriotisme était une valeur de gauche.

Quoi qu’il en soit, la défense française, si impressionnante fut-elle pour les généraux allemands, ne pouvait pas repousser les troupes ennemies. La grande majorité des Français appelait à la paix et ne cautionnait pas le gouvernement républicain. Alors, comme le souhaitait Bismarck, on procéda à l’élection d’une nouvelle Assemblée nationale dont les représentants ratifieraient l’armistice avec l’Allemagne. Le 8 février, les élections placèrent au pouvoir une grande majorité de conservateurs favorables à la paix. Le 17 février, Adolphe Thiers fut élu chef de l’exécutif provisoire et, dès le 21 et jusqu’au 26, il négocia la paix avec Bismarck à Versailles. La France devait verser 5 milliards de Francs d’indemnité de guerre à l’Allemagne, nouveau pays qui naquit en mars 1871.

Bismarck avait donc réussi à fédérer les Allemands en faisant défiler leurs troupes sur les Champs-Elysées. Quant à l’Alsace et la Lorraine, elles devinrent allemandes (hormis le territoire de Belfort, seule partie alsacienne restée française, et le département de la Meurthe-et-Moselle, ce qui explique sa forme étirée comme une frontière) ce qui eut pour conséquence d’exacerber plus encore le nationalisme français et l’esprit de revanche qui mena à la Première guerre mondiale.

Pour l’heure, en France, tout le monde n’était pas d’accord à propos de la cessation des combats : les milieux ouvriers, républicains radicaux ou socialistes, souhaitaient encore la guerre à outrance et l’établissement définitif d’un gouvernement républicain et populaire. C’est pourquoi, le 21 mars, la Commune insurrectionnelle de Paris fut proclamée… Ses instigateurs, appelés les Communards, ne reconnaissaient pas l’autorité de Thiers et du gouvernement de Versailles, récemment élu et traître, selon eux. La Commune fut réprimée avec barbarie, laissant derrière elle 35000 victimes et un idéal jamais éteint, parmi les révolutionnaires.

 

 

Sources 

- Géfrotin A., L’Arrondissement de Louviers pendant la Guerre de 1870–1871, Louviers, 2e édition, 1875, 268 pages. Disponible à la médiathèque de Louviers sous la cote : H.L. in /8 155 SEXT.

- Les Prussiens au Pont-de-l’Arche, anonyme, manuscrit de 1872. Disponible aux Archives Municipales de Louviers sous la cote : 4 H 13 (classement non définitif).

- Roth F., La Guerre de 1870, Hachette, Collection Pluriel, Paris, 1993, 778 pages.

 

Armand Launay

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Mes activités

Armand Launay. Né à Pont-de-l'Arche en 1980, j'ai étudié l'histoire et la sociologie à l'université du Havre (Licence) avant d'obtenir un DUT information-communication qui m'a permis de devenir agent des bibliothèques. J'ai acquis, depuis, un Master des Métiers de l'éducation et de la formation, mention Lettres modernes. Depuis 2002, je mets en valeur le patrimoine et l'histoire de Pont-de-l'Arche à travers :

- des visites commentées de la ville depuis 2004 ;

- des publications, dont fait partie ce blog :

Bibliographie

- 20 numéros de La Fouine magazine (2003-2007) et des articles dans la presse régionale normande : "Conviviale et médiévale, Pont-de-l'Arche vous accueille", Patrimoine normand n° 75 ; "Pont-de-l'Arche, berceau de l'infanterie française ?", Patrimoine normand n° 76 ; "Bonport : l'ancienne abbaye dévoile son histoire", Patrimoine normand n° 79 ; "Chaussures Marco : deux siècles de savoir-plaire normand !", Pays de Normandie n° 75.

- L'Histoire des Damps et des prémices de Pont-de-l'Arche (éditions Charles-Corlet, 2007, 240 pages) ;

- Pont-de-l'Arche (éditions Alan-Sutton, collection "Mémoire en images", 2008, 117 pages) ;

- De 2008 à 2014, j'ai été conseiller municipal délégué à la communication et rédacteur en chef de "Pont-de-l'Arche magazine" ;

- Pont-de-l'Arche, cité de la chaussure : étude sur un patrimoine industriel normand depuis le XVIIIe siècle (mairie de Pont-de-l'Arche, 2009, 52 pages) ;

- Pont-de-l'Arche, un joyau médiéval au cœur de la Normandie : guide touristique et patrimonial (mairie de Pont-de-l'Arche, 2010, 40 pages) ;

- Pont-de-l'Arche 1911 I 2011 : l'évolution urbaine en 62 photographies (mairie de Pont-de-l'Arche, 2010, 32 pages) ;

- Mieux connaitre Pont-de-l'Arche à travers 150 noms de rues et de lieux ! (Autoédité, 2019, 64 pages) ; 

- Déconfiner le regard sur Pont-de-l'Arche et ses alentours (Autoédité avec Frédéric Ménissier, 2021, 64 pages) ;

- Les Trésors de Terres-de-Bord : promenade à Tostes, ses hameaux, Écrosville, La Vallée et Montaure (publié en ligne, 2022) ;

- Les Trésors de Terres-de-Bord : promenade à Tostes, ses hameaux, Écrosville, La Vallée et Montaure (version mise en page du précédent ouvrage, édité par la mairie de Terres-de-Bord, 2023).

Depuis 2014, je suis enseignant à Mayotte.

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