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20 septembre 2020 7 20 /09 /septembre /2020 15:31

L’église paroissiale Notre-Dame (localisez-la en cliquant ici), dans la commune de Terres de Bord (Eure), est le joyau architectural de Montaure et le joyau roman de cette partie du plateau du Neubourg, sur les hauteurs de Pont-de-l'Arche, Elbeuf et Louviers. Son histoire est liée à un ancien prieuré créé en ce lieu par les moines de l’abbaye Saint-Ouen de Rouen.

 

 

Notre-Dame de Montaure vue d'Écrosville par une chaude journée d'été (cliché d'Armand Launay, juillet 2013).

Notre-Dame de Montaure vue d'Écrosville par une chaude journée d'été (cliché d'Armand Launay, juillet 2013).

Un site élevé et alimenté en eau

Notre-Dame de Montaure est élégamment assise sur le trône naturel constitué par le rebord d'un vallon dénommé La Glacière. S'il n'est plus en eaux, celles-ci ne manquent pas dans cet espace à cheval entre la plaine du Neubourg et les vallons de la forêt de Bord-Louviers menant par de douces pentes aux vallées de l'Eure et de la Seine. L'eau jaillit toujours sous Notre-Dame à l'endroit de la fontaine Saint-Eustache, dans la crypte. Cette eau explique assurément l'implantation humaine en ce lieu (accédez ici à un autre de nos articles) avec, possiblement, un temple païen puis de successives églises primitives.

 

Le temps des seigneurs normands

Face au portail de Notre-Dame se trouve le château de Montaure, noble résidence du XVIIIe siècle lointaine héritière du château des Stigand, daté du XIe siècle. Ces seigneurs, parmi lesquels Odon Stigand, sénéchal du duc de Normandie Richard II, ont selon toute vraisemblance possédé l'espace central de Montaure. Celui-ci devait comprendre les vastes domaines du château actuel et de ce qu'on nomme le prieuré, tant et si bien que le cœur de Montaure est peu bâti ; il est vert et l'on reconnait de loin le paysage montaurois à ce pittoresque tableau d'où dépasse la flèche du clocher.  
Notre-Dame de Montaure est indissociable du prieuré, dont il est question. Il en reste un bel édifice du XVII
e siècle, son portail, et son domaine aujourd'hui boisé. 

 

Une donation à Saint-Ouen de Rouen en 1063

Auguste Le Prévost (voir dans la bibliographie à Delisle Léopold) expose une charte du 29 juin 1063 par laquelle le père d'Odon Stigand, sénéchal de Guillaume le Conquérant, donna des biens montaurois et criquebeuviens à l’abbaye Saint-Ouen de Rouen. Il donna l'église "Sanctæ Mariæ de Monte Aureo". Son nom n'a pas changé. L'abbaye Saint-Ouen fonda un prieuré rural en ce lieu, c'est-à-dire que quelques moines s'y installèrent afin de s'occuper des âmes, de faire valoir les terres et d'en envoyer le revenu à l'abbaye-mère. L'abbaye Saint-Ouen de Rouen était un des plus grands propriétaires nomrands de ce temps. On en voit encore ses locaux, certes plus récents, de l'hôtel de Ville de Rouen et son église abbatiale Saint-Ouen.  

 

La coexistence d'une église paroissiale et d'un prieuré rural

Mais MM. Charpillon et Caresme nous apprennent que les seigneurs des lieux, les Stigand, gardèrent le patronage de la paroisse, c'est-à-dire sa charge et la possibilité de nommer le clerc de leur choix. C'est ce qui explique, on le verra plus en détail, que l'église fut partagée entre les moines et le curé et, surtout, que Notre-Dame jouxte, de nos jours encore, un logis et un enclos prioraux. La fiche Mérimée de Notre-Dame nous apprend que ce patronage est passé, un temps au moins, aux mains de l'abbé de Saint-Ouen.

 

L’église Notre-Dame est inscrite comme monument historique

L’église est une propriété communale depuis 1905 et son affectataire est la paroisse catholique Notre-Dame des bois, pays de Louviers. Elle présente de très beaux vestiges romans du XIe siècle au niveau de la tour-clocher et de la base de certains murs de la nef et du transept. La statue de Notre-Dame, dans le chœur, a été classée Monument historique au titre d'objet le 12 juillet 1912. La place Jean-Baptiste-Charcot, avec la disparition du cimetière paroissial, est ornée d'une belle croix hosannière. Celle-ci a été inscrite sur l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques le 3 décembre 1954. On le mesure, un riche ensemble patrimonial, rehaussé de verdure, se dessine en ce lieu. De plus, notre église fait partie des quelques temples romans de la région avec, notamment, Alizay, Léry et Pîtres. Enfin, Notre-Dame est aussi l'église d'Écrosville, hameau presque aussi peuplé que Montaure à la fin de l'Ancien Régime, de Blacquetuit, les Fosses, la Vallée de la Corbillière et des hameaux de Tostes avant la création de la paroisse Sainte-Anne en 1687 à la demande de Louis Colbert, abbé de Bonport et fils du célèbre homme d'État.

C'est ainsi que l'église et le logis prioral ont été inscrits sur la liste complémentaire des Monuments historiques le 30 septembre 1997 comme l'atteste sa notice de la base Mérimée (PA27000021).

La pittoresque place Jean-Baptiste-Charcot regorge de patrimoine. L'église, le prieuré, la croix hosannière et un pressoir (non visible sur la photographie) sont inscrits sur la liste complémentaire des Monuments historiques (cliché d'Armand Launay, juillet 2013).

La pittoresque place Jean-Baptiste-Charcot regorge de patrimoine. L'église, le prieuré, la croix hosannière et un pressoir (non visible sur la photographie) sont inscrits sur la liste complémentaire des Monuments historiques (cliché d'Armand Launay, juillet 2013).

Le prieuré, la croix hosannière et Notre-Dame vers 1910 (?) par le cliché de Gabriel Bretocq (1873-1961) (consulté sur la Plateforme ouverte du patrimoine le 20 septembre 2020. Notice APMH00114997. Original conservé à la Médiathèque de l'architecture et du patrimoine).

Le prieuré, la croix hosannière et Notre-Dame vers 1910 (?) par le cliché de Gabriel Bretocq (1873-1961) (consulté sur la Plateforme ouverte du patrimoine le 20 septembre 2020. Notice APMH00114997. Original conservé à la Médiathèque de l'architecture et du patrimoine).

Le plan de Notre-Dame de Montaure (document publié sur le site de La sauvegarde de l'art sacré français).

Le plan de Notre-Dame de Montaure (document publié sur le site de La sauvegarde de l'art sacré français).

Le plan

Le plan de Notre-Dame est cruciforme, c'est-à-dire que l'église a une forme de croix. Ce qui lui donne cette forme est le transept débordant du vaisseau principal appelé la nef. L'église est orientée, c'est-à-dire tournée vers l'orient, l'est.

 

La tour-clocher

Une imposante tour sert de clocher. Elle est carrée et de style roman comme on peut le mesurer avec ses deux étages d'ouvertures étroites et en plein cintre et aurait conservé, grâce à des restaurations successives, son architecture du XIe siècle. Les hautes baies sont géminées, c'est-à-dire groupées par deux, presque jumelles, sous un même arc ici. La tour est couverte d'une flèche de charpente polygonale restaurée en 2008 notamment grâce aux fonds de la Sauvegarde de l'art sacré français. Cette tour est située à la croisée du transept, le lieu où le transept traverse la net, près du chœur.

Les cloches sont baptisées Perrette-Edmée (1755) et Alexandrine-Jeanne (1865). En 2009, le mécanisme des cloches a été électrifié par la mairie et l’Association de sauvegarde du patrimoine ;

La tour-clocher romane de Montaure (XIe siècle) et ses belles baies géminées (clichés d'Armand Launay, mai 2013).
La tour-clocher romane de Montaure (XIe siècle) et ses belles baies géminées (clichés d'Armand Launay, mai 2013).La tour-clocher romane de Montaure (XIe siècle) et ses belles baies géminées (clichés d'Armand Launay, mai 2013).La tour-clocher romane de Montaure (XIe siècle) et ses belles baies géminées (clichés d'Armand Launay, mai 2013).

La tour-clocher romane de Montaure (XIe siècle) et ses belles baies géminées (clichés d'Armand Launay, mai 2013).

Le chevet et la nef

Notre-Dame a un chevet plat, ce qui signifie que le mur fermant le sanctuaire, à l'ouest, est droit et non en demi-cercle, par exemple. Ce chevet semble dater du XIIIe siècle, avec ajout de contreforts.

La nef est couverte par un toit à long pans et les pignons sont couverts. Le gros-œuvre est réalisé en appareil mixte, c'est-à-dire plusieurs matériaux. Le moellon calcaire y côtoie le silex pour le remplissage et la pierre de taille forme le chainage. Ces pierres semblent être issues du réemploi de précédents murs et confèrent à l'église une plus grande ancienneté. Françoise Bercé, ayant réalisée une précieuse description pour le compte de la Sauvegarde de l'art sacré, cite une étude de Maylis Baylé que nous n'avons pas encore eu l'heur de lire. La chercheuse, spécialiste de l'art roman, avance que la base du mur sud et les épais murs du transept semblent dater de l'an 1000.

Au-dessus du portail et dans les murs de la nef, côté est, sont percées de petites ouvertures romanes. Elles ont été rehaussées de baies gothiques au XVIe siècle, près du transept.

Un avant-corps, aussi appelé porche, en brique de pays couvre le portail. Il semble dater du XIXe siècle.

Vue sur les façades extérieures et le (clichés d'Armand Launay, mai et juillet 2013).
Vue sur les façades extérieures et le (clichés d'Armand Launay, mai et juillet 2013).Vue sur les façades extérieures et le (clichés d'Armand Launay, mai et juillet 2013).

Vue sur les façades extérieures et le (clichés d'Armand Launay, mai et juillet 2013).

L'intérieur de la nef

La nef n'a pas de collatéraux. Elle présente une vue dégagée sur l'intérieur de l'édifice et son pavé de tomettes de pays. Une mise en lumière agréable fait ressortir le contraste entre, d'un côté, la sombreur du berceau lambrissé, des entraits, des boiseries, des bancs et de la chaire à prêcher et, de l'autre côté, la clarté des murs et la lumière issue des baies.

Le berceau lambrissé désigne cette coque de navire retournée qui couronne la nef et masque la charpente du toit. Les entraits sont les vastes poutres qui relient les deux murs latéraux, les murs gouttereaux. Les ouvertures romanes, côté est, tamisent la lumière comme pour plonger le visiteur dans une atmosphère propice au recueillement. Puis, plus proche du transept, la lumière se fait plus généreuse grâce aux deux séries de baies gothiques. Enfin, au loin, l'apothéose de lumière existe qui vient du chœur, le sanctuaire qui était interdit d'accès aux fidèles au Moyen Âge et réservé aux officiants.

La porte d'entrée plus deux vues de la nef (carte postale des années 1910 et clichés d'Armand Launay, mai 2013).La porte d'entrée plus deux vues de la nef (carte postale des années 1910 et clichés d'Armand Launay, mai 2013).
La porte d'entrée plus deux vues de la nef (carte postale des années 1910 et clichés d'Armand Launay, mai 2013).La porte d'entrée plus deux vues de la nef (carte postale des années 1910 et clichés d'Armand Launay, mai 2013).

La porte d'entrée plus deux vues de la nef (carte postale des années 1910 et clichés d'Armand Launay, mai 2013).

Les fonts baptismaux du XVe siècle) sont en pierre calcaire sculptée. Le couvercle en bois est couvert d’étain gravé et doré du XVIIIe siècle (clichés d'Armand Launay, septembre 2013). 
Les fonts baptismaux du XVe siècle) sont en pierre calcaire sculptée. Le couvercle en bois est couvert d’étain gravé et doré du XVIIIe siècle (clichés d'Armand Launay, septembre 2013). Les fonts baptismaux du XVe siècle) sont en pierre calcaire sculptée. Le couvercle en bois est couvert d’étain gravé et doré du XVIIIe siècle (clichés d'Armand Launay, septembre 2013). 

Les fonts baptismaux du XVe siècle) sont en pierre calcaire sculptée. Le couvercle en bois est couvert d’étain gravé et doré du XVIIIe siècle (clichés d'Armand Launay, septembre 2013). 

Vestiges de la poutre de gloire

Côté sud, à droite vers le chœur, se trouve le calvaire de la poutre de gloire. Ce groupe de trois éléments sculptés sur bois peint date du XVe ou du XVIe siècle. Il a été remanié au XIXe siècle. Il reposait autrefois sur une poutre à l’entrée de la croisée du transept, autrement dit la poutre de gloire, comme le montre la carte postale de 1910 reproduite plus haut dans cet article.

Une chaire à prêcher de la fin XIXe siècle n'a pas d'intérêt patrimonial mais présente de belles et fines sculptures, notamment les pinacles qui couronnent son abat-son. Elle est ornée des personnages du Christ et la Vierge entourés des quatre évangélistes.

Sur les murs, quelques documents témoignent d'une vie paroissiale active qui honorent des anciens curés montaurois, dont l'abbé Jules Balley mort pour la France le 15 juin 1940 et l'abbé Anatole Toussaint dont sont principalement mis en valeur, ici, ses qualités de botaniste ce qui devrait être secondaire pour un curé. Le portrait de cet homme, aux airs doncamillesques, aurait été peint chez son ami Claude Monet par un des élèves de ce peintre.

Un vitrail, signé V. Boulanger, représentant Jeanne d’Arc a été offert en 1920 par Maximilien Catoire et sa moitié. Ce bienfaiteur est à l’origine de la « Colonie », un hôpital qu’il dirigea durant la Première guerre mondiale. Il habitait La Garde-Châtel. Le vitrail fut rénové depuis par la famille montauroise Catoire-De la Haye.

Vitrail du mur collatéral nord à l'effigie de Jeanne-d'Arc (cliché d'Armand Launay, septembre 2013).

Vitrail du mur collatéral nord à l'effigie de Jeanne-d'Arc (cliché d'Armand Launay, septembre 2013).

Le transept

La croisée du transept présente quatre voutes en plein cintre caractéristiques de l'art roman. Un escalier à vis offre accès à la tour-clocher. Des autels latéraux, assez sobres pour de l'art baroque, occupent chaque aile du transept. Ils semblent dater du XVIIe siècle. 

Vue sur un arc du transept et la cage de l'escalier à vis menant au clocher (cliché d'Armand Launay, septembre 2013).

 

Un vitrail contemporain à l'effigie de Saint-Pierre se trouve dans l'aile nord du transept. Il a été offert en 1995 par l'abbé Bleunven et ses paroissiens.  

Un vitrail contemporain à l'effigie de Saint-Pierre se trouve dans l'aile nord du transept. Il a été offert en 1995 par l'abbé Bleunven et ses paroissiens.  

Vues sur les autels occupant les ailes du transept (cliché d'Armand Launay, septembre 2013).Vues sur les autels occupant les ailes du transept (cliché d'Armand Launay, septembre 2013).

Vues sur les autels occupant les ailes du transept (cliché d'Armand Launay, septembre 2013).

Aux journées du patrimoine, les tissus liturgiques de l'ancienne confrérie de charitons de Montaure sont présentés au public. Ceux-ci sont bien conservés et complètent le corbillard entreposé au nord-ouest de la nef (clichés d'Armand Launay, septembre 2013).
Aux journées du patrimoine, les tissus liturgiques de l'ancienne confrérie de charitons de Montaure sont présentés au public. Ceux-ci sont bien conservés et complètent le corbillard entreposé au nord-ouest de la nef (clichés d'Armand Launay, septembre 2013).Aux journées du patrimoine, les tissus liturgiques de l'ancienne confrérie de charitons de Montaure sont présentés au public. Ceux-ci sont bien conservés et complètent le corbillard entreposé au nord-ouest de la nef (clichés d'Armand Launay, septembre 2013).

Aux journées du patrimoine, les tissus liturgiques de l'ancienne confrérie de charitons de Montaure sont présentés au public. Ceux-ci sont bien conservés et complètent le corbillard entreposé au nord-ouest de la nef (clichés d'Armand Launay, septembre 2013).

Le chœur

Le chœur, dont le pavage fut refait en 1849 dans le ton des damiers du XVIIe siècle, est doté d’une porte murée qui permettait aux moines du prieuré d’entrer dans Notre-Dame. Leurs stalles du XVIIe siècle sont encore en place à l’entrée du chœur. Au nombre de 10, elles présentent un décor assez sobre. Leurs parcloses (séparateurs) sont ornés d'aigles, peut-être en référence à saint Jean. Ces stalles étaient utilisées par les moines bénédictins et séparaient, certainement avec les autels latéraux, le chœur de la nef où se trouvait le public.  

Les stalles des moines bénédictins dans lesquels ceux-ci s'installaient pour prier et chanter (cliché d'Armand Launay, septembre 2013).

 

Le maitre-autel et la Vierge à l'Enfant, pièce maitresse du patrimoine montaurois 

Le maitre-autel baroque en bois date du début XVIIe siècle. Il imite excellemment le marbre et bénéficie de vastes dorures qui, bien illuminées, créent ici le point le plus lumineux du sanctuaire. Une toile au centre illustre, classiquement, la crucifixion du Christ. Il comporte à droite une statue en pierre polychromée de saint Jean-Baptiste évangélisateur (d'où sa vaste croix) et son mouton qui, symboliquement, le positionne en meneur des âmes humaines. Cette statue semble contemporaine du maitre-autel. 

Mais ce qui retient surtout le regard des spécialistes et amateurs de patrimoine, c'est la statue de la Vierge à l'Enfant Jésus. En pierre polychromée, elle date de la seconde moitié du XVe siècle. Elle a été classée Monument historique au titre d’objet le 12 juillet 1912. Elle mesure 178 cm de hauteur (avec la plinthe). La base Mérimée précise (notice PM27001150) que « Les orfrois du manteau de la Vierge sont décorés de lettres capitales d'aspect un peu fleuri, séparées par deux points superposés. Elles ne forment aucun mot reconnaissable, à l'exception d’ORA, peut-être par hasard. Il y a également des lettres fantaisistes, faites d'entrelacements sans signification. » L’Enfant tient une colombe dans sa main gauche.

Vues diverses sur le maitre-autel (clichés d'Armand Launay, septembre 2013 et aout 2020).Vues diverses sur le maitre-autel (clichés d'Armand Launay, septembre 2013 et aout 2020).
Vues diverses sur le maitre-autel (clichés d'Armand Launay, septembre 2013 et aout 2020).Vues diverses sur le maitre-autel (clichés d'Armand Launay, septembre 2013 et aout 2020).Vues diverses sur le maitre-autel (clichés d'Armand Launay, septembre 2013 et aout 2020).

Vues diverses sur le maitre-autel (clichés d'Armand Launay, septembre 2013 et aout 2020).

La statue de la Vierge à l'Enfant Jésus, œuvre classée monument historique au titre d'objet en 1912 (clichés d'Armand Launay, septembre 2013 et aout 2020).La statue de la Vierge à l'Enfant Jésus, œuvre classée monument historique au titre d'objet en 1912 (clichés d'Armand Launay, septembre 2013 et aout 2020).

La statue de la Vierge à l'Enfant Jésus, œuvre classée monument historique au titre d'objet en 1912 (clichés d'Armand Launay, septembre 2013 et aout 2020).

La Vierge à l'Enfant Jésus en 1939. Cliché d'Emmanuel Mas (1891-1979) consulté le 20 septembre 2020 sur la Plateforme ouverte du patrimoine. Original conservé sous la cote APMH0195764 à la Médiathèque de l'architecture et du patrimoine.

La Vierge à l'Enfant Jésus en 1939. Cliché d'Emmanuel Mas (1891-1979) consulté le 20 septembre 2020 sur la Plateforme ouverte du patrimoine. Original conservé sous la cote APMH0195764 à la Médiathèque de l'architecture et du patrimoine.

Saint-Eustache

Une statue de Saint-Eustache, taillée au XVIIe siècle dans du bois, est encore dotée d’une belle polychromie. Saint Eustache est le patron des chasseurs.  

 

La crypte et la fontaine Saint-Eustache

Une trappe offrait un accès par escalier à la crypte. Celle-ci daterait du XIIIe siècle et fut réaménagée au XVIe siècle. Dans cette dernière, se trouve la résurgence d’une source. Un bassin en pierre recueille cette eau qui avait la réputation d'aider la guérison des enfants peureux des maladies de peau et des troubles de la "danse de Saint-Guy", autrement dit des gestes épileptiques. Cette fontaine, reliée aux deux puits de la place Jean-Baptiste-Charcot, atteste la présence d’une nappe phréatique durable qui explique assurément l’installation d'habitants. C'est ce qui a fait écrire Auguste Le Prévost qui avança que Montaure signifie le "mont de l'eau" ou de la "rivière". 

Bassin de recueillement des eaux de la fontaine Saint-Eustache (cliché d'Armand Launay, septembre 2013).

 

Ancien escalier reliant le chœur à la crypte (condamné depuis) et porte donnant accès à la fontaine depuis la rue Maxime-Marchand (clichés d'Armand Launay, septembre 2013). Ancien escalier reliant le chœur à la crypte (condamné depuis) et porte donnant accès à la fontaine depuis la rue Maxime-Marchand (clichés d'Armand Launay, septembre 2013).

Ancien escalier reliant le chœur à la crypte (condamné depuis) et porte donnant accès à la fontaine depuis la rue Maxime-Marchand (clichés d'Armand Launay, septembre 2013).

A lire aussi...

La croix monumentale de Montaure

Aux origines de Montaure et de son nom

 

Sources

- Amsellem Emmanuelle, « Les Stigand : des Normands à Constantinople », Revue des études byzantines, tome 57, 1999, pages 283 à 288 ;

- Andrieux Jules, Cartulaire de l'abbaye royale de Notre-Dame de Bon-Port de l'ordre de Citeaux au diocèse d'Evreux, Evreux, Auguste Hérissey, 1862, 434 pages ; 

- Association Saint-Blaise, Notre Dame de Montaure : l’église de la montagne dorée, 2013, 4 pages ;

- Bercé Françoise, Montaure [description architecturale de Notre-Dame dans le cadre de la levée de fonds menée par la Sauvegarde de l'art sacré français en vue d'une restauration], cahier 23 de la Sauvegarde de la art sacré, 2008, pages 156 et 157 ;  

- Bonnin Thierry, Regestrum visitationum archiepiscopi rothomagensis : journal des visites pastorales d'Eude Rigaud, archevêque de Rouen, Rouen, Le Brument, 1852, 876 pages.

- [Caresme Anatole], « Le prieuré de Montaure », 7 pages, Mélanges historiques, ch. XII, Louviers, imprimerie de Mlle Houssard et frère, document conservé à la médiathèque de Louviers sous la cote inv 9/454 et publié sur ce blog ;

- Charpillon Louis-Etienne, Caresme Anatole, Dictionnaire historique de toutes les communes du département de l’Eure, Les Andelys, Delcroix, 1868, 960 pages, tome II, voir les pages 541 à 543 et publié sur ce blog ;

- Delisle Léopold, Passy Louis, Mémoires et notes de M. Auguste Le Prévost pour servir à l’histoire du département de l’Eure, la notice sur Criquebeuf (tome I, page 562), la notice sur Montaure (tome II, page 513), Évreux, Auguste Hérissey, 1864 ;

- Guilluy Françoise, Tuiliers et potiers de l’Eure : La Haye-Malherbe et Montaure, Association pour la sauvegarde du patrimoine malherbois, 1995, 192 pages ;

- Ministère de la culture, Base Mérimée, www.culture.gouv.fr ;

- Quesné Victor, « Le Désert des carmes déchaussés de la Garde-Châtel », Bulletin de la Société d'études diverses, n° 6, 1903.

Armand Launay

Pont-de-l'Arche ma ville

http://pontdelarche.over-blog.com

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11 octobre 2013 5 11 /10 /octobre /2013 19:20

Les Stigand

Anatole Caresme écrit sur Odon Stigand, puissant seigneur de Mézidon, notamment, qui possédait « un manoir à Montaurium », c’est-à-dire Montaure. C’est le premier seigneur – connu – de Montaure. Odon Ier était maitre d’hôtel du jeune Guillaume le Conquérant. Il décéda en 1066. Il fit don de l’église paroissiale de Montaure – et son domaine – à l’abbaye de Saint-Ouen de Rouen. Cette donation aurait été ratifiée par Richard II en 1018 et ce ne serait pas un hasard car celui-ci fut le premier duc normand qui gouverna avec l’appui de l’Eglise. Il restaura donc le pouvoir de celle-ci en la dotant de nombreux biens, principalement en faveur des abbayes. Montaure se retrouvait rattaché à la prestigieuse abbaye de Saint-Ouen au cœur du pouvoir normand, un des Etats les plus forts d’Europe.

Odon Stigand eut trois fils : Odon (1036-10XX), Maurice et Robert qui brillèrent auprès de l’Empereur de Constantinople. Le dernier revint très riche en Normandie.

 

Un manoir fortifié ?

La famille seigneuriale de Montaure était donc au cœur du pouvoir normand. Cette puissance devait s’accompagner localement d’un manoir fortifié. Peut-être est-ce la motte féodale signalée par le service régional de l’inventaire du patrimoine ? Quant à son emplacement, le plus évident doit être le terrain de l’actuel château. En effet, son site surplombe un ravin qui constitue une défense supplémentaire utile à une place-forte. Le château actuel, au centre d’une vaste propriété, doit avoir remplacé un édifice plus ancien à l’emplacement, peut-être, du domaine des Stigand.

 

L'actuel château de Montaure : une construction de François de Camus ? 

Aujourd’hui, Montaure compte un magnifique château privé, de style classique, bâti dans la première moitié du XVIIIe siècle. De plan symétrique, le gros-œuvre est mixte, réalisé en calcaire, brique de pays et bois. La couverture est faite en ardoise et tuile plate qui repose sur un toit à longs pans brisés. L’édifice compte un rez-de-jardin et un étage de comble. Un jardin à la française et des parties boisées occupent le vaste domaine (7 hectares) du château. Quel riche propriétaire a pu faire bâtir ce château ? Il s’agit des Le Camus et, vraisemblablement, de François Le Camus (1671-1743), qui fut administrateur pendant plus de 50 ans de la Manufacture royale de draps de Louviers, fondée par Colbert. Il possédait le château et ses dépendances en demi-fief de haubert avec le marquis de La Londe. Puis, en 1781, François Claude Le Camus vendit son demi-fief au marquis de La Londe, qui réunit enfin la totalité des fiefs de Montaure et Ecrosville. En 1792, ce marquis fuit la Révolution en gagnant l’Allemagne. Le domaine de Montaure fut nationalisé et mis en vente en 1794. C’est Louis Châtel, cultivateur à Ecrosville et maire, qui l’acheta pour 40 000 livres. Ne pouvant honorer son enchère, le bien fut revendu à Pierre François Louis Lemercier, marchand de bois à Caudebec-lès-Elbeuf, qui acquit aussi la ferme à côté.

Le château de Montaure bâti pour les Le Camus au XVIIIe siècle (clichés contemporains Armand Launay, été 2013)
Le château de Montaure bâti pour les Le Camus au XVIIIe siècle (clichés contemporains Armand Launay, été 2013)
Le château de Montaure bâti pour les Le Camus au XVIIIe siècle (clichés contemporains Armand Launay, été 2013)

Le château de Montaure bâti pour les Le Camus au XVIIIe siècle (clichés contemporains Armand Launay, été 2013)

Difficile d'écrire sur ce château sans citer le Bon air, une ancienne dépendance ayant servi au fermier du château. Cette demeure en brique de pays existe toujours dans une propriété contigüe. 

 

Le pressoir

A la beauté, le Conservatoire régional des Monuments historiques a privilégié la rareté. Il a ainsi inscrit le bâtiment du pressoir (XVIIe siècle) sur l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques le 14 décembre 1990. Il y aussi inscrit la tour à piler mais pas la presse, qui est un « objet rapporté ». Cette propriété privée accueille le Musée du cidre.

 

Sources

Amsellem Emmanuelle, « Les Stigand : des Normands à Constantinople », Revue des études byzantines, tome 57, 1999, pages 283 à 288 ;

Charpillon Louis-Etienne, Caresme Anatole, Dictionnaire historique de toutes les communes du département de l’Eure, Les Andelys, Delcroix, 1868, 960 pages, tome II, voir les pages 541 à 543 ;

Delisle Léopold, Passy Louis, Mémoires et notes de M. Auguste Le Prévost pour servir à l’histoire du département de l’Eure, tome II, Évreux, Auguste Hérissey, 1864 ;

Guilluy Françoise, Tuiliers et potiers de l’Eure : La Haye-Malherbe et Montaure, Association pour la sauvegarde du patrimoine malherbois, 1995, 192 pages ;

Ministère de la culture, Base Mérimée, www.culture.gouv.fr.

 

A lire aussi... 

La Garde-Châtel (Montaure) du désert des carmes au château actuel

Aux origines de Montaure et de son nom

 

Le pressoir (XVIIe siècle), propriété du château de Montaure inscrit sur l'inventaire supplémentaire des Monuments historiques en 1990 (cliché Armand Launay, mai 2013).

Le pressoir (XVIIe siècle), propriété du château de Montaure inscrit sur l'inventaire supplémentaire des Monuments historiques en 1990 (cliché Armand Launay, mai 2013).

Armand Launay

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11 octobre 2013 5 11 /10 /octobre /2013 18:19

A la sortie d'Ecrosville, hameau de Terres-de-Bord, sur le route Louviers, se voient les murs d'enceinte d'une propriété énigmatique : il s'agit de l'enclos du Désert des carmes déchaux. Cette ancienne propriété religieuse, qui visait au repos de l'âme dans les sous-bois normands, a disparu à la Révolution mais demeure, depuis, dans le paysage et dans l'interrogation à la fois mystérieuse et historique de bien des gens. Nous nous sommes ainsi intéressé à ce beau bout de la commune de Terres-de-Bord et du massif forestier de Bord. Nous avons plaisir à livrer des éléments issus de la recherche de Victor Quesné publiés dans le tome VI des Bulletins de la société diverses de Louviers. Voyez la page 89 et les suivantes. 

 

Le désert de la Garde Châtel : un lieu choisi par le roi

Comme l’écrit Victor Quesné, sensibilisé par ses souvenirs d'enfant de Montaure, et parti à la recherche de ce que fut cet établissement religieux : en 1638, le douzième chapitre général des carmes déchaussés, réuni à Rome, décida d'établir en France trois couvents de solitude respectivement à Paris, en Bourgogne et en Aquitaine. En 1656, le roi autorisa les carmes déchaussés à s’établir dans la province de Paris et il leur fit don de la Vicomté de Bayeux et de ses revenus. Quant au lieu, en juillet 1649 Louis XIV avait donné à la directrice de la maison de la Providence du faubourg Saint-Marcel, à Paris, une portion de forêt appelée « le bosquet de la Garde-Chatel », près de Louviers.

 

Plaintes et indemnisations des locaux

Malgré les plaintes des habitants des villages voisins, des Eaux et forêts, du Parlement de Normandie, du seigneur de Montaure (le président d’Amfreville), des moines de Bonport (à cause de Blacquetuit), le roi trancha en aout 1660 et le Désert des carmes déchaussés s’installa à Montaure. Des compensations financières furent accordées par le roi, notamment aux habitants de Montaure (la somme servit à la réfection du clocher de l’église) et une quittance de 300 livres fut remise à Louis Chatel, sergent de la Garde-Châtel, qui se trouvait dépossédé de ses droits sur la Garde-Châtel. Les 18 janvier 1663 et 25 novembre 1668, le curé et le prieur de Montaure reçurent chacun deux cent cinquante livres plus une pièce de terre contre l’abandon de leurs droits sur les dimes et les novales de terrains désormais situés dans la clôture du Désert.

 

Construction et architecture

La première pierre fut posée le 4 octobre 1660. La première messe y fut dite le 21 novembre. Un plan du Désert fut publié en 1714 par Jean-François Bourgoing de Villefore dans La Vie des saints solitaires d'occident. Il y montre l’enclos, un couvent avec les chambres des résidents – des nobles parfois venus de loin – et des carmes déchaussés, des jardins à la française avec jet d’eau et avenues, une carrière et un four à chaux et, enfin, des ermitages… De ces éléments, il ne reste plus que l’enclos et le pignon d’un bâtiment à usage agricole situé dans l’ancienne bassecour. Avec un chainage en pierre de taille, il rappelle nettement le XVIIe siècle.

Le plan du désert de la Garde-Châtel publié en 1714 par Jean-François Bourgoing de Villefore dans La Vie des saints solitaires d'occident. Avec nos remerciements à Jean Baboux.

Le plan du désert de la Garde-Châtel publié en 1714 par Jean-François Bourgoing de Villefore dans La Vie des saints solitaires d'occident. Avec nos remerciements à Jean Baboux.

Le pignon d'un bâtiment agricole (XVIIe siècle) comme unique vestige, avec les murs de l'enclos, des bâtiments d'origine (cliché Armand Launay, été 2013).

Le pignon d'un bâtiment agricole (XVIIe siècle) comme unique vestige, avec les murs de l'enclos, des bâtiments d'origine (cliché Armand Launay, été 2013).

Evanouissement

En janvier 1791, les commissaires du district de Louviers se sont présentés au Désert pour prendre possession de la Garde-Châtel au titre de la nationalisation des biens religieux. Un procès-verbal fut dressé ainsi qu’un inventaire général. Il y avait alors neuf cellules occupées sur dix-huit cellules logeables. En 1791, avec l’abbaye de la Neuve-Lyre, le Désert fut sensé, selon la loi, accueillir les religieux de l’Eure préférant continuer la vie commune. En 1793, il accueillait 7 anciens carmes et deux capucins. L’horloge des carmes fut montée dans l’église de Montaure. Un autel et les lambris du chœur furent installés dans l’église de La Haye-Malherbe. La privatisation de l'enclos de la Garde-Châtel n’eut lieu que le 28 février 1815. Ses 140 hectares et 35 centiares avec les bâtiments de l'ancien couvent, dont une partie tombait déjà en ruines, ont été vendus 171 000 francs à M. Hutrel, négociant à Rouen, rue Encrière. Il semble que cet homme devînt maire de 1816 à 1831.

 

Le château actuel

Un château de style classique fut bâti au XIXe siècle sur un plan symétrique. Son chainage est en brique et le remplissage en moellon, peut-être, sous un crépit. Il comporte un rez-de-chaussée et un étage de comble. Le corps principal est protégé par un toit à deux croupes. Quatre toits en flèches et deux tourelles sur les ailes montrent une envie d’imiter le gothique. Cela annonce ou participe de l’architecture bourgeoise qui a fleuri sur la côte normande et dans les faubourgs aisés. Le tout est couvert de tuiles. Un lanternon a été installé qui couronne le toit du corps principal. Il fut habité par la famille Catoire de La Haye.

Le Figaro accorda un hommage, à la page 2 du numéro du 5 janvier 1942 (page 2), à Madame Max Catoire, décédée le 19 novembre. Elle fut la fondatrice du Comité de Louviers de la Croix-Rouge Française puis présidente d'honneur en tant que bienfaitrice. Une messe funèbre fut célébrée dans l’église de Montaure le 22 novembre en présence de Max Catoire. Le journal cite des travaux en cours d'exécution pour perfectionner le « dispensaire d'hygiène sociale de Louviers qui restera une des fondations de prédilection de Mme Catoire cela est dû, en grande partie, il sa charitable prévoyance qui, tout récemment, a permis de prolonger, jusqu'en 1954, la durée du bail du siège social du Comité de Louviers de la Croix-Rouge Française. Au nom des blessés de la grande guerre, soignés dans les formations sanitaires du Comité de Louviers de la S. S. B. M., des soldats, des prisonniers et des réfugiés de la dernière guerre, assistés par ses soins et par ses dons, des œuvres d'enfance, de jeunesse et d'hygiène sociale, en faveur desquelles s'est exercée, sous différentes formes, l'incessante générosité de Mme Max Catoire, le Comité tient à cœur d'inscrire le nom honoré de cette insigne bienfaitrice à la première page de son livre d'or. »

 

 

Sources

Quesné Victor, « Le Désert des carmes déchaussés de la Garde-Châtel », Bulletin de la Société d'études diverses, n° 6, 1903. Aussi accessible sur le net

Collectif, Le Figaro, lundi 5 janvier 1942.

 

A lire aussi... 

L'ouvroir de l'ange-gardien, bonnèterie, hôpital militaire... 

La Garde-Châtel, château du XIXe siècle (clichés contemporains Armand Launay, été 2013)
La Garde-Châtel, château du XIXe siècle (clichés contemporains Armand Launay, été 2013)
La Garde-Châtel, château du XIXe siècle (clichés contemporains Armand Launay, été 2013)
La Garde-Châtel, château du XIXe siècle (clichés contemporains Armand Launay, été 2013)

La Garde-Châtel, château du XIXe siècle (clichés contemporains Armand Launay, été 2013)

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8 juillet 2011 5 08 /07 /juillet /2011 17:36

[Caresme, Anatole], " Le prieuré de Montaure ", 7 p., in Mélanges historiques, ch. XII, Louviers : imprimerie de Mlle HOUSSARD et frère, [document conservé à la] médiathèque de Louviers [sous la cote] inv 9/454.

 

 

Le voyageur que nos omnibus de Louviers emportent rapidement vers Elbeuf, aperçoit bientôt, au sortir de la forêt, la belle tour romane qui sert de clocher à l’église de Montaure. C’est un monument de forme carrée, d’une élévation médiocre, dont la construction remonte aux Anglo-Normands. Debout, depuis sept ou huit siècles, au milieu de celle vaste plaine, l’église jadis priorale de Montaure, doit son existence à un grand malheur domestique, à la juste douleur d’un père, frappé dans ses plus chères affections. Voici ce que nous avons recueilli sur l’origine et l’histoire du prieuré de Montaure. 

 

Dans les premières années du XIe siècle, vivait Odon Stigand Ier du nom, homme noble, riche et puissant, seigneur de Mésidon, des Authieux en Auge et de plusieurs autres terres. Il avait aussi un manoir à Montaurium, nommé depuis Montoire et ensuite Montaure, du latin Mons Aureus, montagne d’or, à cause, sans doute, de sa position sur une éminence et de la fertilité du sol.

        

Pieux et libéral envers les serviteurs de Dieu, le seigneur de Mésidon donna l’église de son domaine de Montaure à l’abbaye de Saint-Ouen de Rouen, où il avait choisi sa sépulture, et Richard II ratifia cette donation en 1018.

  

À ce père si religieux succéda un fils digne de lui, Odon Stigand IIe du nom. D’anciens titres nous disent que ce nouveau seigneur de Montaure fut chambellan des Empereurs Isaac Commène et Constantin Ducas. Il est constant du moins qu’il était maître d’hôtel du jeune duc Guillaume, surnommé depuis le Conquérant. Il eut deux fils, Maurice et Robert. Ce dernier voyagea en Orient et revint en Normandie avec des reliques de l’illustre sainte Barbe. Pour honorer un si précieux trésor, le père de Robert fonda dans sa terre d’Écajeul une collégiale connue sous le nom de Sainte.Barbe-en-Auge. Le pieux et célèbre Guillaume d’Évreux y introduisit plus tard des chanoines réguliers et en fut lui-même le premier prieur.

  

Il paraît qu’Odon Stigand perdit ses deux fils de son vivant, et qu’il ne lui restait qu’une fille, mariée à Rabel, baron de Tancarville. Dans la charte de fondation de Montaure, il nous apprend lui-même : " que se voyant privé de son fils unique, jeune gentilhomme de grande espérance, mort en la fleur de ses ans, il l’avait fait mettre dans la sépulture de son père et de sa mère ; que pour faire prier Dieu pour le repos de leurs âmes, il avait voulu faire l’Église son héritière en lui donnant ses biens. " Au nombre des biens, y mentionnés, se trouve, avec l’église Saint-Étienne-des-Tonneliers, à Rouen, le domaine de Montaure. Les religieux de Saint-Ouen établirent un prieuré à côté de l’église paroissiale, qui déjà leur appartenait. Cette fondation est de l’an 1063. Odon Stigaut survécut peu à cet acte religieux, il succomba sous le poids de sa douleur le 17 novembre 1065. La construction de l’église et de la tour de Montaure suivit de près. Celle-ci est entièrement bâtie dans le style roman du XIe ou XIIe siècle.

 

À partir de cette époque, l’histoire de Montaure et de son prieuré est inconnue. Il nous faudrait les archives de l’abbaye de Saint-Ouen pour savoir ce que devint la fondation du sénéchal de Guillaume le Conquérant. Nous avons pourtant recueilli un certain nombre de faits concernant cette localité qui, pour être plus rares, n’en auront que plus d’intérêt. En l’année 1250, Eude Rigaud, archevêque de Rouen, faisait, en sa qualité de métropolitain, la visite du diocèse d’Évreux. Son curieux. Journal va nous fournir d’intéressants détails sur la situation du prieuré dans le XIIIe siècle.

 

Le 15 mai, le prélat, venant de Daubeuf-la-Campagne, arrive à Montaure, où il est reçu avec sa suite aux dépens du prieuré. " Nous avons, dit-il, fait notre visite ce même jour. Il y a là quatre moines ; mais ils ne sont ordinairement que trois. Tous sont prêtres. Ils se servent de matelas. Quelques-uns ont des peaux de renard. Nous leur avons défendu d’accepter à boire dans le village, même d’y aller, et l’usage des matelas. Ils n’observent pas les jeûnes, nous leur avons ordonné d’observer les jeûnes suivant la Règle. Ils ont 160 livres de revenu. Le prieur ne présente pas des comptes à ses confrères, mais seulement à l’abbé ; nous lui avons enjoint de compter avec ses confrères au moins trois fois l’an. L’aumône est médiocre ; nous avons prescrit de donner plus largement l’aumône aux pauvres. Item, de ne pas sortir la porte de la cour sans la permission du prieur [sic]. Item, que le prieur fournisse à ses inférieurs le vêtement et les chaussures, selon son pouvoir. "

 

Le lendemain 16 mai, le métropolitain quittait Montaure pour se rendre à l’abbaye de Bon-Port.

 

Cinq ans après, l’archevêque de Rouen entreprit de nouveau la visite du diocèse de son suffragant. Le 14 juin 1255, il passait la journée à Gouy près du Port-Saint-Ouen.

 

" Le 15 juin, dit le prélat, nous sommes entrés dans le diocèse d’Évreux et nous avons passé la nuit à Montoire. La somme de la dépense a été de VII livres VII sous III deniers. Le 16 juin nous avons fait notre visite en ce lieu. Ils sont deux moines seulement mais ils doivent être au moins trois. Le prêtre de la paroisse et les moines n’ont pour tous qu’un seul calice. Comme ils n’avaient point d’exemplaire de la Règle, nous leur avons dit de s’en procurer un. Les femmes mangent quelquefois avec eux ; nous leur avons fait défense de permettre doresnavant qu’elles mangent dans leur maison. Quelquefois ils font usage de viandes, nous leur avons ordonné de s’en abstenir, comme le veut la Règle, et de jeûner le vendredi suivant s’ils venaient à y contrevenir, selon ce qui est convenu dans les statuts. Ils ont, en revenus, 160 livres ; mais ils doivent maintenant 30 livres. Item, nous avons recommandé au prieur de compter quelquefois avec son confrère.

 

Le soir, Eude Rigaud passait la nuit à Daubeuf, où les moines de Saint-Ouen avaient également une succursale de leur maison.

 

La visite du diocèse d’Évreux, par le même prélat, recommence en 1258. Il arrive de nouveau par Daubeuf.

 

" Le 26 avril, raconte-t-il, nous avons été hébergés à Montoyre. Le lendemain 27, nous avons procédé à notre visite. Ils étaient trois moines. Il n’existait qu’in seul calice, tant pour les moines que pour le prêtre de la paroisse. Leurs revenus sont de huit vingt livres [sic] et ils en ont acquitté les décimes. Les dettes s’élèvent à L livres environ ; mais on leur doit près de XXX livres. Frère Roger d’Andely était alors prieur du lieu. Nous avons trouvé toutes choses en bon état. La somme de la procuration (frais de réception) a été de IX livres XI sous V deniers. Le même jour, nous avons été logés à la Croix-Saint-Leufroy. "

 

Ce même Journal d’Eude Rigaud annonce une nouvelle apparition de l’archevêque à Montaure, le 7 juillet suivant. Cette fois il y arrive de Bonport, non pour y procéder à une visite rigoureuse, mais pour y célébrer un mariage.

 

" Nous avons, dit-il, marié Guillaume de Preméry, notre panetier, avec Jeanne sa femme, dans le prieuré de Montaure, diocèse d’Évreux, et nous avons passé la nuit à Pont-de-l’Arche. "

 

Le 13 mai 1269, l’infatigable pasteur de la métropole se trouvait de nouveau à Daubeuf.

 

" Dans la même journée, dit l’itinéraire déjà cité, nous avons visité le prieuré de Montoire. Nous y avons trouvé deux moines de Saint-Ouen : ils devraient être trois. Ils n’avaient qu’un calice unique pour la chapelle du manoir et l’église paroissiale ; nous avons commandé d’en avoir un pour la chapelle. Nous leur avons défendu de laisser désormais les femmes entrer dans leur maison, comme c’était arrivé autrefois. – Ils avaient en revenus 250 livres ; ils devaient 80 livres. Ils avaient des provisions pour l’année, outre le vin et l’avoine.

 

En ce jour, nous avons été logés et nourris en ce même lieu. La dépense de la réception a été de... "

 

Au sortir de Montaure, l’archevêque se rendit au prieuré de Bailleul, autre dépendance de l’abbaye de Saint-Ouen, près de Gaillon. C’est tout ce que nous apprend sur Montaure le Registre des Visites Pastorales du célèbre archevêque de Rouen.

 

Un fragment des Chroniques de Saint-Ouen nous fournit le nom d’un prieur de Montaure. Lorsque le célèbre Jean Roussel, dit Marc d’Argent, à qui nous devons la moitié de la magnifique basilique de Saint-Ouen, mourut en son manoir du Bihorel, le mercredi 7 décembre 1339, il avait autour de lui les principaux dignitaires de sa congrégation. Parmi eux figure Guillaume Saoul, prieur de Montaure. Après la mort de l’illustre abbé, ce prieur aida ses confrères à rédiger les lettres-circulaires destinées à annoncer le décès de ce créateur d’un des plus beaux monuments religieux de la Normandie.

 

Dans le même siècle, un autre fait concernant le prieuré de Montaure a été découvert dans les registres de l’Échiquier, par l’auteur de l’Histoire du Parlement de Normandie. Nous copions son récit : 

" En 1397, des écuyers et des bourgeois, firent amende honorable des voies de fait dont il s’étaient rendus coupables envers le prieur et les religieux de Montaure, les injuriant, les frappant avec des bâtons et des épées, brisant enfin les portes du prieuré en y faisant d’incroyables dégâts. C’était, avec cette maison religieuse, avoir insulté la royale abbaye de Saint-Ouen de Rouen, dont le prieuré de Montaure était l’une des succursales, et le roi lui-même, qui avait mis ces religieux en sa sauvegarde. Un jour donc, à Montaure, on vit revenir au prieuré, l’écuyer Ouyvel et ses complices, non plus arrogants cette fois, armés de toutes pièces, et prêts à tout briser, mais " nudz pieds, sans chaperon, sans ceinture, portans et tenans dans leurs mains chascun ung cierge de cire de deux livres pesans. " C’était un jour de fête Notre-Dame, la foire tenant à Montaure. L’affluence était donc grande, et ce jour, sans doute, n’avait pas été choisi sans dessein. Ils s’étaient directement rendus au prieuré. " Là, publiquement, en présence de nombre de gens, ils s’agenouillèrent devant Dom Naguet, prieur, lui amendèrent lesdiz exceds et malélices, lui requérant humblement que il leur pardonnast ; ce qu’il fit. Se relevant alors, on les fit entrer dans l’église du prieuré, y offrir leurs cierges, payer enfin au prieur 200 livres d’amende profitable. Peu de jours après, dans l’église abbatiale de Saint-Ouen de Rouen, eut lieu une scène semblable en  tous points où figuraient les mêmes acteurs. Seulement, l’amende profitable ne fut, cette fois, que de 100 livres tournois. Tout cela s’était fait ainsi  par ordre de l’Échiquier. "

 

De la fin du XIVe siècle nous arrivons sans incidents dignes d’intérêt aux troubles suscités en Normandie par la prétendue réforme. Montaure fut pris pendant lés guerres de religion par un sieur de La Personne, des mains duquel le retira Don Alexis Durand, l’un des titulaires qui administraient l’abbaye de Saint-Ouen, au profit des princes Charles et Louis de Bourbon, comte  de Soissons. En 1630, le prieuré tombait dans les mains du petit neveu d’un sieur Poitevin. Ce dernier n’est autre que Balthazar Poitevin, qui porta le titre d’abbé de Saint-Ouen depuis l’an 1620 jusqu’en 1638. à partir de ce temps il n’y eut plus de religieux au prieuré de Montaure.

 

Au moment où cette fondation pieuse s’éteignait à Montaure, une autre venait la remplacer. Le monastère des Carmes déchaussés du désert de la Garde-Châtel fut fondé par le roi Louis XIV, en 1666. Au nombre des bienfaiteurs de cette nouvelle maison, nous remarquons le conseiller d’État, de La Galissonnière, auteur d’une Recherche de la Noblesse de Normandie, et un autre conseiller d’État, le sieur de Marguerie, qui possédait à Louviers les fiefs de l’Épervier, de Folleville et de Maupertuis.

 

Montaure a vu naître, en 1710, François-Emmanuel Sevestre, poëte latin et français, mort curé de Radepont, en 1788.

 

Au milieu de ce même siècle, le domaine temporel de Montore, comme on écrivait alors, appartenait à la famille Le Cordier de Bigards, dont les aînés sont devenus marquis de La Londe et barons de Bourgtheroulde. – Ecrosville, hameau de Montaure, était un fief possédé par les mêmes seigneurs. Nous avons visité, il y a quelques années, les restes d’un vaste manoir féodal, situé sur le territoire de Montaure. Une cheminée nous a frappé par sa grandeur et sa construction hardie. Ce pourrait bien être les ruines de l’ancien manoir de Blaquetuit, qui a donné son nom à la plaine voisine.

 

Enfin Montaure a eu pour curé dans ces derniers temps, un vicaire de Louviers, moissonné à la fleur de l’âge. Nous voulons parler du pieux et éloquent abbé Bouchard, dont la perte a causé de vifs regrets.

 

 

A lire aussi...

Notre-Dame de Montaure et le prieuré de bénédictins

Diverses vues sur le logis prioral, seul vestige debout de l'ancien prieuré de bénédictins (cliché Armand Launay, été 2013)
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Mes activités

Armand Launay. Né à Pont-de-l'Arche en 1980, j'ai étudié l'histoire et la sociologie à l'université du Havre (Licence) avant d'obtenir un DUT information-communication qui m'a permis de devenir agent des bibliothèques. J'ai acquis, depuis, un Master des Métiers de l'éducation et de la formation, mention Lettres modernes. Depuis 2002, je mets en valeur le patrimoine et l'histoire de Pont-de-l'Arche à travers :

- des visites commentées de la ville depuis 2004 ;

- des publications, dont fait partie ce blog :

Bibliographie

- 20 numéros de La Fouine magazine (2003-2007) et des articles dans la presse régionale normande : "Conviviale et médiévale, Pont-de-l'Arche vous accueille", Patrimoine normand n° 75 ; "Pont-de-l'Arche, berceau de l'infanterie française ?", Patrimoine normand n° 76 ; "Bonport : l'ancienne abbaye dévoile son histoire", Patrimoine normand n° 79 ; "Chaussures Marco : deux siècles de savoir-plaire normand !", Pays de Normandie n° 75.

- L'Histoire des Damps et des prémices de Pont-de-l'Arche (éditions Charles-Corlet, 2007, 240 pages) ;

- Pont-de-l'Arche (éditions Alan-Sutton, collection "Mémoire en images", 2008, 117 pages) ;

- De 2008 à 2014, j'ai été conseiller municipal délégué à la communication et rédacteur en chef de "Pont-de-l'Arche magazine" ;

- Pont-de-l'Arche, cité de la chaussure : étude sur un patrimoine industriel normand depuis le XVIIIe siècle (mairie de Pont-de-l'Arche, 2009, 52 pages) ;

- Pont-de-l'Arche, un joyau médiéval au cœur de la Normandie : guide touristique et patrimonial (mairie de Pont-de-l'Arche, 2010, 40 pages) ;

- Pont-de-l'Arche 1911 I 2011 : l'évolution urbaine en 62 photographies (mairie de Pont-de-l'Arche, 2010, 32 pages) ;

- Mieux connaitre Pont-de-l'Arche à travers 150 noms de rues et de lieux ! (Autoédité, 2019, 64 pages) ; 

- Déconfiner le regard sur Pont-de-l'Arche et ses alentours (Autoédité avec Frédéric Ménissier, 2021, 64 pages) ;

- Les Trésors de Terres-de-Bord : promenade à Tostes, ses hameaux, Écrosville, La Vallée et Montaure (publié en ligne, 2022) ;

- Les Trésors de Terres-de-Bord : promenade à Tostes, ses hameaux, Écrosville, La Vallée et Montaure (version mise en page du précédent ouvrage, édité par la mairie de Terres-de-Bord, 2023).

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