La Folie-Vallée est un nom désignant une belle maison bourgeoise du XVIIIe siècle aussi connue, un temps, sous le nom de Villa Sainte-Anne. Elle est située dans un parc le long de l’avenue De-Lattre-de-Tassigny, près du rondpoint des écoles. La Folie-Vallet (sic) désigne aussi un espace du plan cadastral de la commune.
Bien peu le savent, mais en 1954 le parc de cette demeure privée a été coupé en deux à cause de la création de la route raccordant le nouveau pont de Pont-de-l’Arche à l’avenue de la Forêt-de-Bord, aux Damps. Auparavant, son parc allait jusqu’à la rue Maurice-Delamare, ancienne route du Vaudreuil. Ainsi, les espaces verts jouxtant le groupe scolaire Maxime-Marchand sont des vestiges de ce parc. Le beau mur en moellon calcaire qui clôt partiellement la cour de récréation est un vestige de l’ancienne emprise foncière de la Folie-Vallée.
Difficile d'imaginer que les espaces verts près des écoles faisaient partie du parc de la Folie-Vallée avant 1954 où fut créée la route raccordant le pont de Pont-de-l'Arche à l'avenue de la Forêt-de-Bord aux Damps (cliché Armand Launay, février 2014).
Ce détail du plan cadastral de 1834 montre que la Folie-Vallet a donné son nom à une sente et à un espace du cadastre (Archives départementales de l'Eure).
Un détail plus précis du même plan cadastral montre la demeure de la Folie-Vallée telle qu’elle existe aujourd’hui, c’est-à-dire avec un avant-corps aux murs gouttereaux. On y voit la rue Marie-Morel-Billet, désignée sobrement « Chemin des Hayes » comme il s'appelle encore dans sa partie dampsoise. Les bâtiments sur sa gauche sont ceux de la propriété récemment rasée à l’encoignure de la rue des Soupirs et de la rue Marie-Morel-Billet (laissant place à la résidence Lucie-et-Raymond-Aubrac).
Ce détail du même plan cadastral localise la Folie-Vallée au même emplacement qu'aujourd'hui et avec les mêmes caractéristiques architecturales : un avant-corps aux murs gouttereaux (Archives départementales de l'Eure).
Que signifie Folie-Vallée ?
Nous pourrions penser que le tout proche Val des Damps aurait accueilli des personnes un peu fatiguées du chef. Mais le mot « folie » désigne des maisons de villégiature aristocratiques ou bourgeoises situées en dehors des villes.
Quant à l’élément « Vallée », il est orthographié « Vallet » sur le plan cadastral. Ceci nous fait penser au nom d’une des grandes familles d’officiers du roi exerçant au bailliage de Pont-de-l’Arche. Comme on le lit sous la plume de Bernadette Boutelet (page 254) en 1634 Jean Vallet, greffier ordinaire à la vicomté, était présent à un procès. Quant à Louis-Etienne Charpillon et Anatole Caresme, ils citent en 1688 un Jean-Baptiste Vallée du Parc, lieutenant particulier, antien civil et criminel du bailli de Rouen ; en 1671 Jean-Baptiste du Parc, lieutenant général en la vicomté et en 1675 Jean-Baptiste Vallée du Parc, lieutenant général du bailliage. Les Archives nationales ont conservé, parmi les provisions d’offices royaux (1270-1790) le nom de Jacques Vallet, frère de Pierre Vallet, procureur, greffier à la maitrise des eaux et forêts. Sa lettre de provision date du 19 juillet 1731 (cote de la lettre : V/1/284 pièce 421). De là à penser qu’un membre de cette riche famille des Vallet s’est fait construire une folie aux abords de Pont-de-l’Arche, il n’y a qu’un pas que nous franchissons. Nous ne savons cependant pas si le nom de Folie-Vallet a été donné par les propriétaires du lieu ou s'il s'agit-là d'une appellation populaire. En revanche, si l'on adhère à la thèse selon laquelle Vallée désigne la famille Vallet, la graphie Folie-Vallée est fautive.
Quoiqu’il en soit, la Folie-Vallet fait partie des demeures aristocratiques bâties autour de Pont-de-l’Arche parmi lesquelles nous avons étudié le Château du Centre de loisirs et l’hôtel Alexandre-Delafleurière. Elle annonce les maisons bourgeoises des faubourgs de Pont-de-l’Arche et des Damps qui ont abrité des riches familles locales et attiré des Rouennais et des Parisiens dans notre contrée.
Sources
Boutelet Bernadette, Etude par sondage de la criminalité dans le bailliage du Pont-de-l’Arche (XVIIe-XVIIIe siècles) : de la violence au vol : en marche vers l’escroquerie, Annales de Normandie, 12e année, n° 4, 1962, pages 235 à 262.
Charpillon Louis-Étienne, Caresme Anatole, Dictionnaire historique de toutes les communes du département de l’Eure, Les Andelys, Delcroix, 1868, 960 pages, tome II, pages 662 à 674.
La Folie-Vallet sur une carte postale du début du XIXe siècle écrite, semble-t-il, par Léon Bataille, prorpiétaire des lieux et maire de la ville (avec nos remerciements à Daniel Hector Costa).
A l'entrée de la rue Marie-Morel-Billet, vers Les Damps et en partant de l'avenue De-Lattre-de-Tassigny, se trouve une pierre sculptée enchâssée dans le mur en moellon calcaire d'un bâtiment annexe de la Folie-Vallée. Il représente un ange gravé en bas-relief surmonté d'un bandeau portant les caractères suivants : "C:IHC". Il nous semble qu'il s'agit-là d'un éclat de travail réalisé au XXe siècle et imitant l'art gothique (cliché Armand Launay, décembre 2010).
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