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21 octobre 2015 3 21 /10 /octobre /2015 15:02
Hormis durant des travaux ponctuels, allons-nous voir disparaitre, dans les prochaines années, ce type de panneaux délimitant Les Damps et Pont-de-l’Arche ? (cliché Armand Launay, juillet 2015).

Hormis durant des travaux ponctuels, allons-nous voir disparaitre, dans les prochaines années, ce type de panneaux délimitant Les Damps et Pont-de-l’Arche ? (cliché Armand Launay, juillet 2015).

 

Depuis mai 2013, le maire socialiste de Pont-de-l’Arche, Richard Jacquet, a officialisé un projet qu’il murit depuis son premier mandat, donc, où je comptais dans son équipe élue : fusionner administrativement les communes de Pont-de-l’Arche et des Damps. Il vise ainsi une plus grande efficacité du service public grâce à une mutualisation des moyens et un champ d’action plus cohérent : l’agglomération qui compte près de 5 800 habitants et non deux communes côte à côte avec des projets parfois discordants ou redondants.

Ce débat n’est pas nouveau et nous prenons plaisir à rappeler un chapitre de notre livre publié grâce à la mairie des Damps et son maire UDI, René Dufour : L’Histoire des Damps et des prémices de Pont-de-l’Arche (2007, éditions Charles-Corlet) : “La fusion des communes de Pont-de-l’Arche et des Damps… 4 projets en deux siècles !” Ajoutons un chapitre sur ce blog pour immortaliser ce cinquième projet qui sera peut-être, à moyen terme, le bon ?

Pont-de-l'Arche et Les Damps, ici sur Google maps (capture d'écran, octobre 2015), deux communes qui forment une même agglomération de 5 800 personnes. La question de la fusion entre les communes, à défaut de faire l'unanimité, mérite d'être étudiée.

Pont-de-l'Arche et Les Damps, ici sur Google maps (capture d'écran, octobre 2015), deux communes qui forment une même agglomération de 5 800 personnes. La question de la fusion entre les communes, à défaut de faire l'unanimité, mérite d'être étudiée.

Depuis 862… Pont-de-l’Arche s’est construit sur le territoire des Damps

Le projet de fusion des communes fait penser, de prime abord, à une volonté d’annexion de la petite commune par la grande. Le petit Poucet dampsois et l’ogre archépontain. Pourtant, Les Damps semble être l’agglomération d’origine. Au IXe siècle, quand le roi Charles le Chauve fit construire un pont fortifié pour barrer la Seine aux Vikings, la rive droite était appelée Pîtres et la rive gauche Asdans (qui deviendra “Les Damps”). Le hameau de Saint-Martin, appelé aujourd’hui Plaine de Bonport (commune de Criquebeuf-sur-Seine) était appelé Maresdans (la mare des Damps). Autour du fort protégeant l’entrée du pont, une ville s’est développée : Pont-de-l’Arche, c’est-à-dire le “pont de la forteresse”.

Les archives nous montrent que Les Damps était une paroisse organisée autour de son église Saint-Pierre, à l’endroit où l’on voit de nos jours la chapelle.

 

Les Damps se trouve depuis dans l’ombre de la ville...

Mais Pont-de-l’Arche, place militaire de fondation royale, a beaucoup grandi grâce à son rôle de police intérieure, au siège des administrations royales, et à son rayonnement marchand avec son marché, sa halle, ses artisans… Les Damps est devenu une petite paroisse qui a même été rattachée à celle de Saint-Vigor de Pont-de-l’Arche dans les années 1780. Les paroisses étaient les ancêtres autant que les embryons de nos communes. Les Damps a donc été annexé pendant des années et les Dampsois présentèrent donc leurs avis dans le cahier de doléances de Pont-de-l’Arche en 1789.

 

1790 : Les Damps devient une commune autonome… défendant ses droits !

Les Damps est doté en 1790 d’une entité administrative à la Révolution et possède, de ce fait, un Conseil municipal. Celui-ci doit se battre contre les prétentions de la commune de Pont-de-l’Arche surtout autour de l’ancienne église Saint-Pierre. Celle-ci était la propriété de la paroisse de Pont-de-l’Arche. Avec la Révolution, elle devint un bien de l’État avant d’être restituée à l’Église par Napoléon Bonaparte en 1801 (Concordat) et donc à la paroisse de Pont-de-l’Arche. Un problème administratif de taille se posa : l’église Saint-Pierre étant fermée par la paroisse de Pont-de-l’Arche, où pouvait-on enterrer les morts dampsois ? Un arrêté préfectoral datant de 1803 ferma le cimetière des Damps car l’église était abandonnée. La paroisse de Pont-de-l’Arche démolit l’église des Damps et son cimetière pour financer la construction d’un presbytère... à Pont-de-l’Arche. Déshabiller Pierre pour habiller Paul... Le litige entre la commune et la paroisse d’à-côté s’éternisait. En 1837, le préfet enjoignit la paroisse de Pont-de-l’Arche de laisser le cimetière à la commune des Damps ou d’éclairer cette affaire en justice. La paroisse de Pont-de-l’Arche se tourna vers ses amis élus...

Voici le début d’un texte présenté en 1850 par les élus dampsois contre la demande réunion des Damps à Pont-de-l’Arche. Le titre virulent et la forme dactylographiée ‒ rare en ce temps dans les archives communales ‒ montrent la détermination des Dampsois à se faire entendre par la préfecture. Archives de l’Eure (2F art. 2512).

Voici le début d’un texte présenté en 1850 par les élus dampsois contre la demande réunion des Damps à Pont-de-l’Arche. Le titre virulent et la forme dactylographiée ‒ rare en ce temps dans les archives communales ‒ montrent la détermination des Dampsois à se faire entendre par la préfecture. Archives de l’Eure (2F art. 2512).

1838 et 1848 : Pont-de-l’Arche passa à l’attaque !

Pressés par les dirigeants de la paroisse, le conseil municipal de Pont-de-l’Arche, souvent les mêmes personnes, présenta en 1838 à la préfecture une demande de fusion entre les deux communes. Les élus Dampsois obtinrent gain de cause et en 1841 le préfet déclara irrecevable la demande du maire archépontain. Le litige sur le cimetière continua. En 1848, le maire de Pont-de-l’Arche, Jean-Baptiste Olivier [des Bordeaux] décida d’agrandir le cimetière communal et demanda au conseil municipal des Damps de participer à la dépense. Ce dernier trouva la demande déplacée car le cimetière communal était inutilisable à cause de la paroisse archépontaine. En 1848, des Dampsois frappèrent un employé de la paroisse de Pont-de-l’Arche qui démolissait le mur du cimetière. Le conseil municipal des Damps entreprit de rouvrir son cimetière, ce qui déplut au maire de Pont-de-l’Arche qui arrêta que l’on n’enterrerait plus de Dampsois dans sa commune ! C’est le sous-préfet de Louviers qui résolut le conflit en proposant qu’on enterre les Dampsois à Pont-de-l’Arche jusqu’à l'ouverture du nouveau cimetière des Damps et que l’on trouve un terrain d’entente sur la participation des Damps aux frais d’utilisation du cimetière de Pont-de-l’Arche. Pour tenter d’anéantir la résistance des élus dampsois, le conseil municipal de Pont-de-l’Arche déposa en préfecture une demande de fusion entre sa commune et celle des Damps en 1848. Ceci devait être un chantage : Pont-de-l’Arche retirerait sa demande de fusion contre la cession du cimetière. Les élus Dampsois eurent gain de cause, rouvrirent le cimetière et, grâce au don des fidèles, la chapelle Saint-Pierre fut érigée et ouvrit ses portes en 1856.

 

1942 et 1972 : le Département proposa la fusion

Le Département proposa, dans le cadre de plans de regroupement de communes, la fusion entre Les Damps et Pont-de-l’Arche. Les Damps ne fut pas concerné contrairement à de nombreuses petites communes n’atteignant pas quelques dizaines d’habitants à cause du dépeuplement rural. Ce mouvement n'était pas nouveau : on passa, dans l’Eure, de près de 800 communes en 1850 à 650 de nos jours. Le conseil municipal du 30 octobre 1972 répondit en ces termes : “Le conseil, après avoir pris connaissance du plan départemental de regroupement des communes et du projet établi par la commission d’élus, projet qui prévoit la fusion des deux communes de Pont-de-l’Arche et des Damps, se faisant l’interprète de la population, hostile dans sa grande majorité ; tient à marquer – par un vote unanime – son opposition à ce projet de fusion”. Ces projets de simplification administrative restèrent sans conséquences pour notre commune.

 

L’intercommunalité, une sorte de fusion qui a fait peur en son temps...

La loi Joxe du 6 février 1992 a relancé la question de la fusion en incitant les collectivités locales à se regrouper en Communautés de communes. La fusion se limite, dans ce cadre, à la mise en commun de moyens humains et financiers pour mieux étudier les besoins d’un territoire et faire des économies d’échelle. Il s’agit de mettre en commun certaines compétences administratives. Concernant nos communes, l’embryon de la Communauté d’agglomération Seine-Eure (CASE) émerge à partir de 1993 (le “PACT urbain”) autour de Louviers, Val-de-Reuil et Pont-de-l’Arche, dont le maire était alors la socialiste Paulette Lecureux.

Mais ce type de projet suscite bien des craintes parmi la population et donc parmi les élus. La majeure partie des maires du canton de Pont-de-l’Arche craint que la CASE n’éteigne la voix des petites communes et que celles-ci paient les projets et les dettes des grandes communes. Ils fondent alors en 1996 la Communauté de communes Seine Bord (CCSB). La CASE quant à elle prend sa forme actuelle en 2001 et Paulette Lecureux parvint à y faire entrer Pont-de-l’Arche malgré une mobilisation de citoyens hostiles à ce projet. Si l’histoire a donné raison à Paulette Lecureux le 1er janvier 2013 où Seine Eure et Seine Bord ont fusionné, cette élue a peiné à expliquer le bienfondé de sa démarche et l'a payé par une défaite électorale en 2001.  

 

Mais… Les Damps et Pont-de-l’Arche sont déjà réunis !?

Aujourd’hui l’intercommunalité suscite une question : à quoi bon fusionner nos communes si elles font déjà partie de la même intercommunalité et que nos maires sont tous deux Vice-présidents de cette agglomération ?

D’une part, la majeure partie des compétences restent municipales. De plus, la naissance des intercommunalités ne s’est pas traduite par le transfert du personnel des communes aux nouvelles intercommunalités. Il est dommage de ne pas alléger les dépenses de fonctionnement par des commandes plus vastes, permettant des économies d’échelle. Il est dommage de ne pas additionner les compétences des fonctionnaires qui gagnent en spécialisation et en formation professionnelle dans des structures plus grandes. Pensons aux services centraux (finances, ressources humaines, accueil…), aux espaces verts et aux services techniques, aux accueils de loisirs... Il est dommage qu’une commune comme Les Damps ne s’adjoigne pas les services communication, parentalité, espace jeunes, animation, social et accompagnement, la police municipale d’une commune de taille moyenne comme Pont-de-l’Arche.

 

On ne pourra pas reprocher à Richard Jacquet d’œuvrer pour son intérêt électoral. En effet, étant donné le poids du vote de droite aux élections municipales des Damps, il donnerait à son opposition de droite, dans le cadre d’une fusion, une base électorale qu’elle a perdu depuis la fin des années 1970.

Quoi qu’il en soit, le conseil municipal des Damps du 19 octobre 2015 a précisé qu’il n’avait pas été élu en 2014 sur les bases, mêmes hypothétiques, d’une fusion avec Pont-de-l’Arche. À ce titre, il reporte un tel projet aux élections de 2020 si les candidats et les électeurs jugent pertinent ce débat et ce choix. Il ne ferme pas les discussions projetant, éventuellement, la mutualisation de services qui, elle, a le mérite de pouvoir se faire même sans fusionner les communes. Ce serait un test progressif pour évaluer l’opportunité humaines et financière d’une fusion…

Il sera difficile de convaincre les Dampsois, d’une part, que la ville de Pont-de-l’Arche leur fera gagner des services supplémentaires et, d’autre part, qu’ils ne verront pas leurs impôts locaux s’alourdir.  

Passées, peut-être, ces difficultés… et après un référendum, qui sait (?), on parlera dans les documents administratifs de la commune de Pont-de-l’Arche Les Damps et, dans les conversations, dans les cœurs, on restera toujours Archépontain et Dampsois. Prenons exemple sur Autheuil et Authouillet, villages qui ont fusionné en 1971 dans la commune d’Autheuil-Authouillet… et qui n’en restent pas moins des villages à part entière.

 

Conclusion

Après les projets honteux de 1838 et 1848, les projets froidement administratifs de 1942 et 1972, la proposition de Richard Jacquet constitue la première demande de fusion des deux communes autour d’un projet d’intérêt commun, d’un contenu à élaborer de part et d’autre de la rude frontière du chemin de la Borde et de la rue du Val. Aux élus archépontains de convaincre, aux élus Dampsois de décider.  

Depuis 1838, le camp gaulois des Damps résiste farouchement aux positions de Pont-de-l'Arche, récemment renforcées par César Jacquet (avé Richard, ceux qui sont exilés te saluent !). Il leur faudra parlementer pour peut-être construire le domaine des dieux là où l'Eure et la Seine se rejoignent pour la première fois...

Depuis 1838, le camp gaulois des Damps résiste farouchement aux positions de Pont-de-l'Arche, récemment renforcées par César Jacquet (avé Richard, ceux qui sont exilés te saluent !). Il leur faudra parlementer pour peut-être construire le domaine des dieux là où l'Eure et la Seine se rejoignent pour la première fois...

Armand Launay

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21 février 2013 4 21 /02 /février /2013 22:29

Dans le bas-côté sud de l’église Notre-Dame-des-arts (Pont-de-l’Arche) se trouve un beau retable.

P1160420.JPG

En son centre, se trouve une toile du XVIIe siècle : La Descente de la Croix. Cet ensemble a été classé Monument historique au titre d’objet le 26 aout 1976.

Sous le retable est situé un tombeau d’autel portant un tabernacle. Sur ce tombeau, on voit clairement deux clés croisées. Elles sont l'emblème de saint Pierre, détenteur des clés du Paradis. Autre emblème présent, la tiare papale aux trois couronnes, surmontée d'un lac d'amour et non d'une croix, et une croix de patriarche. 

Sachant que l’église Saint-Pierre des Damps, devenue propriété de la paroisse de Pont-de-l’Arche, a été détruite par cette même paroisse, nous pensons avoir affaire à un vestige de l’église disparue et depuis remplacée par la chapelle Saint-Pierre.

Avec le retable du bas-côté nord, issu de Bonport, nous aurions ici l’origine du deuxième retable latéral de Notre-Dame-des-arts.  

 

P1100282

Détail du tombeau d'autel où l'on retrouve des emblèmes de saint Pierre (les clés croisées et la tiare papale), certainement les indicatifs de l'origine du retable : l'ancienne église Saint-Pierre des Damps.  

 

 

Armand Launay

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15 février 2013 5 15 /02 /février /2013 20:12

Dans le bas-côté nord de l’église Notre-Dame-des-arts (Pont-de-l’Arche) se trouve un retable, belle œuvre de menuiserie datée du XVIIe siècle et classée Monument historique au titre d’objet le 28 aout 1976. A noter aussi, le tombeau d'autel et le tabernacle situés devant le retable.  

En son centre, le retable porte une toile d’origine, « La glorification du rosaire ». Sous le rosaire de la Vierge, elle présente des moines cisterciens, reconnaissables à leur coule blanche et le scapulaire noir. Parmi une assemblée de fidèles écoutant leur office, se trouvent les monarques anglais et français (en bas à droite).

On pourrait se demander la raison de leur représentation dans une église paroissiale ? C’est Emile Chevallier, dans son ouvrage Guide à l’abbaye de Bonport, qui nous en fournit la réponse, page 13*. Suite à la lecture des registres du Conseil de fabrique, il apprit qu’un retable de Bonport avait été acquis par la paroisse de Pont-de-l’Arche en 1812 : « Celui-ci fut placé dans le bas-côté nord, comme le confirme la toile du rosaire de la Vierge qui représente des moines cisterciens, portant la coule blanche et le scapulaire noir ».

La présence des moines et des monarques français et anglais n’est donc pas étonnante sachant que l’ancienne abbaye de Bonport fut fondée par Richard Cœur de Lion et Philippe Auguste…

 

A lire aussi...

Le retable du bas-côté sud

       

 

* Chevalier Emile, Guide à l’abbaye de Bonport, Pont-de-l’Arche, imprimerie Claude frères, 1906, 92 pages.

 

P1090493

 

P1090508.JPG

 

A lire aussi...

Les stalles de Bonport...

L’église Notre-Dame-des-arts...

Armand Launay

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17 janvier 2013 4 17 /01 /janvier /2013 22:56

Diis manibus

 

 

« Qu’importe par quelle sagesse chacun accède au vrai.

Il est impossible qu’un seul chemin mène à un mystère aussi sublime. »

Quintus Aurelius Symmachus, dit Symmaque, Relatio, III, 10

 

 

Le paganisme regroupe un ensemble de cultes polythéistes pratiqués par les païens, c’est-à-dire les fidèles aux dieux locaux, par différence aux fidèles de cultes extérieurs, principalement les chrétiens qui ont supplanté, interdit, le paganisme. Le choix de ce sujet pour la localité de Pont-de-l’Arche tient plus de la motivation personnelle que de la recherche historique tant les données scientifiques manquent ; ceci exprime donc la partie la plus religieuse, peut-être, de nos valeurs spirituelles. Il nous a néanmoins paru intéressant d’interroger l’histoire locale en reliant des éléments à priori disparates et, quoi qu’il en soit, méconnus. Quant au choix des Damps, il s’impose de lui-même puisque Pont-de-l’Arche a émergé au IXe siècle sur le territoire de cette paroisse plus ancienne.

 

Hetre-Tabouel.JPG

Le paganisme vénère les forces naturelles et leurs manifestations les plus éclatantes. Ici le hêtre Tabouel, sur les hauteurs de Pont-de-l'Arche, peut faire figure d'idole tutélaire du haut de ses 350 ans de vitalité.  

 

 

L’allée couverte des Vauges, première trace de spiritualité

La plus ancienne trace locale de spiritualité a été identifiée par la découverte d’une allée couverte aux Damps, rue des Merisiers. Nous avons rendu compte de cette découverte à la page 36 de notre ouvrage L’Histoire des Damps et des prémices de Pont-de-l’Arche (voir sources). Cette allée couverte a été identifiée par des particuliers lors de la construction des fondations de leur maison au début des années 2000. Sans intervention d’archéologues, une quinzaine de squelettes a été mis au jour entre de vastes pierres de près de 4 mètres de long. Ces pierres rectangulaires formaient une allée d’une dizaine de mètres de longueur et tournée vers l’Est. Les habitants se sont renseignés auprès d'archéologues qui ont identifié des têtes de haches et une hache pendeloque enpierre verte du Jura, objet que l’on mettait au cou des morts. Nous pouvons raisonnablement avancer qu’il s’agit de vestiges d’une allée couverte, type de tombeau collectif du Néolithique final (vers 2300 avant notre ère) courant la région de Val-de-Reuil.

Les allées couvertes étaient composées de deux séries parallèles de menhirs couverts d’autres pierres, on parle alors de cairns, ou de terre, ce qu’on appelle les tumulus. Le tout formait une grotte artificielle protégeant les dépouilles. Les découvertes archéologiques ont parfois mis au jour l’ouverture ronde perçant une pierre condamnant l’entrée. Grâce à cette ouverture taillée, un rayon de soleil touchait le fond de l’allée couverte au solstice d’été. Cette attention toute particulière montre la fonction spirituelle d’un tel édifice. En effet, le soleil est un symbole de renaissance après les ténèbres, la mort. Il démontre que nos ancêtres espéraient une renaissance après la mort. Il était donc crucial que les dépouillent soient touchées par la lumière au matin de la plus longue des journées. C’est pourquoi les allées couvertes étaient orientées, c’est-à-dire tournées vers l’orient. En ce sens, l’orientation des églises chrétiennes est une survivance de cette pratique rituelle. Il en est de même pour les calvaires, comme nous l’avons expliqué dans notre article consacré au cimetière de Pont-de-l’Arche.

Parlant du culte chrétien, nous nous sommes aussi interrogé sur la chapelle Saint-Pierre des Damps et son curieux emplacement.

 

La chapelle Saint-Pierre des Damps héritière d’un temple païen ?

L’allée couverte décrite ci-dessus trahit l’existence d’habitations. En effet, le néolithique est caractérisé par la sédentarisation des hommes qui ont besoin d’entretenir les cultures. La présence humaine aux Vauges rejoint ainsi les nombreuses découvertes archéologiques de Tournedos, Léry et Poses qui attestent une implantation humaine importante et durable autour de ce méandre de Seine. Le vallon des Vauges était, lui aussi, propice à l’implantation humaine. La proche forêt permettait l’élevage, la chasse et l’approvisionnement en bois. Le rebord du coteau, outre l’élevage itou, était propice aux cultures. En bas du vallon, les eaux de la Seine et son proche confluent avec l’Eure étaient propices à la pêche et au transport. Les iles offraient des enclos naturels à certains animaux d’élevage. La forme même du vallon laisse entrevoir que de petits cours d’eau y coulaient paisiblement.

L’éloignement de la chapelle Saint-Pierre du centre historique des Damps, en face de la place du village, nous a étonné. Située en bas du vallon des Vauges, cette chapelle a été bâtie par les fidèles dampsois en 1856 en lieu et place de l’ancienne église paroissiale Saint-Pierre. Cette église fut rattachée à la paroisse Saint-Vigor de Pont-de-l’Arche vers 1780 et démolie par le conseil de fabrique de Pont-de-l’Arche. Depuis le Moyen-Âge, l’église des Damps était mentionnée sous le vocable de Saint-Pierre et rien ne laisse entendre qu’elle ait changé d’emplacement depuis. Selon nous, l’emplacement de Saint-Pierre des Damps indique que le vallon des Vauges rassemblait la majeure partie des habitations à une période reculée. Partant, nous pensons que l’église des Damps, comme tant d’autres, a remplacé un lieu de culte païen situé à proximité directe des habitations d’alors. Pour mémoire, la christianisation eut lieu en Normandie du IVe au VIe siècle.

Par ailleurs, une étude de Georges Dumézil sur le culte de saint Pierre nous conforterait dans la thèse du temple païen. Saint Pierre était le patron des pêcheurs et des agriculteurs. Plus précisément, il était le patron de l’orge car cette céréale monte en épi durant la dernière semaine du mois de juin (entre la saint Jean et la saint Pierre). Alors, pour un village qui a vécu à la fois de la pêche et de l’agriculture, ce patron n’est pas tout à fait étonnant, surtout si l’on considère la position de son ancienne église, entre fleuve et terres agricoles. Georges Dumézil note que saint Pierre, saint de l’économie rurale, a très souvent remplacé un dieu de la fertilité. Si le temple païen des Vauges a bel et bien existé, à quelles divinités celtes puis latines, telle Cérès la déesse de l’agriculture, était-il voué ? La rêverie est permise…  

 

Chapelle-Saint-Pierre-2003.JPG

La chapelle Saint-Pierre durant une de nos visites commentées en 2003 : un édifice remplaçant une église qui, elle-même, pourrait bien avoir remplacé un lieu de culte païen autour de l'ancien hameau des Vauges. A noter, les outils de compagnons sur la pierre devant le public ; outils décrits dans un article consacré aux Amis réunis.   

 

Les établissements gallo-romains des Damps

Une fouille de sauvetage a été réalisée en 1980, aux Damps, sous le court de tennis du Chemin-des-haies (voir Dominique Halbout, sources). Ces fouilles ont mis au jour des bâtiments annexes d’une villa gallo-romaine détruite au bulldozeur. Une cave maçonnée avec soupirail métallique ont été retrouvés parmi du mobilier attestant une présence humaine depuis au moins la fin du 1er siècle jusqu’au IIIe siècle.

Dans notre ouvrage L’Histoire des Damps… nous avons aussi fait état des découvertes archéologiques suivantes : le trésor monétaire près de la maison de la Dame-blanche et de thermes au Vert-Buisson (tous deux dans la rue des Carrières) (page 46). Cependant, c’est à Jean Mathière (voir sources) que nous devons la seule référence au paganisme gallo-romain lui qui cite, page 241, la découverte en 1858 de « statuettes dont une de Vénus » déesse de la beauté et de l’amour.

 

Le fanum de Pont-de-l’Arche

Parmi nos sources non scientifiques, il y a les témoignages des propriétaires de détecteurs à métaux. Si l’inventaire de leurs découvertes est très approximatif, ils apportent de précieux éléments échappant de toute façon aux fouilles scientifiques. L’un d’entre eux m’a ainsi indiqué la présence d’un fanum – un temple rural – près du clos des Cerisiers, sur la route de Tostes. Celui-ci se trouvait à la jonction entre une voie allant vers Caudebec-lès-Elbeuf et Le Vaudreuil et une autre voie allant vers Pont-de-l’Arche et Tostes. Ce petit temple a peut-être fait partie d’une villa établie sur les premiers contreforts du plateau du Neubourg, à l’orée de la forêt.

Peut-être était-il dédié à Faunus, un dieu protecteur des troupeaux contre les loups, d’où son second nom : Lupercus. Ceci ne serait pas délirant étant donnés les nombreux dés à coudre de cette époque retrouvés en forêt de Bord et qui attestent la présence de gardiens de troupeaux dans la forêt ; gardiens qui s’occupaient en cousant… Peut-être que ce fanum honorait Sylvain, dieu de la forêt, notamment pour l’usage des fidèles redoutant la traversée de la forêt.

On peut aussi penser que ce temple était le sanctuaire des dieux tutélaires des habitations situées en contrebas, au futur Pont-de-l’Arche. En ce sens, peut-on établir un lien avec le culte de sainte Anne, patronne de Pont-de-l’Arche depuis le Moyen-Âge ? En effet, le chemin de la Procession, près duquel ont été retrouvés les restes du fanum, doit tenir son nom de la procession qui avait lieu dans le cadre de l’assemblée Sainte-Anne, ancêtre de la fête communale, qui avait lieu à l’orée de la forêt…  

 

Un établissement gallo-romain sur La Plaine de Bonport ?

Léon Coutil écrivit que : « Un peu plus loin, à l’extrémité du village de Criquebeuf, en extrayant du sable et des alluvions caillouteuses, on découvrit en 1888 des vases gallo-romains avec des débris d’incinérations dont nous avons vu deux exemplaires ». Qui plus est, les protecteurs équipés de détecteurs à métaux ont mis au jour de nombreuses monnaies et un pied de statue dans cette zone et, plus précisément, dans le val qui se situe en contrebas du hameau appelé La Plaine de Bonport vers Criquebeuf-sur-Seine. Il semble que ce lieu ait été habité de longue date avant d’être peu à peu déserté.

C’est ce qu’écrivirent en 1898 V. Quesné et Léon de Vesly (voir sources) qui se sont intéressés au village gaulois du Catelier, vraisemblablement appelé Gaubourg « par les envahisseurs du Ve siècle, qui paraissent avoir abandonné la hauteur pour s'établir sur les bords de la Seine en un lieu appelé Maresdans. Il ne reste aujourd'hui de cette station célèbre mentionnée par Guillaume de Jumièges, qu'un tertre couvert de bois : la chapelle, dans laquelle ont été baptisés quelques vieux villageois a disparu et l'image de saint Martin, patron de cette paroisse, a été remplacée dans l'église de Criquebeuf où nous l'avions souvent contemplée. — Quelques pierres et des traces de mortiers qui roulent à la surface des champs, voilà tout ce qui reste de Saint-Martin-de-Maresdans ! »

Cette chapelle a entièrement disparu dans le bois au sud de La Plaine de Bonport et à l’Est du Val-Richard. Seul Maredans [sic] est nommé dans le cadastre de Criquebeuf. Quoi qu’il en soit, ce lieu de culte chrétien a semble-t-il concerné un village. Il est placé sous un vocable ancien, Saint-Martin, et a maintenu le nom de Maresdans, qui signifie « mare des Damps ». Ce nom est donc antérieur à la fondation de Pont-de-l’Arche autour de l’entrée sud du pont bâti entre 862 et 873 par Charles le Chauve. De là à penser qu’un temple païen a été remplacé par une chapelle dédiée à saint Martin, il n’y a qu’un pas que nous serions tenté de franchir, une fois de plus. 

 

Des rituels païens christianisés

Si le catholicisme est héritier du christianisme importé du Proche-Orient, il est né parmi les rites païens de l’Empire romain. A ce titre, bien des pratiques locales ont survécu en étant christianisées.

La statuaire des églises

La riche statuaire accompagnant le culte des saints est un héritage des innombrables statues de dieux, d’empereurs, ou de grands personnages publics de l’Empire romain. Les divinités d’alors, et parmi elles les âmes des morts, étaient des voies plurielles permettant de s’approcher du divin. A ce titre, le recours massif du catholicisme aux statues représentant les saints, Jésus ou Dieu-le-Père n’est pas sans rappeler la Rome antique d’autant plus que les statues étaient interdites par le judaïsme, terreau du christianisme : « Tu ne te feras point d'idole, ni une image quelconque de ce qui est en haut dans le ciel, ou en bas sur la terre, ou dans les eaux au-dessous de la terre. » (Exode, chapitre 20, verset 3). Le drapé des personnages, d’un point de vue esthétique, et le rappel de la vie des saints, contribuent à faire de l’Antiquité une sorte d’âge d’or où le christianisme a vaincu le paganisme. Cependant, le Moyen-Âge, tout chrétien qu’il fut, n’a vraisemblablement pas dépassé cette époque rêvée. Quelque part, le paganisme était un ennemi tellement important que la victoire contre celui-ci semble constituer la principale réussite du christianisme.

Sainte Marie de Bonport

Léon de Duranville, citant Hyacinthe Langlois (Recueil de quelques sites et monuments de l'ancienne France, 1817) nous renseigne sur un pèlerinage qui avait lieu au bord de l’Eure, en face de la porte de la Vierge donnant accès à l’ancienne abbaye de Bonport : « C’était là que, le 23 juin, veille de la solennité de Saint-Jean-Baptiste, se rassemblait annuellement de toutes parts, dit encore Langlois « une multitude de femmes qui, au premier coup de l’Angelus de midi sonnant au monastère, plongeaient simultanément dans la Seine leurs petits enfants nus. Beaucoup d’adultes des deux sexes se soumettaient eux-mêmes à cette cérémonie pieusement gymnastique, qu’ils considéraient comme le préservatif et la cure de certaines maladies. […] Qui pourrait affirmer que ces coutumes si pleines d’originalité ne sont pas venues de l’époque païenne, qui divinisa les arbres et l’eau ? » (pages 216-217). En 1856, Léon de Duranville précisa que « Ce pèlerinage superstitieux n’est pas encore abandonné à Bonport, malgré la disparition du groupe. On l’a transporté dans l’église du Pont-de-l’Arche… » (page 218). Le « groupe » cité est la statue de Marie et, sur ses genoux, du Christ mort qui ornait la porte de la Vierge à Bonport. Ce groupe enpierre du XVIe siècle, classée Monument historique en 1977, se trouve sur le premier pilier du bas-côté nord de l'église Notre-Dame-des-arts.  

 

Bonport-2012.JPG

Des pratiques païennes ont longtemps survécu sous la forme d'un pèlerinage en face de Bonport, dans les eaux de la Seine. Elles consistaient à donner de la vigueur aux enfants.  

 

Le Hêtre Saint-Ouen de Léry

Bien qu’en dehors de notre aire d’étude, nous aimons à citer le culte de la fertilité célébré sous des airs catholiques à Léry, dans la forêt de Bord, la forêt de Pont-de-l’Arche. Voir notre article. 

 

Le baroque ou le souffle (gréco)-romain

L’arrivée du protestantisme au XVIe siècle a largement concurrencé le catholicisme. Il l'a même remplacé dans des royaumes entiers. Le protestantisme se veut universel et missionnaire, des synonymes des valeurs de l’Eglise qui se dit catholique et apostolique. Symboliquement, l’Eglise a renforcé un point qui ne pouvait lui être contesté : sa romanité. L’église catholique, apostolique et romaine a été fondée dans la capitale de l’Empire romain par saint Pierre.

La lutte contre l’expansion du protestantisme, la Contreréforme, s’est notamment traduite par une imagerie puisant dans les canons artistiques de l’antiquité gréco-romaine. Un nouveau style a émergé, le baroque, qui a remis au gout du jour l’ornementation de la Rome antique. Au premier chef, les colonnes et les frontons des temples. C’est ce qu’on l’on retrouve au chœur de l’église Saint-Vigor, devenue Notre-Dame-des-arts en 1896. Le maitre-autel érigé vers 1630-1640 se présente comme une entrée de temple païen… au chœur du sanctuaire chrétien.

L’histoire est ironique car saint Vigor, évêque de Bayeux, s’était fait connaitre en partie pour la lutte contre le paganisme et les colonnes païennes auront survécu à ce personnage notamment pour laisser place à Notre-Dame des arts, sorte de mère des Muses. Après tout, le Pape n’est-il pas le Souverain pontife ? C’est-à-dire le successeur des Grands pontifes romains, responsables de l’entretien du pont sacré et de la bonne pratique des rituels païens. Parmi ces pontifes, citons Symmaque qui  nous a fourni la citation du début de cet article…  

 

Photo 092Le maitre-autel de l'église Notre-Dame-des-arts (vers 1630-1640) : une oeuvre baroque issue de la Contreréforme et qui puise dans les canons de l'antiquité gréco-romaine et, notamment, ses temples dédiés aux dieux pluriels.      

 

Orientations documentaires

- Dumézil Georges, « Deux petits dieux scandinaves : Byggvir et Beyla, VI, Pekka, Pekko et Saint-Pierre », p. 76, in Mythes et dieux de la Scandinavie ancienne, collection bibliothèque des sciences humaines, Paris : Gallimard, 2000, 373 pages ;

- Duranville Léon Levaillant de, Essai archéologique et historique sur la ville du Pont-de-l’Arche et sur l’abbaye Notre-Dame-de-Bonport, autoproduit, 1856, 231 pages ;

- Halbout Dominique, « Note sur la fouille de sauvetage menée aux Damps (Eure) en juin, juillet, août 1978 », Bulletin du Centre de Recherches Archéologiques de Haute-Normandie n° 5, janvier-février 1979, page 10 ;

- Launay Armand, L’Histoire des Damps et des prémices de Pont-de-l’Arche, Condé-sur-Noireau : Charles-Corlet, 2007, 240 pages, voir les chapitres « Les premières traces des hommes entre Léry et Criquebeuf-sur-Seine depuis la Gaule romaine », pages 35 à 41, et « L’occupation du site des Damps de la Gaule romaine à la période germanique : le poids local d’un village fluvial », pages 42 à 50 ;

- Mathière Jean, La Civitas des Aulerci Eburovices à l’époque Gallo-romaine, Evreux, Librairie A. Drouhet, 1925, 355 pages ;

- Quesné V., de Vesly Léon, « Nouvelles recherches sur Le Catelier de Criquebeuf-sur-Seine (Eure) », in Bulletin archéologique du Comité des travaux historiques et scientifiques, année 1898, Paris : imprimerie nationale, 1898.

 

                                                                                      

Armand Launay

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3 juillet 2012 2 03 /07 /juillet /2012 16:23

« On a fait une loge aux massons couverte de tuilles. » 

 

1501, début de la construction de l’église Saint-Vigor,

actuelle Notre-Dame-des-arts (registres de fabrique) 

 

 

A Pont-de-l’Arche, Léon de Duranville et Etienne-Alexandre Sorel ont respectivement étudié l’Ancien régime et la Révolution. Conservateurs, ils ont fait le procès de la Révolution. Ils ont ainsi assimilé le mécontentement des Archépontains quant à la fermeture des tribunaux de la ville en 1790 à un rejet global des idées révolutionnaires (1789-1815). Mais la Restauration monarchique en 1815 a-t-elle satisfait tout le monde ? Les partis politiques et les associations n’existant pas, la franc-maçonnerie nous intéresse car elle nous permet d’interroger une partie de l’opinion publique. En effet, cette sociabilité préfigure un peu les associations de loi 1901 dans l’organisation de la vie sociale et démocratique. Qu’est-ce que la franc-maçonnerie ? Comment est-elle arrivée à Pont-de-l’Arche ? Que nous apprend-elle sur le Pont-de-l’Arche révolutionnaire ? C’est ce que nous avons cherché grâce au travail d’Hilaire Pierre de Loucelles et, surtout, d’Eric Saunier. Notre article n’est pas exhaustif car nous n’avons pu consulter les archives maçonniques de la Bibliothèque nationale de France[1].

 

 

Avec nos remerciements à Eric Saunier

 

 

 

La Franc-maçonnerie : une sociabilité libérale

La franc-maçonnerie s’est constituée au XVIIIe siècle en Angleterre. Reposant sur des valeurs humanistes, elle propose à des individus cooptés de travailler selon des rituels précis visant l’émancipation de chacun. Pour ce faire, elle utilise de nombreux symboles issus de différentes traditions culturelles comme autant de supports de réflexion commune et de distanciation individuelle. Universaliste, elle laisse ses membres libres de croyance et les encourage à vivre une fraternité d’abord dans la loge puis, au possible, dans la société en vue de son amélioration. Les francs-maçons, appelés frères, sont regroupés en assemblées, les « loges ». Celles-ci font partie de fédérations nationales appelées « obédiences ». En France, les principales obédiences en 2010 étaient le Grand orient de France (50 000 membres[2]), la Grande loge de France (30 000 membres), le Droit humain (16 000 membres) la Grande loge nationale française (15 000 membres), la Grande loge féminine de France (14 000 membres)... En France, la franc-maçonnerie a joué un rôle dans l’émergence des idées libérales, démocrates, et donc dans l’avènement de la République.

 

 

La franc-maçonnerie et la Révolution française

Au XVIIIe siècle, la franc-maçonnerie s’est imprégnée de la philosophie des Lumières. Lorsque la Révolution éclata en 1789, une majorité de francs-maçons a apprécié la naissance d’une Assemblée nationale protégeant l’individu du pouvoir, conformément à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Puis, le climat de guerre, notamment civile, et les exécutions de 1793 ont retourné l’opinion publique contre les idées républicaines, alors assimilées à l’état de guerre et à la Terreur. Il en a été de même des francs-maçons. Cependant, certains frères se sont retrouvés dans la minorité défendant la nouvelle nature de l’Etat. Afin de renforcer son pouvoir, Napoléon Bonaparte tenta d’enrégimenter la franc-maçonnerie en en faisant une sorte de relai de son administration. Il nomma son frère ainé Joseph à la tête du Grand orient de France en 1804. Lorsque la monarchie royaliste revint au pouvoir en 1815, la franc-maçonnerie fut accusée de collusion avec la Révolution et l’Empire. Le nouveau pouvoir se méfiait du mode de fonctionnement démocratique des maçons et de certaines loges qui professaient des idées avancées. Elle les surveilla et les intimida.

 

 

L’implantation maçonnique dans l’Eure

Avant la Révolution, trois loges étaient implantées dans ce qui devint le département de l’Eure en 1790 : La persévérante (Pont-Audemer, 1765), La parfaite cordialité (Les Andelys, 1767) et Saint-Jean-de-Dieu (Vernon, 1768). La Révolution modifia la donne. Elle renouvela le personnel militaire de la France en enrôlant de nombreux jeunes hommes qui furent ainsi attachés au nouveau régime et, bientôt, à la Première République (septembre 1792). Le premier bataillon d’infanterie de l’Eure, basé à Evreux, se dota d’une loge affiliée au Grand orient de France en 1793[3]. On retrouvait alors le lieutenant de la garnison de Pont-de-l’Arche, Christophe Dubosq. C’est en 1800 que le chef-lieu de l’Eure se dota d’une loge, La constance éprouvée. Celle-ci joua un rôle politique de premier plan en initiant entre 1809 et 1812 des maçons qui se sont illustrés dans le combat libéral : François Hochon (juge d’instruction), Charles Gazzan et Charles Fouché (fonctionnaires des finances) et Jacques Dupont (président du tribunal criminel, le futur député Dupont de l’Eure actif auprès de La Fayette contre la monarchie). Cependant, la loge d’Evreux disparut avec la Restauration de 1815. En 1805, c’est Louviers qui se dota d’une loge, Les arts et l’amitié, qui participa bientôt à la naissance de la première loge d’Elbeuf, l’Union, en 1810.  

 

 

 

Jeton Louviers aversJeton Louviers revers

Jeton frappé à l’occasion de la naissance des Arts et l’amitié, à l’orient de Louviers, en l’année maçonnique 5806 (1806). A l’avers : divers symboles. Au revers : un maçon prêtant serment lors de son initiation.

 

 

1819-1832 : Les Amis réunis

Comme Evreux, l’atelier d’Elbeuf cessa d’avoir des activités officielles en 1813 et resta silencieux jusqu’en 1822. C’est durant cette semi-clandestinité que neuf frères elbeuviens, tous industriels du drap[4], participèrent à la naissance de la loge de Pont-de-l’Arche, environ la 80e loge de Normandie[5], la 6e loge fixe de l’Eure. Ils étaient 11 frères lors de la réunion constitutive du 1er mars 1819 autour du vénérable maitre Pierre-François d’Hostel. Le 7 mars, ils reçurent l’officialisation de leur atelier les Arts réunis[6] par le Grand orient de France. Les constitutions de la loge archépontaine ont été accordées par le Grand orient le 6 juillet 1819 et celle-ci fut installée le 5 septembre 1819. Conformément aux statuts maçonniques, « Les arts réunis » changea son nom pour devenir les Amis réunis[7], nom que nous conservons. Si malheureusement les comptes rendus des travaux sur lesquels les frères ont réfléchi ont disparu, on sait que l’atelier tint régulièrement ses tenues jusqu’en 1829 et se mit officiellement en sommeil en 1832.

 

 

Composition des Amis réunis

Entre 1822 et 1824, les 16 frères actifs en 1820 initièrent de nombreux hommes nés pendant la Révolution. Avec 58 frères[8], la loge de Pont-de-l’Arche fut une des loges éphémères les plus fréquentées de Normandie entre 1815 et 1830. Le recrutement se fit à 20 % dans les fratries. Parmi les professions de ceux-ci, on note que le recrutement des Amis réunis a été élitiste avec une prédominance de serviteurs de l’Etat (16 frères), des industriels (16), des banquiers (16) et enfin des négociants (7). Autre particularité, seuls 19 % des frères étaient nés à Pont-de-l’Arche et 48 % d’entre eux y résidaient. Nettement, l’atelier archépontain rassemblait des frères des communes alentours. Ceci démontre l’aura des instigateurs de cette loge et dénote, peut-être, d’une habitude de l’Ancien régime où Pont-de-l’Arche était, avec ses quatre tribunaux, le centre administratif de la région d’Elbeuf et de Louviers. La ville n’obtint qu’un statut de chef-lieu de canton en 1790. Les opinions politiques ont-elles compté parmi les affinités ayant conduit à l’initiation de nouveaux frères ?

 

 

Compas & équerre

 

 

Un atelier à dominante libérale et révolutionnaire ?

Sans dogme, la franc-maçonnerie a accueilli des conservateurs et des progressistes. On sait que les Amis réunis ont été partagés ce qui a mis à mal leur atelier. Les tenues archépontaines ont cessé en 1829 avant l’officialisation de la fermeture de la loge en 1832. L’Union d’Elbeuf, comme le note Eric Saunier, a pris le même chemin. L’atelier mit fin à ses travaux en précisant que « la révolution a entamé une crise irréversible au sein de l’atelier. » Qui étaient les libéraux et quelle était leur place à Pont-de-l’Arche ? C’est encore Elbeuf qui nous éclaire. L’Union a compté dans ses rangs des frères républicains. En 1830, une délégation des frères s’est rendue le 6 aout à une Grande fête patriotique et maçonnique en l’honneur de La Fayette, chef de file de l’opposition constitutionnelle. Parmi ces frères, se trouvaient Victor Grandin, député de gauche, et Victor Ménage, aussi membres des Amis réunis… Ils faisaient partie des neufs frères elbeuviens venus fonder les Amis réunis en 1819. Parmi les frères déjà implantés à Pont-de-l’Arche avant 1819, on retrouve des personnages politiques (maires, adjoints…) à la manœuvre durant la Révolution ou l’Empire et pour lesquels la Restauration a été synonyme de mise en retrait. On retrouvera leurs biographies dans le tableau ci-dessous. De plus, certains d’entre eux ont acquis des terres appartenant auparavant à des ordres religieux. La Restauration pouvait leur faire craindre de les perdre. A noter, l’absence des édiles de Pont-de-l’Arche autour des maires nommés par le pouvoir après 1815, à savoir Julien Blin (maire de 1815 à 1826) et Jean-Charles Ducôté (maire de 1827 à 1845). Ceux-ci sont toujours restés fidèles au pouvoir en place.

 

 

Eléments biographiques de quelques frères

 

Nom

Activités

Jacques Isaac Alexandre de la Fleurière (1772-1837)

Jacques Isaac Alexandre Delafleurière est le fils d’un des plus grands notables de la ville : Jacques Joseph, ancien maire jacobin de 1792 à 1796 et coacquéreur de Bonport avec Alexandre de la Folie (voir ci-dessous). En 1793, Jacques Isaac était dragon de la Manche puis lieutenant du 16e régiment de chasseurs à cheval. En 1802, il était de retour à Pont-de-l’Arche après un bel état de services : armée du Nord (an II), armée de l'Océan (an III), Sambre et Meuse (ans IV et V), guerre des révoltés belges et l’ile de Walaheren (an VII), armée du Rhin (an VIII) où il reçut un coup de sabre, fut fait prisonnier de guerre à Altenkirschen. Il fut conseiller général en 1830.

Alexandre de la Folie (1757-après 1817)

Propriétaire de l’ancienne abbaye de Bonport. Acquéreur des territoires de l’ancienne abbaye de Bonport adjugés pour la somme de 161 000 livres le 2 avril 1791 (sauf les meubles[9]) avec l’aide d’Alexandre de la Fleurière. Maire de Criquebeuf en 1792.

A la tête de la Société des amis de la constitution (les jacobins) avec Fouet, maire des Damps. Cette société est la première association politique de l’histoire de la ville. Il présenta des piques au Conseil municipal de Pont-de-l’Arche le 19 mars 1792 au nom de cette société pour armer les soldats de la ville et ce en rappel de la prise de la Bastille. Frappé par la réaction thermidorienne. Membre du collège d’arrondissement, électeur.

Victor Pierre Michel Grandin (1797-1849)

Membre de l’Union d'Elbeuf (1828-1830) et des Amis réunis (1824-1828). Député de 1824 à 1828 et de 1839 à 1848, il siégea dans les rangs de l'opposition constitutionnelle.

 

Louis-Casimir Brown

Inspecteur des manufactures. Franc-maçon à Caen (parmi les maçons normands fréquentant les loges parisiennes à la fin du XVIIIe siècle). Témoin du décès de la femme d’Alexandre de la Folie.

Charles Carbonnier

Juge de paix. Collège d’arrondissement, liste des 600 plus imposés du département, électeur, adjoint au maire durant les 100 jours. Remplacé par M. Thierry le 14 juillet 1815 après la chute de Napoléon Bonaparte.

 

Pierre Fouet (1757-18..)

Maire des Damps, membre du collège d’arrondissement. Fut frappé par la réaction thermidorienne en 1795.

 

Jacques Gaudelet

Commissaire du consulat durant l’an XI. Maire de Léry.

 

Jean-Baptiste Milliard 

Maire d’Amfreville-sous-les-Monts

 

Henri Bilcoq

Juge de paix. Membre du collège d’arrondissement

 

Jean Augustin 

Eligible. Membre du collège d’arrondissement

 

Paul Lodieu

Chirurgien / figure sur les listes des Arts réunis de Rouen et de Pont-de-l'Arche. A fréquenté dès 1819 la loge de Darnétal

Antoine-Emmanuel Blanche (1787-18..)

Compte parmi les membres des Sociétés de médecine et de pharmacie de Rouen.

 

Antoine Blanche

Médecin-chef de l’hôpital général de Rouen

Joseph Vornier

Maire de Saint-Paul

Pierre-François Dhostel

(6 octobre 1770-31 décembre 1860)

Vénérable maitre. Ingénieur des Ponts-et-chaussées[10]. Promotion de 1794[11].  

 

 

Un temple introuvable…

Où se trouvait le temple des Amis réunis ? Il serait romantique d’imaginer les tenues dans la salle du chapitre de l’ancienne abbaye de Bonport, propriété du frère Alexandre de la Folie. Cependant, aucun élément ne nous renseigne sur cette localisation. Le frère Jacques Isaac Alexandre de la Fleurière aurait, lui aussi, aisément pu accueillir le temple dans sa demeure de la route du Neubourg, aujourd’hui remplacée par le Château accueillant le Centre de loisirs. Léon de Duranville[12] semble indiquer que, naturellement, les frères se rassemblaient dans Pont-de-l’Arche : « Et pour dire quelque chose de la période de la Restauration, nous rappellerons une loge maçonnique, qui existait au Pont-de-l’Arche, et à laquelle on se rendait d’une certaine distance et même des environs du Neubourg. Elle n’eut que peu d’années de durée ; son mobilier, y compris les figures symboliques, fut vendu à l’encan ; plusieurs de ces emblèmes servirent de jouets aux enfants du Pont-de-l’Arche. Ce petit épisode n’est pas à dédaigner. » Le mystère perdure.

 

 

 Stèle Les Damps (face et Est)Stèle Les Damps (ouest) 

Stèle funéraire de l’ancien cimetière jouxtant la chapelle Saint-Pierre des Damps. Première photo : de front, un cartouche sculpté au contenu effacé ; sur la face Est, un compas couronnant deux ciseaux. Sur la Seconde photo : sur la face ouest, un marteau couronnant une équerre et accompagné d’une pince et d’un dernier outil indéterminé. Cette stèle présente des outils de compagnons qui servent de symboles à la franc-maçonnerie. 

 

 

En guise de conclusion

La loge les Amis réunis fut fondée à Pont-de-l’Arche 4 ans après la fin du Premier empire. La Restauration monarchique se méfiait alors de la franc-maçonnerie, utilisée par Napoléon, où siégeaient des démocrates. En ces temps, certaines loges de grandes villes se mirent en sommeil ou continuèrent leurs activités dans la clandestinité. La loge de Pont-de-l’Arche naquit de l’union entre des frères elbeuviens, acquis aux idées démocratiques, et des notables locaux ayant participé à la Révolution et ayant scellé leurs intérêts à celle-ci. En seulement 10 années de travaux, les Amis réunis initièrent de nombreux jeunes hommes peu avant 1830 et la deuxième révolution. Ils attirèrent des frères du triangle Rouen-Elbeuf-Louviers. Ainsi à Pont-de-l’Arche, ville parfois rangée parmi les cités conservatrices car nostalgiques des privilèges de l’Ancien régime, on voit s’organiser une société rassemblant des libéraux. C’est ce qu’atteste l’existence des Amis réunis qui ont tenu leurs assemblées malgré la méfiance du pouvoir royal. Pont-de-l’Arche, siège de 4 tribunaux d’Ancien régime fermés par la Révolution, n’était donc pas une terre entièrement acquise à la cause de la monarchie. Le maintien des réformes administratives de 1790 par la monarchie n’a pas fait revenir ici le personnel royal. Au contraire, les agents d’Etat installés par les réformes révolutionnaires puis napoléoniennes ont, semble-t-il, apporté des forces au courant démocrate archépontain qui s’est exprimé dans la composition des « Amis réunis ». L’installation d’une loge à aura régionale a d’ailleurs été une sorte de survivance de l’importance passée de Pont-de-l’Arche qui avait autorité, avant 1790, sur la région d’Elbeuf et Louviers.

 

 

 

Sources 

- Becchia Alain, La Draperied’Elbeuf (des origines à 1870), Rouen : Publications de l’Université de Rouen, 2000, 869 p.

- Duranville Léon Levaillant de, Essai archéologique et historique sur la ville du Pont-de-l’Arche et sur l’abbaye Notre-Dame-de-Bonport, auto produit, 1856, 231 p.

- Loucelles Hilaire Pierre de, Histoire générale de la franc-maçonnerie en Normandie (1739 à 1875), Dieppe, Delevoye, 1875, 189 pages.

- Saunier Éric, Révolution et sociabilité en Normandie au tournant des XVIIIe et XIXe siècles : 6000 francs-maçons normands de 1740 à 1830, Mont-Saint-Aignan : Publications des universités de Rouen et du Havre, 1999, 555 p.

- Saunier Éric, « La franc-maçonnerie et le libéralisme (1810-1827) », p. 399-406, in Le Bozec, C., Wauters, Éric (dir.), Pour la révolution française, Rouen : Publications de l’université de Rouen, 1998, 584 p.

- Saunier Éric, « Une loge maçonnique à Elbeuf », in Bulletin de la Société de l’histoire d’Elbeuf n° 22, décembre 1994, p. 47-52.

 

 

 

[1]Bibliothèque nationale de France : FM1 108, FM2 356 : correspondance et tableau des « amis réunis ».

[2] Selon Wikipédia.

[3]Archives nationales (FM1 108). Membres : Pierre Conard, capitaine, vénérable, Jacques Lacour, capitaine, Verneuil, Jean-Baptiste Moullin, capitaine, Les Andelys, Louis Ancel, capitaine, Louviers, Michel Masse, capitaine, Evreux, Jean-Louis Oury, lieutenant, Verneuil, Charlemagne Buzot, chef de bataillon, Evreux, Pierre Delorme, lieutenant, Condé, Louis Armand, tailleur, Sarrelouis, Dominique Leroux, lieutenant, Les Andelys, Roch Gauclin, sous-lieutenant, Evreux, Esprit Duval, chirurgien, Pont-Audemer, Gervais Dubuisson, sous-lieutenant, Hacqueville, Jean-Christophe Louvel, capitaine, Domfront, Jean-Louis Martigny, sous-lieutenant, Louviers, Christophe Dubosq, lieutenant, Pont-de-l’Arche, Jean Gosse, adjudant, Les Andelys.

[4] Pierre Bourdon, Louis Delaunay, Parfait Delaunay, Pierre Faupoint, Gustave Garoye, Victor Grandin, Charles Houllier, Jules Ménage, Antoine Sallambier, Louis Vidal.  

[5] Notons que c’est durant cette même période que l’on a commencé à fabriquer des chaussons de lisière, c’est-à-dire confectionnés dans des chutes de draps, qui ont donné à Pont-de-l’Arche les bases d’une industrie florissante.

[6] Par ailleurs, nom d’une loge fondée à Rouen en 1807.

[7] Par ailleurs, nom d’une loge fondée à Granville en 1808.

[8] Pierre Achille Petit, Jacques Isaac Alexandre de la Fleurière, Pierre Constant Asse, Benjamin Aube, Charles Marie Belleville, Pierre Jean Baptiste Bernard, Henri François Bilcoq, Antoine Emmanuel Blanche, Louis Casimir Brown, Georges Brown, Charles Carbonnier, Charles Antoine Couture, Alexandre de la Folie, Louis François Delaunai, Parfait Delaunai, Bernard Gustave Desilles, Frédéric Firmin Desrues, Pierre Gaston Dhostel, Victor Dubreuil, Alexandre François Dupias, Pierre Théodore Faupoint, François Marie Favier, Ferdinand Ferey, Pierre Fouet, Gustave Gardye, Jacques Robert Gaudelet, Hippolyte Grillon, Marie Antoine Grulé, Augustin Thomas Jean, Albert Jean, Pierre Adrien Laisné, Hippolyte Adrien Laisné, Jean Baptiste Le Carpentier, ? Lefebvre, Jean Philippe Lefort, Jean Baptiste Milliard, Marie Louis Montlouis, Auguste Bruno Monton, Auguste Mustel Duquesnoy, Frédéric Mustel Duquesnoy, Benjamin Prévost, Pierre Antoine Sallambier, Guillaume Frédéric Seminel, Gabriel Simon, Aimé Alexandre Thinon, Toussaint Tournache, Sébastien Vedre, Michel Augustin Verdières, Louis Vidal, Jean François Bérel, Pierre Mathieu Bourdon, ? Boullier, Louis Camille Cuvelier, Jean Vincent Delaune, Michel Pierre V. Grandin, Charles Louis Houillier, Jules Victor Ménage, Gabriel Vanesbeq.

[9] Les grilles et l’orgue partirent à l’église de Louviers. Le reste fut partagé par les églises des environs dont celle de Pont-de-l’Arche qui récupéra la plupart des stalles et le chapier de la sacristie.

[10]Dossiers individuels des ingénieurs des Ponts-et-Chaussées ayant cessé leurs fonctions avant 1932, dressé par Marthe Felletin et complété par Martine Illaire en 1993. Archives nationales. Pierre Dhostel : F/14/2213/1.

[11]Fourcy A., Histoire de l'école polytechnique, page 393.

[12] Duranville Léon Levaillant de, Essai archéologique…, page 146.

 

Armand Launay

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6 juillet 2011 3 06 /07 /juillet /2011 18:01

Carte-postale-des-Damps-6-

 

Qui a fait bâtir la chapelle et quand ?

La chapelle Saint-Pierre des Damps fut inauguré en 1856 grâce aux deniers réunis par les fidèles catholiques de la commune et ce après plusieurs années de souscription. La dernière famille noble ayant résidé aux Damps, les De Lux, joua un rôle moteur en apportant une somme importante qui a financé la fonte de la cloche, en 1854, qui en porte la mémoire. Les De Lux habitaient la ferme de la Côte. Les sommes réunies ont permis la construction de la modeste chapelle que l’on voit aujourd’hui.

Après 1856, le curé de Pont-de-l’Arche et son vicaire venaient régulièrement célébrer la messe dans la chapelle, moyennant une contribution de la commune. Des grillages furent apposés en 1888 pour protéger les vitraux côté nord. La chapelle est devenue une propriété de la commune des Damps en 1905 dans le cadre de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat. C’est donc la commune qui assure depuis toutes les réparations et notamment celles causées en aout 1944 lors de la débâcle allemande et, plus récemment, l’entretien de la croix du cimetière et de la cloche.

 

Chapelle Saint-Pierre

 

Quel est son intérêt patrimonial ?

La chapelle Saint-Pierre ne comprend qu’un seul vaisseau couvert d’un toit à longs pans en ardoises et surmonté d’un clocheton carré en forme de flèche. Les murs latéraux sont percés d’ouvertures en plein cintre (3 au nord, côté Eure, et deux au sud). De petits moellons calcaires ont été utilisés en remplissage et des briquettes rouges en chainage. Un presbytère fut accolé à la chapelle dès l’origine puis fut agrandi côté sud avec de la briquette rouge. Le retable de l'ancienne église des Damps fut récupéré par la fabrique de Pont-de-l'Arche et se trouve aujourd'hui dans le bas-côté sud de Notre-Dame-des-arts. Une croix en calcaire taillé et sculpté au XVIe siècle est situé dans la cour. Il est un des rares vestiges des pierres de l’ancien cimetière avec une pierre compagnonnique qui nous sert d'illustration à notre article sur Les amis réunis.

 

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Une église et une paroisse médiévales disparues…

Le plus ancien document qui atteste l’existence d’une église aux Damps date de 1020. Cette église devait exister auparavant. Ce premier document nous apprend que l’église des Damps était déjà placée sous le patronage de Saint-Pierre et qu’elle constituait une paroisse à part entière. Les revenus et l’entretien de celle-ci avaient été remis à l’abbaye de Jumièges par le duc de Normandie. Quelle était l’architecture de cette église disparue ? Selon toute vraisemblance, c’était une église romane. Quant à ses dimensions, il semble qu’elles n’aient pas dépassé de beaucoup celles de la chapelle actuelle.

La paroisse des Damps, qui existait au moins depuis 1020, a toujours souffert de la proximité de Pont-de-l’Arche, ville née bien après le village des Damps. Elle fut englobée dans la paroisse de Pont-de-l’Arche quelques années avant la Révolution française. C’est ainsi qu’en 1789, les habitants des Damps et de Pont-de-l’Arche ont présenté leurs remontrances au roi dans les mêmes cahiers de doléances. L’ancienne église Saint-Pierre fut démolie à la toute fin du XVIIIe siècle par décision de la paroisse de Pont-de-l’Arche…

 

Litiges avec Pont-de-l’Arche sur le cimetière…

La paroisse des Damps mourut quelques temps avant la Révolution française. L’église, comme le reste des Damps, devint donc une propriété de la paroisse de Pont-de-l’Arche. Cependant la Révolution française créa la commune des Damps en 1790 et celle-ci était, bien évidemment, indépendante de Pont-de-l’Arche. La même année, tous les biens du Vatican devinrent des propriétés de l’Etat. L’église des Damps fut donc gérée par la commune des Damps pour le compte de l’Etat. Mais, en 1801, Napoléon signa le concordat avec le Vatican et l’église des Damps redevint une propriété de la paroisse de Pont-de-l’Arche… Cette paroisse vendit les pierres de l’église Saint-Pierre à la toute fin du XVIIIe siècle afin de financer son nouveau presbytère…Les habitants des Damps y étaient tout à fait opposés, d’autant plus que, désormais, il n’y avait plus de culte possible et donc plus de cérémonie funèbre... Car la paroisse de Pont-de-l’Arche avait aussi des vues sur le cimetière, qu’elle considérait comme sa propriété. Elle ne voulait plus qu’on enterre les morts des Damps (et ce pour pouvoir revendre les pierres des tombes et des murets)… Après un imbroglio administratif, le préfet de l’Eure trancha en la faveur des Dampsois. La commune des Damps retrouva tous ses droits sur le terrain de l’ancienne église en 1848. La construction d’un nouveau lieu de culte était de nouveau possible. Une souscription des Dampsois permit de bâtir une chapelle en 1856 entourée de son cimetière, de nouveau utilisé et ce jusqu’en 1925.

 

Pourquoi « Saint-Pierre » ?

L'église des Damps était placée sous le vocable de saint Pierre l'apôtre fêté le 29 juin. Saint Pierre était le patron des pêcheurs et des agriculteurs. Plus précisément, il était le patron de l’orge car cette céréale monte en épi durant la dernière semaine du mois de juin (entre la Saint-Jean et la Saint-Pierre.). Cette hypothèse correspond plutôt bien à notre village dont la majorité des habitants vivaient de la pêche et de l’agriculture. Qui plus est, l’ancienne église était située entre les eaux et les terres agricoles, en contrebas du plus ancien site d’habitation des Damps, c'est-à-dire Les Vauges. Or, bien souvent, le culte chrétien rendu à saint Pierre a remplacé un lieu de culte païen offert à un dieu de la fertilité.

 

La « confrérie Saint-Pierre »…

Des groupes de chrétiens laïcs se constituèrent durant les épidémies de peste afin d’aider les familles à enterrer les nombreuses victimes. Elles apportaient à la fois une aide physique et morale. Ces groupes portent le nom de « confréries de charité » c’est-à-dire étymologiquement un « groupe de frères qui apportent leur charité ».

La paroisse des Damps a elle aussi eut sa confrérie qui exista jusqu’aux alentours de la Révolution. Celle-ci, pour financer un peu ses activités, percevait une partie des taxes payées par les passagers du bac qui relait Les Damps à Alizay en passant par le confluent de l’Eure et de la Seine.

 

 

Sources

L’Histoire des Damps et des prémices de Pont-de-l’Arche, éditions Charles-Corlet, 2007, Armand Launay

- Fonds Mérimée du ministère de la Culture

- Fonds patrimoniaux du Conseil général de l’Eure

 

A lire aussi... 

Pont-de-l'Arche, Les Damps et le paganisme

L'église de Pont-de-l'Arche

L'église de Tostes

Armand Launay

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Mes activités

Armand Launay. Né à Pont-de-l'Arche en 1980, j'ai étudié l'histoire et la sociologie à l'université du Havre (Licence) avant d'obtenir un DUT information-communication qui m'a permis de devenir agent des bibliothèques. J'ai acquis, depuis, un Master des Métiers de l'éducation et de la formation, mention Lettres modernes. Depuis 2002, je mets en valeur le patrimoine et l'histoire de Pont-de-l'Arche à travers :

- des visites commentées de la ville depuis 2004 ;

- des publications, dont fait partie ce blog :

Bibliographie

- 20 numéros de La Fouine magazine (2003-2007) et des articles dans la presse régionale normande : "Conviviale et médiévale, Pont-de-l'Arche vous accueille", Patrimoine normand n° 75 ; "Pont-de-l'Arche, berceau de l'infanterie française ?", Patrimoine normand n° 76 ; "Bonport : l'ancienne abbaye dévoile son histoire", Patrimoine normand n° 79 ; "Chaussures Marco : deux siècles de savoir-plaire normand !", Pays de Normandie n° 75.

- L'Histoire des Damps et des prémices de Pont-de-l'Arche (éditions Charles-Corlet, 2007, 240 pages) ;

- Pont-de-l'Arche (éditions Alan-Sutton, collection "Mémoire en images", 2008, 117 pages) ;

- De 2008 à 2014, j'ai été conseiller municipal délégué à la communication et rédacteur en chef de "Pont-de-l'Arche magazine" ;

- Pont-de-l'Arche, cité de la chaussure : étude sur un patrimoine industriel normand depuis le XVIIIe siècle (mairie de Pont-de-l'Arche, 2009, 52 pages) ;

- Pont-de-l'Arche, un joyau médiéval au cœur de la Normandie : guide touristique et patrimonial (mairie de Pont-de-l'Arche, 2010, 40 pages) ;

- Pont-de-l'Arche 1911 I 2011 : l'évolution urbaine en 62 photographies (mairie de Pont-de-l'Arche, 2010, 32 pages) ;

- Mieux connaitre Pont-de-l'Arche à travers 150 noms de rues et de lieux ! (Autoédité, 2019, 64 pages) ; 

- Déconfiner le regard sur Pont-de-l'Arche et ses alentours (Autoédité avec Frédéric Ménissier, 2021, 64 pages) ;

- Les Trésors de Terres-de-Bord : promenade à Tostes, ses hameaux, Écrosville, La Vallée et Montaure (publié en ligne, 2022) ;

- Les Trésors de Terres-de-Bord : promenade à Tostes, ses hameaux, Écrosville, La Vallée et Montaure (version mise en page du précédent ouvrage, édité par la mairie de Terres-de-Bord, 2023).

Depuis 2014, je suis enseignant à Mayotte.

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