Avec nos remerciements à notre ami Frédéric Ménissier pour les reproductions des gravures.
Les représentations anciennes de Pont-de-l’Arche sont nombreuses qui témoignent de l’importance de cette ville fortifiée, lieu de franchissement de la Seine entre Rouen et Paris, étape fluviale entre les deux plus grandes villes du royaume et siège de l’administration royale pour la région de Louviers et d’Elbeuf.
Parmi les artistes qui ont voulu immortaliser la beauté et l’importance de ces lieux, on compte Jacob Philipp Hackert. Né en 1737 et décédé en 1807, Hackert est un peintre allemand, néoclassique, spécialisé dans les paysages.
L’on apprend sur sa fiche Wikipédia qu’il séjourna en France en 1767 dans la résidence de campagne que Louis-André de Grimaldi, évêque du Mans, possédait à La Chaussée-d’Ivry. Cette commune se trouve à côté d’Ivry-la-Bataille, près de Saint-André-de-l’Eure. L’on apprend aussi qu’il voyagea en Normandie en 1768, notamment avec le peintre Nicolas Pérignon, nous apprend le site de ventes aux enchères Arcadja. Nicolas Pérignon a signé une des plus belles toiles sur le Pont-de-l'Arche de l'époque et, plus précisément, sur le bas de la rue Abbaye-sans-toile (voir notre ouvrage cosigné avec Frédéric Ménissier et Patrice Royer (coucou Papa !) Pont-de-l'Arche 1911-2011, page 11).
De Pont-de-l’Arche, Hackert laissa deux peintures chacune intitulée “Vue de la ville du Pont-de-l’Arche près de Rouen”. Nous ignorons si les peintures originales existent toujours mais elles furent reproduites par gravure par Pierre Charles Nicolas Dufour (1725-1818). Ainsi, il en existe des copies. Nous en avons reproduisons ici deux sans connaitre les ouvrages dans lesquels elles ont été publiées.
Des copies des toiles d’Hackert sont souvent citées dans les catalogues des œuvres largement reproduits dans Gallica et Google livres. D’après nos recherches, le plus grand détail donné sur ces copies se trouve dans le Catalogue raisonné de l'œuvre gravé de Jacques Aliamet, d'Abbeville, précédé d'une notice sur sa vie et son œuvre... Dressé par Émile Delignières et édité par Rapilly (Paris) en 1896, ce catalogue est accessible sur Gallica.
Ces représentations étonnent les personnes connaissant Pont-de-l’Arche. Hackert représente une étrange ville, dans la première vue, où l’église Notre-Dame-des-arts est peu reconnaissable et mal orientée, les remparts sont assez bien figurés mais bizarrement ouverts près de ce qui serait la tour de Crosne. Détail bien plus troublant : où est le pont… de l’arche ? Où se trouve la rive droite de la Seine et le fort de Limaie qui devraient être visibles sur la gauche de la gravure ? Quels sont ces clochers plus lointains ? Saint-Pierre des Damps ? Et où se trouve la Côte-des-deux-amants ? Le reste du décor évoque bien plus l’estuaire de la Seine que la vallée de Pont-de-l’Arche. Les roches des rives, les falaises, les navires de mer… on croirait évoluer ici du côté de Quillebeuf-sur-Seine de l'époque ; très maritime...
La deuxième vue sur "Pont-de-l’Arche" n’a plus rien à voir avec notre ville. Le beau château du premier plan, la ville en arrière-plan ne renvoient pas du tout au paysage local. L’on retrouve les personnages animés autour d’activités fluviales. Une autre reproduction de cette vue, trouvée sur le site Arcadja cité plus haut, est colorée et horizontalement inversée. Le commentaire qui l'accompagne précise que la boucle de La Bouille serait ici représentée avec le manoir de Marbeuf, à Sahurs, mais sans grande fidélité avec la réalité. La courbe gauche de la Seine serait celle de Grand-Couronne et la falaise du fond celle de Sainte-Catherine. Rouen serait proche... mais que font ces roches, à gauche, et pourquoi la Seine est si peu large ?
Quid de cette confusion entre les lieux ? Dans son atelier, Hackert aura-t-il confondu des croquis dessinés rapidement dans les différents lieux visités ? Aura-t-il confondu plusieurs villes entre elles sachant qu’il a surtout représenté des cités maritimes ? C'est ce que laisse entendre le commentaire sur Arcadja qui précise que ces tableaux "furent probablement peints à Paris, au retour de ce séjour normand". Quoi qu’il en soit, le peintre allemand nous a laissé-là des vues parmi les plus originales de Pont-de-l’Arche… et c'est peut-être ce qui intéressait la clientèle de l'époque : de belles perpectives, de belles compositions pour décorer un intérieur, pas une reproduction fidèle de la réalité.
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