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25 novembre 2015 3 25 /11 /novembre /2015 11:55

La ville de Pont-de-l’Arche (Eure) est connue pour son patrimoine et notamment ses vestiges de fortifications (partiellement classés ou inscrits aux Monuments historiques). De quand datent ces remparts ? Par qui et pourquoi ont-ils été érigés ? Aucun travail n’a encore posé la question.

Mise à jour de 2023 : Nous disposons depuis de l'étude de Jean Mesqui, spécialiste des châteaux médiévaux, et de Denis Hayot. Elle a pour titre "Histoire des fortifications du château, du pont et de la ville de Pont-de-l’Arche, des années 1200 à la fin du XVIIIe siècle". Vous la trouverez de la page 233 à la page 320 (avec ses riches annexes) de l'ouvrage paru en 2023 sous la direction de Vincent Carpentier et Cyril Marcigny et intitulée Pont-de-l'Arche et le fort d'Alizay-Igoville (Eure) : les fortifications de la Seine normande, de l'âge viking à la guerre de Cent ans. Dans cette étude, on trouvera aussi une présentation des fouilles réalisées par l'INRAP au fort de Limaie. L'ouvrage a été édité aux Presses universitaires de Caen. 

Pont-de-l’Arche depuis la rive droite de la Seine. Lithographie d’E. Cagniard, Rouen, d’après un croquis d’Eustache Hyacinthe Langlois (extrait de Léon de Duranville, Essai historique…, 1870).

Pont-de-l’Arche depuis la rive droite de la Seine. Lithographie d’E. Cagniard, Rouen, d’après un croquis d’Eustache Hyacinthe Langlois (extrait de Léon de Duranville, Essai historique…, 1870).

Des fortifications du IXe siècle… bien évanouies !

Les premières fortifications de Pont-de-l’Arche datent de 862-873. Charles le Chauve, roi des Francs, fit bâtir un immense pont de bois sur la Seine afin de retarder, voire de repousser les Vikings. Le souverain fit construire deux tours-porches, en bois et en pierre, aux entrées du pont1. À l’évidence, les vestiges que nous voyons aujourd’hui dans la ville ne correspondent pas à ces fortifications du IXe siècle. En 1020, une charte de duc de Normandie Richard II cite la paroisse de Pont-de-l’Arche, organisée autour de l’église Saint-Vigor. Elle dépend de l’abbaye de Jumièges. Cette charte démontre que le châtelet de la rive gauche a laissé place à une ville dont aucune fortification n’est citée. Seules des archives du XIIe siècle mentionnent des fortifications à Pont-de-l’Arche.

 

Les importants travaux de Richard Cœur de Lion

L’Échiquier de Normandie2, parlement rassemblant les notables du duché, a enregistré les recettes et les dépenses des ducs de Normandie. Nous nous sommes intéressés à celles de Richard II, dit Cœur de Lion, après son retour de croisade et de captivité (février 1194). Le roi d’Angleterre et duc de Normandie entreprit de restructurer la défense de la Normandie que convoitait le roi de France, Philippe Auguste. La pièce majeure du dispositif de défense est le célèbre Château Gaillard bâti, un peu plus tard, entre 1197 et 1198, qui couta près de 37 000 livres au trésor. À partir de 1194, Richard Cœur de Lion investit dans de nombreuses places-fortes le long de la frontière avec la France : Lyons-la-Forêt, Radepont, Arques, Driencourt, Moulineaux, Orival, Bellencombre, Le Vaudreuil et… Pont-de-l’Arche.

 

Nous avons noté les principales sommes confiées aux ingénieurs en charge des travaux (operationibus). Trois dépenses concernent uniquement Pont-de-l’Arche sans mentionner son château3 :

- 190 livres pour Guillaume Engelais et Roger Falel4 ;

- 200 livres pour Guillaume Tyrel5 ;

- 40 livres pour Éric et Guillaume Tyrel6.

 

Cependant, la majeure partie des dépenses concernent plusieurs châteaux (castri) à la fois.

Cinq dépenses concernent les châteaux de Pont-de-l’Arche et du Vaudreuil :

- 300 livres pour Éric et Guillaume Tyrel7 ;

- 100 livres pour Éric et Guillaume Tyrel8 ;

- 140 livres pour Éric et Guillaume Tyrel9 ;

- 100 livres pour Éric et Guillaume Tyrel10 ;

- 100 livres pour Éric et Guillaume Tyrel11.

 

Une dépense concerne les châteaux de Pont-de-l’Arche et de Radepont :

- 360 livres pour Guillaume Tyrel12.

 

À la lecture de ces sommes, nous notons que Pont-de-l’Arche a bénéficié du travail de plusieurs maitres. La majeure partie des dépenses concernent le château. Sans plus de précisions sur la répartition des dépenses, nous ne pouvons définir exactement le montant dépensé pour Pont-de-l’Arche. Cependant, pour avoir un ordre d’idée, nous avons divisé en parts égales les dépenses imputées à Pont-de-l’Arche et Radepont (360 divisés par 2 = 180) et Pont-de-l’Arche et Le Vaudreuil (740 divisés par 2 = 370). Ce total de 550, additionné aux dépenses propres à Pont-de-l’Arche (420), donne 980 livres.

 

Pour évaluer l’importance des sommes consacrées aux fortifications de Pont-de-l’Arche, nous avons additionné les autres principaux investissements de fortifications engagés durant ce laps de temps par Richard Cœur de Lion en Normandie orientale. Lorsque les montants concernaient deux fortifications, nous les avons divisés par deux.
 

Places fortes

Dépenses

Totaux

Le Vaudreuil

32 + 10 + 100 + 100 + 200 + 211 + 150 + 50 + 70 + 50 + 50

1023

Pont-de-l’Arche

190 + 200 + 40 + 180 + 150 + 50 + 70 + 50 + 50

980

Lyons-la-Forêt

75 + 400

475

Radepont

75 + 100 + 180

355

Arques

225 + 100

325

Driencourt

225 + 100

325

 

À la lecture de ce tableau, on mesure que Le Vaudreuil et Pont-de-l’Arche étaient au centre des priorités militaires de Richard Cœur de Lion. Selon Jean Favier, le revenu royal avoisinait les 22 000 livres en 1193-1194 puis environ 20 000 livres les années suivantes13. La dépense consentie à Pont-de-l’Arche n’était donc pas anecdotique puisqu’elle représentait le vingtième du budget annuel.

Sans plus d’éléments sur la nature des travaux entrepris par Richard Cœur de Lion, nous nous nous sommes demandé si le contexte politique et militaire pouvait nous apporter un certain éclairage.

 

Philippe Auguste enfonce la frontière de l’Epte (1192-1195)

Depuis le traité de Saint-Clair-sur-Epte (911), les rois de France ont souhaité – et tenté, pour certains d’entre eux – de reprendre la main sur la Normandie. Ils l’ont d’autant plus espéré que les ducs de Normandie sont devenus rois d’Angleterre à partir de 1066, c’est-à-dire plus puissants que les rois de France. Au XIIe siècle, l’empire anglo-normand dépassait largement la Normandie et l’Angleterre et comprenait notamment la Guyenne (l’”Aquitaine”, région de Bordeaux), le Maine, l’Anjou… Un duel se déroula entre Richard Cœur de Lion et Philippe Auguste. Lors d’une trêve, où ils firent bâtir conjointement l’abbaye de Bonport, à Pont-de-l’Arche, les deux monarques partirent en croisade en 1191. Mais le roi de France rentra plus tôt. Il voulait profiter de l’absence de Richard II pour reconquérir la Normandie, alors gérée par Jean sans Terre, le frère de Richard II. En avril 1193, Philippe s’empara du Vexin et de Gisors, Aumale, Eu, Ivry, Pacy14. En janvier 1194, Jean sans Terre abandonna à Philippe l’Est de la Seine sauf Rouen. À la fin de l’hiver et au début du printemps 1194, Philippe prit Le Vaudreuil, Évreux et Le Neubourg. Il menaça Rouen jusqu’à l’annonce du retour de Richard. En effet, après la croisade et une période de captivité en Bavière, Richard arriva à Londres le 14 mars 1194 et débarqua à Barfleur à la mi-mai 1194. Richard infligea une imposante défaite à Philippe Auguste le 3 juillet 1194 à Fréteval (vallée du Loir). Jean sans Terre et le comte d’Arundel, à la tête des bourgeois de Rouen, assiégèrent alors Le Vaudreuil, occupé par des troupes françaises. Ils furent chassés par Philippe Auguste, venant de Fréteval.

 

C’est alors que Richard arriva en personne. C’est ce que décrit L’Histoire de Guillaume le Maréchal, conte de Striguil et de Pembroke, qui mentionne la marche de Richard vers Pont-de-l’Arche dont la tête de pont était brisée. Le roi l’aurait fait réparer rapidement15. C’est peut-être ce qui explique la somme versée à Guillaume Engelais et Roger Falel qui est antérieure à toutes les autres sommes versées à Éric et Guillaume Tyrel pour Pont-de-l’Arche et Le Vaudreuil (voir plus haut). L’Histoire de Guillaume le Maréchal montre ensuite que Philippe fit sournoisement tomber les remparts du château du Vaudreuil, en juillet, alors qu’il faisait mine de négocier avec Richard. Puis il partit. Une trêve fut signée le 23 juillet 1194 entre les deux rois suite à une intervention papale. Cette trêve dura jusqu’en janvier 1196 et, selon Alain Sadourny16, fut le « théâtre de préparatifs militaires » qui concernent Pont-de-l’Arche.

 

Richard et la fortification de la vallée de la Seine (1195-1197)

Comme l’écrivit Jean Yver17 : « … tout l’effort qui, une ou deux décennies auparavant, au temps de Henri II, s’était appliqué aux forteresses du Vexin, s’est concentré sous Richard Cœur de Lion sur ce secteur de la Seine, devenu crucial par l’effondrement de l’autre. » Richard profita de la trêve conclue en juillet 1194 pour verrouiller la vallée. Ainsi on retrouve parmi les dépenses miliaires Le Vaudreuil, Pont-de-l’Arche, Radepont et Lyons-la-Forêt. Ces places-fortes entouraient le Vexin et barraient la route de Rouen. Pont-de-l’Arche était particulièrement intéressant par son pont barrant la Seine et qui venait d’être fraichement restauré. Ces travaux entrepris par Richard confirment l’intérêt qu’il exprima pour Pont-de-l’Arche à l’occasion d’une charte signée avec les moines de Jumièges le 18 janvier 1195. En effet, le monarque donna sa baronnie de Conteville aux moines contre Pont-de-l’Arche, désormais propriété ducale directe18. Des pourparlers de paix eurent ensuite lieu au Vaudreuil et Issoudun (novembre et décembre 1195) entre Richard et Philippe. Ils furent officialisés par le traité de Gaillon le 14 janvier 1196 qui laissait à Philippe le Vexin et Gisors, Vernon, Gaillon, Neaufles, Pacy et Ivry. Cependant, au printemps 1196, le roi de France rompit l’accord de paix en attaquant Aumale. Richard, sachant à quoi s’en tenir, décida la construction de l’immense Château Gaillard.

 

Jean sans Terre et Pont-de-l’Arche

La mort de Richard II en 1199 changea le rapport de forces entre l’Angleterre et la France. Jean sans Terre succéda à son frère et fut très tôt débordé par Philippe Auguste. En 1202, Jean sans Terre enleva la fille du comte d’Angoulême et confisqua les terres de barons aquitains. Ceux-ci se tournèrent vers le roi de France, leur suzerain, qui cita Jean sans Terre devant sa cour. Celui-ci ne vint pas et la cour prononça la commise de tous les fiefs qu’il tenait du roi. L’armée de Philippe II s’engouffra en Normandie. Au début du mois de mars 1203, Montfort-sur-Risle et Beaumont-le-Roger abandonnèrent le roi Jean, bientôt rejoints par Le Vaudreuil qui se rendit au roi de France sans combattre. Fin aout, Radepont chuta. Après 6 mois de siège, le verrou de la Seine, Château Gaillard, céda le 6 mars 1204. Rouen capitula à la fin du mois de juin 1204. Enfin les dernières places se livrèrent : Arques, Verneuil et Pont-de-l’Arche. Guillaume le Breton, hagiographe du roi de France, signala que Jean sans Terre détruisit le pont en 1204 : « Ainsi tourmenté par les remords de sa conscience, le malheureux détruit lui-même ses propres biens et renverse le pont que l'on appelle de l'Arche...19 » En 1204, Philippe Auguste devint maitre de la Normandie. Quelle fut la place de Pont-de-l’Arche sous la gouvernance du roi de France ?

 

Pont-de-l’Arche : résidence normande de Philippe Auguste

Nous savons que Philippe Auguste voulait assoir son pouvoir en Normandie. Il doutait de la fidélité des Normands et voulait prévenir toute tentative de reconquête par Jean sans Terre. Dans ce cadre, il renforça ou reconstruisit des places fortes et les munit de garnisons. Il n’oublia pas Pont-de-l’Arche qu’il reprit en fief direct en 1210 où il donna aux moines de Jumièges la baronnie de Conteville en dédommagement20. Les moines conservèrent le patronage de l’église Saint-Vigor et furent exemptés de péage pour la circulation de leurs biens sous le pont de la ville. L’échange fut de nouveau confirmé en 1246 par Louis IX21.

Coupé par Jean sans Terre, le pont dût vraisemblablement bénéficier d’une reconstruction sous Philippe Auguste.

L’importance de Pont-de-l’Arche peut aussi se lire à travers le nombre de séjours de Philippe Auguste dans la ville. Ce sont les actes royaux, signés de la sa propre main, qui nous renseignent sur ses lieux de résidence. Ainsi, John Baldwin22 a dénombré 49 actes signés à Pont-de-l’Arche entre 1204 et 1223 ce qui représente 3 % des actes connus de Philippe II. Cela fait de Pont-de-l’Arche le 7e lieu de résidence du roi et le premier de Normandie, surtout après 1215 où l’on dénombre 33 actes. C'est aussi à Pont-de-l'Arche que semble fonctionner le mieux l'administration royale que le roi a renforcé dans la ville, donnant ainsi de bonnes bases au futur bailliage.

Peut-être qu'un certain Guillaume du Pont-de-l'Arche a-t-il joué un rôle entre sa ville et son roi. Ce membre d'une famille aristocratique a été évêque de Lisieux de 1218 à 1250. Il avait la confiance de Philippe II.

Si Philippe Auguste a résidé à Pont-de-l’Arche, c’est que la ville fortifiée et son château de l’autre côté de la Seine garantissaient la sécurité du roi et ce à 20 km de Rouen. Le capétien pouvait surveiller la capitale normande sans s’exposer à une éventuelle insurrection populaire. Ainsi, très soucieux de la police intérieure, le roi de France a ordonné et financé une campagne des travaux de renforcement de ses fortifications. L’ingénieur militaire, Guillaume de Flamenville, fut missionné vers 1210 pour faire une tourelle à Pont-de-l’Arche sur les fonds reçus pour la ville d’Évreux23… le document ne donne pas de précision permettant de localiser cette tourelle. Il s'agit peut-être d'une tour philipienne du château de Limaie (voir plus bas). Confirmant l’intérêt miliaire de la place, le trésor royal a aussi détaillé les dépenses de munitions conservées dans des tours archépontaines24.

Arrivé à ce point de notre exposé, nous avons vu que Richard Cœur de Lion et Philippe Auguste ont doté Pont-de-l’Arche de fortifications. Mais qui a fait quoi ? Nous avons voulu tendre vers ce degré de précision en analysant le type de constructions visibles sur les cartes et illustrations anciennes mais aussi sur le terrain contemporain.


 

Notes

1 Le Maho Jacques, « Un grand ouvrage royal… »

2 Léchaudé d’Anisy Amédée-Louis, « Grands rôles des Échiquiers de Normandie »…, p. 164.

3 Il s’agit du château de la rive droite qui défendait l’accès du pont en venant de Rouen. Connu aussi sous le nom de fort de Limaie et succédant aux fortifications en bois construites au IXe siècle sur ordre de Charles le Chauve.

4 Ibidem, page 42, 2e colonne : Willelmo Engelais et Rogerio Falel pro operationibus de Ponte Arche 190 lib. per id. brev.

5 Ibidem, page 48 : Willelmo Tyrel ad operationes Pontis Arche 200 lib. per id. brev.

6 Ibidem, page 73 : Item Magistro Eurico et Willelmo Tyrel ad operationes Pontis Arche 40 lib. per id. brev.

7 Ibidem, page 48 : Magistro Elrico et Willelmo Tyrel ad operationes Vallis Rodolii et Pontis Arche 300 lib. per id. brev.

8 Ibidem, page 72, 2e colonne : Magistro Elrico et Willelmo Tyrel ad operationes Pontis Arche et Vallis Rodolii 100 lib. per id. brev.

9 Ibidem, page 72, 2e colonne : Magistro Elrico et Willelmo Tyrel ad operationes Pontis Arche et Vallis Rodolii 100 lib. per id. brev. Eisdem ad easdem operationes 40 lib. per id. brev.

10 Ibidem, page 73 : Magistro Eurico et Willelmo Tyrel ad operationes Pontis Arche et Vallis Rodolii 100 lib. per id. brev.

11 Ibidem, page 73 : Magistro Eurico et Willelmo Tyrel ad operationes Pontis Arche et Vallis Rodolii 100 lib. per id. brev.

12 Ibidem, page 42, 2e colonne : In operationibus de castri de Ponte Arche et de Radepont per Willelmum Tyrel 360 lib. per id. brev.

13 Favier Jean, Origines et destins d’un empire (XIe-XIVe siècles), voir page 391.

14 Sadourny Alain, « La fin de la Normandie Plantagenêt », page 145.

15 Nous avons consulté l’édition de Paul Meyer, 1894, tome II, p. 14 : « Puis [Richard] s'en vint dreit al Pont de l'Arche / Qui dépeciez esteit de front / En poi d'ure refist le pont… »

16 Opere citato.

17 Yver Jean, « Philippe Auguste et les châteaux normands... », voir page 236.

18 Vernier Jean-Jacques, Chartes de l'abbaye de Jumièges…, acte CLXVIII, page 119.

19 Le Breton Guillaume, La Philippide, voir pages 210 et 211.

20 Loth Julien (éd.), Histoire de l’abbaye royale de Saint-Pierre de Jumièges, Rouen, Métérie, 1882-1885, 305 pages. Chapitre 8. Vraisemblablement, Jean sans Terre avait annulé l’échange effectué en 1195 par Richard Cœur de Lion.

21 Delisle Léopold, page 75, acte n° 459, juillet 1246, Evreux.

22 Baldwin John, Philippe Auguste, voir le tableau de la page 66.

23 Chatelain (André), « Recherche sur les châteaux de Philippe Auguste ». L’auteur site ses sources à la Bibliothèque nationale de France : registre a f° 93 r°.

24 Delisle Léopold (publié par), « Cartulaire normand de Philippe Auguste… », page 34 : Hee sunt munitiones castrorum domini Regis. Falesia, Oxime, Pons Audomari, Bonavilla, Molinella, Vallis Rodolii, Harecurtis, Anetum, Paciacum, Vernonem, Lions, Andeliacum, Gaillardum, Britolium, Ebroicas, Guletum, Rothomagum, Mortuum Mare, Archie. [Apud] Pontem Archie. X. lorice, X. galee, capelli XXXI., quarelli LX.m baliste de cornu XXI. de quibus due sunt ad tornum, et XV lignee de quibus sunt ad tornum, gamboissons XVII., croci IIII, turni tres.

 

 

La place-forte de Pont-de-l’Arche et le château de Limaie :

description architecturale

 

Les archives citées jusqu’alors laisseraient volontiers penser que Richard Cœur de Lion est père des remparts de Pont-de-l’Arche. Mais ces sources sont trop lacunaires. Nous poursuivrons cet exposé par une description architecturale des vestiges archépontains et d’illustrations que nous comparerons à des fortifications leur ressemblant.

Il y avait deux systèmes défensifs à Pont-de-l’Arche : la ville fortifiée, au sud du pont ; et le fort de Limaie, bastion barrant l’accès nord du pont.

 

Plan d’ensemble de la ville fortifiée

Nous avons dessiné (ou tenté de le faire) les remparts tels qu’ils devaient être au Moyen âge. Nous nous sommes fondés sur le plan cadastral de 1834 ; l’Atlas de Trudaine (réalisé vers 1759) ; le plan de Nicolas Magin (dressé avant 1742) ; un plan des archives départementales de l’Eure (6 pl. 49) ; un croquis de Léon Coutil datant de 1922 et sur des observations de terrain. Sur le dessin, les vestiges sont remplis de noir. Les parties disparues sont représentées en gris.

Plan de la ville de Pont-de-l'Arche avec ses remparts tels qu'ils devaient être au XVIIIe siècle (carte d'A. Launay, décembre 2015)

Plan de la ville de Pont-de-l'Arche avec ses remparts tels qu'ils devaient être au XVIIIe siècle (carte d'A. Launay, décembre 2015)

Les remparts de la ville longent l’Eure (la Seine avant les années 1930) et forment un vaste demi-cercle tourné vers le sud. Les courtines étaient percées par quatre entrées protégées de tours jumelles : une donnait sur le pont ; une deuxième sur la route d'Elbeuf ; une troisième sur la place Aristide-Briand et une dernière vers Les Damps. En plus de ces portes d’entrées, la ville comptait 9 tours. Certaines d’entre elles étaient des tours d’angles cylindriques (la tour de Crosne, la tour des Damps, la tour Louise, la tour du bailliage). Les autres étaient des tours hémicylindriques remplies qui flanquaient les courtines. Des fossés secs entouraient les remparts en arc de cercle. La description qui suit part de la porte de Crosne (1) et commente les éléments constitutifs des remparts dans le sens des aiguilles d’une montre jusqu’à la tour du bailliage (17).

 

La porte de Crosne, ancienne porte Saint-Jean (1)

Seul vestige d’une des quatre entrées de ville, ce premier niveau d’une des tours de la porte de Crosne a été sauvé par Marie-Auguste de Subtil de Lanterie (1789-1875) qui construisit une maison d’habitation au second niveau et autour. La tour subsistant a une forme en « u ». Elle est percée de deux archères partiellement obstruées. Elle est située dans le prolongement d’un édifice rectangulaire dans lequel on peut encore voir le passage de la herse surmonté d’un départ de voute, visible sur deux clés. Sa partie basse a été enterrée lors du comblement du fossé. Cet édifice privé fut inscrit sur l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques le 15 juin 1939.

Elle porta le nom de Saint-Jean depuis, au moins, 1340 (cf. le cartulaire de Bonport, par Jules Andrieux) et fut rebaptisée "porte de Crosne" le 20 avril 1782. Le conseil municipal d'Ancien Régime voulut remercier l'Intendant de Rouen, Louis Thiroux de Crosne d'Arconville, d'avoir accepté de raser les remparts devenus vétustes et encombrants (archives municipales : BB 5).

La porte de Crosne en 2011. La rue de Crosne est située à droite du mur (cliché A. Launay).

La porte de Crosne en 2011. La rue de Crosne est située à droite du mur (cliché A. Launay).

Vestige d'une des tours d'entrée de la ville, rue de Crosne. Ici on voit nettement le passage de la herse et le début de la voute (cliché A. Launay, mai 2011).

Vestige d'une des tours d'entrée de la ville, rue de Crosne. Ici on voit nettement le passage de la herse et le début de la voute (cliché A. Launay, mai 2011).

La tour de Crosne (2)

La tour de Crosne est une tour cylindrique située à l’angle nord-ouest. Seule est conservée sa partie basse jusqu’au rez-de-jardin intérieur. Une archère est visible depuis l’extérieur. A l’intérieur, les corbeaux et les départs d’une croisée d’ogive sont encore visibles. La partie haute est une construction romantique bâtie vers 1850 que l’on doit au propriétaire Marie-Auguste de Subtil de Lanterie (1789-1875). C’est sous ce nom qu’elle était connue il y a encore un siècle. Cet édifice privé fut classée Monument historique le 9 aout 1941. Lire notre article plus approfondi en cliquant ici.

 
La tour de Crosne en mai 2011, coiffée d’une restauration romantique de la première moitié du XIXe siècle (cliché A. Launay).

La tour de Crosne en mai 2011, coiffée d’une restauration romantique de la première moitié du XIXe siècle (cliché A. Launay).

La tour de Crosne en 1831 dans la collection de dessins de Louis Deglatigny conservée à la bibliothèque de Rouen. Elle porte au dos la mention : "Vue prise de la terrasse d'Est au Pont de l'Arche". L'est ici se mesure par rapport à la tour qui, elle, est bien évidemment à l'ouest des remparts de la ville. Ce dessin est anonymeOn le retrouve numérisé parmi les documents du site rotomagus.fr (merci à ses agents de la sélection des documents et du travail réalisé !).

La tour de Crosne en 1831 dans la collection de dessins de Louis Deglatigny conservée à la bibliothèque de Rouen. Elle porte au dos la mention : "Vue prise de la terrasse d'Est au Pont de l'Arche". L'est ici se mesure par rapport à la tour qui, elle, est bien évidemment à l'ouest des remparts de la ville. Ce dessin est anonymeOn le retrouve numérisé parmi les documents du site rotomagus.fr (merci à ses agents de la sélection des documents et du travail réalisé !).

La tour du presbytère (3)

Belle tour de flanquement hémicylindrique, on voit plusieurs étapes de construction apparaitre sur l'appareillage de la tour du Presbytère. Avec la tour Saint-Vigor, elle possède des traces du chemin de ronde. Cet édifice privé fut classé Monument historique le 9 aout 1941 ainsi que la courtine attenante.

 

La tour du presbytère vue depuis le Quai-Foch. Observez la poterne surmontée d'un arc en tiers point à sa droite (cliché Armand Launay, avril 2006).

La tour du presbytère vue depuis le Quai-Foch. Observez la poterne surmontée d'un arc en tiers point à sa droite (cliché Armand Launay, avril 2006).

La tour du presbytère vue depuis la propriété de la tour de Crosne (cliché A. Launay, juillet 2012).

La tour du presbytère vue depuis la propriété de la tour de Crosne (cliché A. Launay, juillet 2012).

La tour Saint-Vigor (4)

Grâce à l’important dénivelé, les vestiges de cette tour de flanquement hémicylindrique sont visibles sur une grande hauteur. Sa partie basse est évasée afin de renforcer ses assises. Nous avons forgé ce nom en référence à l’ancien vocable de l’église Notre-Dame-des-arts. Le garde-corps est une reconstruction plus récente. Cette tour et la courtine attenante appartiennent à la Ville de Pont-de-l’Arche. Elles furent classées Monuments historiques le 8 novembre 1939.

 
La tour Saint-Vigor vue depuis l’arrière de la sacristie (cliché A. Launay, avril 2012).

La tour Saint-Vigor vue depuis l’arrière de la sacristie (cliché A. Launay, avril 2012).

La poterne de la Petite chaussée (5)

Cette poterne donnait accès à la Petite chaussée, un des rares espaces chaussés de la ville. En effet, en ce lieu se trouvait un petit quai donnant sur la Seine (et non encore l'Eure). Il permettait le débarquement de denrées et autres matériaux ravitaillant les habitants et, notamment, la cave de l'ancien hôtel-Dieu dont un escalier donnait accès à la sente du Beauregard, à contremont de la poterne qui nous intéresse.

Des représentations anciennes montrent ce que fut cette poterne voutée en plein cintre dont les clés pourraient bien avoir été réemployées dans la voute de la rue Maurice-Delamare qui servait de portail à une propriété aujourd’hui disparue.

La poterne de la Petite chaussée  (détail du dessin d’Hyacinthe Langlois référencé au début de cette étude).

La poterne de la Petite chaussée (détail du dessin d’Hyacinthe Langlois référencé au début de cette étude).

La poterne de la Petite chaussée, tout à droite de ce dessin de Samuel Prout de 1821. Au centre, une tour de la porte de Rouen et le logis construit autour ; logis souvent appelé "maison du portier".

La poterne de la Petite chaussée, tout à droite de ce dessin de Samuel Prout de 1821. Au centre, une tour de la porte de Rouen et le logis construit autour ; logis souvent appelé "maison du portier".

La porte de Rouen (6)

Cette entrée de la ville, qui donnait directement sur le tablier du pont, était défendue par deux tours cylindriques, évasées à la base, et surmontée d’un logis. Aucun vestige ne subsiste aujourd’hui. Sur le plan cadastral de 1834, la tour reste un peu visible. Nous avons forgé ce nom par opposition à la porte de Paris. Elle était aussi appelée porte de l'eau, nom donné à la Seine dans l'ancien temps.

La porte de Rouen, à droite du pont, était défendue par deux tours en « u ». Une d’entre elles apparait sur ce dessin réalisé vers 1840 par Edouard Lanon (musée de Louviers). Elle a été percée de grandes ouvertures et par des œils-de-bœuf. Elle sert d’appui à un vaste logis qui la dépasse et qui prend aussi appui sur une colonne plantée dans la Seine.

La porte de Rouen, à droite du pont, était défendue par deux tours en « u ». Une d’entre elles apparait sur ce dessin réalisé vers 1840 par Edouard Lanon (musée de Louviers). Elle a été percée de grandes ouvertures et par des œils-de-bœuf. Elle sert d’appui à un vaste logis qui la dépasse et qui prend aussi appui sur une colonne plantée dans la Seine.

La poterne de la Grande chaussée (7)

Autour de l’entrée du pont, une seconde poterne donnait accès à la Seine. Elle était située dans la rue Abbaye-sans-toile. Il n’en subsiste aucun vestige. Une délibération du Conseil municipal datée du 22 janvier 1857 précise que les remparts seront rasés auprès du pont afin de relier la rue de l’Abreuvoir (Abbaye-sans-toile) et la rue de la Petite chaussée « au quai large de 4 mètres qui est bâti dans le cadre des travaux du nouveau pont. »

Une vue de Nicolas Pérignon, datée de 1750, environ, et conservée à la Bibliothèque nationale de France, montre la poterne de la Grande chaussée, côté intramuros. Nous reproduisons ci-dessous la vue disponible dans Gallica, la partie numérisée des fonds de la BnF.

Qui a bâti les fortifications de Pont-de-l’Arche ?
La poterne de la Grande chaussée, vue de l'extérieur des remparts, dans une publication du début du XIXe siècle. Elle fait partie de la collection de dessins de Louis Deglatigny. Elle est signée par C. Merlin et se trouve conservée dans les fonds de la bibliothèque municipale de Rouen. On la retrouve numérisée parmi les documents du site rotomagus.fr. On voit ici que la porte voutée de l'Ancien Régime a laissé place à une porte à linteau de dimensions plus modestes. Cela dût accroitre le besoin d'ouvrir la voie en ce lieu.

La poterne de la Grande chaussée, vue de l'extérieur des remparts, dans une publication du début du XIXe siècle. Elle fait partie de la collection de dessins de Louis Deglatigny. Elle est signée par C. Merlin et se trouve conservée dans les fonds de la bibliothèque municipale de Rouen. On la retrouve numérisée parmi les documents du site rotomagus.fr. On voit ici que la porte voutée de l'Ancien Régime a laissé place à une porte à linteau de dimensions plus modestes. Cela dût accroitre le besoin d'ouvrir la voie en ce lieu.

Tour et courtine de Jeucourt (8)

Ancienne tour de flanquement hémicylindrique complètement rasée. Nous avons forgé ce nom en référence au Manoir de Jeucourt, premier nom connu du Manoir de Manon (rue Jean-Prieur) et référence au seigneur de Jeucourt, capitaine de la ville. La courtine s’étend sur plusieurs dizaines de mètres. Elle a fait l’objet de nombreuses réparations contre le montrent ses matériaux divers, surtout à l’emplacement de la tour disparue (notre photo). Au-dessus des petites maisons de brique, elle présente quelques archères assez larges immédiatement en dessous du chapeau de gendarme qui couvre le garde-corps. D’imposantes pierres de taille constituent cette courtine qui ne ressemble en rien aux vestiges de la porte de Crosne, de la tour de Lanterie, du bailliage et de la tour Louise. Ce rempart est inconnu des Monuments historiques.

 
La courtine de Jeucourt, quai de Verdun, la partie la plus récente des remparts  de Pont-de-l’Arche comme l’indiquent les briques et, plus généralement, la diversité des matériaux (cliché A. Launay (janvier 2006).

La courtine de Jeucourt, quai de Verdun, la partie la plus récente des remparts de Pont-de-l’Arche comme l’indiquent les briques et, plus généralement, la diversité des matériaux (cliché A. Launay (janvier 2006).

La tour des Damps (9)

Tour cylindrique située à l’angle nord-est de la place forte. Elle était déjà complètement rasée en 1834 lorsque le plan cadastral fut dessiné. Nous avons forgé cette appellation en référence aux Damps, commune limitrophe.

 

Les poternes des Damps (10)

Nommées poternes depuis quelques dizaines d’années faute de comprendre leur fonction, ces vestiges sont situés dans l’alignement du rempart. Ils se trouvent dans une zone où les fortifications ont été largement remaniées. Ainsi des appareillages très divers entourent ces deux voutes qui pourraient bien avoir servi de cave sous un bâtiment encore visible sur les photographies de 1910. Les grilles n’ont été posées que depuis l’aménagement de l’escalier public vers la fin de la construction du pont (1951-1955). Cette partie des remparts, propriété privée, a été inscrite sur l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques le 15 juin 1939. Pour le nom, voir à « la tour des Damps ».

Les « poternes » orientées vers Les Damps (cliché A. Launay, décembre 2010).

Les « poternes » orientées vers Les Damps (cliché A. Launay, décembre 2010).

La porte de Pons, autrefois Sainte-Marie (11)

Cette porte a totalement disparu. Si les portes de la ville étaient similaires, les plans anciens et les vestiges de la porte de Crosne nous laisseraient entrevoir que la porte de Pons était munie de deux tours en U surmontées d’un logis ; renforcées par une herse et un pont-levis. Le 20 avril 1782, le gouverneur de Pont-de-l’Arche, dénommé Pons, obtint de l’intendant Louis Thiroux de Crosne l’autorisation de détruire les fortifications de Pont-de-l’Arche et Limaie. En remerciement, la municipalité donna le nom de Pons à cette porte donnant vers Les Damps (archives municipales : BB 5).

En 1340, cet endroit se nommait « porte Sainte Marie » (Jules Andrieux, Cartulaire de Bonport, page 393).

 

La tour Sainte-Marie (12)

Le tracé de cette tour de flanquement hémicylindrique est encore visible sur le plan cadastral de 1834. Cependant, il n’en subsiste aucun vestige. Nous avons forgé ce nom en référence à la rue Sainte-Marie qui longe ici le rempart.

 

La tour Louise et sa courtine (13)

La tour Louise, nom donné sur un document de la Conservation régionale des monuments historiques, est la tour d’angle cylindrique du sud-est des fortifications archépontaines. Elle est conservée jusqu’au niveau du corps de place. Le comblement partiel du fossé ne masque pas l’évasement de la base de cette tour. Elle fut inscrite sur l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques le 15 juin 1939. La notice des Monuments historiques indique l’existence d’une casemate voutée ce que nous n’avons pas vérifié. Cette tour est devenue une propriété publique en 2011 afin de raser une maison moderne qui gâchait cette partie la mieux préservée des fossés de la cité médiévale.

La tour Louise en 2010. Sa base évasée est nettement visible grâce à la conservation partielle des fossés médiévaux (cliché A. Launay, janvier 2010).

La tour Louise en 2010. Sa base évasée est nettement visible grâce à la conservation partielle des fossés médiévaux (cliché A. Launay, janvier 2010).

La tour de Rouville (14)

Cette tour de flanquement hémicylindrique a complètement disparu avant la réalisation du plan cadastral de 1834. Nous avons forgé ce nom en référence à la place de Rouville, située immédiatement au nord, dans le corps de place.

 

La porte de Paris, autrefois porte de Louviers (15)

Nous avons forgé ce nom sur l’ancienne appellation de la rue Président-Roosevelt : rue de Paris. En 1340, cet endroit se nommait « porte de Louviers » (Jules Andrieux, Cartulaire de Bonport, page 393). En 1699, une délibération du Conseil municipal la nomme porte des Champs, certainement par opposition à la porte de l’eau, vers Rouen. Cette appellation rappelle l’utilité des espaces mis en culture autour de la ville jusqu’à une période récente.

À quoi ressemblait cette porte sud de la ville qui a entièrement été rasée ? Certes il reste bien des fondations mises au jour brièvement lors des travaux de rénovation du centre-ville dans les années 1990 et lors de la réhabilitation de la place Aristide-Briand entre 2013 et 2014. Mais celles-ci ne nous permettent pas de reconstituer cette porte.

C’est un plan de Nicolas Magin, un plan de 1773, ainsi que le cadastre de 1834, qui nous donnent l’image la plus précise de ce que devait être cette porte.

Ci-dessous nous reproduisons un détail d'un plan au 1/150e conservé aux Archives nationales sous le nom de "Plan des fossés et glassis de Pontdelarche..." Il constitue une annexe de l'arrêt du Conseil du 16 juillet 1773 portant sur une contestation d'abattage d'arbres par le "sieur Durufley". En haut du plan, on voit l'arc de cercle des remparts sud. Une avancée de ces remparts, notée "fort" au milieu, protège l'entrée de la ville. L'accès à ce bastion se faisait par un "petit pont" donnant, à droite, sur deux premières maisons et l'ancien calvaire. Cet endroit doit être occupé de nos jours par l'ancien garage Renault où une médiathèque est envisagée par la municipalité. Ce bastion sortant des remparts pour mieux protéger l'entrée explique la largeur de la place des Champs depuis le pied des remparts au sud de la rue Sainte-Marie jusqu'aux maisons des faubourg représentées sur le plan. Ce bastion est assurément le résultat d'un remaniement en profondeur d'une des entrées de ville telles qu'elles étaient conçues dans les fortifications philipiennes.

 
Qui a bâti les fortifications de Pont-de-l’Arche ?
Qui a bâti les fortifications de Pont-de-l’Arche ?

Ci-dessus, le plan de Pont-de-l’Arche dressé vers 1702 par le cartographe Nicolas Magin (1663-1742) montre aussi l'avancée que constituait le bastion. Il montre aussi deux tours dans l'alignement des murs d'enceinte qui offraient une défense supplémentaire à la rue de Paris. 

Les délibérations du Conseil municipal attestent que l'autorisation de combler le "pont dormant de la place des champs" fut accordée en 1747. Ces mêmes archives montrent que la place des champs fut aplanie en 1779 suite à l'autorisation de l'intendant Louis Thiroux de Crosne. C'est à partir de 1782 que les boulevards de la ville furent créés et le fort de Limaie démoli avec maintes parties des remparts.

Le plan cadastral de 1834 montre encore le pont à bascule au milieu de l’espace nommé “place Aristide-Briand” en 1937.   

Qui a bâti les fortifications de Pont-de-l’Arche ?

La tour de l’hospice (16)

Ce vestige de tour de flanquement cylindrique possède encore une petite partie du deuxième niveau. La base de cette tour est masquée par le comblement du fossé. Elle fut nommée ainsi en raison de la proximité de ce qui est devenu un Établissement hospitalier pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Cette tour fut inscrite sur l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques le 15 juin 1939.

 
La tour de l’hospice en aout 2008 (vue prise du rempart du bailliage) avant une restauration malheureuse côté privée. Cette partie la moins bien conservée et restaurée des remparts de Pont-de-l’Arche est constituée d’une tour cylindrique dont une partie du second niveau est encore debout (cliché A. Launay, aout 2008).  Elle a bénéficié d'une restauration professionnelle dans le cadre de l'agrandissement de l'hôpital local (EHPAD) comme le montrent les clichés pris de la cour intérieure de l'hôpital (clichés de Patrice Royer, décembre 2018).
La tour de l’hospice en aout 2008 (vue prise du rempart du bailliage) avant une restauration malheureuse côté privée. Cette partie la moins bien conservée et restaurée des remparts de Pont-de-l’Arche est constituée d’une tour cylindrique dont une partie du second niveau est encore debout (cliché A. Launay, aout 2008).  Elle a bénéficié d'une restauration professionnelle dans le cadre de l'agrandissement de l'hôpital local (EHPAD) comme le montrent les clichés pris de la cour intérieure de l'hôpital (clichés de Patrice Royer, décembre 2018).
La tour de l’hospice en aout 2008 (vue prise du rempart du bailliage) avant une restauration malheureuse côté privée. Cette partie la moins bien conservée et restaurée des remparts de Pont-de-l’Arche est constituée d’une tour cylindrique dont une partie du second niveau est encore debout (cliché A. Launay, aout 2008).  Elle a bénéficié d'une restauration professionnelle dans le cadre de l'agrandissement de l'hôpital local (EHPAD) comme le montrent les clichés pris de la cour intérieure de l'hôpital (clichés de Patrice Royer, décembre 2018).

La tour de l’hospice en aout 2008 (vue prise du rempart du bailliage) avant une restauration malheureuse côté privée. Cette partie la moins bien conservée et restaurée des remparts de Pont-de-l’Arche est constituée d’une tour cylindrique dont une partie du second niveau est encore debout (cliché A. Launay, aout 2008). Elle a bénéficié d'une restauration professionnelle dans le cadre de l'agrandissement de l'hôpital local (EHPAD) comme le montrent les clichés pris de la cour intérieure de l'hôpital (clichés de Patrice Royer, décembre 2018).

La tour du bailliage (17)

La tour du bailliage est une tour cylindrique non remplie située à l’angle sud-ouest. Elle présente une belle archère ainsi qu’un début de parement de la courtine partant vers l’Est. La base de cette tour est enterrée par le comblement du fossé. Elle fut inscrite sur l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques le 15 juin 1939.

La tour du bailliage et ses courtines comptent parmi les plus beaux vestiges des fortifications de Pont-de-l’Arche (cliché A. Launay, juin 2010).

La tour du bailliage et ses courtines comptent parmi les plus beaux vestiges des fortifications de Pont-de-l’Arche (cliché A. Launay, juin 2010).

Le château de Limaie

Le château de Limaie, démantelé à partir de 1782, était un bastion protégeant l’entrée nord du pont. Ses courtines étaient bâties selon un plan presque rectangulaire, resserré sur sa partie Est. Une tour maitresse se trouvait à l’intérieur du corps de place du côté du sud-ouest. Les courtines étaient renforcées par trois tours d’angles cylindriques. La porte donnant sur le pont était renforcée de deux tourelles. Celle donnant vers le nord était défendue par une tourelle et était munie d’un pont-levis. Une poterne se trouvait au nord-ouest du corps de place. Deux fossés en eau, séparés par une palissade de bois, séparaient ce bastion de la plaine alluviale.

Nous avons accordé une étude plus approfondie à ce fort ici.

 
Dessin de 1782 représentant le fort de Limaie vu depuis la côte d'Amour, c'est-à-dire entre Pont-de-l'Arche et Les Damps. Le pont actuel touche la berge d'Igoville à l'endroit de la tour d'angle figurant sur ce dessin reproduit dans un article de Léon Coutil intitulé "Le vieux château de Limaie et le vieux pont de Pont-de-l'Arche (Eure)" publié dans le Bulletin de la Société d'études diverses de Louviers, tome XVI, 1921-1922.

Dessin de 1782 représentant le fort de Limaie vu depuis la côte d'Amour, c'est-à-dire entre Pont-de-l'Arche et Les Damps. Le pont actuel touche la berge d'Igoville à l'endroit de la tour d'angle figurant sur ce dessin reproduit dans un article de Léon Coutil intitulé "Le vieux château de Limaie et le vieux pont de Pont-de-l'Arche (Eure)" publié dans le Bulletin de la Société d'études diverses de Louviers, tome XVI, 1921-1922.

Plan du chasteau du Pont de l’arche par P. Petit vu comme si nous tournions le dos à Igoville (plan antérieur à 1782).

Plan du chasteau du Pont de l’arche par P. Petit vu comme si nous tournions le dos à Igoville (plan antérieur à 1782).

Richard Cœur de Lion ou Philippe Auguste ?

 

D’après les archives, on peut raisonnablement dater les fortifications archépontaines de la fin du XIIe siècle ou du début du XIIIe siècle. Cependant, peut-on les rattacher aux constructions de Richard Cœur de Lion entre 1194 et 1195 ou à celles de Philippe Auguste après 1204 ?

Dans une étude très poussée portant sur la cuisine de l’ancienne abbaye de Bonport, Frédéric Épaud et Jean-Baptiste Vincent datent du XIIIe les murs de la cuisine. Une comparaison des moellons permet de vérifier leur ressemblance avec les moellons des vestiges archépontains, hormis ceux des bords de Seine.

 
Extrait de Frédéric Épaud, Jean-Baptiste Vincent, « La cuisine de l’abbaye cistercienne de Bonport... »

Extrait de Frédéric Épaud, Jean-Baptiste Vincent, « La cuisine de l’abbaye cistercienne de Bonport... »

Les remparts de Pont-de-l’Arche sont dotés d’éléments techniques apparus dans la seconde moitié du XIIe siècle dans le domaine Plantagenet. Ainsi les tours de flanquement hémicylindriques ou en « u » apparurent à partir de 1170-1180. Elles remplaçaient des tours de flanquement rectangulaires, saillantes, aux arêtes trop brutes. De nombreuses archères, longues et fines apparurent aussi qui remplaçaient des ouvertures plus larges. Les tours furent aussi munies d’un second étage vouté en pierre alors que, précédemment, ce type de défense était planchéié. On était entré dans l’ère de la défense active des places fortes (Jean Mesqui, Les tours à archères...).

Les remparts décrits plus hauts correspondent à ces innovations techniques. Cependant, ces dernières furent aussi maitrisées et employées par les ingénieurs de Philippe Auguste. Ils les ont même reproduits systématiquement au point d’en faire une marque du pouvoir royal.

Afin de retrouver ou non la marque de Philippe Auguste à Pont-de-l’Arche, nous nous sommes intéressé à Dourdan (Essonne). En effet, selon le castellologue Jean Mesqui (Châteaux forts... pages 153 et 154) : « Dourdan est sans doute le plus pur produit de la maitrise d’ouvrage philippienne ; dernier construit parmi les châteaux de Philippe Auguste, il est le plus abouti… »2 Achevée dans les années 1220, cette place forte est construite selon un plan rectangulaire. Elle est dotée d’une tour maitresse cylindrique de 13,6 m de diamètre isolée du corps de place par un fossé propre. Archétype des tours philipiennes, elle tour possédait un double accès. Trois angles sont pourvus de tours cylindriques, voutées en coupole et sur ogives, et munies de nombreuses archères à ébrasement simple. Les courtines sont flanquées, dans leur milieu, de tours hémicylindriques d’un diamètre extérieur de 9 m. Un châtelet à deux tours hémicylindriques protège l’entrée.

 
A gauche la tour du Midi, à Dourdan (cliché Philippe_28). A droite, la tour Saint-Vigor, à Pont-de-l'Arche (cliché A. Launay, avril 2012). Sans être jumelles, ces tours hémicylindriques appartiennent à la même époque, le XIIe siècle, et témoignent d’un même savoir-faire technique.
A gauche la tour du Midi, à Dourdan (cliché Philippe_28). A droite, la tour Saint-Vigor, à Pont-de-l'Arche (cliché A. Launay, avril 2012). Sans être jumelles, ces tours hémicylindriques appartiennent à la même époque, le XIIe siècle, et témoignent d’un même savoir-faire technique.

A gauche la tour du Midi, à Dourdan (cliché Philippe_28). A droite, la tour Saint-Vigor, à Pont-de-l'Arche (cliché A. Launay, avril 2012). Sans être jumelles, ces tours hémicylindriques appartiennent à la même époque, le XIIe siècle, et témoignent d’un même savoir-faire technique.

Pour revenir à Pont-de-l’Arche, nous remarquons que le plan rectangulaire, majeur dans la fortification philippienne, a été adapté à l’arc de cercle de la cité médiévale et à Limaie où le rectangle était quelque peu resserré vers la pointe Est de l’ile artificielle. La disposition de tours cylindriques aux angles et de tours hémicylindriques flanquant les courtines a aussi été scrupuleusement observée. Quant à la tour maitresse, dans le château de Limaie, elle était isolée de la courtine mais dans le corps de place, certainement par manque d’espace extérieur sur l’ile artificielle. Les portes étaient protégées par des châtelets à deux tours hémicylindriques. Reprenons la définition de Jean Mesqui (Châteaux et enceintes..., page 44) : « Aussi la fortification philippienne, dès lors qu’elle quitte le domaine du noyau central, se cantonne-t-elle dans l’application d’un principe majeur : celui du flanquement de courtines rectilignes par des tours sphériques, celui de la défense des portes par des massifs à deux tours. »

Nous voyons que Pont-de-l’Arche répond plutôt bien à cette définition. Nous pouvons raisonnablement avancer que, si Philippe Auguste n’a pas été le seul monarque à doter Pont-de-l’Arche de fortifications, c’est lui qui les a le plus élevées et marquées de son empreinte.

    

 
La porte d’entrée de Dourdan nous donne certainement une bonne illustration de ce que furent les entrées de Pont-de-l’Arche. Comparez les dimensions des tours ainsi que les archères de Dourdan et de la porte de Crosne à Pont-de-l'Arche (cliché Philippe_28).

La porte d’entrée de Dourdan nous donne certainement une bonne illustration de ce que furent les entrées de Pont-de-l’Arche. Comparez les dimensions des tours ainsi que les archères de Dourdan et de la porte de Crosne à Pont-de-l'Arche (cliché Philippe_28).

En guise de conclusion

Si les sources écrites ne nous permettent pas d’affirmer que Richard Cœur de Lion fut le premier duc de Normandie à doter Pont-de-l’Arche de remparts en pierre, elles attestent que celui-ci y a fait réaliser d’importants travaux.

Face à la convoitise de Philippe Auguste, Richard Cœur de Lion a fortifié la vallée de la Seine (route de Rouen) avec, au premier plan, Pont-de-l’Arche et son pont, Le Vaudreuil et le Château Gaillard. Dans ce cadre, il a aussi inclus Pont-de-l’Arche dans le domaine ducal direct. Cependant, Richard Cœur de Lion mourut en 1199 et son frère Jean sans Terre perdit la Normandie en 1204.

Philippe Auguste, peu confiant dans le peuple rouennais, fit de Pont-de-l’Arche son principal lieu de résidence en Normandie. C’est ce qu’atteste le grand nombre de documents royaux signés à Pont-de-l’Arche, place forte royale.

L’observation de vues anciennes sur le château de Limaie et l’observation des vestiges actuels rattachent les fortifications archépontaines aux constructions philipiennes : un plan rectangulaire, avec adaptation locale, comportant des tours cylindriques aux angles, des tours hémicylindriques flanquant les courtines, des châtelets à deux tours aux portes, les volumes des tours au premier rang desquelles la tour maitresse de Limaie… Nous pouvons commencer à répondre à notre question : qui a bâti les fortifications de Pont-de-l’Arche ? Il s’agit de Philippe Auguste, certainement sur les bases établies par Richard Cœur de Lion…

 

 

Sources

- Baldwin John, Philippe Auguste, Paris, Fayard, 1998, 717 pages ;

- Boussard Jacques, « Philippe Auguste et les Plantagenêts », p. 263-289, in Bautier Robert-Henri (dir.), La France de Philippe Auguste - Le temps des mutations : actes du colloque international organisé par le CNRS (Paris, 29 septembre – 4 octobre 1980), Paris : éditions du CNRS, 1982, 1034 pages ;

- Chatelain (André), « Recherche sur les châteaux de Philippe Auguste », Archéologie médiévale, tome XXI, 1991, éditions du CNRS, pages 115-161 ;

- Delisle Léopold (publié par), « Cartulaire normand de Philippe Auguste, Louis VIII, Saint-Louis et Philippe le Hardi », in Mémoire de la Société des antiquaires de Normandie, 6e volume, XVIe volume de la collection, Caen, 1852, 390 pages ;

- Duranville Léon Lévaillant de, Essai historique et archéologique sur la ville du Pont-de-l'Arche : documents supplémentaires accompagnés d’une vue de la ville de Pont-de-l'Arche, d'après un croquis de E.-H. Langlois et du fac-similé d'un plan exécuté par J. Gomboust, dans le XVIIe siècle, Rouen : A. Le Brument, 1870, 55 pages ;

- Épaud Frédéric, Vincent Jean-Baptiste, « La cuisine de l’abbaye cistercienne de Bonport (Pont-de-l’Arche, Eure) », pages 99-113, in Bulletin monumental, tome 169-2, Paris, Société française d’archéologie, 2012 ;

- Erlande-Brandenburg Alain, « L’architecture militaire au temps de Philippe Auguste : une nouvelle conception de la défense », in La France de Philippe Auguste. Le temps des mutations, Robert-Henri Bautier (dir.), Actes du colloque organisé par le CNRS (Paris, 29 septembre-4 octobre 1980), Paris, éditions du CNRS, 1982, pages 595-603 ;

- Le Breton Guillaume, La Philippide, Paris, Brière, 1825, 418 pages ;

- Léchaudé d’Anisy Amédée-Louis, « Grands rôles des Echiquiers de Normandie » dans les Mémoires de la Société des antiquaires de Normandie : documents historiques, tome I, Paris, 1845, 356 pages ;

- Le Maho Jacques, « Un grand ouvrage royal du IXe siècle : le pont fortifié dit « de Pîtres » à Pont-de-l’Arche (Eure) », pages 143-158, in Des Châteaux et des sources. Archéologie et histoire dans la Normandie médiévale : mélanges en l’honneur d’Anne-Marie Flambard Héricher, Publications des universités de Rouen et du Havre, 2008, 622 pages ;

- Mesqui Jean, « Les tours à archères dans le domaine Plantagenet français 1160-1205 », p. 77-88, in Les fortifications dans le domaine Plantagenet, XIIe-XIVe siècle : actes du colloque international tenu à Poitiers du 11 au 13 novembre 1994, Université de Poitiers, 2000, 138 pages ;

- Mesqui Jean, Châteaux et enceintes de la France médiévale, volume 1 : De la défense à la résidence, Picard, 1991, 375 pages ;

- Mesqui Jean, Châteaux forts et fortifications en France, Paris, Flammarion, 1997, 493 pages ;

- Sadourny Alain, « La fin de la Normandie Plantagenêt », pages 141-151, in Le Roc’h-Morgère Louis, Richard Cœur de Lion roi d’Angleterre, duc de Normandie (1157-1199), actes du colloque international tenu à Caen, 6-9 avril 1999, Caen, Direction des archives départementales du Calvados, 2004, 365 pages ;

- Vernier Jean-Jacques, Chartes de l'abbaye de Jumièges (v. 825 à 1204) conservées aux archives de la Seine-inférieure, tome II, Rouen, Lestringant, 1916 ;

- Yver Jean, « Philippe Auguste et les châteaux normands. La frontière orientale du duché », pages 309-348, in Bulletin de la société des antiquaires de Normandie, tome LIX, 1967-1989, Caen.

 

 

Armand Launay

Pont-de-l'Arche ma ville

http://pontdelarche.over-blog.com

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13 octobre 2015 2 13 /10 /octobre /2015 09:37

Le premier corps d’infanterie de l’armée française s’est formé en 1481 suite à la volonté de Louis XI. Ce roi de France voulait créer une infanterie régulière et mobile à l’image de la cavalerie. C’est ainsi que sont nées les célèbres « bandes de Picardie » formées par des Suisses dans un vaste camp situé entre Pont-de-l’Arche et Pont-Saint-Pierre (Eure). Nous avons mené l’enquête sur ce tournant militaire où notre ville est au cœur de l’histoire de France…

Pour la défense de son royaume, Louis XI eut le souci permanent d’organiser une armée efficace reposant principalement sur l’infanterie. Ainsi en 1469, il réforma le corps des francs-archers créé à la fin de la guerre de Cent-ans par Charles VII1 notamment pour former les garnisons de certaines villes frontalières. Il élargit l’espace de recrutement des francs-archers, améliora l’enrégimentement de ceux-ci en 8 bandes de 500 hommes et, enfin, fit encadrer chaque bande par un capitaine, un lieutenant et un enseigne. La population était sommée de fournir au roi des hommes mobilisés du printemps à l’automne2 contre une solde et un armement fournis. Ce sont près de 16 000 fantassins qui servaient alors le roi.

Louis XI fit de l’infanterie le principal corps de son armée rompant avec la prééminence ancestrale de la chevalerie. Malgré des victoires, le corps des francs-archers ne donna pas satisfaction au roi à cause de l’absence de formation, du manque de discipline – voire de compétence3 – mais aussi de la difficulté de mobiliser rapidement ces troupes très éparses. La défaite d’Enguinegatte (Pas-de-Calais) face à Maximilien de Habsbourg (en 1479) persuada Louis XI de renoncer à ce corps et de créer une infanterie d’un genre nouveau.

Les piquiers, nouveaux combattants mis en avant par Louis XI pour bâtir une infanterie régulière. Détail de « Troupes anciennes. N°3, Coustilliers, Règne de Charles VII - Piquiers, Règne de Louis XI », gravure sur bois en couleurs (46 x 36 cm) éditée chez Pellerin, Épinal, 1859. BnF, département Estampes et photographie, FOL-LI-59 (6).

Les piquiers, nouveaux combattants mis en avant par Louis XI pour bâtir une infanterie régulière. Détail de « Troupes anciennes. N°3, Coustilliers, Règne de Charles VII - Piquiers, Règne de Louis XI », gravure sur bois en couleurs (46 x 36 cm) éditée chez Pellerin, Épinal, 1859. BnF, département Estampes et photographie, FOL-LI-59 (6).

Louis XI, roi de France Louis XI, né en 1423, régna de 1461 à 1483. Au-delà de l’image du roi moyenâgeux et cruel forgée par ses opposants, Louis XI passe aujourd’hui pour un roi pragmatique, diplomate, ayant un sens de la raison d’État et donc une faculté de trancher. Sacré roi à la fin de la guerre de Cent-ans, il ne se contenta pas de voir refleurir l’économie, il orchestra la prospérité de son royaume en y introduisant de nouvelles activités, de nouvelles foires et en défendant une monnaie forte. Il passa une grande partie de son règne à assoir son autorité contre ses opposants : les seigneurs, la Bourgogne et l’Angleterre. Il vainquit la Ligue du Bien public formée contre lui avec son frère Charles de France. Il s’imposa après de nombreuses batailles et d’infinies négociations avec le duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, qui décéda en 1477. Il signa le fameux traité de Picquigny mettant fin aux prétentions anglaises sur la couronne de France (1475). Cette pacification permit à Louis XI d’affermir et d’organiser le pouvoir royal. Il conquit le Maine et la Provence (1481), la Picardie, le Boulonnais, le duché de Bourgogne, l'Artois et la Franche-Comté en 1482. C’est cette force, notamment démographique et économique, qui lui permit de mettre sur un pied une armée forte et de lancer les bases d’un État moderne.

Louis XI, roi de France Louis XI, né en 1423, régna de 1461 à 1483. Au-delà de l’image du roi moyenâgeux et cruel forgée par ses opposants, Louis XI passe aujourd’hui pour un roi pragmatique, diplomate, ayant un sens de la raison d’État et donc une faculté de trancher. Sacré roi à la fin de la guerre de Cent-ans, il ne se contenta pas de voir refleurir l’économie, il orchestra la prospérité de son royaume en y introduisant de nouvelles activités, de nouvelles foires et en défendant une monnaie forte. Il passa une grande partie de son règne à assoir son autorité contre ses opposants : les seigneurs, la Bourgogne et l’Angleterre. Il vainquit la Ligue du Bien public formée contre lui avec son frère Charles de France. Il s’imposa après de nombreuses batailles et d’infinies négociations avec le duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, qui décéda en 1477. Il signa le fameux traité de Picquigny mettant fin aux prétentions anglaises sur la couronne de France (1475). Cette pacification permit à Louis XI d’affermir et d’organiser le pouvoir royal. Il conquit le Maine et la Provence (1481), la Picardie, le Boulonnais, le duché de Bourgogne, l'Artois et la Franche-Comté en 1482. C’est cette force, notamment démographique et économique, qui lui permit de mettre sur un pied une armée forte et de lancer les bases d’un État moderne.

1481 : création du corps des piquiers et hallebardiers

En 1480, le roi de France conclut une trêve avec ses ennemis le duc de Bourgogne et le roi d’Angleterre et signa un armistice avec le roi d’Autriche, en aout. Il eut donc enfin le temps de réorganiser en profondeur son infanterie. Il commença par supprimer, en octobre, le corps des francs-archers et prit exemple sur l’armée suisse, la meilleure de ce temps, pour constituer en janvier 1481 une infanterie principalement composée de piquiers, d’hallebardiers et de mercenaires suisses4. À contrecourant des mentalités, le roi continua donc à mettre en avant les « gens de pied », les roturiers, au point de les intégrer dans son armée régulière jusqu’alors constituée des nobles chevaliers des compagnies d’ordonnance5.

Louis XI cessa de demander à la population de fournir des hommes et leva un impôt spécialement destiné à payer des soldes permanentes à ses gens de pied français et étrangers. Cette réforme du mode de financement des hommes de pied permit au roi de mettre en place une infanterie de camp permanente6. Il est possible que d’anciens francs-archers se soient reconvertis en piquiers, mais Thomas Basin, chroniqueur contemporain de Louis XI, parle bien de remplacement des soldats7.

 

 

L'utilité des bandes de piquiers ?

À la fin du XVe siècle, l’infanterie comptait trois armes principales :

- les archers, qui visaient surtout les chevaux pour rompre la charge de cavalerie ;

- au contact avec celle-ci, les coutiliers coupaient les jarrets des chevaux, tuaient les cavaliers tombés qui ne valaient aucune rançon ;

- enfin, les piquiers jouaient un double rôle défini par Jean de Wavrin (homme de guerre et bibliophile bourguignon du XVe siècle) : « Les piques sont bâtons moult convenables pour mettre une pique entre deux archers contre le foudroyeux effort des chevaux qui voudraient effondrer dedans eux, car il n’est cheval, s’il n’est atteint d’une pique en la poitrine, qui ne doive mourir sans remède. Et aussi servent ces piquenaires à démarcher et atteindre les chevaux de côté et iceux percer tout outre. »

Les piquiers étaient réunis par bandes de 800 à 1 000 hommes chacune. Cette technique de combat suisse, inspirée de la phalange grecque, a été enseignée à l’armée française principalement dans le camp de Pont-de-l’Arche, en 1481. L’infanterie avançait sur le champ de bataille en masses carrées hérissées de piques de 5 à 6 mètres de long. Elles étaient capables de résister à une charge de cavalerie... Les piquiers, disposés sur plusieurs rangs au centre du carré, sont protégés sur les flancs par des archers puis des couleuvriniers et des arbalétriers.

Un exemple de charge de piquiers : La Bataille d’Heiligerlee (1568) d'après Frans Hogenberg (1536-1590). Au second plan, les piquiers de Guillaume d’Orange et ses alliés mettent en déroute les mercenaires espagnols de l’armée de Jean de Ligne, stathouder de Frise resté fidèle au roi d’Espagne. Cette bataille marque le début de la guerre de Quatre-vingts-ans et aboutit à l’indépendance des Provinces-unies (Pays-Bas).

Un exemple de charge de piquiers : La Bataille d’Heiligerlee (1568) d'après Frans Hogenberg (1536-1590). Au second plan, les piquiers de Guillaume d’Orange et ses alliés mettent en déroute les mercenaires espagnols de l’armée de Jean de Ligne, stathouder de Frise resté fidèle au roi d’Espagne. Cette bataille marque le début de la guerre de Quatre-vingts-ans et aboutit à l’indépendance des Provinces-unies (Pays-Bas).

Albrecht Altdorfer (vers 1480-1538), La Bataille d’Alexandre, 1529, peinture sur bois, Alte Pinakothek (Munich), commandée par le duc Guillaume IV de Bavière. Alexandre le Grand lutte contre le roi de Perse Darius. Cette œuvre montre au premier plan une bande de piquiers en mouvement et, au second plan, une masse compacte en train d’attaquer telle une forêt de piques.

Albrecht Altdorfer (vers 1480-1538), La Bataille d’Alexandre, 1529, peinture sur bois, Alte Pinakothek (Munich), commandée par le duc Guillaume IV de Bavière. Alexandre le Grand lutte contre le roi de Perse Darius. Cette œuvre montre au premier plan une bande de piquiers en mouvement et, au second plan, une masse compacte en train d’attaquer telle une forêt de piques.

Mais quel rôle devait jouer la nouvelle infanterie de Louis XI ?

 

Nouvelle infanterie, nouvelles armes : le rôle de Pont-de-l’Arche

En l’espace de quelques mois, Louis XI a recruté une importante infanterie professionnelle devant manipuler de nouvelles armes (piques, hallebardes…) et souhaitait, de plus, modifier la stratégie de combat en plaine. Pour concrétiser ces réformes sans trop exposer son armée en temps de guerre, il manquait une solide expérience à ses troupes. C’est là qu’intervint le camp de Pont-de-l’Arche.

« … le Roy voulust et ordonna que certain camp de bois (…) fust dressé et mis en estat en une grand plaine près le Pont de l’Arche (…) et dedans icelluy certaine quantité de gens de guerre armez, avec hallebardiers et picquiers, que nouvellement avoit mis sus… ». Pour établir ce camp, le roi mobilisa les pionniers du camp d’Abbeville8 ? Ces hommes, responsables de la construction, de l’entretien et de l’approvisionnement du camp furent placés par le roi sous le commandement de Guillaume Picquart, bailli de Rouen, qui épaula Philippe de Crèvecœur dans l’encadrement de l’infanterie9.

Philippe de Commynes précisa que l’infanterie royale était alors composée de « vingt mil hommes de pied tousjours prestz, et deux mil cinq cens pionniers, et s’appeloient icy les gens du champ : et ordonna avec eulx quinze cens hommes d’armes de son ordonnance, pour descendre à pied quand il en seroit besoing »10.

L’ensemble de ces hommes de pied devaient venir à Pont-de-l’Arche car le roi « voulust que lesdits gens de guerre feussent par l’espace d’ung mois [dans le camp] pour sçavoir comment ils se conduisoient (…) et pour sçavoir quels vivres il conviendroit avoir…11 ». Le roi voulait mesurer – grandeur nature – l’investissement humain, technique et financier que représentait une infanterie de camp de cette ampleur. Mais à quoi bon posséder une infanterie de camp ? Louis XI voulait améliorer la mobilité de ses troupes hors des frontières du royaume et surtout en plaine, eu égard au relief picard et nordiste. Mois après mois, toute son infanterie devait passer dans ce camp et s’aguerrir aux longs déplacements et à la vie de camp12.

Le roi avait pu mesurer en 1470, à Montlhéry, l’efficacité d’un camp retranché établi par ses adversaires, les Bourguignons. Ceux-ci s’étaient appuyés sur ce camp pour les manœuvres de l’infanterie, la mise en sureté de l’artillerie et des munitions mais aussi des hommes durant la nuit. En 1471, le roi ordonna la fabrication d’un tel camp à Montargis et en fit un outil durant ses campagnes de Normandie et de Picardie (le camp d’Abbeville). En 1480 donc, le roi décida de tester un camp de guerre, pas trop près des frontières pour ne pas exciter ses ennemis, mais pas trop loin non plus des Pays-Bas et de l’Angleterre. C’est ainsi que la Normandie fut choisie pour accueillir l’entrainement de l’artillerie et de l’infanterie dans un vaste camp. Louis XI joua un fort rôle dans la structuration de l’artillerie en laissant à sa mort 5 bandes d’artillerie contre une lors de son installation

Le second objectif du camp de Pont-de-l’Arche était la formation de l’armée aux techniques de combat des Suisses. La fin des francs-archers et la création des piquiers et hallebardiers avait été actée, mais qu’en était-il de la formation de la nouvelle armée ?

Les 20 000 hommes de pied, ou une partie du moins, se sont succédé dans le camp de Pont-de-l’Arche où se trouvaient les 6 000 mercenaires Suisses travaillant pour Louis XI depuis 147413. Commandés par Guillaume Diesbach, les Suisses ont formé les hommes des garnisons de la région d’Hesdin aux techniques de combat en bandes, encore appelées enseignes. C’est pourquoi le roi commanda près de 40 000 armes nouvelles pour faire de Pont-de-l’Arche un énorme camp d’instruction14. Une fois formées, on retrouve ces bandes l’année suivante aux côtés des Suisses et selon Philippe de Commynes « 8 000 piquiers » formant une armée qui « estoit fort belle »15. C’est à partir de ce moment que l’on a pu parler de « bandes de Picardie » restées célèbres dans l’histoire en tant que premières assises du « régiment de Picardie », autrement dit le 1er Régiment d’infanterie de l’armée française (voir l'illustration). On peut sourire de la proximité entre le nom "Picard" et nos picquiers louis-onziens.

 
Buste de Philippe de Commynes, chroniqueur et diplomate. Calcaire polychrome du début du XVIe s. Musée du Louvre, Paris. Philippe de Commynes (1447-1511), seigneur d’Argenton, était un des chroniqueurs les plus lus en Europe. Il laissa à la postérité ses Mémoires qui rapportent la manière dont le roi Louis XI a exercé le pouvoir royal (livres I à VI, composés entre 1489 et 1493). Puis ils rapportent l’expédition de Charles VIII en Italie (livres VII et VIII, composés entre 1495 et 1498) et enfin le couronnement de Louis XII. Écrits en langue vulgaire, et non en latin, ces Mémoires sont aussi novateurs sur le fond car ils jettent la lumière sur la pratique quotidienne du pouvoir, ce qu’a connu Philippe de Commynes en tant que conseiller et chambellan de Charles le Téméraire, duc de Bourgogne, puis de Louis XI à partir de 1472. Il s’attacha à mettre en valeur le travail diplomatique de Louis XI.

Buste de Philippe de Commynes, chroniqueur et diplomate. Calcaire polychrome du début du XVIe s. Musée du Louvre, Paris. Philippe de Commynes (1447-1511), seigneur d’Argenton, était un des chroniqueurs les plus lus en Europe. Il laissa à la postérité ses Mémoires qui rapportent la manière dont le roi Louis XI a exercé le pouvoir royal (livres I à VI, composés entre 1489 et 1493). Puis ils rapportent l’expédition de Charles VIII en Italie (livres VII et VIII, composés entre 1495 et 1498) et enfin le couronnement de Louis XII. Écrits en langue vulgaire, et non en latin, ces Mémoires sont aussi novateurs sur le fond car ils jettent la lumière sur la pratique quotidienne du pouvoir, ce qu’a connu Philippe de Commynes en tant que conseiller et chambellan de Charles le Téméraire, duc de Bourgogne, puis de Louis XI à partir de 1472. Il s’attacha à mettre en valeur le travail diplomatique de Louis XI.

Pourquoi choisir la Normandie ?

Louis XI avait négocié une trêve mais espérait surtout une paix durable avec ses adversaires. Le camp de Pont-de-l’Arche était une mise en application de l’adage « Si tu veux la paix, prépare la guerre » mais aussi un message fort envoyé aux autres souverains. D’ailleurs, le roi d’Angleterre craignit un moment que Louis XI ne prépare une attaque des terres anglaises de Calais16. C’était justement tout l’intérêt de Pont-de-l’Arche : une cité éloignée de la frontière afin de ne pas provoquer les rois en délicatesse avec Louis XI, mais suffisamment proche des zones à risques pour contrecarrer une opération soudaine17.

La place forte royale de Pont-de-l’Arche, connue du roi depuis qu’il la libéra de la Ligue du bien public en 1466, était facilement ravitaillable par la Seine18 et le chemin de Paris à Rouen et bénéficiait, de plus, de la présence de grandes forêts royales si utiles pour le bois du camp et des charriots. La ville fut peut-être aussi choisie par le roi pour faire une démonstration de force aux Normands récemment repassés sous son autorité. La police intérieure ne fait-elle pas partie des missions de l’armée ?

 

 

Après le camp…

Le roi fut satisfait de ce qu’il vit au camp de Pont-de-l’Arche à partir du 22 juin 1481 et les dix jours qui suivirent. C’est heureux car le trésor royal engagea pour ce camp 1 500 livres en quelques mois. Supportées par une lourde taille, elles représentaient la moitié des charges militaires annuelles de ce temps.

Le camp de Pont-de-l’Arche permit à Louis XI d’organiser son infanterie en bandes de piquiers professionnels destinés au combat en plaine. Quant à la vie dans un camp, il fut décidé de loger 30 hommes par tente, d’adopter des pavillons pour loger les gens de qualité et le nombre de véhicules de transport était désormais connu pour déplacer tout le matériel notamment l’artillerie… Une infanterie de camp était donc prête à chaque instant pour des opérations mobiles au-delà des frontières du royaume. L’infanterie régulière est donc née en deux étapes :

- le remplacement des francs-archers en janvier 1481 par le corps permanent des piquiers et hallebardiers ;

- la formation des troupes dans le camp de Pont-de-l’Arche en 1481.

Les bandes de Picardie constituèrent donc l'infanterie française jusqu'en 1494 où Charles VIII créa les bandes de Piémont qui participèrent à la guerre d'Italie contre l'Autriche de Charles Quint. Cependant, Charles VIII, a remplacé le corps des piquiers en 1487 par les francs-archers désormais appelés « gens de pied ». Ceux-ci coutaient moins cher au trésor royal mais ne donnaient pas satisfaction. C’est seulement au XVIe siècle qu’une infanterie permanente fut rétablie.

 
Le 1er régiment d’infanterie français est aujourd’hui basé à Sarrebourg. Il porte l’enseigne à croix blanche sur fond rouge, vraisemblablement en mémoire de l’instruction donnée par les Suisses à Pont-de-l’Arche aux troupes françaises affectées ensuite sur la frontière picarde et qui ont ainsi donné naissance aux célèbres « bandes de Picardie » et… à l’infanterie française !

Le 1er régiment d’infanterie français est aujourd’hui basé à Sarrebourg. Il porte l’enseigne à croix blanche sur fond rouge, vraisemblablement en mémoire de l’instruction donnée par les Suisses à Pont-de-l’Arche aux troupes françaises affectées ensuite sur la frontière picarde et qui ont ainsi donné naissance aux célèbres « bandes de Picardie » et… à l’infanterie française !

 

Notes

(1) Institué le 28 avril 1448.

(2) À raison d’un homme pour 50 foyers comme le précise l’ordonnance de 1466-1468. Voir Bessey Valérie, Construire l’armée page 33.

(3) Bessey Valérie (Ibidiem, page 33) précise que certains gros contribuables profitaient des exemptions fiscales dont bénéficiaient les francs archers ce qui donne une idée de la qualité du recrutement...

(4) Commynes Philippe de, Mémoires ou Chronique scandaleuse, page 160 : « En ce temps le Roy fist casser & abatre tous les francs archers du Royaume de France, & en leur place y voulut estre & demeurer pour servir en ses guerres les Suisses & picquiers. »

(5) Il tenta même d’enrégimenter les nobles du ban et de l’arrière ban à la manière des francs-archers c’est-à-dire sous la direction d’un capitaine. Il voulut aussi leur faire manier les piques et les hallebardes pour servir dans son infanterie ce qui se solda par un échec et un abandon de ce projet en 1483 (Valérie Bessey, Construire l’armée, page 34).

(6) Basin Thomas, Histoire de Louis XI (page 335) : « Il leva en Normandie 4 000 de ces hallebardiers et, pour payer leur solde, il imposa à cette province une contribution de 250 000 livres, sans compter des tailles considérables dont il l’avait chargée auparavant ; de la même façon, il instaura des hallebardiers dans la France entière (qui) avaient des soldes, comme la cavalerie, chacun d’eux touchant 60 livres par an. »

(7) Basin Thomas, Histoire de Louis XI (page 335) : « À leur place en effet il leva des gens de pied nommés hallebardiers… »

(8) Mandrot Bernard de, Journal de Jean de Roye(page 108) : « Ce sont ces troupes que Louis XI fit venir en Normandie à Pont-de-l'Arche ».

(9) Dupont Émilie, Mémoires… (page 217) : « Le bailli de Rouen commandait les pionniers du champ : ces pionniers étaient logés à Abbeville et aux environs. »

(10) Dupont Émilie, Mémoires… (page 217).

(11) Commynes Philippe de, Mémoires ou Chronique scandaleuse, page 161.

(12) Ce pourquoi « il feit faire grant nombre de charriots pour les clorres, les tentes et les pavillons » Dupont Émilie, Mémoires... (page 218).

(13) et de façon permanente à partir de 1477

(14) Jean Favier apporte ces précisions (Louis XI, page 353) : « Pour équiper le champ de Pont-de-l’Arche, le roi a passé d’un coup d’énormes commandes dont l’ensemble est réparti entre les marchands d’une vingtaine de villes, chargés de procurer, en deux mois, aussi bien des produits de la métallurgie locale que ceux d’importation. L’infrastructure est assurée par 700 tentes et 700 charriots. La réserve d’armes individuelles est impressionnante : 38 500 pièces dont 18 500 dagues, 14 500 hallebardes et 5 500 piques. Paris fournit 9 000 pièces, Tours et Angers 3 450. Il en coute 45 000 livres. Bien plus, il faut payer les ouvriers, les charretiers, les pionniers. »

(15) Commynes Philippe de, Mémoires ou Chronique scandaleuse (page 165) : « 1482 (…) le Roy avoit fait mettre sus les champs grand partie de ses gens de guerre, qu’il avoit en garnison au pays de Picardie, dont avoit la charge & conduitte le Sgr. des Querdes, laquelle compagnie il faisoit beau veoir, car elle estoit fort belle. En laquelle compagnie avoit quatorze cens lances fournies, très bien accompagnées de six mille Suisses & aussi de huict mille picquiers ».

(16) Dupont Émilie, Mémoires… (note 1, page 218).

(17) En effet, en 1480 Louis XI avait déjà envoyé 3 000 de ses Suisses en Normandie en prévision d’une attaque des troupes anglaises comme le cite Bernard de Mandrot, Journal de Jean de Roye… (page 108).

(18) On lit dans Dupont Émilie, Mémoires… (note 1, page 217) : que les pionniers logés à Abbeville avant de venir à Pont-de-l’Arche étaient ravitaillés « en blé par la rivière de Somme ».

 

 

Sources

- Brisson Charles, « Quand les Suisses, à Pont-de-l’Arche… », Notre vieux lycée : bulletin de l’association des anciens élèves du lycée Corneille, n° 112, 1962, pages 19-23 ;

- Basin Thomas, Histoire de Louis XI, traduction de Charles Samaran et Monique-Cécile Garand, tome III, Paris, Les Belles lettres, 1972, 462 pages ;

- Bessey Valérie, Construire l’armée française, textes fondateurs des institutions militaires. Tome I, De la France des premiers Valois à la fin du règne de François Ier. Brepols : Turnhout, 2006, 263 pages ;     

- Commynes Philippe de, Mémoires ou Chronique scandaleuse, Paris, Rollin, 1747, 660 pages ;

- Corvisier André, Histoire militaire de la France. Tome I, Des origines à 1715, sous la direction de Philippe Contamine, Presses universitaires de France, Paris, 626 pages ;

- Dupont Émilie, Mémoires de Philippe de Commynes, tome II, Paris : Jules Renouard, 1843, 607 pages ;

Dussieux Louis-Étienne, L'Armée en France, 1884, Versailles : L. Bernard, tome 1, pages 268 et suivantes ;

- Favier Jean, Louis XI, Paris, Fayard, 2001, 1019 pages.     

- Mandrot Bernard de, Journal de Jean de Roye connu sous le nom de Chronique scandaleuse : 1460-1483, Paris : Renouard, 1894-1896, 2 vol. (366 pages et 471 pages) ;    

- Revol Joseph Fortuné, Histoire de l'armée française, 1929, Paris : Larousse, 308 pages ;

- Yvert André, « Pont-de-l’Arche berceau de l’infanterie française », L’Industriel de Louviers, février 1939 ;

- Ministère de la Défense, « L’arme et son histoire », dossier n° 5, site Internet du 1er régiment d’infanterie : www.ri1.terre.defense.gouv.fr          

 

 
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22 novembre 2013 5 22 /11 /novembre /2013 19:00
Buste de Philippe Desportes (détail) extrait de la colonne funéraire  disparue - de l'église Notre-Dame de Bonport. Il fut réalisé par Matthieu Jacquet (vers 1545-vers 1611) en 1607 (Musée du Louvre / P. Philibert

Buste de Philippe Desportes (détail) extrait de la colonne funéraire disparue - de l'église Notre-Dame de Bonport. Il fut réalisé par Matthieu Jacquet (vers 1545-vers 1611) en 1607 (Musée du Louvre / P. Philibert

Philippe Desportes est un poète et homme de cour français né à Chartres en 1546 et décédé le 5 octobre 1606 à Notre-Dame de Bonport où il fut abbé depuis 1594. Nous devons à Jacques Lavaud des éléments précis sur la relation de cet homme à Bonport : Lavaud, Jacques, Un poète de cour au temps des derniers Valois : Philippe Desportes (1546-1606).

 

Le poète de cour…

Philippe Desportes fut bon poète mais ne passa pas le tamis des générations qui se suivent. Sa poésie, vouée à flatter les nobles qui le protégeaient, se caractérise par une sobriété tranchant avec le style recherché de Pierre de Ronsard (1524-1585) et des poètes de la Pléiade. Bien que placé entre Ronsard et François de Malherbe (1555-1628), il n’est pas classé parmi les grands de la poésie française et ce sont principalement les travaux de Charles-Augustin Sainte-Beuve et d’Emile Faguet qui firent connaitre Philippe Desportes dans le monde littéraire (Jacques Lavaud, page 128). Influencé par les auteurs italiens, les premiers écrits desportiens montrent le cœur d’un homme attendri par les beautés de la nature, de la femme ainsi que du refus de traditions notamment dans ses Stances du mariage (page 63) :

 

Tout homme qui se trouve en ses laqs asservy,

Doit par mille plaisirs alléger son martyre,

Aimer en tous endroits sans esclaver son cueur…

Je hay plus que la mort ta rigoureuse loy,

Aimant mieux espouser un tombeau qu’une femme.

 

En modérant son propos, Philippe Desportes commença à vivre de son art poétique au sein du salon de Claude Catherine de Clermont, maréchale de Retz. Se faisant connaitre dans les salons, il se fit des amitiés utiles à son art et à ses finances. Ami de Nicolas IV de Neufville, dit Villeroy, d’Anne de Joyeuse – gouverneur de Normandie et mignon d’Henri III – Philippe Desportes, concerné par les affaires d'Etat dès l'avènement d'Henri III (1575), toucha un traitement de secrétaire du roi en 1582 (page 322).

 

… qui profita de l’oreille du roi

Grâce à la faveur d’Henri III, Philippe Desportes acquit le revenu des abbayes de Tiron et Josapha, toutes deux proches de Chartres. Le poète préféré du roi (page 358) était alors abbé de ces établissements grâce au système de la commende convenu en 1510 entre François 1er et le Pape qui autorisait le roi de France à nommer les abbés. Ceux-ci étaient donc désignés pour leur fidélité au roi plus qu’aux Évangiles. Dépensier, notre homme était réputé pour sa cordialité, la qualité de sa table et de ses vins et le nom de ses hôtes, attachés aux arts, parmi lesquels il contribua à promouvoir de jeunes talents. Ceux-ci trouvaient une retraite et un soutien auprès de cet homme qui passait pour un véritable abbé épicurien. Cependant, Philippe Desportes connut vers 1583 une période mystique dont témoignent ses écrits. Il semble cependant que ce nouveau sentiment ait été motivé par le roi Henri III qui, lui, eut une révélation mystique. Philippe Desportes resta quelques temps dans son abbaye. Comme le note Jacques Lavaud (page 318) : Il avait su se faire ermite au bon moment, conciliant avec un remarquable esprit d’à-propos le maintien des bonnes grâces de son souverain et le cumul de gros bénéfices. » En 1587, notre homme était conseiller, notaire et secrétaire du roi.

 

Le Ligueur

Philippe Desportes quitta la Cour et rejoignit la Ligue de défense catholique avant même la mort d’Henri III survenue le 1er aout 1589. Il se réfugia au Havre, ville gouvernée par son ami André de Brancas, seigneur de Villars. Les rebelles l’enjoignirent de tenter la conciliation entre les ligueurs de Rouen (Jean de Saulx, seigneur de Tavannes) et du Havre. Il s’agissait d’épargner Rouen de la reconquête royale.

 

Le repenti récompensé par Henri IV

Philippe Desportes se rallia toutefois à Henri IV et fut son principal diplomate dans la négociation du ralliement des derniers ligueurs en 1594. Il parvint à rallier Villars à la bannière royale contre la promesse du roi de maintenir ses bénéfices. Après sa reddition le 27 mars 1594, Villars conserva le gouvernement de Rouen et celui de Caux ainsi que son titre d’Amiral de France. Il obtint, de plus, 715 430 livres (page 375). Quant à Philippe Desportes, il scella ici la fin de sa vie à l'abbaye de Bonport. En ces temps très troublés, l'abbaye de Bonport s'était retrouvée sans abbé depuis le décès de François Boulliers en 1590. Depuis lors, Le Blanc du Rollet, capitaine de Pont-de-l’Arche, avait pris sous sa coupe cette abbaye – et ses revenus – mais sans l’aval du Pape comme en témoigne une archive de février 1592 (page 358). Dans les conditions de sa reddition, Villars demanda l’abbaye pour le compte de Philippe Desportes. La réponse du roi tarda car Le Blanc du Rollet, un des premiers normands ralliés à Henri IV, souhaitait conserver Bonport. Le roi proposa à notre poète-abbé le bénéfice de l’archevêché de Rouen. Celui-ci refusa et maintint son choix pour Bonport. Le Blanc du Rollet abandonna ses prétentions contre un dédommagement financier du roi (page 376). Il devint de plus grand prévôt de Normandie en 1602.

 

 

Bonport, sa résidence préférée

Après 1594, Philippe Desportes devint Conseiller du roi en ses conseils d’États et privés (page 383). Il était abbé de Tiron, de Josaphat, de Vaux-de-Cernay (Yvelines) et de Bonport. Ayant pris de l’âge, Philippe Desportes garda ses distances avec la vie de cour et resta de plus en plus souvent dans ses résidences favorites qu’étaient Vanves et les abbayes de Josaphat et de Bonport. Jacques Lavaud note (page 406) que « De tous ses bénéfices, celui qui eut la préférence de notre poète, celui auquel il réserva ses soins les plus attentifs et ses séjours les plus fréquents et les plus prolongés fut incontestablement Bonport, l’abbaye qu’il avait si longuement convoitée, qu’il avait préférée au pallium archiépiscopal et qu’il avait eu tant de peine à obtenir, Bonport, enfin, la rançon du retour de Rouen en l’obédience royale. » Il était attaché à Bonport pour le pittoresque du lieu, certes, mais aussi car ici résidait son fils naturel, Philippin, qui avait perdu la raison (page 397). Il y était très présent dans les dernières années de sa vie où il pouvait garder contact avec ses amis rouennais, anciens ligueurs, et son ami poète Jacques Davy du Perron, évêque d’Evreux (page 401). A Bonport, il rédigea une colossale traduction des Psaumes, fruit d’un travail de 20 ans. Il y constitua une des plus belles bibliothèques de son temps. Bien qu’un prieur le secondait dans l’administration des biens abbatiaux, Philippe Desportes s’assurait du fonctionnement de cette abbaye qui rapportait, en 1598, 5 000 livres (page 400, note 2). Philippe Desportes mourut au logis abbatial de Bonport le 5 octobre 1606, à 60 ans, et s’y fit enterrer suivant ses dernières volontés consignées dans son testament (page 527).

Philippe Desportes fut enterré au milieu du coeur de Notre-Dame de Bonport sous une dalle en marbre noir. Elle portait l'inscription : "Cy-gist Philippe Desportes, conseiller du Roi en ses conseils d'état et privé, abbé des abbayes de Josaphat, Thiron, Vaux de Cernay et de N. D. de Ron-Port, qui décéda en la dite abbaye de Ron-Port le vie jour d'Octobre m.dcvi. Priez Dieu pour son âme." Son frère Thibault lui fit élever un obélisque à droite du grand autel (Jules Andrieux, introduction, page 37). Ce monument fut démonté par Alexandre de la Folie, acquéreur de l'abbaye le 2 avril 1791. Jules Andrieux relate ce passage : « Ne sont pas compris dans la vente de ladite maison et établissement, les armoires et boiseries de la sacristie, et l’obelisque étant au côte droit du sanctuaire que l'administration aura délai de six mois pour faire déplacer et transporter." Cet obélisque était sans doute le monument de Philippe Desportes, qui fut transporté au musée des Petits-Augustins. Quelques jours après, les commissaires nommés par l'administration du district de Louviers demandaient : « l'obélisque étant au côté droit du sanctuaire. » M. de la Folie leur répond : « qu'il est démoli pour ne recevoir « aucun choc qui puisse le casser, et qui est prêt à être livré « sous la réserve de rembourser les frais de la dite démolition. » Il semble qu'il ne reste aujourd'hui que le médaillon en bronze dont un extrait est reproduit en tête d'article.  

 

Sources

- Croquette Bernard, « Desportes Philippe (1546-1606) », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 19 novembre 2013. URL : http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/philippe-desportes;

- Lavaud Jacques, Un poète de cour au temps des derniers Valois : Philippe Desportes (1546-1606), Paris, Droz, 1936, 572 pages.

 

Armand Launay

Pont-de-l'Arche ma ville

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10 novembre 2013 7 10 /11 /novembre /2013 16:59

« 76 enfants de Pont-de-l’Arche sont morts pour la France et ont sacrifié leurs vies pour sauver les vôtres. Souvenez-en vous ! »

 

Cette phrase était écrite sur le drapeau au-dessus du bureau de l'instituteur de l'école de garçons située dans la salle Ambroise-Croizat avant 1934. C'est ce que le regretté André Lambert nous confiait lors d'un entretien réalisé le 25 février 2003. Il ajouta que, chaque matin, un élève devait lire tout haut ce texte avant le début des cours. Depuis lors, cette phrase a gardé tout son sens. En 2014, nous commémorerons le début de la Première guerre mondiale, déclenchée le 28 juin 1914 par l’attentat perpétré à Sarajevo contre souverain de l’empire Austro-hongrois, l’archiduc François-Ferdinand. Nous commémorerons également les 96 ans de l’armistice du 11 novembre 1918 ; deux raisons de se rappeler les tristes causes économiques et politiques à l’origine de ce conflit. Deux raisons de penser aux victimes de toutes les guerres et d’être heureux d’être au côté de l’Allemagne et d’autres pays dans l’Union européenne.

Dans les brumes d’automne et sous la figure tutélaire de Notre-Dame-des-arts, le poilu du Monument aux morts de Pont-de-l’Arche nous rappelle depuis 1922 les affres de la guerre et le courage de nos ancêtres (cliché Armand Launay, 2012).

Dans les brumes d’automne et sous la figure tutélaire de Notre-Dame-des-arts, le poilu du Monument aux morts de Pont-de-l’Arche nous rappelle depuis 1922 les affres de la guerre et le courage de nos ancêtres (cliché Armand Launay, 2012).

La mobilisation générale

Le 19 septembre 1914, le journal L’Industriel de Louviers rapporta le discours du maire de Pont-de-l’Arche, Maurice Delamare, prononcé le 4 septembre suite à la mobilisation générale : « Appelé en qualité de réserviste territorial (…) je ne veux pas quitter même momentanément la ville de Pont-de-l’Arche sans assurer tous les administrés (…) je reste de cœur avec eux. La direction des affaires municipales change de mains, mais le fonctionnement des services administratifs continuera dans le même esprit de sagesse et de décision que par le passé. La population de Pont-de-l’Arche gardera, de son côté, j’en suis sûr, le calme et le sang-froid dont elle a fait preuve jusqu’à ce jour, en attendant l’heure du succès final. » Des centaines d’Archépontains furent mobilisés en même temps que Maurice Delamare.

L’uniforme bleu de 1914 pour l’honneur de défendre la Patrie, la moustache pour l’élégance, la cigarette pour la détente… cette photographie sur carte postale campe l’ambiance régnant avant les premiers combats : le dévouement est une qualité qui mérite d’être immortalisée par un cliché (collection particulière, soldats réputés de Pont-de-l'Arche).

L’uniforme bleu de 1914 pour l’honneur de défendre la Patrie, la moustache pour l’élégance, la cigarette pour la détente… cette photographie sur carte postale campe l’ambiance régnant avant les premiers combats : le dévouement est une qualité qui mérite d’être immortalisée par un cliché (collection particulière, soldats réputés de Pont-de-l'Arche).

Un front pas si lointain

Si la ville de Pont-de-l'Arche n'a pas subi les combats, elle a été indirectement touchée. Le 16 septembre 1914, juste après la guerre de mouvement, deux véhicules allemands furent interceptés à temps par les gendarmes et soldats français à Sotteville-sous-le-val. Ces véhicules, chargés d'explosifs, avaient pour mission de dynamiter un ouvrage d'art de la voie ferrée Paris-Le Havre près de Pont-de-l'Arche et ce afin de limiter l'approvisionnement des armées française et britannique. La ville est donc passée à côté de grands dommages.

Voir l'article complet sur ce blog en cliquant ici.

 

 

Des réfugiés

Les habitants du nord et de l’Est ont subi les combats. Pont-de-l’Arche a accueilli des réfugiés. Certains y ont refait leur vie après l’Armistice. Parmi eux, se trouvaient des Picards, des Nordistes, des Lorrains, des Alsaciens, des Belges et même des Grecs. Dominique Kalinoglou et Pilidès Crestomamacopoulos en étaient qui devinrent entrepreneurs en chaussures dans les années 1930. A ce propos, durant la Grande guerre les usines de chaussures de la ville fabriquèrent des godillots pour l’armée. Quant aux professions des réfugiés, des familles de forains se sont installées à Pont-de-l’Arche. Leurs familles ont continué à se faire enterrer au cimetière communal pendant quelques générations.

 

 

L’aviation britannique s’installa à Pont-de-l’Arche

A partir de 1915, l’armée britannique décida d’installer son aviation naissante entre Pont-de-l’Arche et Les Damps. Elle installa son quartier général dans Le Manoir de Manon, qu’elle loua, et finit la construction de l’usine de chaussure des Fils de Georges Prieur, aux Damps ; ceci afin d’y installer une usine de réparation de moteurs d’avions sous l’égide du Royal flying corps, l’ancêtre de la Royal air force. Toute une zone des Damps fut couverte de plaques de béton et de baraquements en bois : le Camp. A Pont-de-l’Arche, au bout de la rue Jean-Prieur, les Britanniques bâtirent une vaste salle en bois qui fut la première salle des fêtes de la commune après la Grande guerre. Elle fut rasée pour laisser place au pont actuel (inauguré en janvier 1955). Les liens des Britanniques avec la population furent très bons : sports (football, patinage, rugby), loisirs (concerts, fanfare, cafés), amitiés, quelques mariages, de petites têtes blondes… Les Archépontains se firent soigner par les médecins militaires. Toute la ville vécut au côté de centaines de soldats et quelques soldates de sa Majesté.

Voir l'article complet sur ce blog en cliquant ici.

 

 

L'armistice !

L’érudit archépontain Roland Chantepie écrivit ses souvenirs de l’Armistice du 11-Novembre 1918 dans un manuscrit intitulé Pont-de-l’Arche à travers les âges (f. 444) : « Un beau matin, il était 11h30 environ, les grandes personnes sortirent subitement dans la rue, s'interrogeant : « est-ce vrai ?... Non ! Ce n'est pas possible ! » M. Pinard, l'instituteur, donna congé à ses élèves et ferma son école ; les Anglais du Camp descendirent dans les rues et les cafés ; ils chantaient et riaient de toutes leurs dents blanches ; les fabriques de chaussures, elles aussi, se vidèrent ; les ouvrières dans les rues « crochaient » les Tommies ; on s'embrassait ; la musique militaire anglaise se mit de la partie. C'était l'Armistice !! » Des drapeaux furent placés aux fenêtres et les cloches de Notre-Dame-des arts tintèrent à toute volée.

 

 

 

Des traces toujours debout

Si les souvenirs sont morts avec les contemporains de la Grande guerre, les traces que nous ont laissées nos ancêtres sont toujours là. Une stèle fut érigée par la Ville de Pont-de-l’Arche dans le cimetière communal. Une plaque en marbre fut scellée par la paroisse sous la tribune de l’orgue de Notre-Dame-des-arts. Autres traces, de nos jours, les noms de voies telles que le Quai Maréchal-Foch, le quai de Verdun, le boulevard de la Marne, la place du Souvenir où se trouve le Monument aux morts de la ville. Ce monument fut inauguré en 1922 grâce à une souscription conduite par un Comité présidé par Maurice Delamare, ancien maire. Ce monument est l'œuvre de Robert Delandre, sculpteur elbeuvien de réputation régionale. Sa famille était liée à Marcel Ouin, industriel de la chaussure, qui était vice-président du Comité. Marcel Ouin était aussi le beau-père de Maurice Delamare. Le jour de l’inauguration du Monument, Marcel Deparrois, un enfant du pays alors en service, lança de son monoplan une grande gerbe de fleurs qui tomba quasiment à côté du nouveau monument. Ce monument subit l’occupation de 1940-1944. Les Allemands cassèrent le casque et le bout du fusil. Ils rayèrent l’inscription « On ne passe pas ». A la Libération, le casque fut restauré et l’inscription fut de nouveau gravée en profondeur.

Voir l'article complet sur sur le Monument aux morts, sur ce blog, en cliquant ici.

Le cimetière communal conserve en son sein une stèle offerte par la Ville et rendant hommage aux soldats morts pour la France sur les différents fronts (cliché Armand Launay, 2010).

Le cimetière communal conserve en son sein une stèle offerte par la Ville et rendant hommage aux soldats morts pour la France sur les différents fronts (cliché Armand Launay, 2010).

La paroisse de Pont-de-l’Arche a fait graver les noms des soldats décédés sur une plaque de marbre située sous la tribune de l’orgue (cliché Armand Launay, novembre 2013).

La paroisse de Pont-de-l’Arche a fait graver les noms des soldats décédés sur une plaque de marbre située sous la tribune de l’orgue (cliché Armand Launay, novembre 2013).

Le Monument aux morts a été sculpté par Robert Delandre et inauguré en 1922 grâce à une souscription publique présidée par Maurice Delamare. Comme le Christ sur les croix hosannières, le poilu oriente son regard vers le sud-est, là où nait la lumière (cliché Armand Launay, mars 2013).

Le Monument aux morts a été sculpté par Robert Delandre et inauguré en 1922 grâce à une souscription publique présidée par Maurice Delamare. Comme le Christ sur les croix hosannières, le poilu oriente son regard vers le sud-est, là où nait la lumière (cliché Armand Launay, mars 2013).

76 morts pour la France

Si les heureux soldats archépontains ayant survécu nous échappent, les noms des morts pour la France nous ont offert des pistes de recherches. Ce sont 76 noms qui sont gravés sur le Monument aux morts de la ville ; des hommes natifs du pays ou domiciliés ici lors de leur enrôlement. Pour en savoir un peu plus sur ces hommes tombés au combat pour la souveraineté nationale, nous avons consulté les retranscriptions de leurs décès dans les actes d’état civil. Nous avons aussi consulté la base des soldats morts pour la France sur le site du Ministère de la défense www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr. 

Nous avons ainsi retrouvé 70 noms que nous avons réunis dans un tableau ci-dessous. Onze autres noms nous échappent qui doivent correspondre à des hommes domicliés dans notre ville au moment de leur décès. Un regard d’ensemble montre que les Archépontains ont été principalement incorporés dans l’infanterie et surtout dans les 24e, 74e et 224e régiments d’infanterie. Ils ont servi sur tous les fronts : Belgique, Yser, Pas-de-Calais, Somme, Champagne, Marne, Meuse… On retrouve des Archépontains dans les tristement célèbres forts de Vaux et de Douaumont, dans la forêt de Verdun.

Une quinzaine de soldats attend le train en gare de Pont-de-l’Arche afin de partir au front (collection particulière).

Une quinzaine de soldats attend le train en gare de Pont-de-l’Arche afin de partir au front (collection particulière).

Prénom, nom

Naissance

Décès

Régiment

René Buquet

 

7 septembre 1889

Pont-de-l’Arche

22 aout 1914

Anderlues (Belgique)

24e régiment d’infanterie

Robert Bâton

24 décembre 1899

Pont-de-l’Arche

22 aout 1914

Anderlues (Belgique)

24e régiment d’infanterie

Fernand Canterel

3 mars 1887

Caudebec-en-Caux

8 septembre 1914

Morsains (Marne)

74e régiment d’infanterie 

Albert Buquet

26 avril 1880

Pont-de-l’Arche

9 septembre 1914

Esternay (Marne)

274e régiment d’infanterie

Alexandre Désiré Carré

12 juillet 1892

Rouen

9 septembre 1914

Le Breuil (Marne)

36e régiment d’infanterie 

Antoine Louis Ouin

12 septembre 1888

Pont-de-l’Arche

14 septembre 1914

Loivre (Marne)

28e régiment d’infanterie

Marcel Morel

10 mars 1891

Pont-de-l’Arche

17 septembre 1914

Loivre (Marne)

24e régiment d’infanterie

Albert Eugène Niaux

4 septembre 1881

Pont-de-l’Arche

23 septembre 1914

Loivre (Marne)

224e régiment d’infanterie

Louis Tassel

8 novembre 1882

Pont-de-l’Arche 

29 septembre 1914

Esternay (Marne)

228e régiment d’infanterie 

Henri Forfait

25 février 1884

Pont-de-l’Arche

13 octobre 1914

Bray-sur-Somme (Somme)

319e régiment d’infanterie

Auguste Delettre

24 juin 1873

Lisieux

22 octobre 1914

La ferme du Luxembourg

119e régiment d’infanterie

Gaston Sauvé

6 avril 1891

Pont-de-l’Arche 

28 octobre 1914

La ferme du Luxembourg

5e régiment d’infanterie

caporal

Georges Bréham

19 octobre 1893

Pont-de-l’Arche

9 novembre 1914

Saint-Eloi (Belgique)

160e régiment d’infanterie

Alfred Dumont

24 septembre 1882

Pont-de-l’Arche

7 décembre 1914 Roclincourt (Pas-de-Calais)

1er régiment de marche de zouaves

Michel Joseph Letourneur

4 octobre 1885

Pont-de-l’Arche

15 septembre 1914

La Neuville (Aisne)

228e régiment d’infanterie

Irénée Bisson

31 décembre 1894

Rouen

31 janvier 1915

Rosendaël (Dunkerque)

2e régiment de marins

Amand Morel

19 février 1894

Les Damps

18 février 1915

bois de la Grurie à Moiremont (Marne)

150e régiment d’infanterie

Philogène Raoul Delaporte

8 février 1873

Criquebeuf-sur-Seine

2 mai 1915

Amiens

22e régiment d’infanterie

Albert Lavoisey

1er novembre 1877

Les Damps

25 mai 1915

Authieule (Somme)

22e régiment d’infanterie

Léon Prieur

7 septembre 1894

Pont-de-l’Arche

26 mai 1915

La Noulette (Pas-de-Calais)

28e régiment d’infanterie

Robert Faucampré

20 février 1889

Pont-de-l’Arche

5 juin 1915

La Targette, La Neuville-Saint-Vaast (Pas-de-Calais)

74e régiment d’infanterie

Anthime Lelièvre

30 décembre 1893

Sotteville-lès-Rouen

30 juin 1915

bois de la Grurie à Moiremont (Marne)

 

Albert Jouvin

17 septembre 1889

Pont-de-l’Arche

11 juin 1915

La Neuville-Saint-Vaast

(Pas-de-Calais)

74e régiment d’infanterie

François Santens

10 juillet 1890

Pont-à-Vendin

(Pas-de-Calais)

17 juillet 1915

Calonne (Meuse)

87e régiment d’infanterie

André Depitre

20 janvier 1860

Le Manoir-sur-Seine

24 septembre 1915

Mesnil-les-Hurlus (Marne)

22e régiment d’infanterie territoriale

Marcel Lefrançois

3 mai 1889

Pont-de-l’Arche

25 septembre 1915

La Neuville-Saint-Vaast

(Pas-de-Calais)

74e régiment d’infanterie

Emile Tassel

4 mars 1889

Pont-de-l’Arche

25 septembre 1915

La Targette, La Neuville-Saint-Vaast (Pas-de-Calais)

24e régiment d’infanterie

Pascal Sauvé

3 mars 1889

Pont-de-l’Arche

25 septembre 1915

Tahure (Marne)

224e régiment d’infanterie

Césaire Ambroise

1 aout 1894

Pont-de-l’Arche

26 septembre 1915

La Neuville-Saint-Vaast

(Pas-de-Calais)

119e régiment d’infanterie

Eugène Delamare

12 septembre 1885

Criquebeuf-sur-Seine

27 septembre 1915

Beauséjour (Marne)

9e régiment de marche de zouaves

Joseph Guerre

27 mai 1888

Pont-de-l’Arche

27 septembre 1915

La Targette, La Neuville-Saint-Vaast (Pas-de-Calais)

74e régiment d’infanterie

Jules Henri Ambroise

17 mars 1889

Pont-de-l’Arche

27 septembre 1915

Noulette (Pas-de-Calais)

10e bataillon de chasseurs à pied

Ferdinand Milliard

19 janvier 1885

Les Damps

29 septembre 1915

La Croix-en-Champagne (Marne)

228e régiment d’infanterie

Valentin Dubray

24 juin 1888

Les Andelys

3 octobre 1915

La Neuville-Saint-Vaast

(Pas-de-Calais)

39e régiment d’infanterie

René Prieur

7 février 1890

Pont-de-l’Arche

5 octobre 1915

Massiges (Marne)

21e régiment d’infanterie coloniale

Emile Tassel

4 mars 1889

Pont-de-l’Arche

17 octobre 1915

Tahure (Marne)

24e régiment d’infanterie

Charles Saint-Pierre

7 septembre 1893

Pont-de-l’Arche

11 novembre 1915

Frise (Somme)

119e régiment d’infanterie

Albert Morel

1er mars 1895,

Pont-de-l’Arche

11 octobre 1915

La Croix-en-Champagne (Marne)

329e régiment d’infanterie

Célestin Herbreteau

12 mars 1880

Les Essarts

16 novembre 1915

Mesnil-les-Hurlus (Marne)

93e régiment d’infanterie 

Robert Bréham

16 mars 1891

Pont-de-l’Arche

3 avril 1916

Verdun (Meuse)

74e régiment d’infanterie

Georges Lambert

31 aout 1883

Pont-de-l’Arche

6 avril 1916

Chaumont-sur-Aisne (Meuse)

74e régiment d’infanterie

André Niaux

20 septembre 1883

Pont-de-l’Arche

11 avril 1916

Landrecourt-Lempire (Meuse)

274e régiment d’infanterie Sergent

Adolphe Godard

14 aout 1883

Ellecourt

11 avril 1916

24e régiment d’infanterie

Charles Bohu

18 mai 1888

Oissel

21 avril 1916

Revigny (Meuse)

3e régiment du génie

Narcisse Gaston Chenu

31 octobre 1884

Beaumont-le-Roger

19 mai 1916

Fort de Vaux, Verdun (Meuse)

 

274e régiment d’infanterie.

Sergent

Rodolphe Drouin

13 février 1889

Les Damps

23 mai 1916

Douaumont, Verdun (Meuse)

74e régiment d’infanterie Caporal

Louis Riberprey

19 novembre 1889

Pont-de-l’Arche

21 mai 1916

Douaumont, Verdun (Meuse)

74e régiment d’infanterie Caporal

Paul Peyronnet

1er septembre 1888

Pont-de-l’Arche

19 juin 1916

Esnes (Meuse)

6e régiment d’infanterie

Alfred Poupardin

27 novembre 1894

Pont-de-l’Arche

25 aout 1916

Oissel

150e régiment d’infanterie

Paul Alexandre Duprai

20 juin 1894

Pont-de-l’Arche

21 septembre 1916

Rancourt (Somme)

94e régiment d’infanterie

Sergent

Jules Lavoisey

18 février 1872

Les Damps

31 octobre 1916

Moreuil, Lespinay (Somme)

18e régiment d’infanterie territoriale

Amand Hacot-Sigurd

10 décembre 1896

Pont-de-l’Arche

16 décembre 1916

Fontaine-Routon (Meuse)

173e régiment d’infanterie 

Désiré Delamare

7 septembre 1883

Pont-de-l’Arche

9 janvier 1917

Douaumont, Verdun (Meuse)

414e régiment d’infanterie

Alphonse Pessy

26 octobre 1880

Les Authieux

28 mars 1917

Moulin-Vendresse (Aisne)

156e régiment d’infanterie

Emile Lavoisey

 

22 juin 1895

Pont-de-l’Arche

16 avril 1917

tranchée des Friches, Oulches (Aisne)

127e régiment d’infanterie

Emile Mouchard

 

2 avril 1891

Pont-de-l’Arche

22 avril 1917

Courlandon (Marne)

22e régiment d’artillerie

Léon Confait

 

28 juin 1896

Fauville-en-Caux

 

3 juin 1917,

L’épine de Chèvregny,

Braine (Aisne)

 

Paul Partie 

23 novembre 1897

Pont-de-l’Arche

7 juillet 1917

Longueval (Aisne)

206e régiment d’infanterie

Alfred Mouchard

3 mars 1869

Pont-de-l’Arche

2 aout 1917               

Rouen

74e régiment d’infanterie territoriale

Florent Havet

31 janvier 1895

Pont-de-l’Arche

10 aout 1917 Gricourt (Aisne)

118e régiment d’infanterie

Edouard Auber

3 juillet 1890

Pont-de-l’Arche

8 septembre 1917

Douaumont, Verdun (Meuse)

51e régiment d’infanterie. sergent

Robert Auber

18 mars 1897

Notre-Dame-du-Vaudreuil

10 février 1918

Nancy

7e régiment du génie

Camille Salette

24 mars 1897 Le Mans

10 avril 1918

Jonchery-sur-Vesle (Marne)

 

71e bataillon de chasseurs à pied.  décoré de la médaille militaire et de la Croix de guerre

Louis Michel

20 décembre 1884

Cliponville

12 mai 1918

hôpital militaire Hôtel de l’hermitage au Touquet

15e régiment d’infanterie

Ernest Morel

9 février 1897

Pont-de-l’Arche

20 juillet 1918

Boursonne (Oise)

224e régiment d’infanterie

Lucien Trumel

7 octobre 1897

Pont-de-l’Arche

24 aout 1918

Orval (Oise)

11e régiment de marche de tirailleurs algériens

Victor Colombel

5 décembre 1874

Pont-de-l’Arche

25 septembre 1918

Cuperly, Montfrenet (Marne)

12e escadron du train TM 225

Jules Letourneur

1er juillet 1887

Pont-de-l’Arche

20 septembre 1918

Pont-de-l’Arche

43e régiment d’infanterie

Gaston Morel

20 mai 1896

Pont-de-l’Arche

12 octobre 1918

Saint-Gobain (Aisne)

283e régiment d’infanterie

Eugène Guerre

3 juillet 1889

Pont-de-l’Arche

15 octobre 1918

hôpital         

96e régiment d’infanterie territoriale

Charles Ambroise

18 février 1872

Pont-de-l’Arche

3 avril 1919

Pont-de-l’Arche

20e régiment d’infanterie territoriale

Marcel Vallois

 

 

 

Albert Grenier

 

 

 

Raymond Liberprey

 

 

 

Albert Lepage

 

 

 

Alfred Levasseur

 

 

 

Maurice Piédevant

 

 

 

Léon Fournier

 

 

 

Louis Michel

 

 

 

Georges Prieur

 

 

 

Auguste Riberprey

 

 

 

Lucien Fernand Trumel

 

 

 

A lire…

L’excellent blog de Stephan Agosto consacré au 74e régiment d’infanterie et dédié aux 3 500 soldats de ce régiment qui perdirent la vie : http://74eri.canalblog.com

 

 

Sources

- Archives municipales – état civil ;

- Chantepie Roland, Pont-de-l’Arche à travers les âges, manuscrit b, 2e partie, De la Révolution à nos jours (1944) ;

- Collignon Maurice, « Une tentative des Allemands dans l’Eure et la Seine-Inférieure pendant la guerre de 1914 », Evreux, C. Hérissey, 1917, 50 pages ;

- Launay Armand, Pont-de-l’Arche ma ville (http://pontdelarche.over-blog.com) :

- « Percée allemande à Sotteville-sous-le-Val et Oissel en 1914 » ;

- « Un camp britannique de la Première Guerre mondiale : le Royal Flying Corps aux Damps et à Pont-de-l'Arche » ;

- « Le Monument aux morts de Pont-de-l’Arche et ses stigmates de la Seconde guerre mondiale » ;

- Launay Armand, Pont-de-l’Arche, cité de la chaussure, mairie de Pont-de-l’Arche, 2009, 52 pages.

 

Armand Launay

Pont-de-l'Arche ma ville

http://pontdelarche.over-blog.com

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28 mars 2013 4 28 /03 /mars /2013 16:06


La guerre de Cent ans fut une longue succession de batailles entrecoupées de pauses qui opposèrent divers clans français et la monarchie anglaise. L’enjeu de ces conflits fut le trône de France et la maitrise de vastes territoires qui ont, par la suite, formé notre pays. Les premiers combats commencèrent en 1339 suite aux velléités d’Edouard III, roi d’Angleterre, sur le trône de France. En 1346, celui-ci se lança dans une chevauchée armée du Cotentin à Paris, puis de Paris à Calais. Ce fut un échec, notamment devant Pont-de-l'Arche qu’il voulait prendre de surprise. Néanmoins, les terres continentales étaient déchirées entre diverses luttes d’influences et d’alliances plus ou moins trahies. Pour compliquer le tout, la famille royale se déchira : le roi Charles VI étant sujet à des crises de démence, il régnait une certaine vacance du pouvoir français. Son fils Charles VII, encore très jeune, n’était que le Dauphin du roi. Une vendetta opposa les Armagnacs, proches de Charles VII, aux Bourguignons, c'est-à-dire les proches du duc de Bourgogne autour de Jean sans Peur, oncle du Dauphin. Profitant de cette division, Henri V d’Angleterre débarqua en aout 1417 dans l’estuaire de la Touques. Il conquit toute la Normandie, dont l’actuel département de l’Eure, d’avril 1418 à décembre 1419.

 

Comment le pont de l'arche fut prins"Comment le pont de l’arche fut prins", peinture, fol. 138v, in Martial d'Auvergne, Vigiles de Charles VII, France, 1484, manuscrit, parchemin, II-266 feuillets. Bibliothèque nationale de France, département des manuscrits (division occidentale), Français 5054. cf. aussi  http://gallica.bnf.fr. Jusqu'à plus ample informé, c'est la plus ancienne évocation de pont à Pont-de-l'Arche, l'évènement datant de 1449. 

 

Prise de possession en 1418 par Henri V

Après s’être rendu maitre de Louviers, Henri V, roi d’Angleterre, arriva à Pont-de-l’Arche le 29 juin 1418 avec 10 000 hommes. Tenant déjà Harfleur, il voulait maitriser la Seine en aval de Rouen, avant de s’attaquer à cette ville. Il fit camper ses troupes entre la forêt et Pont-de-l’Arche et établit ses quartiers dans l’abbaye de Bonport. Jean Malet, seigneur de Graville et capitaine de la garnison de Pont-de-l'Arche, resta fidèle au Dauphin Charles VII en refusant de donner les clés de la ville. Henri V devait encore encercler la ville et faire battre en retraite plus de 2 000 combattants français, venus en renfort, qui attendaient les Anglais de l’autre côté du fleuve (fournissant ainsi un ravitaillement à la ville). Le 4 juillet, le duc de Cornouailles franchit alors la Seine avec huit bateaux, soit une soixantaine de combattants et quelques canons, et gagna une petite ile d’où il put tirer sur les Français. Impressionnés, ceux-ci se dispersèrent. Mil anglais traversèrent le fleuve, suivis le lendemain (5 juillet) par le duc de Clarence et 4 000 soldats ; la ville et le château de Pont-de-l’Arche étaient alors assiégés des deux côtés de la Seine.

Jean Malet tint ses positions et envoya plusieurs messages à ses soutiens. Les Rouennais, malgré une alliance signée le 5 juin 1418, n’intervinrent pas [1]... Jean sans Peur, tenant Pontoise et Chartres, interdit tout envoi de secours en Normandie et ce, de la part du gouvernement – armagnac – de Paris… Quelques escarmouches se produisirent encore devant le château de la rive droite. Isolé, Jean de Graville dut se résigner et signa un acte de reddition le 19 juillet, précisant que lui, Pierre de Rouville (son second) et mille de leurs hommes pouvaient partir libres sous la protection du roi d’Angleterre (jusqu’au 25 de ce mois). Les Anglais s’emparèrent alors de Pont-de-l’Arche, perçant ainsi les défenses bourguignonnes, et se rabattirent sur Rouen.

Jean de Graville eut le mérite de rester fidèle à Charles VII : isolé, il s’opposa à la fois aux Anglais et à Jean sans Peur, qui s’appuyait sur la bourgeoisie commerçante de Paris et qui vivait du trafic de la Seine et de ses affluents. On peut d’ailleurs pressentir une collusion financière entre celui-ci et le roi d’Angleterre. Quoi qu’il en soit, Charles VII remercia Jean de Graville en lui assignant 200 livres par mois (pour lui-même et pour 150 hommes) et en le nommant grand maitre des arbalétriers. Charles VII pouvait d’autant plus gratifier le capitaine de Pont-de-l'Arche que, si tous les sujets étaient restés aussi fidèles que Jean de Graville, Henri V d’Angleterre n’aurait pu se proclamer roi de France, suite au traité de Troyes (1420) [2].

 

Quel rôle pour le Pont-de-l’Arche anglais ?

Quel était le rôle stratégique de Pont-de-l'Arche ? Le contrôle des vivres nous semble intéressant car si les Anglais comptaient assiéger Rouen, mieux valait pour eux contrôler les vivres qui pouvaient être acheminées par notre cité, soit par voie de Seine, soit par la rive droite de ce fleuve. Or Pont-de-l’Arche contrôlait à la fois le passage sur la Seine (par le montage des bateaux sous son pont) et au dessus de celle-ci. D’ailleurs, une fois Pont-de-l’Arche tombé, Rouen ne tarda pas. Les taxes perçues ne devaient pas non plus être dédaignées. Mais, plus généralement, la maitrise de la Seine était essentielle aux déplacements d’une armée, de son matériel et de son approvisionnement [3]. En 1420, Thomas Holgill devint pourvoyeur des provisions de plusieurs places fluviales en Normandie [4]et notamment de Pont-de-l’Arche. Il assura aussi le ravitaillement des troupes anglaises de Paris. C’est ainsi que le 20 février 1420 le nouveau capitaine de Pont-de-l’Arche, Jean Falstof, fut chargé d’acheminer de Rouen à la Bastille de Paris un convoi fluvial de froment et d’orge. Il avait aussi pour mission de surveiller les navires suspectés de transporter des provisions pour les Français et, au besoin, de les réquisitionner ou les détruire. Car le danger était toujours présent, les Français de Charles VII contre attaquèrent, notamment à Verneuil en 1424.

Mais qui dit contrôle fluvial, dit présence et contrôle de troupes armées : Jean Beauchamp, autre capitaine, et ses troupes furent passés en revue en 1425 par les commissaires du roi d’Angleterre. Cette même année, le 8 octobre, une ordonnance contre les soldats qui avaient déserté leurs corps fut adressée au chevalier Jean Kigley, bailli de Rouen, et à Guillaume Crafford, lieutenant du même bailli et capitaine de Pont-de-l’Arche. Quelle était l’ampleur de la garnison ? Elle allait de 20 à 110 hommes (surtout vers les dernières années) durant la période anglaise. L’année 1429 est représentative : 10 hommes d’armes et 30 archers à cheval, 10 hommes d’armes et 30 archers à pied. Les troupes à cheval parcouraient la région dans un petit périmètre, les autres étaient en permanence dans le fort et pouvaient aussi s’atteler à des réparations comme celles du pont en 1435.

 

Les capitaines de la garnison anglaise de Pont-de-l’Arche de 1419 à 1447 [5]

1419 : Amauri le Coq, " capitaine du pont " ;

1421 : Maurice Bron [= Brown ?], " capitaine de la ville et du château pour le roi d’Angleterre " ;

1429-1432 : Robert de Willoughby, " capitaine du Pont-de-l’Arche" ;

1422 : Thomas Maitreson, " capitaine de la ville et du château " ;

1422-1429 : Jean de Beauchamp, " capitaine de Pont-de-l’Arche " ;

1433 : Jehan Talbot ;

1434 : le comte d’Arundell, " capitaine de la ville et du château " ;

1435-1437 : Robert de Willoughby, " capitaine du Pont-de-l’Arche" ;

1440-1443 : le cardinal de Luxembourg, " capitaine de Pont-de-l’Arche " ;

1443 […] : Adam Hilton, " capitaine de Pont-de-l’Arche " ;

1446-1447 […] : le duc d’York, " gouverneur de France et de Normandie, capitaine de Pont-de-l’Arche " et Thomas Mulso, lieutenant ;

1448 : Fauquemberg.

 

 

La Libération de Pont-de-l’Arche en 1449 par Charles VII

L’importance stratégique de Pont-de-l'Arche se sentit aussi en matière diplomatique. Outre les Etats de Normandie qui s’y tinrent en 1432, 1437, 1438 et 1439, la ville accueillit des conférences entre Anglais et Français. Cependant le vent tourna, les Français s’étaient ressaisis, notamment en 1435où les Armagnacs firent la paix avec les Bourguignons. En 1441, Evreux fut libéré. La garnison anglaise de Pont-de-l'Arche fut renforcée et confiée parfois à des personnalités de premier plan comme le duc d’York, par exemple. Le 30 novembre 1440, Henri V réunit à Pont-de-l’Arche une assemblée des notables de la ville et des environs pour faire cesser les actes de résistance et l’avancée des troupes françaises qui s’étaient momentanément emparées de Louviers. En 1444, les places de Verneuil, Vernon, Château Gaillard et Pont-Audemer furent à leur tour libérées.

Le roi de France, Charles VII, eut l’intention de reprendre Rouen en 1449 : il concentra ses forces sur Louviers et Pont-de-l'Arche en vue, très certainement, de faciliter le passage des troupes, du matériel et des futures vivres. Et, contrairement à l’arrivée des Anglais à Pont-de-l'Arche, les Français voulurent reconquérir la ville non par la force mais par la ruse, d’après les chroniqueurs du Moyen Age. Un marchand de Louviers, qui passait habituellement par Pont-de-l'Arche pour aller vendre ses denrées à Rouen, prit une place cardinale dans une stratégie un peu spéciale. Alors que le marchand devrait obtenir des gardes l’ouverture de la porte, quelques Français à pied resteraient cachés près de l’entrée du château de Limaie, sur la rive droite en face du pont, et attendraient la première occasion pour s’engouffrer dans les fortifications. Pendant ce temps, quelque 4 à 500 cavaliers patientaient à l’orée de la forêt, rive gauche. Alors, le 13 mai 1449, selon les propos de Léon de Duranville ;

Le marchand, traversant le Pont-de-l'Arche, suivant son habitude, réclame du portier l’ouverture de la porte pour le lendemain de très bonne heure, et ce, sous promesse de récompense. […] au point du jour, il frappe pour éveiller le portier. Celui-ci conçoit d’abord quelques inquiétudes, en voyant deux hommes sortir de l’hôtellerie ; mais il se sécurise sur l’assurance à lui donnée que ce sont deux habitants de Louviers. Toute prime mérite son salaire ; le marchand laisse tomber à terre quelques pièces de monnaie, et, profitant de la posture du portier… il le tue. Le bruit alarme ceux qui sont dans le château, et l’un d’eux, descendant en chemise, s’efforce de lever le pont-levis. Il y avait deux ponts-levis, l’un par lequel on accédait au boulevard, et qui se trouvait au pouvoir des assaillants, et l’autre, dont le soulèvement pouvait encore sauver la place. Le marchand s’élance, et met à mort ce second adversaire. […] Il restait encore une seconde entreprise ; ce fut l’affaire d’un clin d’œil que de passer le pont et d’arriver à la porte de la ville. Le sommeil régnait encore, un seul anglais défendit longtemps et courageusement cette porte. Les autres soldats de l’Angleterre furent tous prisonniers, et notamment le seigneur de Fauquemberg [qui] venait d’arriver durant la nuit. […] La place étant au pouvoir des Français de Brézé [6], ils ouvrirent une des portes qui donnaient vers la forêt ; alors, le bailli d’Evreux et le seigneur de Magny… entrèrent dans la place… Cet événement coûta la vie à huit ou dix anglais.

La chute de Pont-de-l'Arche éveilla la fureur du duc de Sommerset, gouverneur de Rouen, car la route de sa ville était ouverte au roi de France. Elle tomba peu de temps après, en 1450 (ainsi que la Normandie continentale) aux mains du roi de France. En 1475, cessaient les attaques anglaises et donc la guerre de Cent ans. Mais, cependant, les monarques anglais ont depuis lors conservé le titre de… roi de France…

 

 

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