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11 juin 2021 5 11 /06 /juin /2021 10:03
La Bidaudière, hameau de Saint-Pierre, un peu amont dans la vallée de l'Oison. Cliché de Frédéric Ménissier (mai 2021).

La Bidaudière, hameau de Saint-Pierre, un peu amont dans la vallée de l'Oison. Cliché de Frédéric Ménissier (mai 2021).

Avec nos remerciements à Patrick Redon, président de l’Association culture et loisirs (ACL), pour les documents apportés et à Frédéric Ménissier pour ses photographies.



 

De l’Oison à la plaine alluviale

Saint-Pierre-lès-Elbeuf est une commune de 8 305 habitants (en 2018) qu’on appelle les Pierrotins ou, selon les convenances, les Saint-Pierrais. Cette commune constitue la partie est de l’agglomération d’Elbeuf, en Seine-Maritime. Elle témoigne d’une urbanisation récente et massive qui n’a pas entièrement effacé le passé rural. Bien des gens y cherchent et savourent les charmes de “la campagne à la ville”, notamment dans le nouveau quartier du Bosc-Tard. De plus, cette urbanisation folle a permis de mettre au jour des richesses archéologiques insoupçonnées sur lesquelles nous reviendrons plus bas. 

Le tunnel sous la voie de chemin de fer par lequel on change d'univers : verte vallée de l'Oison en amont et plaine alluviale urbanisée en aval (cliché de Frédéric Ménissier de mai 2021 et carte postale illustrée des années 1910).Le tunnel sous la voie de chemin de fer par lequel on change d'univers : verte vallée de l'Oison en amont et plaine alluviale urbanisée en aval (cliché de Frédéric Ménissier de mai 2021 et carte postale illustrée des années 1910).

Le tunnel sous la voie de chemin de fer par lequel on change d'univers : verte vallée de l'Oison en amont et plaine alluviale urbanisée en aval (cliché de Frédéric Ménissier de mai 2021 et carte postale illustrée des années 1910).

Oisonville ou la ville de l’Oison

Un axe sud-nord offre à lire le paysage pierrotin en suivant le cours de l’Oison. Cette rivière de 15 km de long nait à Saint-Amand-les-Hautes-terres et se jette dans la Seine à Saint-Pierre, après avoir arrosé la majorité des anciens hameaux de la commune : La Bidaudière, toujours à l’état de hameau dans la vallée de l’Oison ; Saint-Pierre-de-Liéroult au débouché de la vallée et, dans la plaine alluviale parmi les constructions contemporaines : La Bretèque, La Haline, Griolet et La Villette. Sur cette liste ne manquent que la chapelle Saint-Nicolas, aux confins de Martot et Le Bout-de-la-ville qui, comme son nom l’indique, était à l’extrémité d’une ville, en l’occurrence Caudebec.  

Viaduc en brique portant une voie piétonne au-dessus du chemin de fer depuis 1875 et barrant l'entrée de la vallée de l'Oison (cliché de Frédéric Ménissier de mai 2021).

Viaduc en brique portant une voie piétonne au-dessus du chemin de fer depuis 1875 et barrant l'entrée de la vallée de l'Oison (cliché de Frédéric Ménissier de mai 2021).

Le point central du nom de la commune mais aussi de son espace naturel est Saint-Pierre-de-Liéroult où convergent trois vallées : celle de l’Oison donc, et celles du Grand ravin vers Argeronne et Saint-Didier-des-bois et celle de La Vallée vers Montaure. L’église se trouve au départ d’un coteau entre la vallée de l’Oison et celle du Grand ravin. C’est le siège de la paroisse et il serait étonnant qu’il n’y eût aucune fortification protégeant ce carrefour dans ce lieu naturellement protégé. En effet, nous sommes ici sur la route de Louviers, à l’entrée de l’Oison et de l’agglomération d’Elbeuf. Une propriété nobiliaire, appelée Le Parc, témoigne sûrement d’une implantation seigneuriale non loin de l’église paroissiale. 

De même, et pour souligner la singularité du lieu, nous sommes dans un espace de transition entre les paysages du Roumois, le pays de Rouen, et ceux de l’Évrecin, le pays d’Évreux. La vallée de l’Oison et ses villages limitrophes peuvent se rattacher à cette partie de l’Eure qu’on appelle le Roumois et qui est plus boisée, plus bocagère que les vastes étendues agricoles de la région d’Évreux. Preuve aussi que nous sommes aux confins des pays : lors de la création des départements en 1790, il fut question de rattacher Elbeuf à l’Eure, ce qui fut refusé par sa concurrente industrielle : Louviers. Saint-Pierre est donc à cheval entre ces paysages et ces limites administratives et sa récente histoire s’en fait l’écho.  

Sur ces captures d'écran réalisées à partir du site Géoportail, on peut mesurer le contraste entre l'urbanisation de la plaine alluviale et les coteaux boisés de l'Oison et du plateau du Neubourg. Saint-Pierre-de-Liéroult apparait à la croisée des chemins et des vallées.
Sur ces captures d'écran réalisées à partir du site Géoportail, on peut mesurer le contraste entre l'urbanisation de la plaine alluviale et les coteaux boisés de l'Oison et du plateau du Neubourg. Saint-Pierre-de-Liéroult apparait à la croisée des chemins et des vallées.

Sur ces captures d'écran réalisées à partir du site Géoportail, on peut mesurer le contraste entre l'urbanisation de la plaine alluviale et les coteaux boisés de l'Oison et du plateau du Neubourg. Saint-Pierre-de-Liéroult apparait à la croisée des chemins et des vallées.

Un toponyme témoignant de l’urbanisation galopante

Saint-Pierre-lès-Elbeuf est un nom limpide. C’est par un décret du 19 mai 1857 que ce nom fut acté en même temps que la fusion de hameaux et de faubourgs de Caudebec avec la petite commune de Saint-Pierre-de-Liéroult. C’est ce que nous apprend Pierre Largesse dans un article intitulé “Décret du 19 mai 1857 : création de la nouvelle commune de Saint-Pierre” paru dans Le P’tit Pierrotin de juin 2010. Le “lès” provient du latin latus et désigne ce qui est proche, relié, relatif. Le nom de Saint-Pierre fut conservé bien qu’il ait failli être remplacé par Saint-Louis-lès-Elbeuf, du nom d’un nouveau hameau sis Caudebec. Mais pourquoi cette fusion ? Par souci d’homogénéité entre communes car Saint-Pierre-de-Liéroult et les locaux hameaux caudebécais, somme toute éloignés, étaient appelés à croitre et faire partie de l’agglomération elbeuvienne à l’industrie débordante. Ainsi, la population pierrotine passa de 207 habitants en 1856 à 3 238 en 1861. Caudebec était amputé et l’on comprend mieux pourquoi aujourd’hui il est difficile, pour un profane, de délimiter les communes et de localiser le centre de Saint-Pierre.

La concurrence autour du choix entre le nom de Saint-Pierre et celui de Saint-Louis n’est pas anodine. Elle démontre la volonté d’une communauté rurale de ne pas être englobée, annexée, par la ville explosant en ce début de révolution industrielle et d’exode rural. Le compromis aura été forgé autour du nom pluriséculaire et conforme à la tradition de Saint-Pierre mais avec la mention du chef-lieu d’agglomération : Elbeuf. 

Mais que signifiait le Liéroult ? L’étymologie la plus simple et la plus courante est celle de lierru, ancien adjectif, de Normandie et au moins de Mayenne, désignant le lierre. C’est la thèse défendue par Alexandre Auguste Guilmeth en 1842 dans Elbeuf et ses environs (voyez la note en bas de la page 12) : “Liéroult viendrait du lierre car le sol est humide.” L’auteur nous apprend par ailleurs une forme ancienne mais qu’il ne date pas du nom de la paroisse : “Saint-Pierre aux lierres”. Il affirma aussi qu’au début du XIIe siècle existait en ce lieu un prieuré Saint-Pierre et Saint-Paul dont on retrouve trace dans le Pouillé général de Normandie, datant 1648. Guilmeth avance que le patron du prieuré était l’abbé de Notre-Dame du Parc, près d’Harcourt. Cette famille aurait fait d’importants dons de terres à ce prieuré entre les XIIIe et XVe siècle. Notre consultation dans Gallica du Pouillé général de Normandie indique plutôt que le patronage de la paroisse revenait à la puissante abbaye Saint-Ouen de Rouen, comme bien des terres locales. Cette étymologie autour du lierre a séduit les esprits et constitue l’interprétation officielle, comme en témoigne le blason de la commune, qui doit être assez récent, qui comporte, notamment “Trois feuilles de lierre”. Cependant, nous ne sommes pas convaincus par cette étymologie. Si le lierre est une plante européenne et si son nom est attesté au moins dès 1382 dans le lexique français, ce végétal constitue-t-il un point notable et incontournable du paysage ? Ne devrait-il pas y avoir plus de toponymes en lierre ? Nous nous sommes plu à chercher des étymologies analogues à celles de Léry, Lieurey, Lieure ; des étymologies celtiques, voire préceltiques et évoquant l’eau, voire son franchissement. Mais nous n’avons pas suffisamment d’occurrences anciennes du nom de Liéroult pour pouvoir infirmer ou affirmer quoi que ce soit. 

Plaque rappelant la loi et démontrant qu'on entre bien, à La Bidaudière, dans le département de Seine-Inférieure, aujourd'hui dite maritime (cliché de Frédéric Ménissier de mai 2021).

Plaque rappelant la loi et démontrant qu'on entre bien, à La Bidaudière, dans le département de Seine-Inférieure, aujourd'hui dite maritime (cliché de Frédéric Ménissier de mai 2021).

Saint-Pierre-de-Liéroult : un quartier-village singulier

Ce nom désigne un quartier actuel de la commune mais aussi une commune de l’Eure avant 1837… En effet, avec La Bidaudière, le petit centre autour de l’église Saint-Pierre était une commune euroise depuis 1790 donc. L’entrée de la vallée de l’Oison se trouvait donc dans le département voisin et, plus précisément, dans le canton de Pont-de-l’Arche. Il est amusant que saint Pierre, personnage qui détient les clés de l’entrée dans la vraie religion et donc au Paradis, ait été choisi pour patronner l’entrée de la vallée de l’Oison. Très symbolique aussi, un viaduc en brique ainsi qu’une imposante digue barrent la vallée depuis 1875. C’est depuis cette année qu’une ligne de chemin de fer relia Saint-Georges-Motel à Grand-Quevilly. Fermée depuis 1972, cette voie barre toujours la vallée et l’on passe de la ville à la campagne, ou inversement, par un petit tunnel routier franchi en quelques secondes. Le contraste est saisissant et fait de La Bidaudière comme la réserve rurale de Saint-Pierre-lès-Elbeuf ; réserve à laquelle on peut ajouter les bois alentour dont le petit conservatoire naturel sis aux Communaux, dans l’Eure. En effet, le long de la route de Saint-Didier, une ancienne marnière à ciel ouvert, devenue décharge sauvage, a été reconvertie dans les années 1990 par Michel Démares, président de l’ACL, en lieu de conservation naturel où l’on peut mirer, par exemple, la violette de Rouen, espèce endémique. 

Rencontre insolite sur la route de Saint-Didier-des-Bois, à quelques centaines de mètres de Saint-Pierre, non loin de la petite mais précieuse réserve naturelle initiée et entretenue par l'ACL (cliché de Frédéric Ménissier en mai 2021)..

Rencontre insolite sur la route de Saint-Didier-des-Bois, à quelques centaines de mètres de Saint-Pierre, non loin de la petite mais précieuse réserve naturelle initiée et entretenue par l'ACL (cliché de Frédéric Ménissier en mai 2021)..

Saint-Pierre-de-Liéroult, ses maisons à pans de bois et ses crêtes forestières : image d'une ruralité pas si lointaine imprimée sur une carte postale des années 1910.

Saint-Pierre-de-Liéroult, ses maisons à pans de bois et ses crêtes forestières : image d'une ruralité pas si lointaine imprimée sur une carte postale des années 1910.

1837 : Saint-Pierre-de-Liéroult change de département...

C’est encore Pierre Largesse qui nous permet d’étayer ce sujet administratif grâce à un article paru dans Le P’tit Pierrotin de juin 2010 consacré à “1857 : Naissance de Saint-Pierre-lès-Elbeuf”. Ce numéro fut édité par l’Association culture et loisirs de Saint-Pierre-lès-Elbeuf (ACL) et La Société d’histoire d’Elbeuf. L’auteur nous y apprend que dès le 7 mars 1791 les conseillers municipaux de Caudebec avaient alerté les administrateurs du district de Rouen de l'incohérence du projet de découpe territoriale par le législateur. En effet, selon eux puisque Saint-Pierre-de-Liéroult était contigu au Diguet, hameau de Caudebec, il devait donc se trouver en Seine-Inférieure, ancien nom de la Seine-Maritime. Selon eux, la paroisse de Saint-Pierre, avec ses 82 habitants, était enclavée et servait de repaire à des voyous. Ce n’est qu’à partir de 1836 que des consultations eurent lieu qui aboutirent sur le projet de loi présenté par le ministre de l’intérieur Montalivet, à la chambre des députés le 12 juin 1837  et qui entérina le changement de département. Il reste de cette commune son église paroissiale, quelques demeures et le nom de Saint-Pierre qui désigne depuis lors tous les hameaux alentour.

Sur cette carte d'état major disponible sur le site Géoportail se trouve un calque, légèrement en décalage, rappelant les limites administratives actuelles. Le document original porte en lui l'étonnant changement de département de rattachement de Saint-Pierre-de-Liéroult. En effet, les limites de cette ancienne commune sont marquées en bleu, limites départementales, au nord comme au sud où un trait a été épaissi...

Sur cette carte d'état major disponible sur le site Géoportail se trouve un calque, légèrement en décalage, rappelant les limites administratives actuelles. Le document original porte en lui l'étonnant changement de département de rattachement de Saint-Pierre-de-Liéroult. En effet, les limites de cette ancienne commune sont marquées en bleu, limites départementales, au nord comme au sud où un trait a été épaissi...

L’église paroissiale Saint-Pierre-de-Liéroult 

Réhabilitée en 1869 dans un style gothique, l’église a la particularité d’être tournée vers l’ouest alors que les édifices chrétiens sont orientés, c’est-à-dire tournés vers l’orient, l’est. On peut forger le symbole d’une ancienne église rurale bousculée dans son usage par son inclusion dans le tissu urbain ? En effet, un panneau informatif posé sur place, et repris dans Le P’tit Pierrotin n° 13, en 2013, nous apprend que c’est vers 1854 que l’église aurait été rebâtie en lieu et place d’un ancien édifice rural. C’est alors que son entrée fut percée côté est. Le plan reprend la forme d’une croix latine. L’édifice a des volumes harmonieux et se trouve entouré d’un bel espace en herbe avec quelques tombes nobiliaires du XIXe siècle, seuls rappels de l’ancien enclos paroissial. Le principal matériau de Saint-Pierre ‒ porche, église et sacristie ‒ est la brique rouge, traduisant bien son époque de construction. Les murs de l’église sont ornés par d’élégantes lignes de brique blanche formant, par contraste avec la brique rouge, des losanges et autres motifs géométriques. Quelques pierres de taille calcaire apportent des décorations gothiques sur le porche (colonnettes), l’encadrement de baies du clocher, des modillons en dessous des pans du toit et une rose au-dessus du chœur. L’intérieur est lumineux et sobre avec une voute plâtrée, une sorte d’élégant jubé en ferronnerie séparant symboliquement le transept du chœur. Surtout, on y retrouve un maitre-autel réputé provenir de l’ancienne abbaye de Bonport, à Pont-de-l’Arche ; abbaye vendue comme bien national à la Révolution et dont le mobilier liturgique fut partiellement récupéré par les paroisses avoisinantes. Ce maitre-autel semble dater du XVIIe siècle, comme la statue de Saint-Roch datée de 1630 et sensée avoir été taillée dans du poirier. Les lieux méritent une restauration, ce qui est en cours grâce aux passionnés d’”Urgences patrimoine” ayant déjà fait refaire les fonts baptismaux en 2018. Ils vont s’atteler au rafraichissement des peintures murales en arrière-plan du maitre-autel. Il est dommage que la statue de Saint-Roch et le maitre-autel ne soient pas connus de la conservation régionale des Monuments historiques. Ils seraient ainsi partiellement protégés ce qui pallierait, de plus, le fait que l’église Saint-Pierre est l’un des rares édifices religieux locaux à ne bénéficier d’aucune protection.  

L'église de Saint-Pierre-de-Liéroult sur une carte postale des années 1950 (photo Edeline).

L'église de Saint-Pierre-de-Liéroult sur une carte postale des années 1950 (photo Edeline).

Vues extérieures sur l'église Saint-Pierre-de-Liéroult par Frédéric Ménissier en mai 2021.Vues extérieures sur l'église Saint-Pierre-de-Liéroult par Frédéric Ménissier en mai 2021.Vues extérieures sur l'église Saint-Pierre-de-Liéroult par Frédéric Ménissier en mai 2021.
Vues extérieures sur l'église Saint-Pierre-de-Liéroult par Frédéric Ménissier en mai 2021.Vues extérieures sur l'église Saint-Pierre-de-Liéroult par Frédéric Ménissier en mai 2021.

Vues extérieures sur l'église Saint-Pierre-de-Liéroult par Frédéric Ménissier en mai 2021.

Vues intérieures sur l'église Saint-Pierre-de-Liéroult par Frédéric Ménissier en mai 2021.
Vues intérieures sur l'église Saint-Pierre-de-Liéroult par Frédéric Ménissier en mai 2021.Vues intérieures sur l'église Saint-Pierre-de-Liéroult par Frédéric Ménissier en mai 2021.Vues intérieures sur l'église Saint-Pierre-de-Liéroult par Frédéric Ménissier en mai 2021.

Vues intérieures sur l'église Saint-Pierre-de-Liéroult par Frédéric Ménissier en mai 2021.

Des traces d’anciens fiefs

Dans la plaine où ont été bâtis en quelques décennies des quartiers entiers demeurent des maisons à pans de bois et d’anciennes demeures nobiliaires ou bourgeoises. À La Haline se trouve le château du Parc et son domaine. Un plan terrier datant de 1776 est connu qui le représente. Il faisait partie de la paroisse de Caudebec et était alors la propriété du seigneur de Poutrincourt, possessionné à Martot. Ce château faisait partie d’une exploitation agricole dont il reste le vieux puits (inscrit aux Monuments historiques depuis le 14 avril 1930) et le pressoir à pommes dans sa grange. Quelque peu laissé à l’abandon, il revient à Michel Démares, président de l’ACL, de l’avoir remis au jour en 1987 ce qui a provoqué son acquisition par la municipalité en 1990. Celle-ci a fait restaurer le pressoir et son bâtiment où évolue depuis une partie de la vie associative de la commune. Des temps anciens, se lisent aussi les innombrables vestiges de puits qui ont été mis en valeur par l’ACL. Depuis, il est courant que Saint-Pierre-lès-Elbeuf soit nommée, par synecdoque, “la ville aux cent margelles”, ce qui est aussi une évocation de son récent passé rural. 

À la frontière avec Martot, c’est le nom d’un espace qui évoque le passé, révolu ce coup-ci : le bois Saint-Nicolas. Il indique la présence d’une ancienne chapelle détruite en 1896. Ancienne appartenance des moines du Bec-Hellouin, propriétaires de la ferme des Fiefs-Mancels, à Martot, cet édifice accueillait annuellement “l’assemblée Saint-Nicolas” où, début mai, venaient en particulier les filles voulant trouver un mari dans l’année. 

Le pressoir du Parc de la Haline d'après une phhotographie Pressoir à pommes du Liéroult. Touring club de France du Touring club de France estimée 1931 et 1938. et accessible sur la base POP du Ministère de la culture.

Le pressoir du Parc de la Haline d'après une phhotographie Pressoir à pommes du Liéroult. Touring club de France du Touring club de France estimée 1931 et 1938. et accessible sur la base POP du Ministère de la culture.

Le cœur de Saint-Louis ? 

Entre La Bretèque, Le Bout-de-la-ville, La Haline et Griolet, un point cardinal de la nouvelle commune de Saint-Pierre-lès-Elbeuf a été bâti face à un ancien “château” et autour de l’église Saint-Louis. Dans un pur et élégant style néogothique, cet édifice est sorti de terre entre 1852 et 1863 selon les plans de Jacques Eugène Barthélémy, architecte diocésain. Ce n’est qu’en 1875 que les cloches furent suspendues et bénies. Grâce à un terrain donné par Félix Gariel, sa construction commença à Caudebec et finit... à Saint-Pierre, la nouvelle commune ayant été créée en 1857. Cette construction témoigne de l’explosion démographique, les habitants des hameaux locaux désirant bénéficier d’un lieu de culte plus proche que la très belle mais lointaine église Notre-Dame de Caudebec. Depuis, Saint-Louis constitue un point central de la commune renforcé par l’implantation de la mairie et des écoles, vastes constructions très géométriques et harmonieuses qui témoignent du souci d’hygiène et de fonctionnalité du XIXe siècle. Saint-Louis préfigure et illustre, même modestement, ce que seront les villes nouvelles sorties des champs comme Val-de-Reuil. À n’en pas douter, si le cœur de Saint-Louis avait été plus développé et peuplé en 1857, la commune eût été baptisée Saint-Louis-lès-Elbeuf. Ce développement ne tarda pas. 

Vue aérienne des années 1960 éditée sur une carte postale. On  voit l'église Saint-Louis, espace central de la commune avec sa mairie à proximité. On y voit aussi le centre E. Leclerc, un des premiers supermarchés de la région qui s'est installé, vers 1987, à la sortie de la commune, vers Martot où il constitue une nouvelle centralité. Il est courant dans le langage contemporain de désigner l'hypermarché Leclerc par l'expression "aller à Saint-Pierre". Cet hypermarché a dénommé sa galerie : l'espace de l'Oison, ce qui renforce l'impression de centralité de ce lieu commercial où la voiture et le camion sont rois.

Vue aérienne des années 1960 éditée sur une carte postale. On voit l'église Saint-Louis, espace central de la commune avec sa mairie à proximité. On y voit aussi le centre E. Leclerc, un des premiers supermarchés de la région qui s'est installé, vers 1987, à la sortie de la commune, vers Martot où il constitue une nouvelle centralité. Il est courant dans le langage contemporain de désigner l'hypermarché Leclerc par l'expression "aller à Saint-Pierre". Cet hypermarché a dénommé sa galerie : l'espace de l'Oison, ce qui renforce l'impression de centralité de ce lieu commercial où la voiture et le camion sont rois.

Symbole du changement de périodes, la riche demeure en brique de 1910 qui accueille la mairie a été agrandie et maquillée en style néonormand se revendiquant mais rompant avec la tradition. Symbole du changement de périodes, la riche demeure en brique de 1910 qui accueille la mairie a été agrandie et maquillée en style néonormand se revendiquant mais rompant avec la tradition.

Symbole du changement de périodes, la riche demeure en brique de 1910 qui accueille la mairie a été agrandie et maquillée en style néonormand se revendiquant mais rompant avec la tradition.

La Révolution industrielle autour des moulins

La Révolution industrielle n’a pas englobé Saint-Pierre-de-Liéroult et les hameaux caudebécais selon un front d’urbanisation partant d’Elbeuf et progressant décennie après décennie vers l’est. Non, on voit sur une photographie aérienne des années 1950, disponible sur le site Géoportail, qu’il n’y avait pas encore de jonction entre Caudebec et Saint-Pierre. L’urbanisation s’est faite à partir des hameaux existants qui se sont peu à peu rejoints, limitant de plus en plus les parcelles dévolues à la culture ou l’élevage. C’est ce qu’on peut mesurer grâce à la base POP du patrimoine proposée par le Ministère de la culture. Une série de photographies montre des plans des moulins situés le long de l’Oison au milieu du XIXe siècle. Ces plans sont issus des collections des archives de Seine-Maritime et ont été étudiés et commentés par Emmanuelle Le Roy-Real, par ailleurs auteure de Elbeuf, ville drapière, publié en 1994. Celle-ci met en évidence le passage de la force hydraulique traditionnellement apportée par l’Oison à l’énergie thermique créée par le moteur à vapeur. Dans la description du moulin à blé Heullant, elle nous apprend que les eaux de l’Oison étaient insuffisantes (souvent ou parfois ?) et qu’un bassin d’accumulation de ses eaux était nécessaire. En ouvrant des vannes, l’eau apportait l’énergie suffisante à l’alimentation du moulin. C’est en 1877 que l'énergie thermique commença à alimenter le moulin qui cessa “toute activité à la fin du XIXe siècle. Il ne subsiste aujourd'hui que des vestiges.” Un autre plan localise l'usine Maille, sur la rivière d'Oison, vers 1850. Situé au 57, rue Gravetel, cet ancien moulin à blé devint une filature, spécialité elbeuvienne s’il en est. 

Plans de moulins de Saint-Pierre issus des collections des archives de Seine-Maritime (et accessibles sur la base POP du Ministère de la culture). Ils ont été étudiés et commentés par Emmanuelle Le Roy-Real, par ailleurs auteure de Elbeuf, ville drapière, publié en 1994.Plans de moulins de Saint-Pierre issus des collections des archives de Seine-Maritime (et accessibles sur la base POP du Ministère de la culture). Ils ont été étudiés et commentés par Emmanuelle Le Roy-Real, par ailleurs auteure de Elbeuf, ville drapière, publié en 1994.Plans de moulins de Saint-Pierre issus des collections des archives de Seine-Maritime (et accessibles sur la base POP du Ministère de la culture). Ils ont été étudiés et commentés par Emmanuelle Le Roy-Real, par ailleurs auteure de Elbeuf, ville drapière, publié en 1994.

Plans de moulins de Saint-Pierre issus des collections des archives de Seine-Maritime (et accessibles sur la base POP du Ministère de la culture). Ils ont été étudiés et commentés par Emmanuelle Le Roy-Real, par ailleurs auteure de Elbeuf, ville drapière, publié en 1994.

Preuves de l'industrialisation galopante de Saint-Pierre et de l'agglomération elbeuvienne, ces bâtiments en brique qui structurent les rues pierrotines. Ces vues sont disponibles sur la base POP du Ministère de la culture. La première vue date de 1993 et est signée de Christophe Kollmann. Elle montre la filature de laine Saint-Louis. Il s'agit de l'atelier de fabrication ouest, rue de la Villette. La deuxième vue montre l'atelier de tissage de laine construit vers 1850 et attribué, ensuite, à Georges Rivette en 1880. L'édifice est actuellement reconverti en maison. Cette vue semble provenir d'Emmanuelle Leroy-Real et date de 1993. La troisième vue montre la filature de laine des établissements Blin et Blin. Elle est signée de Denis Couchaux et doit aussi dater de 1993.
Preuves de l'industrialisation galopante de Saint-Pierre et de l'agglomération elbeuvienne, ces bâtiments en brique qui structurent les rues pierrotines. Ces vues sont disponibles sur la base POP du Ministère de la culture. La première vue date de 1993 et est signée de Christophe Kollmann. Elle montre la filature de laine Saint-Louis. Il s'agit de l'atelier de fabrication ouest, rue de la Villette. La deuxième vue montre l'atelier de tissage de laine construit vers 1850 et attribué, ensuite, à Georges Rivette en 1880. L'édifice est actuellement reconverti en maison. Cette vue semble provenir d'Emmanuelle Leroy-Real et date de 1993. La troisième vue montre la filature de laine des établissements Blin et Blin. Elle est signée de Denis Couchaux et doit aussi dater de 1993.
Preuves de l'industrialisation galopante de Saint-Pierre et de l'agglomération elbeuvienne, ces bâtiments en brique qui structurent les rues pierrotines. Ces vues sont disponibles sur la base POP du Ministère de la culture. La première vue date de 1993 et est signée de Christophe Kollmann. Elle montre la filature de laine Saint-Louis. Il s'agit de l'atelier de fabrication ouest, rue de la Villette. La deuxième vue montre l'atelier de tissage de laine construit vers 1850 et attribué, ensuite, à Georges Rivette en 1880. L'édifice est actuellement reconverti en maison. Cette vue semble provenir d'Emmanuelle Leroy-Real et date de 1993. La troisième vue montre la filature de laine des établissements Blin et Blin. Elle est signée de Denis Couchaux et doit aussi dater de 1993.

Preuves de l'industrialisation galopante de Saint-Pierre et de l'agglomération elbeuvienne, ces bâtiments en brique qui structurent les rues pierrotines. Ces vues sont disponibles sur la base POP du Ministère de la culture. La première vue date de 1993 et est signée de Christophe Kollmann. Elle montre la filature de laine Saint-Louis. Il s'agit de l'atelier de fabrication ouest, rue de la Villette. La deuxième vue montre l'atelier de tissage de laine construit vers 1850 et attribué, ensuite, à Georges Rivette en 1880. L'édifice est actuellement reconverti en maison. Cette vue semble provenir d'Emmanuelle Leroy-Real et date de 1993. La troisième vue montre la filature de laine des établissements Blin et Blin. Elle est signée de Denis Couchaux et doit aussi dater de 1993.

L’urbanisation qui découvre les sols ?...

Quel paradoxe ! L’urbanisation désigne l’expansion de la ville et donc le recouvrement des sols. Mais pour alimenter en brique les vastes constructions du XIXe siècle, il a fallu trouver de l’argile. Un vaste filon a été exploité à contremont de Saint-Pierre-de-Liéroult où s’est établie la briqueterie de P.-J. Chedeville. Située dans la rue du Mont-Énot et remplacée depuis par la société Witco, cette briquèterie, si elle a bouleversé le sol par endroit, a permis de mettre au jour des sols anciens aujourd’hui situés près du parking de Witco. Le fait principal semble être l’étude de 1968 où Guy Verron, directeur des Antiquités de Normandie, fit dégager une falaise de 19 mètres de hauteur depuis l’ancienne plaine alluviale au sol actuel. Cette falaise a montré des strates remarquablement conservées qui ont servi d’échelle aux géologues afin de dater et caractériser divers sédiments de l’Europe du nord-ouest. Saint-Pierre est depuis une référence internationale, un stratotype, et l’on utilise l’échelle géologique d’Elbeuf I, II, III et IV pour dater diverses découvertes.

Diverses cartes postales illustrées des années 1910 montrant le quartier de la briquèterie P.-J. Chedeville et ses terres retournées.
Diverses cartes postales illustrées des années 1910 montrant le quartier de la briquèterie P.-J. Chedeville et ses terres retournées. Diverses cartes postales illustrées des années 1910 montrant le quartier de la briquèterie P.-J. Chedeville et ses terres retournées. Diverses cartes postales illustrées des années 1910 montrant le quartier de la briquèterie P.-J. Chedeville et ses terres retournées.

Diverses cartes postales illustrées des années 1910 montrant le quartier de la briquèterie P.-J. Chedeville et ses terres retournées.

 

L’originalité géologique du site de Saint-Pierre

Avec un grand souci de vulgarisation scientifique, Jérôme Tabouelle est l’auteur d’un article relatant les découvertes saint-pierraises intitulé “Géologie, paléontologie et préhistoire de Saint-­Pierre-­lès­-Elbeuf”. Il fut publié dans Le p’tit Pierrotin n° 13, en 2013. Nous en faisons ici un résumé libre. Les plaques continentales bougent à la surface du globe. Le continent africain glisse vers le nord. Il repousse l’Espagne et l’Italie et crée ainsi les Pyrénées et les Alpes. Ces massifs montagneux font aussi pression sur les masses de terre plus au nord et c’est ainsi que le Bassin parisien a repris un peu d’altitude. Il a 2,8 millions d’années, le Bassin parisien a émergé de l’océan. Les eaux de pluie ont donc coulé sur ce friable bassin calcaire et la Seine a commencé à y creuser son lit, d’abord large et peu profond. Durant le quaternaire, vers 2,6 millions d’années, des variations climatiques alternant entre des glaciations et des réchauffements ont fortement érodé les sols. Lorsque les glaciers fondaient, ils déposaient les sédiments, qu’ils avaient charriés, appelés depuis les limons des plateaux et engendraient un puissant débit d’eau qui entaillait profondément le lit des rivières et donc de la Seine. C’est ainsi que le lit de la Seine s’est déplacé vers ses parties les plus profondes, créant des méandres. Certains méandres se sont asséchés car la vallée a encore été creusée. Cela a créé des terrasses alluviales, surélevées entre le plateau et le fond de la vallée. Les limons déposés ont à leur tour été érodés par les vents puissants. Les particules les plus fines ont été déplacées et se sont entassées ailleurs. On les appelle les loess. Ceux-ci ont été particulièrement piégés à Saint-Pierre où un méandre de Seine s’était formé, puis asséché.  

 

Le tuf de Saint-Pierre

La meilleure description du tuf pierrotin se trouve, à notre connaissance, dans l’article collectif dirigé par Dominique Cliquet et Jean‑Pierre Lautridou, “La séquence loessique de Saint‑Pierre‑lès‑Elbeuf, (Normandie, France) : nouvelles données archéologiques, géochronologiques et paléontologiques”, paru dans la revue Quaternaire en 2009 (vol. 20/3, pages 321-343). Le tuf pierrotin a été découvert “il y a un siècle” par P.-J. Chédeville propriétaire des briqueteries de Saint-Pierre. Cette pierre calcaire est vacuolaire, c’est-à-dire qu’elle présente des cavités. Elle a été très prisée afin de fournir du matériau aux constructions. Cette présence étant connue, par effet cliquet le site saint-pierrais a été plusieurs fois étudié ; surtout en 1968 par Guy Verron et Dominique Cliquet. Il présente une singularité : sa faune à mollusques. Sous 17 mètres de loess, le tuf de Saint-Pierre recelait 60 espèces de mollusques fossiles, “dont 47 terrestres incluant 29 forestiers”. Ces espèces sont variées. Certaines sont océaniques et présentent des analogies avec des espèces lusitaniennes et canaries. Elles permettent dans l’ensemble de dater le filon à près de 400 000 ans avant notre ère. Elles témoignent, le plus souvent, d’un âge interglaciaire et terrestre où une forêt très humide prédominait en ce lieu où confluaient la Seine et l’Oison. On peut concevoir une petite plage, une rive, régulièrement inondée située à une trentaine de mètres au-dessus du niveau actuel de la Seine. De l’eau, du bois, des animaux... ce lieu était propice aux activités humaines. 

 

Une présence humaine au paléolithique (- 350 000 ans) !

La meilleure source d’information, à notre connaissance, sur ce sujet est l’article de Dominique Cliquet et Jean-Pierre Lautridou, “Une occupation de bord de berge il y a environ 350 000 ans à Saint-Pierre-lès-Elbeuf (Seine-Maritime)”, publié dans la revue Haute-Normandie Archéologique, n° 11, fascicule 2, en 2006. C’est en voulant compléter l’étude du tuf pierrotin en 2004 que furent mis au jour, dans la strate supérieure, des silex taillés. Il est vrai que des silex avaient été découverts, de temps à autre, depuis la fin du XIXe siècle. Mais pour la première fois une campagne de fouille fut organisée qui démarra en 2005. Celle-ci fut riche en enseignements car le site a été bien conservé malgré les activités de la briquèterie. Les auteurs affirmèrent qu’il s’agit du plus ancien site de peuplement “connu à ce jour en Normandie”, ce qui lui “confère une valeur toute particulière”. Datée de 350 000 ans avant notre ère, une activité de débitage du silex et même un peu de façonnage a été attestée grâce aux 3 400 objets mis au jour. Parmi ces objets, aucun fossile humain n’a été retrouvé, contrairement au très proche site de La Fosse-Marmitaine, connu pour “l'homme de Tourville-la-Rivière”, c’est-à-dire trois restes de bras datés entre 236 000 à 183 000 avant Jésus-Christ. À Saint-Pierre ont été retrouvés trois fragments osseux de grand herbivore. Déjà à la fin du XIXe siècle avaient été retrouvés des restes de marmottes. Quoi qu’il en soit, le site regorge de preuves de la présence humaine au confluent de la Seine et de l’Oison.  

Enfin, nous empruntons de nouveau à la plume de Jérôme Tabouelle des éléments permettant de comprendre le site archéologique de Saint-Pierre et son intérêt. L’auteur expose que le paléolithique désigne la longue période débutée avec la première pierre taillée par l’homme. Elle commence il y a 2,8 millions d’années et constitue la première et plus longue période de la Préhistoire. Les plus anciens outils retrouvés en Normandie sont attribués à “Homo erectus” dont la présence est prouvée en “Europe septentrionale entre 450 000 et 150 000 ans. Ces outils, âgés de 120 000 à 350 000 ans, datent de la fin du Paléolithique inférieur, une période appelée acheuléen. Cette période est celle de l’homme chasseur.” En effet, l’homme suit alors les troupeaux et doit d’adapter aux lieux ainsi qu’au climats variés. L'homme pratique aussi ses premières inhumations avec offrandes. Les vestiges de cette époque sont rares. Ils deviennent plus nombreux à partir de 120 000 ans avant notre ère. Le site de Saint-Pierre correspond donc à une période lacunaire dans nos connaissances. 

 

 

Armand Launay

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6 avril 2021 2 06 /04 /avril /2021 08:26
L'Eure à Martot en aout 2010 par Armand Launay.

L'Eure à Martot en aout 2010 par Armand Launay.

 

Martot, commune euroise de 531 habitants en 2018, offre des paysages variés depuis le bord de Seine, à 4 mètres d’altitude, jusqu’à l’orée de la forêt de Bord, sur le plateau du Neubourg, à La Vallée de la Corbillière et ses 126 mètres de hauteur. Une pittoresque route y conduit, sur le plat de la plaine alluviale, en passant par le hameau de Martot, le domaine du château, Martot à proprement parler puis près du manoir des Fiefs-Mancels et enfin, par la côte forestière vers La Vallée. Cette route date vraisemblablement des grands aménagements routiers du Second empire. Ici, à l’orée du bois, se trouve le manoir des Fiefs-Mancels, à l’entrée du Val-Asselin montant, en pente douce, vers Tostes. Un chemin offrait ici une voie aux gens du Vaudreuil allant à Rouen par les pentes douces du Ravin d’Incarville et du Val-Asselin, traversant Tostes. Le Val-Asselin offrait aussi une voie vers La Vallée et le plateau du Neubourg. Autre chemin, non négligeable, celui du Becquet entre Pont-de-l’Arche et Saint-Pierre-lès-Elbeuf. Celui-ci longeait l’orée actuelle de la forêt et semble avoir réuni des fermes-hameaux disparus à Saint-Martin de Maresdans, Gaubourg, Le Catelier et Saint-Nicolas (visible sur la carte de Cassini du XVIIIe siècle). 

Martot est un village-rue constitué de deux hameaux séparés par le vide relatif du parc du château. Ce vide est occupé depuis partiellement par la route entre Pont-de-l’Arche et Elbeuf. Il est possible que le hameau de Martot, plus près de l’eau, soit plus récent et qu’il ait été érigé quand les eaux de Seine ont décru et ce afin de constituer un petit port, des maisons de pêcheurs, voire de passeurs. En effet, les courbes de niveau de la carte topographique montrent que le cœur de village se situe à plus de 10 mètres d’altitude, comme Criquebeuf, alors que les terres plus proches de la Seine se trouvent à moins de 10 mètres, comme Quatre-âge. Il est probable en effet qu’avec les défrichements du néolithique, c’est-à-dire la période où débuta la culture et la sédentarisation, les eaux de Seine se soient chargées d’alluvions qui ont comblé partiellement les bras morts, voire les bras secondaires du fleuve.  

 

Détails du plan cadastral de la commune montrant Martot (Archives de l'Eure. Section B. Cote 3PL/736/3) et le hameau de Martot (Section A : cote 3PL/736/2). Détails du plan cadastral de la commune montrant Martot (Archives de l'Eure. Section B. Cote 3PL/736/3) et le hameau de Martot (Section A : cote 3PL/736/2).

Détails du plan cadastral de la commune montrant Martot (Archives de l'Eure. Section B. Cote 3PL/736/3) et le hameau de Martot (Section A : cote 3PL/736/2).

Comparaison de l'utilisation des sols à Martot et Criquebeuf-sur-Seine grâce à deux captures d'écran du site Géoportail : l'une de la vue de 2018 et l'autre de la vue des années 1950. Carrières et remembrements des parcelles ont largement défiguré le paysage.
Comparaison de l'utilisation des sols à Martot et Criquebeuf-sur-Seine grâce à deux captures d'écran du site Géoportail : l'une de la vue de 2018 et l'autre de la vue des années 1950. Carrières et remembrements des parcelles ont largement défiguré le paysage.

Comparaison de l'utilisation des sols à Martot et Criquebeuf-sur-Seine grâce à deux captures d'écran du site Géoportail : l'une de la vue de 2018 et l'autre de la vue des années 1950. Carrières et remembrements des parcelles ont largement défiguré le paysage.

Une partie des terres martotaises est proche du niveau de l'eau, surtout avant les travaux des années 1930. C'est ce qui démontre cette carte postale illustrant la crue de 1910 (Archives de l'Eure. Cote 8 Fi 394-10).

Une partie des terres martotaises est proche du niveau de l'eau, surtout avant les travaux des années 1930. C'est ce qui démontre cette carte postale illustrant la crue de 1910 (Archives de l'Eure. Cote 8 Fi 394-10).

 

Gaulois, Gallo-romains et Francs anciens

Le sol martotais est riche en matériel archéologique. En 1920, Léon Coutil publia un article intitulé “Les cinq cimetières gaulois de l'embouchure de l'Eure et de l'Andelle dans la Seine, près de Pont-de-l'Arche” dans le Bulletin de la Société préhistorique française. Il cita le “Fort d’Orléans”, que nous ne localisons pas, où trois bracelets de 9 centimètres de diamètre “ornés de grosses perles accolées avec un gros fermoir” furent mis au jour. Déposés au musée de Louviers, l’auteur estime qu’ils datent de 500 ans avant Jésus-Christ, au minimum.  

En 1871, dans le tome II du Bulletin de la Commission des antiquités de la Seine-Maritime, Jude Gosselin publia, sous la houlette de l’abbé Cochet, un article sur les fouilles de “villas romaines” en forêt de Bord, réalisées en 1870 semble-t-il près de la mare Blondel, à la limite entre Martot et La Haye-Malherbe. À partir de la page 53, il localisa ces découvertes sur la Butte des vieilles maisons, à l’ouest de La Vallée et le long de l’ancienne route d’Elbeuf, à Louviers (la Sente aux moines). L’auteur fit état d’une belle construction, de 7 à 8 pièces chauffées par hypocauste, avec appareillage en silex, des peintures vives sur les bases de murs, un dallage en pierre calcaire... Des carreaux en terre cuite et cent piliers servant à l’hypocauste furent aussi découverts. L’abbé Cochet précisa dans le même document, page 126, que les vestiges d’os taillés laissent entendre qu’un atelier d’osserie gallo-romain existait en ce lieu. À la page 208, on apprend que les fouilles ont révélé deux fondations d’édifices scrupuleusement dessinées par l’agent-voyer du canton d’Elbeuf : M. Taillefesse. Outre les os taillés, des morceaux de vitres, des pots en terre et verre et divers objets ont été découverts et donnés au musée départemental de Seine-Maritime [sic].

Près du Camp Méquin de Tostes, mais dans la forêt de Bord à Martot, se trouvent aussi des vestiges, semble-t-il gallo-romains. Victor Quesné et Léon Vesly les mentionnent, de manière très imprécise, dans le Bulletin archéologique du Comité des travaux historiques et scientifiques de 1892, page XLVIII, où ils évoquent 15 tertres analogues à ceux fouillés aux Vieilles maisons en 1870 mais sans qu’ils aient été fouillés. Ils en déduisirent qu’une station romaine existait en ce lieu sur deux kilomètres. Après tout, ce rebord du plateau devait être propice à des activités paysannes variées. Il semble que ces villas aient été peu à peu délaissées et que la constitution de la forêt royale, au Moyen Âge, les ait condamnées à laisser place au bois. 

 

Plan des fouilles de 1870 par l'agent-voyer Taillefesse.
Plan des fouilles de 1870 par l'agent-voyer Taillefesse. Plan des fouilles de 1870 par l'agent-voyer Taillefesse.

Plan des fouilles de 1870 par l'agent-voyer Taillefesse.

 

Martot, un nom frappant ? 

Le toponyme Martot est singulier, si l’on excepte un lieu-dit à Montpouillan, dans le Lot-et-Garonne. Il semble acquis que ce nom est norrois, c’est-à-dire scandinave. L’hypothèse habituelle avance que “mar” désignerait la mare (il est aussi son étymon) et tot viendrait de “topt”, désignant une ferme, une habitation. Martot fait partie d’un espace de colonisation scandinave dense, comme l’attestent les nombreux noms de lieux purement norrois de la proche région : Elbeuf, Caudebec, Criquebeuf, Marbeuf… Mais cette étymologie nous laisse dubitatif : le mot mare est un suffixe dans la quasi-intégralité des noms de lieux, sauf à Martot et, non loin, Marbeuf. De plus, pourquoi n’y aurait-il pas plus de mares et donc de toponymes en mare, surtout en Normandie ? Le radical “mar” ne serait-il pas une déformation du nom d’un homme ? En effet, selon certaines sources “mar” signifierait “célèbre”. Peut-être qu’un homme était à la fois seigneur à Martot et à Marbeuf ? Et pourquoi pas ? À Marbeuf se trouvait un prieuré qui dépendait de l’abbaye du Bec comme, justement, un important fief de Martot. Un ancien seigneur a-t-il cédé ses terres à cette abbaye ?  

 

L’abbaye du Bec-Hellouin et les Fiefs-Mancels

MM. Charpillon et Caresme nous apprennent, dans l’article consacré à Martot de leur imposant Dictionnaire historique de toutes les communes de l’Eure, tome II, que des Martotais firent des dons à l’abbaye du Bec-Hellouin : “Vers 1060, Ascelin, fils de Roger, donna au Bec, avec l’agrément de Hugues du Martot son suzerain, ce qu’il avait sur Martot.” Le nom d’Ascelin pourrait bien avoir été donné par la population au Val-Asselin qui descend depuis Tostes aux Fiefs-Mancels. On apprend aussi, dans le Dictionnaire historique, qu’au XIIe siècle les moines avaient un manoir à Martot, sûrement celui des Fiefs-Mancels. Il leur fut donné par Hugues de Montfort au XIe siècle. Est-ce le même “Hugues de Martot” ? Il est probable que la parcelle dénommée Le Catelier, dans la commune de Criquebeuf-sur-Seine, ait conservé l’ancien nom de ce manoir. En effet, un catelier désigne un châtelet en normand. Puis, cet espace a sûrement pris le nom du lieu auquel il donnait accès : le Catelier, tout comme un proche espace criquebeuvien s’appelle toujours les Fiefs-Mancels, nom du manoir situé à Martot. La base Mérimée recensant une partie du patrimoine français mentionne une chapelle Saint-Nicolas, propriété du Bec, bâtie peut-être au XIe siècle et qui fut rasée au XIXe siècle. C’est assurément le site Saint-Nicolas répertorié sur la carte de Cassini, donc proche de la paroisse de Saint-Pierre-lès-Elbeuf. Les moines du Bec possédaient aussi des droits de navigation depuis Pont-de-l’Arche. Qu’y faisaient-ils transiter ? La réponse se trouve, en partie, dans une charte de 1264 par laquelle Nicolas Tronches vendit au cellérier du Bec une maison dans cette paroisse de Martot. Ils y conservaient des biens, notamment des vins provenant d’Ile-de-France, sûrement avant de les acheminer, à moindre taxe, par le Roumois, vers leur abbaye. La toponymie martotaise se fait encore sûrement l’écho de ce temps par l’expression de “Clos du Bec”, sur les berges de la Seine. Il semble que les moines avaient vendu tous leurs biens de ce lieu au XVIe siècle, d’après MM. Charpillon et Caresme. Les auteurs ne font état, à partir de ce siècle, que de deux fiefs tenus par des nobles “prenant à la fois le titre de seigneur de Martot”. Les sièges de ces domaines sont donc les Fiefs-Mancels et le château du centre-village. 

 

Le Clos du Bec, sur le rivage, est un nom du cadastre qui témoigne de l'ancienne présence des moines de l'abbaye du Bec-Hellouin à Martot (Archives de l'Eure. Section A : cote 3PL/736/2).

Le Clos du Bec, sur le rivage, est un nom du cadastre qui témoigne de l'ancienne présence des moines de l'abbaye du Bec-Hellouin à Martot (Archives de l'Eure. Section A : cote 3PL/736/2).

 

Le château

Il s’agit d’un édifice de style classique, symétrique, construit en 1734 pour Nicolas Alexandre Lucas, seigneur de Boucourt. Il remplace assurément un précédent édifice sur lequel nous ne savons rien. Il comporte un étage carré et un étage de comble. Il est couvert d’un toit à longs pans brisés (mansardes) couvert d’ardoise. Le matériau utilisé est le calcaire, couvert d’un revêtement qui lisse les murs blancs. Deux ailes antérieures encadrent le corps principal. L’entrée de celui-ci est couronnée par un fronton avec quelques courbes évoquant le baroque et contrastant avec les lignes droites du reste de l’édifice. Le château fut ensuite la propriété du marquis de Poutrincourt avant d’être acheté en 1835 par Alexandre Grandin de l'Éprevier qui fit bâtir, en sus, un élégant petit théâtre dans le parc, afin de servir d’auditorium. Après guerre, le château servit de pensionnat pour la Caisse d’allocations familiales de Paris puis, à partir de 1977, il accueillit un hôpital pour personnes âgées et, à partir de 1999, il servit de siège à l’intercommunalité Seine-Bord, intégrée en 2013 dans l’agglomération Seine-Eure qui se sert du château comme lieu de réception et salle de location.  

 

Le château de Martot, côté sud, sur une carte postale illustrée des années 1950. Cette beauté classique demandait alors une restauration.

Le château de Martot, côté sud, sur une carte postale illustrée des années 1950. Cette beauté classique demandait alors une restauration.

 

Les églises

L’église paroisse est dédiée à Saint-Aignan. Tout un espace de la commune, au sud du centre-village, porte ce nom. Il doit s’agir de terres qui appartinssent à la paroisse, longtemps patronnée par les moines du Bec. Elle fut construite en “1857 pour monsieur Grandin de l'Éprevier, afin de remplacer l'ancienne église paroissiale, devenue chapelle du château”, nous apprend la fiche Mérimée du Ministère de la culture. On retrouve, en effet, dans le parc du château, non loin de la route, une chapelle baroque du XVIIe siècle, semble-t-il. L’église Saint-Aignan dédommage donc les habitants de la privatisation de l’église ancestrale qu’ils n’avaient pas souhaitée, par Alexandre Grandin de l'Éprevier qui était aussi maire de la commune. Elle est bâtie avec des matériaux de son temps : le calcaire en remplissage et la brique en chainage. Elle se compose d’un vaisseau allongé, d’une toiture à longs pans couronnée, au niveau de la façade est par un clocher en flèche polygonale, le tout couvert d’ardoise. L’édifice brille par la blancheur du calcaire et le contraste avec la sombreur de l’ardoise. Il est élégant bien que le transept et le chœur rompent un peu l’harmonie d’ensemble du fait de leurs dimensions plus réduites que celles de la nef. L’église n’est pas classée par le conservatoire régional des Monuments historiques. Le clou du patrimoine de Martot est une peinture à l'huile, sur bois, datant de 1604. Elle représente la Résurrection du Christ et fut inscrite au titre d’objet le 4 février 2003.

 

 

L’histoire contemporaine de Martot a été étudiée par Jean-Paul Combes, adjoint au maire, dans un ouvrage intitulé Histoire de la commune de Martot avec pour sous titre, très indicatif, “à partir des décisions et évènements relatés dans les délibérations du Conseil municipal, arrêtés du maire et courriers de 1790 à 2018.” L’auteur a complété ses travaux en publiant aussi Reproduction des récits de M. Deboos Maurice, conseiller municipal de 1945 à 1959 et maire de 1959 à 1983. Ces ouvrages ont été publiés sur le site de la mairie martot.fr qui est l’un des sites Internet les plus riches en histoire parmi les communes de la région. On appréciera donc la volonté de partage de l’auteur et son souci de diffusion gratuite de la culture.   

 

Nous terminerons notre brève étude en renvoyant les lecteurs vers un de nos articles expliquant pourquoi le confluent de l’Eure et de la Seine a été reporté à Saint-Pierre-lès-Elbeuf, dans les années 1930, et a nécessité la construction d’un barrage à Martot. Il s’intitule : “La Seine du fleuve sauvage au chenal commercial : regard d’ensemble sur la région de Pont-de-l’Arche de la Révolution à nos jours”. 

 

Carte postale illustrée des années 1950 (Archives de l'Eure. Cote : 8 Fi 394-11).

Carte postale illustrée des années 1950 (Archives de l'Eure. Cote : 8 Fi 394-11).


Martot nous invite à la balade et nous serons épuisés avant que les richesses et mystères de cette commune ne le soient ! 

 

Armand Launay

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3 mai 2019 5 03 /05 /mai /2019 14:04

 

Entre 1934 et 1935 le confluent de l’Eure et de la Seine a été reporté en aval, à Martot… L’Eure a gagné plus de 10 km et a atteint les 228,7 km de longueur qu’on lui connait de nos jours. Quelle est la raison de ce changement de lieu ?

 

Dans les années 1930, d’immenses travaux de chenalage ont eu lieu. Le chenalage désigne l’aménagement d’une voie navigable, un peu à la manière d’un canal. C’est ce qui explique pourquoi les berges de la Seine sont depuis rectilignes et, souvent, endiguées. Pour réaliser cela, le service de la navigation a déterminé quel serait le cours principal de la Seine. Le bras majeur du fleuve a été choisi. Les bras secondaires étaient donc inutiles, voire nuisibles, car ils alimentaient en alluvions le cours principal et détournaient des eaux, baissant la profondeur du cours principal. Il fallait les supprimer.

C’est pourquoi les iles de Seine ont été rassemblées de manière à bâtir une sorte de digue sud au cours principal de la Seine. Elles ont été rassemblées grâce aux terres issues du dragage du lit de la Seine. Tout l’espace en face de la place du village des Damps a été comblé en 1934. Les bras entre les iles ont été comblés de manière de ne laisser que la péninsule Saint-Pierre qui arrive, depuis, jusqu’au pont de Pont-de-l’Arche. Les iles situées en amont, vers Poses, ont été rattachées à la péninsule de la Garenne. On voit toujours quelques saules têtards qui marquent les emplacements des anciens bras, en direction du pont ferroviaire du Manoir. On utilise toujours les noms des anciennes iles, notamment quand on parle des "jardins ouvriers" ou "familiaux" de Rouville, du nom de l'ancienne ile de la commune d'Alizay mais situé sur la rive gauche de la Seine.

Le petit port des Damps, situé sur la place du village, fut coupé de la Seine. Pour pallier cela, la mairie des Damps fit bâtir un petit pont sur l’Eure, en aout 1935. Grâce à cela, les camions chargés de bois de la forêt de Bord pouvaient aller sur la berge de Seine où attendaient les péniches pour le chargement. Cependant, le transport routier prit bientôt le relai du transport fluvial et le chemin longeant les berges de Seine devint une décharge sauvage jusque dans les années 1980 où il fut nettoyé.

Quant au bac des Damps, petit service qui reliait la place du village à la péninsule de la Garenne, il est devenu parfaitement inutile avec la création du petit pont en 1935.

 

Tous ces travaux ne suffirent pas : il fallut maintenir le niveau des eaux de l’Eure à Martot, de manière à ce que la rivière ne soit pas asséchée. En effet, le cours principal de la Seine fut approfondi. Ceci afin de rendre inutile le barrage de Martot et donc de démolir. Par conséquent, depuis ce temps les eaux de l’Eure se déversent très rapidement dans le cours de la Seine si rien ne leur barre le passage. C’est la raison pour laquelle un petit barrage sur l’Eure fut bâti à Martot. Il a été remplacé en 2017 par une passe qui maintient toujours un niveau minimum des eaux mais qui accélère un peu le courant de manière à ce qu’il évacue de lui-même la vase. De même, il permet aux poissons de remonter le courant. Ce n’est pas tout, un déversoir fut créé à Pont-de-l’Arche en 1935 de manière à évacuer le surplus d’eau et donc de décharger le barrage de Martot.

 

Comment interpréter les documents et des cartes postales anciennes ?

Cartes postale illustrée des Damps. Cette photographie fut prise vers 1920 depuis un étage de la Gentilhommière, vraisemblablement. Au premier plan se trouve l'ancien confluent, face à la place du village. A l'arrière plan on aperçoit le pont ferroviaire du Manoir ce qui prouve bien que le bras principal est celui de la Seine. A gauche, se trouve une ile de Seine. A droite, se trouve la pointe de la Garenne, dernière séparation entre l'Eure et la Seine.

Cartes postale illustrée des Damps. Cette photographie fut prise vers 1920 depuis un étage de la Gentilhommière, vraisemblablement. Au premier plan se trouve l'ancien confluent, face à la place du village. A l'arrière plan on aperçoit le pont ferroviaire du Manoir ce qui prouve bien que le bras principal est celui de la Seine. A gauche, se trouve une ile de Seine. A droite, se trouve la pointe de la Garenne, dernière séparation entre l'Eure et la Seine.

La place du village des Damps sur une carte postale illustrée des années 1910. Deux cafés-épiceries servaient la population dampsoise et les gens de passage prenant, notamment, le bac entre Poses et Les Damps. Le bac est bien visible ici. Son débarcadère en terre est toujours visible de nos jours en amont du petit pont qui fut bâti en 1935.

La place du village des Damps sur une carte postale illustrée des années 1910. Deux cafés-épiceries servaient la population dampsoise et les gens de passage prenant, notamment, le bac entre Poses et Les Damps. Le bac est bien visible ici. Son débarcadère en terre est toujours visible de nos jours en amont du petit pont qui fut bâti en 1935.

Carte postale illustrée des Damps. La photographie fut prise depuis les hauteurs de l'espace anciennement appelé "le Clos". On y voit, en bas à droite, une première maison, située avant la ferme de la Côte. Le premier cours d'eau est l'Eure, toujours située en ce lieu. Plus loin, un deuxième cours d'eau est visible. Il s'agit d'un ancien bras de Seine de Poses aux Damps entre la Garenne et l'ile de Rouville. Il a été comblé en 1934. Le troisième cours d'eau, au fond, est le bras principal de la Seine.

Carte postale illustrée des Damps. La photographie fut prise depuis les hauteurs de l'espace anciennement appelé "le Clos". On y voit, en bas à droite, une première maison, située avant la ferme de la Côte. Le premier cours d'eau est l'Eure, toujours située en ce lieu. Plus loin, un deuxième cours d'eau est visible. Il s'agit d'un ancien bras de Seine de Poses aux Damps entre la Garenne et l'ile de Rouville. Il a été comblé en 1934. Le troisième cours d'eau, au fond, est le bras principal de la Seine.

Carte du service de la navigation de la Seine avant le comblement du confluent des Damps. Le village des Damps est en haut de cette vue, au sud. On y voit précisément les contours des iles et le tracé des cours d'eau. Les digues prévues sont tracées en rouge. Elles consisteront en de simples levées de terre. Avec nos remerciements à Thomas Gardes pour le partage de ce document.

Carte du service de la navigation de la Seine avant le comblement du confluent des Damps. Le village des Damps est en haut de cette vue, au sud. On y voit précisément les contours des iles et le tracé des cours d'eau. Les digues prévues sont tracées en rouge. Elles consisteront en de simples levées de terre. Avec nos remerciements à Thomas Gardes pour le partage de ce document.

La péninsule Saint-Pierre en juillet 2016 vue depuis Les Damps du haut. On voit nettement que son relief est tourmenté. Il témoigne du travail de l'homme et du comblement partiel des anciens bras de Seine. Une partie d'un bras est toujours en eau et grandit à mesure que la crue augmente l'hiver (cliché Armand Launay).

La péninsule Saint-Pierre en juillet 2016 vue depuis Les Damps du haut. On voit nettement que son relief est tourmenté. Il témoigne du travail de l'homme et du comblement partiel des anciens bras de Seine. Une partie d'un bras est toujours en eau et grandit à mesure que la crue augmente l'hiver (cliché Armand Launay).

Perspective sur l'actuel confluent de l'Eure et de la Seine. On dit qu'il se trouve à Martot, après la passe. En réalité il est situé dans la commune de Saint-Pierre-lès-Elbeuf, en Seine-Maritime. Au loin, on peut admirer les immeubles du Puchot à Elbeuf (cliché Armand Launay, aout 2010).

Perspective sur l'actuel confluent de l'Eure et de la Seine. On dit qu'il se trouve à Martot, après la passe. En réalité il est situé dans la commune de Saint-Pierre-lès-Elbeuf, en Seine-Maritime. Au loin, on peut admirer les immeubles du Puchot à Elbeuf (cliché Armand Launay, aout 2010).

Pour aller plus loin dans l'étude de la confluence Seine-Eure, vous pouvez lire notre article consacré à la commune de Porte-de-Seine. Il y est beaucoup question d'archéologie et notamment de l'ancien confluent de l'Eure et de la Seine qui devait se trouver encore vers l'an mil du côté de ce qui est devenu Port-Pinché. 

 

Pour aller plus loin concernant les grands travaux de chenalage de la Seine...

D'où vient le nom de l'Eure et comment a-t-il évolué depuis l'Antiquité ?

 

Armand Launay

Pont-de-l'Arche ma ville

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18 septembre 2017 1 18 /09 /septembre /2017 18:09
Par la géographie ou par l'histoire, quel plaisir de se balader en beaux lieux ! Ici derrière la Plaine-de-Bonport, le long de l'Eure (cliché Armand Launay, avril 2011).

Par la géographie ou par l'histoire, quel plaisir de se balader en beaux lieux ! Ici derrière la Plaine-de-Bonport, le long de l'Eure (cliché Armand Launay, avril 2011).

 

Les on-dits sont nombreux en ce joli coin de Normandie : “l’abbaye de Bonport fut construite à Saint-Martin de Maresdans”, “près d’un ancien temple gallo-romain”. “Une chapelle existait toujours il y a 200 ans sur les hauteurs de Criquebeuf”, “le Val-Richard tient son nom de “Richard Cœur de Lion”... Autant d’informations romantiques qui nous plongent dans les belles brumes, comme celles d’automne sur la Seine. Nous proposons ici un article sans autre problématique que de nous éclairer sur la localisation de lieux-dits et, surtout, de hameaux, c’est-à-dire des espaces habités entre Criquebeuf-sur-Seine et Pont-de-l’Arche. Nous y apportons quelques connaissances glanées de-ci de-là, qu’elles soient sourcées, orales ou issues de découvertes archéologiques officieuses.   

 

Présentation de la zone étudiée

À la recherche de Saint-Martin de Maresdans (ou Maresdamps, entre Criquebeuf-sur-Seine et Pont-de-l’Arche)

 

Cette capture d’écran a été faite durant la consultation de Google maps le 2 septembre 2017. À droite, se voient les bâtiments agricoles de l’ancienne abbaye de Bonport (commune de Pont-de-l’Arche). Au centre se trouve le hameau de la Plaine-de-Bonport (“casse automobile”, commune de Criquebeuf-sur-Seine). Au sud-ouest de ce hameau, on reconnait la zone d’activité du Val-Richard. Coupant notre zone en deux depuis le nord vers le sud, se trouve l’Autoroute de Normandie (A13). D’Est en ouest se trouve la route départementale d’Elbeuf à Pont-de-l’Arche (D321) puis le récent contournement de cette dernière agglomération. Un délaissé de la route départementale borde au sud la Plaine-de-Bonport. À l’Est s’étale Criquebeuf-sur-Seine au sud du cours de l’Eure. Au sud-Est se voit la zone d’activité du Bosc-hêtrel, au nord du chemin du Becquet. La forêt de Bord, ce qu’il en reste malgré les coupes et la tempête de 1999, apparait au centre et au sud de cette vue. 

 

Distinguer Le Catelier, Gaubourg et Saint-Martin de Maresdans

Dans un précédent article dévolu au paganisme antique, nous avions cité Victor Quesné et Léon de Vesly qui semblent apporter un précieux témoignage. Ces archéologues locaux ont procédé aux fouilles d’un fanum, un temple païen rural, situé sur le territoire de l’actuelle commune de Criquebeuf. Dans un rapport édité en 1898 (1), ils avancèrent que ce fanum devait faire partie d’un village gallo-romain situé au “Catelier”, à Criquebeuf (page 304). Nos auteurs observaient qu’il existait une ferme appelée Gaubourg, vingt ans auparavant. Ils en tiraient la conclusion que le Catelier avait été appelé Gaubourg « par les envahisseurs du Ve siècle, qui paraissent avoir abandonné la hauteur pour s'établir sur les bords de la Seine en un lieu appelé Maresdans. Il ne reste aujourd'hui de cette station célèbre mentionnée par Guillaume de Jumièges, qu'un tertre couvert de bois : la chapelle, dans laquelle ont été baptisés quelques vieux villageois a disparu et l'image de saint Martin, patron de cette paroisse, a été remplacée dans l'église de Criquebeuf où nous l'avions souvent contemplée. — Quelques pierres et des traces de mortiers qui roulent à la surface des champs, voilà tout ce qui reste de Saint-Martin-de-Maresdans ! »

Les auteurs, malgré leur mérite, semblent confondre les lieux-dits. Le Catelier est un lieu-dit de Criquebeuf mais limitrophe de Martot, au sud de Quatre-âges. Quant à Gaubourg, on retrouve ce nom dans le plan cadastral de Criquebeuf, mais bien loin du Catelier. C’est ce que montre le document, ci-dessous, extrait du plan cadastral de Criquebeuf datant de 1834.

À la recherche de Saint-Martin de Maresdans (ou Maresdamps, entre Criquebeuf-sur-Seine et Pont-de-l’Arche)

 

Sur cette capture d’écran (archives.eure.fr) du plan cadastral de Criquebeuf-sur-Seine (1834, section C, feuille 1), on localise précisément Gaubourg et le fond de Gaubourg (Est). Gaubourg était situé à l’Est du “Boshêtrel”, au nord de la route du “Becquet à Pont-de-l’Arche”, tronçon aujourd’hui coupé, voire disparu. Nous sommes ici au nord de la route forestière de Cobourg [sic]. Le chemin du Boshêtrel est aujourd’hui la route qui traverse la zone d’activité du Bosc-hêtrel. Elle reconnaissable à son coude et son virage, au nord, la rapprochant du rondpoint de la RD321.  

On est bien loin de la limite avec Martot. C’est ce que montre aussi la carte de Cassini ci-dessous.

À la recherche de Saint-Martin de Maresdans (ou Maresdamps, entre Criquebeuf-sur-Seine et Pont-de-l’Arche)

 

Cette capture d’écran (du site geoportail.gouv.fr) montre un détail de la numérisation de la carte de Cassini en couleur (feuilles gravées et aquarellées), issue de l’exemplaire dit de « Marie-Antoinette » du XVIIIe siècle.

À l’ouest de Bonport se lit, sur la forêt, “Saint-Martin” sous un clocher qui symbolise un hameau. Plus à l’ouest, vers Criquebeuf, se lit le nom de hameau de Gaubourg qui semble correspondre à l’entrée actuelle de la commune de Criquebeuf en venant de Pont-de-l’Arche (les rues de Rougemont et du Val-Richard). C’est ce que dément le plan cadastral ci-dessus. Quoi qu’il en soit, Gaubourg se distingue bien à la fois du Catelier et de Saint-Martin de Maresdans. Gaubourg semble n’avoir survécu que dans le nom de la route forestière de Cobourg. L’ancienne maison forestière des Brulins qui tombe en ruine depuis quelques décennies a été la dernière habitation de cet espace.   

Alors, quid de la fiabilité du témoignage de Victor Quesné et Léon de Vesly ? Ils semblent commettre une confusion de taille : croire que les habitants ont abandonné le Catelier pour construire Gaubourg et que Gaubourg se confond avec Saint-Martin. Ils semblent penser les lieux-dits à l’image du village-rue de Criquebeuf et non comme des hameaux, des groupes de fermes, bien distincts.

Pourtant la carte de Cassini mentionne bien un hameau Saint-Martin entre Gaubourg et Bonport. Nous avons cherché, dans le plan cadastral de 1834, la chapelle Saint-Martin où, selon nos auteurs, certains anciens de Criquebeuf avaient été baptisés. Notre recherche est demeurée vaine. Aucun lieu ne porte le nom de Saint-Martin dans ce plan cadastral.

Il faut donc partir d’autres éléments connus. C’est le cartulaire de Bonport, l’ensemble des chartes possédées par les moines, qui nous fournit des indices sur Saint-Martin (2).  

 

 

À la recherche de Saint-Martin de Maresdans (ou Maresdamps, entre Criquebeuf-sur-Seine et Pont-de-l’Arche)

Vue sur les bâtiments agricoles dans l'enceinte de l'ancienne abbaye de Bonport (cliché Armand Launay, avril 2011). Outre le colombier, à droite, qui sait si la grange médiévale à gauche n'est pas celle citée dans la charte d'Innocent III ? Voir plus bas.

 

Saint-Martin dans l’orbite des moines

La charte de fondation de l’abbaye de Bonport, signée le 22 juin 1190 à Chinon par Richard 1er, cite un lieu, en forêt de Bord, que l’on appelait d’abord Maresdans et où sera bâtie l’abbaye Notre-Dame de Bonport (... dedisse et concessisse et presenti carta confirmasse, in puram et perpetuam elemosinam, Deo et ecclesie Beate Marie de BonoPortu, que in foresta nostra de Borz sita est et fundata, in loco qui prius dicebatur Maresdans).

La charte de confirmation signée par le même roi le 28 février 1198 répète ce nom (in loco scilicet qui prius dicebatur Maresdans) et cite un lieu contigu appelé la haie de Maresdans entre le chemin et la forêt (et totam haiam de Maresdans, sicut chiminus dividit eamdem haiam a foresta).

Le 31 juillet 1205, une charte fut signée par les religieux du prieuré des Deux-Amants afin de céder à leurs frères de la jeune abbaye de Bonport la chapelle de Saint-Martin de Maresdans, avec toutes ses appartenances et dépendances entre Pont-de-l’Arche et Criquebeuf (concessimus in puram et perpetuam elemosinam Deo et ecclesie Beate Marie de Bono-Portu, et in manu domini Petri, tune abbatis ipsius loci, resignavimus capellam Sancti-Martini de Maresdans, cum omnibus pertinentiis suis et quicquid juris habebamus a Ponte-Arche usque ad ecclesiam de Crikeboe, in terris, in bosco, in aqua, sive quibuscumque aliis rebus).

Enfin, le pape Innocent III confirma, dans une charte de 1216, toutes les libertés, immunités et exemptions déjà accordées aux moines de Bonport, dont une grange à Maresdans (grangiam de Maresdans).

Que retenir de tout cela ? Il existait un espace qui était appelé Maresdans. L’ancien nom des Damps (Hasdans) est nettement lisible. Hasdans signifiait le domaine de Husido comme dans les toponymes suivants : Houdan, Hodeng et “aux Damps” comme le faisait la tradition orale). Maresdans pourrait se lire en ancien français “mare ès Damps”, c’est-à-dire la mare des Damps. La mare est un mot d’origine norroise attesté en 1175 (Wiktionnaire). La référence aux Damps montre que ce lieu était connu et, surement, exploité avant l’émergence du bourg de Pont-de-l’Arche (Xe siècle).

Puis, par souci de précision semble-t-il, un espace plus large est désigné par “haie de Maresdans”. La haie désigne un espace cultivé (terris) entouré d’arbres comme les clos-masures du pays de Caux, et entouré de bois (bosco). Cette haie allait jusqu’à un chemin ; peut-être le chemin du Becquet reliant Pont-de-l’Arche à Caudebec-lès-Elbeuf. Il doit s’agir de l’espace appelé les Pâtures (commune de Criquebeuf) ainsi que les bois alentours. Un toponyme “haie de Bonport” existe toujours en forêt de Bord (voir plus bas, la carte IGN) mais sans qu’il soit possible de retrouver la délimitation précise d’une propriété. De fonction agricole, cette haie de Maresdans possédait une grange, au moins en 1216.

Une autre propriété, ecclésiastique, consistait en une chapelle dédiée à saint Martin. Saint Martin est un vocable ancien, c’est-à-dire un saint que l’on vénérait dès les premiers siècles du christianisme en Gaule à la suite de Martin de Tours. Cette chapelle n’était donc pas une église, donc pas le siège d’une paroisse. Elle était la propriété des moines du prieuré des Deux-amants. À quelle population se destinait-elle ? Les moines, les convers, une famille de fermiers, des journaliers, quelques personnes du voisinage et des passants ?

Quoi qu’il en soit, il semble que les moines de Bonport étaient à l’étroit et posaient problème aux moines des Deux-amants. C’est ce qui expliquerait la précision de leurs droits sur toute la haie de Maresdans en 1198 et, en 1205, la cession soudaine de leurs droits de Saint-Martin à Pont-de-l’Arche, tant sur l’eau, la terre que les bois, ce qui semble se mêler avec l’emplacement de Bonport. Enfin, la précision de l’existence de la chapelle Saint-Martin est certainement un argument des moines des Deux-amants rappelant la légitimité et la légalité de leur droit en ce lieu. En l’absence de chartes supplémentaires, nous ne pouvons que conjecturer et imaginer que les moines des Deux-amants ont été dédommagés par Jean-sans-terre en quelque autre endroit.

Toujours est-il qu’il existait une chapelle Saint-Martin que l’on retrouve dans les mémoires des hommes du XIXe siècle. La retrouve-t-on dans les documents d’époque ?

 

La plaine de Bonport

À la recherche de Saint-Martin de Maresdans (ou Maresdamps, entre Criquebeuf-sur-Seine et Pont-de-l’Arche)

Le plan cadastral de 1834 (section B, troisième feuille) montre deux lieux-dits : “la plaine du bout de la ville” et, par différence, “la plaine de Bonport”. La plaine désigne un espace plane et non bocager, signe qu’il y a longtemps que l’on cultive ce sol, sans aucun élevage. On ne retrouve ici aucune habitation, aucun vestige. Le hameau de la Plaine-de-Bonport est donc assez récent qui a pris le nom de ce lieu-dit.

Quid de la localisation de Saint-Martin ? Était-ce un espace plus au sud, recouvert depuis par la forêt et malheureusement vierge dans les plans cadastraux de Criquebeuf et Pont-de-l’Arche ? L’ensemble des vestiges avait-il déjà disparu quand Victor Quesné et Léon de Vesly écrivirent, en 1898, que des anciens criquebeuviens y avaient été baptisés ?


La dernière piste que  nous exploitons est celle de l'hydrologie. Où une petite population pouvait-elle s’établir durablement si ce n’est auprès d’une source d’eau ? Or, il existe un espace appelé le “val Richard” entre Criquebeuf et la Plaine-de-Bonport. Replongeons dans le passé. Il faut imaginer des rus, des rivières éparses, des puits peu profonds, des nappes phréatiques non encore captées par l’adduction d’eau vers les villes comme depuis le 20e siècle.

À la recherche de Saint-Martin de Maresdans (ou Maresdamps, entre Criquebeuf-sur-Seine et Pont-de-l’Arche)

 

Quand on consulte les cartes IGN classiques (site de geoportail.gouv.fr), au 1:17000e on peut observer les courbes de niveau comme sur la capture d’écran (ci-dessus). Les courbes de niveau montrent distinctement que le val de Bonport, désigné “val à loup”, est la partie basse du vallon des Carrières en haut duquel se trouve le hêtre Tabouel. Ce vallon sec est encore riche en eaux souterraines comme le démontre la présence d’une station de pompage au sud des nouveaux quartiers de Pont-de-l’Arche. Il y a fort à parier que les eaux ‒ souterraines ou non ‒ ont permis la création de l’abbaye de Bonport en son temps.  

Or, le val Richard est aussi visible, notamment grâce aux bâtiments en gris de la zone d’activité à l’Est de l’autoroute. Deux vallons se rejoignent en cet endroit et nous pensons que de petits cours d’eau l’alimentaient à une date de nous inconnue. Ce val Richard se trouve entre Bonport et Gaubourg et correspond au Saint-Martin de la carte de Cassini. Son nom ne semble pas être une référence à Richard Cœur de Lion mais à un propriétaire dénommé Richard. Une charte, commentée par Louis-Étienne Charpillon et Anatole Caresme, irait en ce sens : “Gautier, châtelain du Pont-de-l’Arche, vendit, vers 1230, 3 vergées ¾ à prendre dans la forêt de Bord, à Raoul de Criquebeuf et Richard du Val, pour 12 s. 9 d. de rente, il mesura lui-même et fit si bonne mesure, que les acquéreurs lui donnèrent 30 s de pot-de-vin.” Un Richard, habitant ce vallon à l’orée de la forêt, serait un potentiel acquéreur de terres en forêt.

 

Par conséquent, le hameau de Saint-Martin devait se trouver dans le “vallon de Richard” où les conditions de vie étaient plus aisées grâce à l’eau mais aussi grâce à la communication entre les eaux de Seine et la forêt. Notons que cet emplacement situait Saint-Martin au nord du chemin du Becquet, comme Gaubourg et Le Catelier. La chapelle devait se trouver vers le sud-Est de la zone d’activité, dans le creux du vallon, au milieu du bois qui s’avance vers la Plaine-de-Bonport (nombre “18” sur la carte). Un peu en hauteur, non loin de l’ancienne voie du Becquet entre Caudebec-lès-Elbeuf et Pont-de-l’Arche. Quant au vallon ouest, il semble être issu du chemin du Vallot, un toponyme limpide, descendant lui-même de la Cramponnière de Tostes. Ses eaux devaient arroser Gaubourg avant d’arroser Saint-Martin.

En contrebas du bois de Saint-Martin, devant la casse-automobile de Bonport, la prospection de métaux révèle des milliers de pièces de monnaies depuis les années 1990. Relevées et réparties par les labours chaque année, il s'agit essentiellement de monnaies romaines (Postume, vers 260), Constantin (vers 310) et Constant (vers 320).

L'observation de terrain révèle un très important nombre de restes de tuiles, dans le champ en vis-à-vis de la casse-automobile. De gros blocs calcaires encore un peu équarris couvrent, par endroits, des restes de tuiles. Quand le maïs est haut, on peut voir se former un rectangle fait de maïs poussant plus haut que les autres. Ce rectangle, en sus des découvertes décrites ci-dessus, semble indiquer la présence ancienne d'un bâtiment.

De plus, des restes de jarres et de poteries ont été retrouvées en ces lieux. Ce bas du vallon de Saint-Martin semble avoir été exploité durant la paix romaine, peut-être à la fois pour des raisons agricoles mais aussi commerciales en tant que petit port de Seine. En effet, la faible pente de ce vallon en fait un lieu idéal de chargement de troncs et de calcaires issus de carrières de la forêt de Bord. Ce lieu serait d'autant plus idéal qu'il se trouvait entre les deux anciennes iles de Launy et de Bonport, en face d'un bras donc donnant sur le cours principal de Seine.

L'existence de ce port est attestée au XVIIIe siècle. Nous en avons traité dans notre article sur la forêt de Bord (voir “Activités anciennes ‒ La coupe du bois”). Nous citons l’historien Jean Boissière, auteur d'un article intitulé « Les forêts de la vallée de la Seine entre Paris et Rouen d’après l’enquête de 1714 » (publié dans Les Annales du Mantois, 1979). Cet article se fonde sur le procès verbal d’Hector Bonnet chargé par l’hôtel de Ville de Paris de comprendre pourquoi le bois ne parvenait pas suffisamment dans une période de disette de combustible. Cet homme voyagea de Paris à Rouen du 27 septembre au 18 octobre 1714. Il résida à Pont-de-l'Arche du 10 au 15 octobre. Il cita les ports de Pont-de-l'Arche et de Bonport.

Enfin, dans le bois de Saint-Martin, la prospection de métaux n'a révélé que quelques monnaies romaines, une monnaie gauloise et un bloc de bronze, peut-être un déchet d'un travail de forge.

 

Conclusion

Comme nos recherches sur Tostes et Montaure l’ont montré, il faut s’imaginer un paysage antique et médiéval bien différent de celui que nous connaissons depuis deux siècles. Le pays était bien moins peuplé, mais l’habitat plus épars ; un habitat constitué de quelques fermes dans des haies, des essarts. Certains de ces hameaux se sont développés et sont devenus des villages, des villes. Beaucoup d’entre eux ont disparu avec l’exode rural. La nature a été domestiquée. Finis les rus, les bois qui séparaient beaucoup de hameaux, les fanums qui ont laissé place aux chapelles rurales. Le Catelier, Gaubourg et Saint-Martin sont trois hameau le long d’une ancienne voie : le chemin du Becquet reliant Pont-de-l’Arche à Caudebec-lès-Elbeuf. Ces hameaux étaient situés en bas de vallons : le val Asselin pour Le Catelier, le Vallot pour Gaubourg et Saint-Martin, le Val à loup pour Maresdans-Bonport. Saint-Martin n'a laissé que peu de traces mais semble avoir été un lieu propice à l'habitat, à l'exploitation des ressources locales et peut-être même à quelques activités portuaires et commerciales.





Orientations bibliographiques

(1) Victor Quesné et Léon de Vesly, « Nouvelles recherches sur Le Catelier de Criquebeuf-sur-Seine (Eure) », in Bulletin archéologique du Comité des travaux historiques et scientifiques, année 1898, Paris : imprimerie nationale, 1898). Voir aussi : Halbout-Bertin Dominique, Sennequier Geneviève, Delaporte Jacqueline. “Le Câtelier de Criquebeuf-sur-Seine. Notes archéologiques”, Annales de Normandie, 37ᵉ année, n° 1, 1987, p. 54-68 ;

(2) Andrieux Jules, Cartulaire de l'abbaye royale de Notre-Dame de Bon-Port de l'ordre de Cîteaux au diocèse d'Évreux, 1862, A. Hérissey.

 

Armand Launay

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29 novembre 2012 4 29 /11 /novembre /2012 22:59

Départ (km 0) : rendez-vous sur la place du village, aux Damps, près du petit pont sur l’Eure. Parking du bar-tabac. Allez-y boire un coup ! 

 

Aussi décrit sur OpenRunner http://www.openrunner.com/index.php?id=3847971

 

P1150712

 

Petite commune agréablement située le long de l’Eure, Les Damps réserve bien des surprises au promeneur. Il suffit de se balader et d’interroger le paysage pour découvrir son passé géologique et historique.

Savez-vous que c’est ici, près du petit pont précisément, que l’Eure se jetait dans la Seine après 228,5 km ? Ce n’est qu’en 1934 que le confluent de l’Eure et la Seine fut bouché aux Damps pour être reporté à Martot, 10 km en aval. Cette modification est due à la démolition du barrage de Saint-Aubin-lès-Elbeuf qui a exigé que l’on abaisse le niveau des eaux à la même hauteur que celles situées en aval du barrage. Pour éviter que l’Eure ne soit presque entièrement asséchée, on la fit passer par d’anciens bras de Seine qui longeaient la rive sud et on les sépara du cours principal de la Seine. C’est à cette époque que les quelques iles des cartes postales d’antan furent rassemblées grâce à la terre issue du dragage de la Seine.

C’est ainsi que l’Eure a gagné 10 km ! On lit encore dans le paysage ces modifications : le terrain des Damps n’est pas tout à fait régulier et quelques saules têtards ponctuent la garenne eux qui jalonnaient auparavant les berges des anciens et nombreux bras de Seine. 

 

Quittez la place du village et dirigez-vous vers la gauche en direction de Léry. Cent mètres plus loin, tournez à droite vers la rue des Carrières.

 

Près du virage se trouve la « Maison de la Dame Blanche » (km 0,2). Le nom de Blanche de France fut donné à cette demeure qui est le plus ancien édifice (XVe siècle) de la commune. Même si Blanche de Bourgogne puis Blanche de France, fille de Philippe le long, ont possédé des biens aux Damps, rien n’atteste qu’elles aient possédé cette demeure précisément. Quoi qu’il en soit, on peut apprécier les décors gothiques sculptés dans les poteaux, mais aussi les allèges en croix de Saint-André…

 

P1150702

 

La rue des Carrières porte très bien son nom. Vous pourrez voir certaines entrées de carrières qui ont été exploitées depuis l’Antiquité au début du XXe siècle. On y extrayait le moellon calcaire et le silex qui servaient à bâtir les maisons mais aussi le calcaire servant à faire de la chaux puis le plâtre. Ce n’est pas un hasard si la rue des Carrières débouche sur la rue des Plâtriers...

 

P1150699

 

Au croisement, tournez à droite.

La rue des Plâtriers se trouve au fond d’une petite vallée qui a permis aux hommes de relier la forêt de Bord aux berges de la Seine puis de l’Eure. C’est ainsi que Les Damps a été durant de nombreux siècles un petit port où l’on chargeait du bois et où l’on fabriquait de petites embarcations.

 

En bas de la rue, tournez à gauche vers Pont-de-l’Arche (km 0,5).

 

La route de l’Eure a attiré de riches propriétaires rouennais et parisiens à partir du milieu du XIXe siècle, d’où les belles demeures dont la Gentilhommière. Un agréable chemin longe la rivière et ses saules pleureurs. 

Bien vite, se dessine la chapelle Saint-Pierre (km 0,8). Construite en 1856 avec des moellons calcaires locaux en remplissage ainsi que la brique rouge en chainage, elle remplace l’ancienne église démontée au début du XIXe siècle. La présence de l’ancienne église en ce lieu excentré du cœur des Damps peut étonner. Mais les premières traces d’habitation aux Damps (néolithique) ont été repérées sur les hauteurs derrière la chapelle, dans le vallon des Vauges où, par ailleurs, le tabac fut cultivé pendant l'Ancien Régime. Il est possible que l’église primitive ait remplacé un lieu de culte païen dédié à l’eau.  A ne pas rater, le calvaire du XVIe siècle qui se trouve à l’entrée de l’ancien cimetière. 

 

P1150709

 

Poursuivez vers Pont-de-l’Arche.

 

La balade offre quelques vues sur un ancien bras de Seine dont l’entrée est encore apparente mais aussi sur les « Damps du haut »… En effet, les habitants des Damps (les Dampsois) plaisantent autour du nom de la commune : on parle ici « des Damps du bas » et « des Damps du haut » pour distinguer les maisons situées sur le bord de l’Eure et les autres situées sur le rebord du plateau (qui, malgré ses 30 mètres d’altitude fut un ancien lit de la Seine il y a plus de 2 millions d’années).   

Le saviez-vous ? Des carrières ponctuent toute la longueur du coteau. Elles servirent d’abri à la population locale peu de temps avant la Libération d’août 1944. En effet, les gens craignaient les bombardements qui frappaient le pont de Pont-de-l’Arche et les écluses de Poses. Ils craignaient aussi les représailles allemandes qui ont failli couter la vie à de nombreux civils (voir Criquebeuf).  

 

Pont-de-l’Arche

A Pont-de-l’Arche, les maisons bourgeoises laissent place aux maisons que les mariniers ont construit au bord de l’eau, contre le rempart, depuis la Renaissance au XXe siècle.

Avant d’arriver en ville, le sentier passe sous le pont inauguré le 29 janvier 1955 par Pierre Mendès France (km 2). Ce pont battait alors le record d’Europe des ponts soudés à poutres continues. S’il arrive en 14e position, au moins, dans l’histoire des ponts de la ville, c’est le premier ouvrage qui contourne le centre ville de Pont-de-l’Arche. A noter, les curieuses poternes qui creusent le rempart médiéval juste à côté du pont. Très visible le long de l’Eure, le rempart date de Philippe Auguste qui a fait de Pont-de-l’Arche sa résidence principale lorsqu’il devint maitre de la Normandie en 1204.

 

Poursuivez sur le trottoir. Avant le Crédit agricole, tournez à gauche dans la rue Abbaye-sans-toile (km 2,2).

 

Vous entrez ici dans les ruelles médiévales aux maisons de guingois. Certaines d’entre elles datent du XVe siècle, celles où le deuxième niveau déborde sur le premier. On appelle ce style d’édifice des maisons à « encorbellement ».

 

DSC00858

 

Remontez la rue Abbaye-sans-toile.

 

Arrivés sur la place Hyacinthe-Langlois, vous êtes au cœur de la ville médiévale où se tenait le marché de la région de Pont-de-l’Arche sous une halle tombée en 1856. Sur cette place se marient les façades de la Belle-époque, avec leurs peintures publicitaires, mais aussi les pans de bois du Moyen Âge. Un passage existe encore au n° 17, vers le haut de la place. Il permet à une ruelle de passer sous une maison. A gauche de ce passage, entre le rez-de-chaussée et le premier étage, se trouve un étrange panneau sculpté. Il représente une femme assise sur un char tiré par des chevaux ailés et précédés par des musiciens. Cette scène comprend aussi un moine sortant d’une cité, un cavalier, un lévrier, un pèlerin… Ce curieux mélange date du début du XVIe siècle et devait orner la façade d’une auberge.

 

DSCF3559

 

Remontez la rue André-Antoine en direction de l’église (km 2,3).

 

Le pittoresque point de vue vers l’église et les maisons à pans de bois est une véritable carte postale de Pont-de-l’Arche. Bâtie entre 1499 et 1585 l’église déploie sa dentelle de pierres caractéristique de la phase finale de l’architecture gothique : le flamboyant.

A droite, en approchant de l’église, se trouve la Salle d’armes qui est la cave de l’ancien hôtel-Dieu de la ville. Si la partie supérieure a disparu, cette vaste salle en plein cintre du XIIIe est largement ouverte au public grâce aux nombreuses expositions culturelles organisées par la ville de Pont-de-l’Arche.

Dans l’église, vous découvrirez un très bel écrin gothique doté d’une riche statuaire. Le mobilier est aussi très intéressant que ce soient les stalles de l’ancienne abbaye de Bonport, la chaire, ou encore le maitre-autel baroque (1630-1640). A ne pas rater, le vitrail du halage (côté rue) qui représente des habitants de Pont-de-l’Arche tirant un bateau pour qu’il remonte le courant passant sous l’ancien pont de la ville.

 

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En sortant de l’église, continuez à droite dans la rue de Crosne.

 

Après quelques dizaines de mètres, vous remarquerez la base d’une tour sur votre droite (km 2,5). Celle-ci faisait partie de l’enceinte médiévale et, avec une tour jumelle, défendait une des quatre entrées de la ville. La porte de Crosne présente encore de beaux vestiges avec une meurtrière, le passage de la herse et le départ d’une voûte.

 

Poursuivez dans la rue de Crosne et tournez à droite au croisement. Après quelques dizaines de mètres, entrez dans l’espace vert à droite (km 2,6).

 

De cet espace, un beau panorama se découvre sur la vallée de la Seine, les hauteurs de Freneuse, mais aussi l’Eure et les iles de Seine en contrebas. Au-delà du mur dépasse un des plus beaux symboles de Pont-de-l’Arche : la tour de Crosne. Ce vestige des remparts médiévaux a été reconstruit dans sa partie haute à la fin du XIXe siècle. Avec sa fenêtre en tiers-point, il constitue un bel exemple d’architecture pompadour, romantique, qui présente un Moyen Âge rêvé où les tours militaires sont aussi élégantes que les constructions religieuses. 

 

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Sortez de cet espace et prenez à droite. Empruntez les escaliers de la sente des Plâtriers. Traversez la route en contrebas et poursuivez à gauche le long de l’Eure.

 

De cet endroit, on peut admirer l’ile d’Harcourt et son bouquet d’arbres. Le pont d’Arromanches (km 2,8) rappelle l’époque de la Libération où les Alliés firent construire un pont Bailey, c’est-à-dire un pont provisoire avec des pièces assemblées. Le pont de la ville ayant été dynamité en 1940 et son remplaçant bombardé en 1944, un nouvel ouvrage s’imposait dont il ne reste que cette partie enjambant l’Eure.

 

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Poursuivez le long de l’Eure, après le pont d’Arromanches.

 

Ici le chemin devient plus sauvage entre les moutons et les hautes herbes…

 

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Prenez de quoi pousser les orties ! N'ayez pas peur de longer les maïs ! Autrement, si la voie est impraticable, empruntez le chemin du Becquet, à partir du pont d’Arromanches, et prenez à droite après la gendarmerie. Rendez-vous à la grille d’entrée de l’abbaye de Bonport, longez le mur d’enceinte par la droite et reprenez le chemin en contrebas.

Après quelques centaines de mètres, apparait la silhouette romantique et grave de l’ancienne abbaye de Bonport (km 3,7).  

 

Bonport (1)

 

Fondée par Richard Cœur de Lion, l’abbaye de Bonport fut bâtie entre 1190 et 1225. Rattachée à l’ordre de Cîteaux, elle ferma ses portes après la Révolution… Depuis le sentier de halage, on peut apprécier le pignon du dortoir et celui du réfectoire avec ses deux fenêtres élancées : les lancettes. Le meilleur point de vue se situe dans l’ile de Bonport accessible par un petit pont sur l’Eure. Dans le mur d’enceinte, on aperçoit la porte Sainte-Marie qui a permis aux moines d’accéder à la Seine durant de nombreux siècles.  

 

La légende de Bonport

L’abbaye de Bonport et sa figure romantique ont inspiré bien des légendes. Parmi elles, on parle d’une Vierge en or enterrée dans un souterrain des alentours. On parle aussi – et surtout – de sa fondation par Richard Cœur de Lion, duc de Normandie et roi d’Angleterre. Le premier à avoir couché sur le papier la fondation légendaire de cette abbaye est Jacques Le Batelier d'Aviron, un avocat d’Evreux, dans la première moitié du XVIIe siècle. Il parla en ces termes de l’arrivée de Richard après son sacre royal en Angleterre, en 1189 :

"Les prelats, barons et seigneurs de Normandie luy jurerent (…) fidelité et obeissance (…) et son adrivée a Roüen ce ne fut que bals, festins et tournois ; la chasse fut le dernier divertissement de sa cour ; mais comme en l'air le plus serain est un presage de tempête, Richard seul courant un cerf fut emporté, soit par la vigueur de son cheval altéré, soit par quelqu'autre accident, si avant dans la Seine, que ce roy courut au hazard de sa vie. Ce Coeur de Lion, emporté au milieu du cours rapide de cette grosse rivière, ne perdit point le jugement ; mais considerant le peril ou il estoit fit voeu a Dieu de faire bastir une abbaye au lieu ou son cheval prendroit pied sur terre ferme : ce lieu fut depuis appelé Bonport, a cause de l'heureux abord du roy Richard. » 

Très chevaleresque, cette légende est un joli jeu de mots, un joli clin d’œil au fondateur de l’abbaye. Mais que vaut-elle quand on sait qu’une des armes de l’abbaye montre Jésus Christ dans son étable de naissance ? Le « bon port » ne serait-il pas, dans l’esprit des religieux, la venue du Christ parmi les hommes ?

 

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Continuez tout droit vers Criquebeuf.

 

Sur votre gauche, vous pouvez apercevoir les dépendances de l’abbaye dont une ancienne chaumière, puis les arrières – coquets - de la Plaine de Bonport. Après le pont de l’autoroute de Normandie (km 5,6), se présente l’entrée de Criquebeuf-sur-Seine par le chemin du Val Richard. Dès les premiers pas, l’histoire est au rendez-vous avec la présence de colonnes coiffées de chapiteaux sculptés issus de Bonport (au n° 262) (km 5,7). Comme d’autres maisons de Criquebeuf, des pierres arrachées à l’abbaye il y a deux siècles ont été récupérées par des particuliers.

 

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Au croisement, prenez à droite.

 

Vous aurez un point de vue sur les petites maisons faites de silex et de craie. Elles sont entourées de maraichages, une des activités caractéristiques de Criquebeuf. Si des cultures ont disparu telles que l’osier et la gaude (plante qui servait à teindre les draps d’Elbeuf), la culture des légumes fait vivre une trentaine d’exploitants réunis en coopérative.

 

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Tournez à droite vers la ruelle des Cygnes qui, comme des dizaines de ruelles, permettait aux habitants de relier la rivière aux champs. De retour sur les berges de l’Eure, prenez à gauche. Peu à peu, vous vous rapprochez du pont communal, le « pont des alliés » (km 6,8), qui fut construit en même temps que celui des Damps. En l’empruntant, vous avez la possibilité d’accéder aux berges de la Seine où un joli point de vue sur les coteaux de Freneuse vous attend (0,5 km aller-retour). En rebroussant chemin, la vue se dégage sur l’église et le centre du village historique.  

 

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L’église Notre-Dame présente une imposante tour-clocher datée de la seconde moitié du XIVe siècle (km 6,9). Celle-ci est surmontée d’une flèche polygonale couverte d’ardoises. Le reste de l’édifice fut bâti entre 1874 et 1879 par M. Simon, architecte rouennais, avec de la brique en chainage et du moellon calcaire scié en remplissage. Autour de l’église se trouvent de belles maisons construites en moellons calcaires de pays. L’une d’entre elles, à l’encoignure de la rue du Pont des alliés et de la rue du Village, est datée de 1806 et présente d’étranges sculptures…

 

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Les otages de 1944

Criquebeuf, comme de nombreuses communes, a été marquée par la Seconde Guerre mondiale. Les noms de ses rues en témoignent : le pont aux Alliés, place des Otages… Comme le rappelle une plaque apposée sous le portique à gauche du n° 713 de la rue du Village : « Le 24 août 1944, des éléments de l’armée allemande en déroute enfermèrent 63 criquebeuviens dans l’église. Le maire de la commune, Monsieur Lucien Langlois et le curé de la paroisse, Monsieur l’abbé Louis Boussel se trouvaient parmi eux.

Madame Anne Fleck, une Alsacienne vivant au village, négocia, au péril de sa vie, avec l’officier commandant. Grâce à sa courageuse intervention, tous les otages furent libérés.

La population reconnaissante. »

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Puis prendre la rue du Village vers Martot.

 

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Après la bifurcation où se trouve une imposante statue de Notre-Dame-de-la-Délivrande, tournez à droite vers la ruelle de la Vicomté (km 7,6).

 

Quelle vicomté ? Le chemin nous l’apprend très vite… Une magnifique maison apparait en bas à gauche de la ruelle. Si un tiers de sa longueur a été démoli, cette imposante demeure présente des murs en pierre du XIVe au rez-de-cour et des pans de bois du XVIe à l’étage. A noter la longue galerie, côté sud, qui donne accès à toutes les pièces. Partiellement inscrit aux Monuments historiques en 1932, cette demeure abritait une perception des droits de la vicomté de l’eau de Rouen au Moyen Âge et sous l’Ancien Régime.

 

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En bas de la ruelle, tournez à gauche et admirez la face Nord de la maison de la Vicomté.

 

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La balade le long de l’Eure se dessine entre les cours et les potagers, d’un côté, et les iles de Seine et les coteaux de Freneuse, de l’autre côté. S’il y a parfois des herbes folles derrière des clôtures rouillées, les jardins rivalisent de soin et ce sont de belles fleurs, de beaux potagers qui accueillent les visiteurs l’été. Arrivé au hameau de Quatre-âges, on retrouve des maisons en pierres anciennes.

 

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Continuez toujours tout droit, éloignez-vous un peu des berges et coupez à travers champs (km 8,6).

 

Un point de vue se dégage sur Martot, son église, les forêts de Bord et de La Londe au-dessus d’Elbeuf. Plus loin, on charge par camion les sables et graviers de la proche carrière sur un tapis roulant passant au-dessus de l’Eure, de l’ile, avant de finir dans une barge de Seine (km 9,6).

 

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Prenez le chemin près de l’eau. Ici de jeunes plantations s’épanouissent dans des espaces protégés. Bientôt deux panneaux d’information nous apprennent l’existence d’une réserve naturelle : la forêt fluviale. Saules, frênes, érables, sycomores, orme, prunier myrobolan… Ici l’attention est portée sur la protection de la diversité de ces espaces naturels si importants pour la faune. Puis un agréable chemin vous invite entre une allée de peupliers… et l’Eure qui ressemble à un véritable canal tant elle est calme.

 

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De l’autre côté de la rivière, d’anciens bras morts de Seine servent de paradis aux oiseaux dans des tourbières et des étangs.

 

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Sur votre gauche, d’anciens lopins de maraichers reconvertis en espaces de plaisance accueillent des familles de la région dans leurs petits bungalows et leurs jeux pour enfants.

 

Bientôt apparait le bruit reposant de la chute d’eau de la passe de Martot (km 11)… Cette passe permet aux eaux de l’Eure de garder un niveau minimum depuis les années 1930 (voir Les Damps). Avant 2017, c'est un petit barrage qui maintenait le niveau des eaux, ce que nous traitons notamment dans un article dévolu au développement de la voie de Seine

 

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Une traversée vers la rive droite s'impose. De l’autre côté, prenez sur la droite où vous attend un joli passage sous les arbustes qui laissent entrevoir des vues sur les marais et sur la rive gauche de l’Eure. Plus en aval, le confluent définitif de l’Eure et de la Seine n’est qu’à un peu plus de 500 mètres…

 

 

 

Orientations bibliographiques

- Launay (Armand), L’Histoire des Damps et des prémices de Pont-de-l’Arche, éd. Charles Corlet, 2007 ;

Le Batelier d’Aviron (Jacques), Le Mémorial historique des évêques, ville et comté d'Évreux..., publié pour la première fois par l'abbé Pierre-François Lebeurier, Bibliothèque de l'école des chartes, 1866.

 

Armand Launay

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24 août 2011 3 24 /08 /août /2011 16:58
Photographie du barrage de Martot sur une carte postale des années 1910. Ce barrage barrait alors la Seine avec, au premier plan, un premier bras et, au second plan, un second bras côté nord vers la Requête de Saint-Aubin-lès-Elbeuf.

Photographie du barrage de Martot sur une carte postale des années 1910. Ce barrage barrait alors la Seine avec, au premier plan, un premier bras et, au second plan, un second bras côté nord vers la Requête de Saint-Aubin-lès-Elbeuf.

Le barrage de Martot qui nous intéresse n’est pas le petit ouvrage qui maintenait le niveau de l’Eure jusqu'en 2017 où il a été remplacé par une passe. Il s'agit de son ancêtre, barrant la Seine, qui fut détruit en octobre 1938 avec les écluses de la Requête (commune de Saint-Aubin-lès-Elbeuf) à la suite d’importants travaux. Entamés en 1934, ces aménagements avaient pour objectif de faciliter la navigation entre Paris et Le Havre. Mais pour détruire le barrage, il fallait annuler la dénivellation du fleuve, d’où les dragages de la Seine depuis le barrage de Poses. Le lit de la Seine était alors aussi profond en amont qu’en aval du barrage de Martot, le rendant parfaitement inutile.

Il est intéressant de parcourir les témoignages de nos aïeux sur leurs activités, surtout lorsqu’ils sont à la fois passionnés et soucieux de leur parler quotidien. Or, Armand Billard fut le dernier pêcheur professionnel de la région de Rouen. Jusqu’à la fin des années 1970, il pêchait, comme ses ancêtres, depuis le port de Grand-Couronne. Il est auteur de plusieurs ouvrages sur la culture et les mœurs populaires, comportant souvent des passages rédigés en normand comme Simples narrées d’un Normand, (éditions Charles-Corlet) et Flux et reflux de la Seine normande, dont est extrait le texte suivant :

"La pêque à la puchette [1] s’faisait sous le l’grand barrage de Martot (…) avant que cet ouvrage sèye supprimé et que le bief seit reporté à eune vingtaine de km plus haut, à Poses ; y a toujou eun barrage à Martot (…), eun petit ; ch’est l’Eure qui se jette là. (…) la puchette des professionnels qui besognaient là en était eune grande, du genre havenet, avec eune très long manche en bois. Cha s’utilisait surtout pou certains peissons d’montée : saumons, aloses, fintes, caluyots. Fallait aver eun coutumier coup d’main pou fondrer [2] cha dans l’iau, espérer [3] (…) eune minute ou deux, pis sitôt senti douguer (…) l’peisson, r’lever la puchette. J’vos parle de la pêque à la puchette que j’ai ma-même connue sous l’barrage de Martot ; mais on puchait étou parfois au long de certaines berges de par en haut (au d’sus de Rouen), quand les fintes et caluyots, qui montaient généralement des premiers jours de mai à fin juin, v’naient y battre (frapper l’eau de leur queue en surface) à la saison de leurs amours. On pêquait à la puchette étou ailleurs autfeis, avant que la Seine ne sèye tant creusée. Men père, qu’était né en mars 1868, m’avait aussi dit que jadis on puchait aux caluyots au long de Croisset (en aval de Rouen), près du pavillon de Flaubert."

 

      ______

Billard Armand, Flux et reflux de la Seine normande, Condé-sur-Noireau : C. Corlet, 1989, 84 p.

 

[1] Epuisette, en normand.

[2] Enfoncer profondément (note de l’auteur).

[3] Attendre.

Armand Launay

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19 juillet 2011 2 19 /07 /juillet /2011 17:48

Charpillon L.-E., Caresme Anatole, Dictionnaire historique de toutes les communes du département de l’Eure, Les Andelys : Delcroix, 1868, 960 p., t. II, p. 512-514.

 

 

 Martot (1)

 

MARTOT

Paroisse des Dioc. d’Évreux. – Doy. de Louviers. – Vic. et Élec. de Pont-de-l’Arche – Parl. et Gén. de Rouen.  

La paroisse a été dédiée sous le vocable de Saint-Aignan, on a découvert à Martot, un cimetière mérovingien, dont M. l’abbé Cochet a parlé.  

Vers 1060, Ascelin, fils de Roger, donna au Bec, avec l’agrément de Hugues du Martot son suzerain, ce qu’il avait sur Martot. Roger, fils d’Helgard, avait donné auparavant à l’abbaye du Bec, une grande quantité de terre autour de Breteuil, avec la forêt qu’Yves Le Clerc, tenait de la donation de Guillaume, fitz Osbern, lorsque son fils avait pris l’habit religieux.  

Henri, roi d’Angleterre, permet aux moines du Bec de prendre dans ses forêts de Rouvray et de Bord, le bois nécessaire à la construction, réparation et chauffage de leur manoir de Martot[1].  

En 1180, Adam de Martot paya 20 s. pour un accord à Guillaume de Malpalu, fermier du Roumois, ce même Adam de Martot attesta en 1184, que le roi Henri avait pris possession des régales après la mort de Rotrou[2].  

Au mois d’août 1197, Robert de Meulan, était à Martot, dans le manoir de l’abbé du Bec, avec l’évêque de Conventry ; deux ans après, Robert de Meulan donna aux religieux du Bec, le passage d’un bateau libre de Pont-de-l’Arche à Martot[3]. Il était en 1209, garde de la paroisse de Rouen, il fut témoin avec son fils du même nom, d’une charte pour Saint-Amand de Rouen.  

Adam de Martot, IIe du nom, fit en 1222, une donation aux moines de Jumièges.

En 1258, Raoul de Martot étant à Bonport, céda au Bec ses prétentions sur le patronage de Martot.

Nicolas Tronches, vendit en 1264, au cellérier du Bec à Martot, une maison dans cette paroisse. 

Eudes Rigaud séjournait souvent à Martot ; il y était le 2 novembre 1268, nous pensons qu’il recevait l’hospitalité dans le manoir que les religieux du Bec y possédaient, et qui leur provenait d’une donation de Hugues de Montfort-sur-Risle, au XIe siècle. Les moines avaient aussi à Martot, un  cellier où débarquaient leurs vins, qui venaient de l’Île-de-France par la Seine.

Le Roi avait également à Martot, une chapelle, où Raoul de Chevrier célébra l’ordination en 1268.

En 1277, le forestier de la forêt du Rouvray ayant refusé de livrer du bois pour le manoir de Martot, il y eut un procès qui fut jugé en faveur du Bec. 

La même année le Bailli de Rouen jugea que le patronage de Martot appartenait à l’abbaye du Bec, à l’encontre des prétentions de Baudoin de Muids[4]

Pierre de Livarot rendit aveu en 1383, pour le fief de Martot. Il y avait procès en 1389 entre Guillaume de Vienne, archevêque de Rouen, propriétaire de trois moulins à eau sur le Pont de Louviers, et Pierre de Livarot, propriétaire des moulins de Bercelou, situé au même lieu[5]

Pierre de Livarot était en 1400, usufruitier du fief de la Londe à Louviers[6].

En 1408, Guillaume de Livarot était conseiller de ville à Louviers ; le 27 avril 1416, N. H. Guillaume de Livarot donna aveu pour Martot[7] ; il avait droit de prendre une poignée d’argent nommée la hailesse sur le panage de la foret de Bord, sa veuve, Théophanie de Villière, obtint en 1419, ses biens a Vernon.

Guillaume de la Motte esc. fait foi et hommage du fief de Martot en la Vicomté du Pont-de-l'Arche, en 1463 ; ce même Guillaume de la Motte et Marguerite de Bésu, sa femme, plaidaient en 1498, avec Pierre de Martot, esc. Demeurant a Louviers.  

Lors de la montre de 1470, Jean Costard, seigneur de Martot et de la Victoire, se présenta et fit agréer Pierre Costard, son fils, sieur de Saint-Léger, en habillement d’armes : on lui enjoignit d’avoir trois chevaux. 

En 1416 Jehan Costard, IIe du nom, était seigneur de Martot, Nicolas Costard, seigneur de Martot, était décédé, laissant pour veuve Jeanne Agis.  

Le 7 février 1585, Nicolas Costard, dit le capitaine Martot, eut la tête tranchée au Grand-Carrefour d’Évreux, Robert Costard fut pendu. Les biens du capitaine Martot (Nicolas Costard), furent donnés à sa sœur, Barbe Costard, qui rendit aveu, en 1587, pour le fief de Martot.  

En 1605, Barbe de Costard, épouse séparée civilement d’avec Guillaume de Beaumets, poursuivait le décret de Bérengeville, sur les enfants de Charles de Biville.  

L’abbaye du Bec avait probablement vendu son fief car, au XVIe siècle, on voit deux familles prenant à la fois le titre de seigneur Martot.  

Après Barbe de Costard, Nicolas de Lux esc. acheta en 1588, le fief de Martot qu’il vendit la même année, à Jean Le Lieur, notaire et secrétaire du Roi. Antoine Le Lieur, son fils, était, en 1608, seigneur de Sainte-Catherine de Bédane, et du fief terre et seigneurie de Martot, 8e de haubert, lui provenant de son père.  

En 1610, Antoine Le Lieur vendit Martot à Jean Cousin, lieutenant des Eaux et Forêts de Pont-de-l’Arche.  

Le Lieur : d’or à la croix dentelée de gueules et d’argent cantonnée de 4 têtes de sauvages d’azur.  

En 1628, Jean Cousin était sieur de Martot, par avancement de succession de Jean Cousin, qui l’avait acquis d’Antoine le Lieur, esc. sieur de Ste-Catherine.  

Louis Cousin, Louis Pierre et Louis Cousin IIe du nom, furent successivement seigneurs de Martot, jusque vers 1720.  

En 1625, Charles Labbé, fils de Raoul, avait le titre de sieur de la Motte[8], lorsqu’il entra au parlement, on lui confirma en 1659, les droits de chauffage ci-devant accordés aux précédents propriétaires de Martot ; il mourut en 1676. 

Antoine Le Carpentier obtint en 1695, des lettres de provision à l’office de conseiller du roi, maître en la chambre des comptes de Normandie, il épousa en 1714, Marie Anne Pocher des Alleurs, qui était veuve, en 1745, lorsqu’elle plaidait avec le sieur d’Auzouville[9].  

En 1736, le fief de Martot était possédé par le Président au bureau des finances, Nicolas-Alexandre-Lucas de Boucourt ; il passa ensuite à son fils Jacques-Alexandre-Lucas de Boucourt, assassiné en 1764. Sa fille unique, Adélaïde Geneviève Émilie, mariée à M. de Poutrincourt, était en 1780, dame de Martot.  

Lucas de Boucourt : d’or, à l’aigle éployé de sable, becqué et onglé de gueules, au chef de gueules, chargé de 3 croisettes d’argent.  

Biencourt-Poutrincourt : de sable, au lion rampant d’argent, armé, lampassé et couronné d’or.  

Le domaine de Martot passa ensuite, par acquisition vers 1835, à la famille Grandin de l’Éprevier, qui possède encore dans cette commune, une propriété importante.  

Martot est renommé pour ses navets.  

Sergenterie. – En 1405, Thomas Poignant rendit aveu pour la sergenterie fieffée de Martot ; lors de l’invasion de 1410, il refusa de se soumettre aux Anglais, qui, confisquèrent ses domaines pour les donner à l’un des leurs.  

En 1549, Adam Langlois rendit aveu pour la sergenterie de Martot.  

 

MARTOT, cant. de Pont-de-l’Arche ; sur la Seine, à 134 m. d’alt. – Sol : alluvions contemporaines, craie. – R. dép. n° 12 de Bourgtheroulde à Gournay. – Surf. terr. 848 hect. – Pop. 309 hab. – 4 contr. 1948 fr. – *, Percep. et Rec. Cont. ind de Pont-de-l’Arche. – Réunion pour le culte et l’instruction à Criquebeuf-sur-Seine. 2 déb. de boisson. 3 perm. de chasse – Dist. en kil. au chef.-l. de dép. 27, d’arr. 12, de cant. 7.  

Dépendances, Les Fieffes-Mancelles, Les Quatre-Âges.  

Agriculture : céréales, navets.  

Industrie : Néant. – 4 patentés

 

 

martot

 

[1] Antiquaire de Normandie.  

 

[2] On a imprimé Robert au lieu de Rotrou, dans les Notes de M. Le Prévost. 

 

[3] Cart. de Bonport.  

 

[4] Notes Le Prévost. 

 

[5] M. Passy dans les Notes de Le Prévost l’appelle Lynarot, qui est une faute.  

 

[6] Arch. de Rouen.  

 

[7] Vic. de l’Eau.  

 

[8] Fief du Vaudreuil. 

 

[9] Houard, t. I, p. 525. 

Armand Launay

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  • : Pont de l'Arche et sa région histoire, patrimoine et tourisme
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Mes activités

Armand Launay. Né à Pont-de-l'Arche en 1980, j'ai étudié l'histoire et la sociologie à l'université du Havre (Licence) avant d'obtenir un DUT information-communication qui m'a permis de devenir agent des bibliothèques. J'ai acquis, depuis, un Master des Métiers de l'éducation et de la formation, mention Lettres modernes. Depuis 2002, je mets en valeur le patrimoine et l'histoire de Pont-de-l'Arche à travers :

- des visites commentées de la ville depuis 2004 ;

- des publications, dont fait partie ce blog :

Bibliographie

- 20 numéros de La Fouine magazine (2003-2007) et des articles dans la presse régionale normande : "Conviviale et médiévale, Pont-de-l'Arche vous accueille", Patrimoine normand n° 75 ; "Pont-de-l'Arche, berceau de l'infanterie française ?", Patrimoine normand n° 76 ; "Bonport : l'ancienne abbaye dévoile son histoire", Patrimoine normand n° 79 ; "Chaussures Marco : deux siècles de savoir-plaire normand !", Pays de Normandie n° 75.

- L'Histoire des Damps et des prémices de Pont-de-l'Arche (éditions Charles-Corlet, 2007, 240 pages) ;

- Pont-de-l'Arche (éditions Alan-Sutton, collection "Mémoire en images", 2008, 117 pages) ;

- De 2008 à 2014, j'ai été conseiller municipal délégué à la communication et rédacteur en chef de "Pont-de-l'Arche magazine" ;

- Pont-de-l'Arche, cité de la chaussure : étude sur un patrimoine industriel normand depuis le XVIIIe siècle (mairie de Pont-de-l'Arche, 2009, 52 pages) ;

- Pont-de-l'Arche, un joyau médiéval au cœur de la Normandie : guide touristique et patrimonial (mairie de Pont-de-l'Arche, 2010, 40 pages) ;

- Pont-de-l'Arche 1911 I 2011 : l'évolution urbaine en 62 photographies (mairie de Pont-de-l'Arche, 2010, 32 pages) ;

- Mieux connaitre Pont-de-l'Arche à travers 150 noms de rues et de lieux ! (Autoédité, 2019, 64 pages) ; 

- Déconfiner le regard sur Pont-de-l'Arche et ses alentours (Autoédité avec Frédéric Ménissier, 2021, 64 pages) ;

- Les Trésors de Terres-de-Bord : promenade à Tostes, ses hameaux, Écrosville, La Vallée et Montaure (publié en ligne, 2022) ;

- Les Trésors de Terres-de-Bord : promenade à Tostes, ses hameaux, Écrosville, La Vallée et Montaure (version mise en page du précédent ouvrage, édité par la mairie de Terres-de-Bord, 2023).

Depuis 2014, je suis enseignant à Mayotte.

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