Annuaire des cinq départements de la Normandie, publié par l’Association normande et les Assises de Caumont, 1951-1952, Caen, 1953, p. 23-24.
A. Lefebvre, Instituteur Honoraire (1949)
II. – LES CAVES ET SOUTERRAINS DE LOUVIERS
Dans son livre si captivant sur les Manants du Roy, Jean de La Varende nous rappelle que, dans son pays d’Ouche, il y avait jadis plus de routes sous terre que dessus, que tous les châteaux-forts de cette région frontière, entre la Haute et Basse-Normandie étaient reliés entr’eux par des souterrains, et que des " cartes noires " en avaient même été dressées vers la fin de l’Ancien-Régime et avaient utilement servi aux bandes des chouans dans leurs luttes désespérées contre les armées républicaines. Et à ce propos il nous raconte l’histoire d’un chien des Jonquerets de Livet qui tomba dans une marnière abandonnée et qui fut retrouvé trois jours plus tard dans une autre marnière, près de Landeperente, à une bonne lieue de là.
Ne pourrait-on pas en dire autant de toutes les villes fortifiées d’autrefois ? À Louviers même, n’a-t-on pas retrouvé un certain nombre de ces souterrains destinés, soit à emmagasiner des provisions, des armes et du matériel de guerre, soit à s’échapper facilement loin de la ville en cas de siège ? Ne serait-il pas intéressant de pouvoir établir le plan souterrain de notre bonne ville si souvent attaquée au cours des Guerres de Cent Ans et de la Sainte-Ligue ? Feu l’abbé Delamare en a déjà dressé une liste dans son ouvrage si intéressant sur les Rues de Louviers.
1° En 1859, on a découvert un souterrain dont l’entrée était située en arrière du maître-autel de Notre-Dame et qui se dirigeait vers le château de Saint-Hilaire et le couvent de Sainte-Barbe.
2° Un autre couloir s’en va sous la Rue Tatin, vers l’ancienne citadelle, peut-être. C’est celui qui a été remis à jour en 1948.
3° Une excavation produite rue des Pompiers, en 1888, a montré un souterrain qui se trouve sous la Mairie actuelle (ancien couvent de Saint-Louis).
4° Sous le théâtre, on en a retrouvé un autre, qui se dirige vers l’ancienne Porte de Rouen.
5° En 1894, un affaissement de terrains a révélé le superbe souterrain qui passe sous le Marché aux Œufs, en face le n° 11, dans le voisinage de l’ancienne Maison des Templiers.
6° Enfin, le fameux souterrain du Puits-Crosnier, qui a son ouverture dans le Bois du Défends près du cimetière, se dirigeant vers la Citadelle et le châtel des archevêques, et permettait aux combattants de s’échapper facilement en cas de grand danger. Suivant la tradition locale une branche de ce souterrain aurait son issue dans l’église Saint-Germain. C’est dans ce puits Crosnier que fut jeté, comme à la voirie, le corps du curé de Mesnil-Jourdain, Mathurin Picard, très compromis dans le célèbre procès des Possédées de Louviers, en 1647.
Signalons, à notre tour, qu’au n° 22 de la rue Dupont de l’Eure existe une cave rendue visible par le bombardement de 1940, et dont la voûte descend d’une marche en même temps que l’escalier qui y conduit. Elle ressemble à celles que nous avons visitées il y a une soixantaine d’années, aux abbayes du Bec-Hellouin et de Jumièges.
Le Châtel du Manoir des Archevêques de Rouen, détruit en 1435, ne fut jamais réédifié. C’est sur son emplacement que fut construit le pâté de maisons compris entre la rue du Châtel et la rue aux Mouches (rue Bertinot actuelle). De ce quartier il ne reste malheureusement plus rien depuis le bombardement de 1940, sauf les caves à deux étages d’une solidité à toute épreuve, dont les voûtes en plein cintre étaient soutenues par des arceaux en pierre. Dans quelques-unes de ces cuves, on descendait par un escalier à vis également en pierre.
À Rouen même, toutes les maisons situées sur le côté méridional de la rue aux Ours, sont bâties sur un très long souterrain faisant communiquer la cathédrale avec la tour Saint-André. De solides grilles en fer délimitent les parties servant de caves à chaque habitation.
Ne serait-il pas utile, pour notre ville de Louviers, de dresser un plan de tous ces anciens souterrains, ainsi que de ceux à découvrir au cours des travaux de la Reconstruction ?
A lire aussi...
Armand Launay
Pont-de-l'Arche ma ville