À la mémoire de notre ami Michel Lepont, organiste de l'église de Pont-de-l'Arche et membre de la confrérie de charitons de Criquebeuf-sur-Seine, décédé le 3 janvier 2020.
La visite de l’église de Criquebeuf-sur-Seine est passionnante...
Sa tour-clocher est le seul vestige médiéval de la deuxième moitié du XIVe siècle. On le voit à ses imposants contreforts.
Le reste de l’église a été inauguré en 1874 après un incendie de cet édifice qui a causé la destruction de la quasi-totalité du mobilier.
Les vitraux ont, semble-t-il, souffert de la Deuxième Guerre mondiale et ont été remplacés par d’élégantes créations de l’atelier B. Devisme, de Rouen. Seuls deux d’entre eux sont antérieurs.
La particularité du culte de Criquebeuf est la dévotion à Notre-Dame de Lourdes. Elle se traduit par un nombre impressionnant d’exvotos sur le bas-côté Nord et par une grotte.
Ce qui nous a frappé, c’est la présence de 6 des 56 stalles de Notre-Dame de Bonport qui ont été attribuées à la paroisse de Criquebeuf par le district de Louviers durant la Révolution, suite à la nationalisation de l’ancienne abbaye de Bonport.
En faisant des recherches sur les stalles de Bonport, nous avons pu lire que le Conseil municipal de Criquebeuf avait milité auprès du district de Louviers pour les obtenir. En vain, puisque 46 d’entre elles ont été attribuées à la paroisse Saint-Vigor de Pont-de-l’Arche. Parmi les 10 dernières, 4 sont revenues à la paroisse de Tourville-la-campagne. Criquebeuf n’a reçu que 6 stalles de Bonport.
Contre mauvaise fortune bon cœur, la paroisse de Criquebeuf a créé 19 stalles, adossées aux murs du chœur. Elles possèdent les mêmes proportions que les stalles de Bonport sans toutefois essayer d’imiter leur décoration tant celle-ci est poussée. La paroisse a donc fait poser des stalles très sobres qui semblent revendiquer le rôle de simples remplaçants d’un bien qui aurait dû trouver ici sa place.
Outre la revendication des stalles par les édiles criquebeuviens, les moines de Bonport ont eu autorité sur l’église de Criquebeuf depuis la fondation de leur monastère. Louis-Etienne Charpillon et Anatole Caresme, dans le Dictionnaire historique de toutes les communes du département de l’Eure (p. 895-897), précisent que « Richard Cœur-de-Lion, en fondant l’abbaye de Bonport, détacha de son domaine l’église de Criquebeuf. « Nous donnons, dit-il, à perpétuité, aux religieux pour leur entretien et besoins, l’église de Criquebeuf intégralement avec toutes ses dépendances, nous voulons à cette occasion qu’on sache que l’avouerie de ladite église nous a été adjugée après la preuve faite dans une enquête »…
Qui plus est, au début de la Révolution, l’abbaye de Bonport se trouvait dans la commune de Criquebeuf avant d’être rapidement incluse dans la commune de Pont-de-l’Arche. Le sentiment de dépossession dut se faire sentir.
Ce lien privilégié avec Bonport semble aussi être revendiqué par les chapiteaux des colonnes de la nef qui reprennent les décorations à feuilles d’eau caractéristiques des cisterciens, l’ordre religieux de Bonport. Plus exactement, ils semblent reprendre les dimensions des colonnes de la nef de Bonport dont on retrouve un exemplaire dans la clôture d’un champ criquebeuvien.
Une colonne issue de l'ancienne église Notre-Dame de Bonport sert de délimitation de parcelle dans une rue criquebeuvienne. Les dimensions des colonnes de Notre-Dame de Criquebeuf, datant de 1874, lui ressemblent étrangement.
Nous concluons que Notre-Dame de Criquebeuf, reconstruite en 1874, semble revendiquer son lien privilégié avec l’ancienne abbaye de Bonport ; un lien nostalgique depuis la fermeture de cette abbaye en 1790 et depuis que les vestiges de celle-ci ont été rattachés à la commune de Pont-de-l’Arche.
Armand Launay
Pont-de-l'Arche ma ville