Un harmonieux château des années 1740...
... rénové et réinvesti en mairie peu après 1990.
Une terre de l'abbaye Saint-Ouen de Rouen
Le Répertoire numérique des archives départementales antérieures à 1790 rédigé par l’archiviste P. Le Cacheux nous donne une première connaissance. Consultable en ligne, le tome IV portant sur la série H, fait état des droits de l’abbaye Saint-Ouen de Rouen, notamment à Igoville. La liasse 14 H 402 comporte une archive du 6 mai 1625 où l'on apprend que le père de l’abbaye Saint-Ouen autorisa Louis de la Faye à construire un colombier. Jusqu'en 1691, la famille de la Faye a occupé ce fief de l'abbaye de Saint-Ouen. On retrouve trace du colombier sur le plan cadastral, à côté de l'actuel château qui nous intéresse. Des photographies montrent ce colombier, en ruine, jusqu'au moins 1928.
Vers 1747, un château émerge...
L’archiviste Charles de Robillard fit paraitre, en 1868, L’inventaire sommaire des archives départementales antérieures à 1790. Ce document est depuis numérisé et accessible en ligne. Dans la série des documents ecclésiastiques (série G, n° 1 à 1566), on apprend qu'en 1747, il y eut une “bénédiction par M. Esmangard, vicaire général de Mgr de Saulx-Tavannes, d'une chapelle au manoir de Claude-François Esmangard, à Igoville.”
Cette bénédiction marque la fin des travaux du nouveau manoir, ce qu’attestent des éléments architecturaux notés par les connaisseurs qui ont récemment évalué le patrimoine de cette demeure. Ceux-ci ont fait référence au plan symétrique du manoir et au grand escalier d’honneur, orné d’une rampe en fer forgé de style Louis XV. Ce sont-là des indicatifs de la première moitié du XVIIIe siècle. Le manoir était alors accompagné d’une chapelle carrée, d’un colombier, de bâtiments annexes ainsi qu’un jardin, aujourd'hui parc de loisirs. Nous estimons donc que le château d’Igoville tel que nous le voyons actuellement fut bâti dans les années mil sept cent quarante.
On retrouve ensuite un propriétaire nommé Louis-Jacques des Marets, seigneur de Saint-Aubin, Corneville, Tennemare, La Barre… et conseiller au Parlement de Rouen de 1742 à 1775. Marié à Marie-Madeleine Duval de Morgny, il eut pour héritière, Marie-Louise des Marets, sa fille. Celle-ci eut pour dot son hôtel rouennais et le château d’Igoville lors de son mariage, en 1777, avec Alexandre de Moncel, marquis de Torcy, président à mortier au Parlement de Rouen. Celui-ci mourut en 1781. La veuve épousa en secondes noces Jean-Pierre Fermin, comte de Vieux, en 1790. Jean-Pierre Fermin, d’origine bretonne, était un ancien capitaine de dragons au régiment du Dauphin. Il fuit la Révolution avant de commander la Garde nationale de Rouen en 1814. Il divorça en 1794 afin de conserver les biens que sa femme conserva avant de l’épouser à nouveau, quelques années plus tard. Ce couple faisait partie, sous l’Empire, des trente plus grandes fortunes de Seine-Inférieure. Les héritiers Fermin vendirent leurs biens le 26 septembre 1872 à Louise Adélaïde de Clisson, fondatrice de l’orphelinat de Saint-François-Xavier. Il semble qu’à partir de cette période le château servit aux sœurs de cet orphelinat à tel point qu’on ait affublé ces bâtiments du nom de couvent … Dans son testament, Mme de Clisson dût céder sa propriété igovillaise aux sœurs car, lors de la dissolution des congrégations enseignantes, le château d’Igoville se retrouva sans propriétaire et fut acheté en mars 1903 par Henriette Avon, mariée au général Avon (décédé en 1918). En 1922, Henriette Avon et sa fille, la comtesse René de Maulde, étaient propriétaires du château. Cette famille vendit ses biens à MM. Jacques et Raymond Morel en 1949 ; Raymond Morel étant un célèbre directeur d’usine de chaussure à Pont-de-l’Arche et Igoville.
Cette propriété manqua d'entretien. C’est pourquoi la commune d'Igoville commença par racheter le parc et les dépendances, en 1982, avant de devenir propriétaire du château en 1990.
D’importantes rénovations ont rendu à ce château sa beauté et lui ont assuré de passer encore quelques décennies à l’abri de la ruine. Peut-être n’a-t-on jamais mis autant en valeur les droites lignes de ce bâtiment. Enfin, la réutilisation des lieux en mairie, bibliothèque, treize logements, salle d’exposition… assurent mieux encore la pérennité des lieux tout en offrant à la commune un magnifique souvenir de son histoire et un important outil à l’administration et à la vie sociale.
Sources
- ANONYME, " 3. – Le château rénové d’Igoville ", in, COLLECTIF, Les échos de Seine-Bord n° 4, avril 2003, 8 p., cf. p. 8.
- BEAUMONT, Franck, SEYDOUX, Philippe, Gentilhommières des pays de l’Eure, Paris : La Morande, 1999, 465 p., ISBN 2-902091-31-2.
- CHARPILLON, Louis-Etienne, CARESME, Anatole, Dictionnaire historique de toutes les communes du département de l’Eure, Les Andelys : Delcroix, 1868, 960 p.
- Base " Mérimée " du patrimoine architectural français : www.culture.gouv.fr/public/mistral/merimee_fr
Armand Launay
Pont-de-l'Arche ma ville