Toutes les rues du centre-ville de Pont-de-l’Arche et de quartiers des faubourgs sont marquées de plaques bleues datant des années 1960 et 1970. Cependant une d’entre elle est bien plus belle… celle d’André Antoine.
Cette attention ne tient pas au fait qu’André Antoine était un résistant. En effet, de nombreuses rues portent les noms de résistants à Pont-de-l’Arche et, malheureusement, tous n’ont pas de belles plaques en leur honneur. En 1994, Madeleine Antoine, veuve d’André Antoine, fit part au maire Paulette Lecureux, de sa déception : la plaque de rue « André Antoine » n’exprime rien. « André Antoine ! Qui est-il pour les générations futures ? » écrivit-elle au maire. Elle demanda alors qu’une nouvelle plaque soit posée, mentionnant : « Lieutenant-colonel André Antoine / Résistant-chef de réseau / 1939-1944 ».
Cette demande tout à fait légitime fut retenue de suite par Paulette Lecureux, premier magistrat sensible à l’histoire. Ainsi une plaque fut commandée, apposée, et inaugurée le 8 mai 1995 à l’occasion du 50e anniversaire du 8-Mai 1945. Les cérémonies coorganisées avec la commune des Damps et les associations d’anciens combattants se déroulèrent en présence de Madeleine Antoine et quelques proches. Madeleine Antoine, dans un courrier en date du 11 mai 1995, s’est dite « reconnaissante du témoignage (…) cette journée du 8 mai 1995 restera gravée dans ma mémoire… »
L'hommage rendu par la Ville de Pont-de-l'Arche en 1945
et renforcé en 1995 par Paulette Lecureux, maire (photo A. Launay)
André Antoine, éléments de biographie
André Louis Antoine est un résistant français né le 29 mars 1920 à Saint-Dizier (Haute-Marne) et mort pour la France le 27 février 1944.
Marié et sans enfant, cet artisan radioélectricien, diplômé de l’école centrale de TSF de Paris, fut mobilisé le 9 juin 1940. Il rejoignit le 8e Régiment du génie à Versailles et partit dans l’Ain. Rentré aux Damps, où il résidait, il entra aussitôt dans la résistance en construisant et réparant des postes d’émission et de réception de TSF. Quand l’occupant l’obligea à se rendre à Cherbourg pour y travailler, le 15 avril 1943, il devint clandestin en s’arrêtant à Brionne où il passa de suite à l’action. Sous le pseudonyme d’ « Allais », il s’engagea dans un réseau appelé Front national, sans rapport avec le parti d’extrême droite de nos jours. Il en devint rapidement un des cadres départementaux les plus influents sous le grade de Lieutenant-colonel. Par la suite, il adhéra au réseau appelé Résistance, en juillet 1943, avec un autre chef de secteur du Front national, Armand Tarissan, et en devint le chef régional. André Antoine a été nommé Lieutenant-colonel, grade homologué au Journal officiel de la République française au titre de la résistance intérieure française.
Après de très riches faits d’armes (voir ci-dessous), André Antoine fut grièvement blessé le 16 janvier 1944, à 15 h, par des tirs de mitraillettes allemands chez Monsieur Lerouge (charpentier à Beaumesnil). Il était venu en ce lieu s’informer et s’assurer de l’inviolabilité des ordres et papiers secrets ainsi que du poste d’émission détenus par le capitaine Trumelet arrêté cinq jours auparavant par les Allemands. Il fut aussitôt transporté à Rouen par la Gestapo où il subit son premier interrogatoire vers 23h. Il fut placé en traitement à l’hôtel-Dieu où il subit une opération révélant sept perforations des intestins et une blessure par balle au-dessus de la cheville gauche. Descendu dans les locaux disciplinaires de l’hôpital de Rouen pour un nouvel interrogatoire, il dut subir une nouvelle intervention chirurgicale. Interrogé plusieurs fois sur son lit de souffrances, n’a pas jamais voulu répondre. Il décéda le 27 février 1944 à 14h05. Il fut inhumé au cimetière des Damps le 2 mars 1944.
Les élus de Pont-de-l’Arche décidèrent d’honorer la mémoire de ce martyr en donnant son nom à la rue de l’église lors du Conseil municipal du 20 mars 1945. Une plaque commémorative rappelle aussi sa bravoure sur le monument aux Morts des Damps (photo ci-dessous).
L'hommage sur le Monument aux morts des Damps (photo A. Launay)
Détail des faits d’armes d’André Antoine
Activités générales
Camouflage des réfractaires en très grand nombre.
Regroupement des patriotes français.
Sauvetage, hébergement et départ des parachutistes alliés.
Regroupement des indications militaires : passage de troupes, repérage des postes d’émission de DCA et des postes d’écoute allemands.
Activité personnelle
Cambriolage de la gendarmerie de Serquigny pour se procurer le pli secret allemand concernant le débarquement allié.
Incendie de meules de lin aux environs de Beaumesnil.
Relevé et dressé des plans des gares de la région en vue de bombardements.
Relevé et dressé des plans d’embuscades en vue du débarquement.
Nomination de Robert I comme chef de ce maquis.
Relevé et dressé les plans concernant les champs d’aviation de Beaumont-le-Roger, Evreux et Conches.
Renseignements sur l’activité de ces champs d’aviation.
Démolition de l’appareil de contrôle des avions allemands en vol (appareil placé sur le terrain même de Beaumont-le-Roger).
Organisation complète de la Résistance dans l’Eure notamment dans les cantons de Brionne, Saint-Georges, Lieurey, Pont-Audemer, Bernay, Beaumont-le-Roger, Beaumesnil, Verneuil-sur-Avre, Breteuil, Conches, Bourtheroulde…
Organisation de la résistance dans le département du Maine-et-Loir notamment Saumur, Fontenay et Roumaison.
Nomination de A 18 comme lieutenant de cette région.
Dépôt chez les grossistes du reliquat des tickets d’alimentation de manière que ces derniers puissent être utilisés normalement par le maquis sans avoir recours à la force.
Relevé et dressé des plans de la Centrale électrique de Distre en vue de son bombardement.
Agent de renseignement pour l’Intelligence service par l’intermédiaire de M. Follope de Bernay fusillé par les Allemands.
Nomination du capitaine Trumelet de Beaumesnil comme chef militaire de Résistance dans l’Eure.
Passé au Comité directeur « Résistance à Paris » sous les ordres directs d’Alger.
Activités dans les départements du Calvados et Seine-Maritime.
La tombe d'Antoine Antoine, aux Damps (photo Madeleine Antoine)
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Armand Launay
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