Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
8 juillet 2011 5 08 /07 /juillet /2011 17:38

Depuis quand la paroisse de Pont-de-l’Arche est-elle placée sous le patronage de saint Vigor ?

 

Eglise-Notre-Dame-des-arts

 

Avant d’être placée sous le patronage de Notre-Dame des arts l’église paroissiale de Pont-de-l’Arche était connue sous le vocable de Saint-Vigor. Des livres donnent encore ce nom de nos jours à l’édifice datant du XVIe siècle. Il y a donc des visiteurs qui pensent avoir vu l’église Saint-Vigor de Pont-de-l’Arche. À leur décharge, précisons que ce n’est qu’en 1896 que le changement de patronage eut lieu, à l’initiative de Pierre-Octave Philippe, curé-doyen de la paroisse. 

Réservant la question de ce changement de patronage à une autre étude, on peut se demander qui était Saint-Vigor ? Pourquoi a-t-on choisi de placer l’église paroissiale sous ce vocable ?

En août 1025, une charte atteste que le duc de Normandie, Richard II, céda aux moines de Jumièges ses droits sur l’église et diverses propriétés archépontaines.

Bien qu’il ne précise pas la localisation de l’église, il n’y a pas à douter que l’église de l’époque était située à l’endroit où nous voyons Notre-Dame des arts aujourd’hui. Seul le bâtiment a dû changer, au moins une fois car nous savons que les travaux qui ont débuté en 1499 ont peu à peu remplacé une église rustique.

 

Pourquoi choisir Saint-Vigor ? 

Au IXe siècle, des fortifications ont été bâties sur la Seine pour protéger Paris des attaques normandes. La rive gauche servit de lieu de peuplement pour les hommes de troupe et leurs familles car la corniche naturelle est une défense non négligeable. C’est ainsi que sont nées la ville de Pont-de-l’Arche et sa paroisse, entre 862 et 1025. Le site de l’église est le point le mieux défendu qui surplombe tout à fait la zone de Seine à protéger des attaques des drakkars normands.

 

Que la croix domine l’espace où les chrétiens furent censés vaincre les attaques des païens normands n’est pas étonnant. Cela rappelle l’érection de monuments à l’effigie du Christ ou de la Vierge dans de nombreuses vallées, ou à l’entrée de villages afin de protéger les habitants du malheur. Le choix de l’emplacement serait donc très logique et peut, peut-être, être relié à saint Vigor.

Nous savons que l’église était placée sous le vocable de Saint-Vigor depuis au moins 1163 où elle était toujours la propriété de l’abbaye de Jumièges. Ce sont donc certainement les moines de cette abbaye qui décidèrent de donner à l’église de Pont-de-l’Arche le nom de saint Vigor à moins qu’il ne fût déjà donné auparavant.

 

Qui était saint Vigor ? et quelle est l’histoire de ses reliques à Pont-de-l’Arche ?

 

Mais qui était Saint Vigor ? Cet homme, disciple de saint Vaast, fut le premier évêque de Bayeux et serait mort aux alentours de 537. Il est resté célèbre grâce à une légende qui fait de lui le champion de la lutte contre le paganisme. En effet, il aurait réussi à faire péricliter des pèlerinages païens et c’est peut-être pour cette raison qu’il est célébré le premier novembre (date de nombreuses fêtes polythéistes dont la Samaïn des celtes).

Si saint Vigor a été choisi pour patronner l’église de Pont-de-l’Arche c’est, très certainement, pour faire référence à une lutte heureuse contre le paganisme. Cela indiquerait peut-être que, très tôt, le lieu fut placé sous la protection de l’évêque de Bayeux.

Autrement, l’origine de ce nom résiderait peut-être dans la tête d’un abbé de Jumièges, disparu avec les raisons personnelles qui unissaient son cœur avec ce saint.

Ce saint n’avait donc aucun lien avec la ville, à l’origine. Toutefois, un aspect du culte de son culte le rendait très célèbre partout où il se trouvait. On disait qu’il avait ressuscité un enfant à Reviers ce qui lui valait une dévotion des mères qui recherchaient la santé pour leurs enfants.

Pont-de-l'Arche connut alors un pèlerinage des mères qui recommandaient leurs enfants au saint afin qu’il fortifiât les plus faibles d’entre eux, qu’il leur donnât la vigueur. On peut même penser qu’il existe un jeu de sonorités qui se trouve à l’origine de cette attribution miraculeuse.

Des cahiers de la fabrique de l’église nous apprennent qu’en 1541, "On a apporté deux pièces de la tête saint Vigor du prieuré Saint-Vigor de Bayeux". Cette acquisition de reliques était très fréquente sous l’Ancien Régime, et le Moyen Âge, qui permettait d’entretenir la foi des fidèles.

Ces cahiers précisent, en 1621, qu’il y a " dans (la) chasse le crâne et une demie vertèbre de saint Vigor et un morceau de chasuble." Comment expliquer le changement de contenu de la châsse ?

Quoi qu’il en soit, ces reliques ne reposèrent pas tranquillement dans l’église. En 1648, Pierre Delatour fut présumé coupable du vol des reliques de Saint-Vigor. Cet homme aurait fuit et caché les reliques dans un champ de Léry où, retrouvées, on aurait dressé une croix qui porte encore son nom de nos jours. Un procès eut lieu qui dura des années sans qu’on puisse connaître l’auteur du vol. Elles prirent le chemin de l’église de Louviers en 1673 avant que, en 1921, "le crâne, une vertèbre et un morceau de chasuble [ne reviennent] à l’église de Pont-de-l’Arche", Notre-Dame, donc...

 

Dans un autre volet… pourquoi a-t-on donné le nom de Notre-Dame des arts à l’église paroissiale ?

 

Sources

- Bothineau-Fuchs Yves, Haute-Normandie gothique, collection les Monuments de la France gothique (dir. par Annie Prache), Paris : Ed. A. et J. Picard, 2001, 403 p., ISBN 2-7084-0617-5, voir p. 273 à 277.

- Collectif, " Note de ce qui s’est passé de curieux et de ce qui a été fait dans l'année de chaque trésorier ", in Semaine religieuse du diocèse d’Évreux, n° des 24, 31 août, 14, 21 septembre 1918.

- Deslandes, ?, Recherches historiques sur les reliques de Saint Vigor, évêque de Bayeux, Bayeux : Imprimerie typographique COLAS, rue Royale, 1920.

- Fauroux Marie, " Recueil des actes des ducs de Normandie (911–1066)", in Mémoires de la société des antiquaires de Normandie, tome XXXVI, Caen : Société des antiquaires de Normandie, 1961, 560 p.

- Launay, Armand, " La première église de Pont-de-l’Arche (du IXe au XVe siècles…", in La Fouine magazine n° 6, janvier 2005, chez l'auteur, 2005, 16 p., ISSN 1765-2278.

- Patin, Anita, " Le voleur Delatour nous emmène à Bonport ", in La Dépêche de Louviers. (vers 1992).

- Verdier François, " L’église paroissiale Saint-Vigor de Pont-de-l’Arche ", in Congrès archéologique Evrecin, Lieuvin, Pays d’Ouche, 1980, Paris, 1984.

- Vernier J.-J., Chartes de l’abbaye de Jumièges (v. 825 à 1204) conservées aux archives de la Seine-Inférieure, tome I, Rouen : archives départementales, 1916, 240 p.

 

Armand Launay

Pont-de-l'Arche ma ville

http://pontdelarche.over-blog.com

Bando 13x9 (1)

Partager cet article
Repost0

commentaires

  • : Pont de l'Arche et sa région histoire, patrimoine et tourisme
  • : Bienvenue sur ce blog perso consacré à Pont-de-l'Arche et sa région (Normandie, Eure). Contactez-moi afin d'étudier ensemble, plus avant, l'histoire et donc de progresser vers la connaissance. Bonne lecture ! armand.launay@gmail.com
  • Contact

Mes activités

Armand Launay. Né à Pont-de-l'Arche en 1980, j'ai étudié l'histoire et la sociologie à l'université du Havre (Licence) avant d'obtenir un DUT information-communication qui m'a permis de devenir agent des bibliothèques. J'ai acquis, depuis, un Master des Métiers de l'éducation et de la formation, mention Lettres modernes. Depuis 2002, je mets en valeur le patrimoine et l'histoire de Pont-de-l'Arche à travers :

- des visites commentées de la ville depuis 2004 ;

- des publications, dont fait partie ce blog :

Bibliographie

- 20 numéros de La Fouine magazine (2003-2007) et des articles dans la presse régionale normande : "Conviviale et médiévale, Pont-de-l'Arche vous accueille", Patrimoine normand n° 75 ; "Pont-de-l'Arche, berceau de l'infanterie française ?", Patrimoine normand n° 76 ; "Bonport : l'ancienne abbaye dévoile son histoire", Patrimoine normand n° 79 ; "Chaussures Marco : deux siècles de savoir-plaire normand !", Pays de Normandie n° 75.

- L'Histoire des Damps et des prémices de Pont-de-l'Arche (éditions Charles-Corlet, 2007, 240 pages) ;

- Pont-de-l'Arche (éditions Alan-Sutton, collection "Mémoire en images", 2008, 117 pages) ;

- De 2008 à 2014, j'ai été conseiller municipal délégué à la communication et rédacteur en chef de "Pont-de-l'Arche magazine" ;

- Pont-de-l'Arche, cité de la chaussure : étude sur un patrimoine industriel normand depuis le XVIIIe siècle (mairie de Pont-de-l'Arche, 2009, 52 pages) ;

- Pont-de-l'Arche, un joyau médiéval au cœur de la Normandie : guide touristique et patrimonial (mairie de Pont-de-l'Arche, 2010, 40 pages) ;

- Pont-de-l'Arche 1911 I 2011 : l'évolution urbaine en 62 photographies (mairie de Pont-de-l'Arche, 2010, 32 pages) ;

- Mieux connaitre Pont-de-l'Arche à travers 150 noms de rues et de lieux ! (Autoédité, 2019, 64 pages) ; 

- Déconfiner le regard sur Pont-de-l'Arche et ses alentours (Autoédité avec Frédéric Ménissier, 2021, 64 pages) ;

- Les Trésors de Terres-de-Bord : promenade à Tostes, ses hameaux, Écrosville, La Vallée et Montaure (publié en ligne, 2022) ;

- Les Trésors de Terres-de-Bord : promenade à Tostes, ses hameaux, Écrosville, La Vallée et Montaure (version mise en page du précédent ouvrage, édité par la mairie de Terres-de-Bord, 2023).

Depuis 2014, je suis enseignant à Mayotte.

Accédez aux articles par Google maps