Il fait partie de la routine, mais la routine désigne moins le quotidien que le toujours même regard, passif, sur le quotidien : le Monument aux morts de Pont-de-l'Arche éveille la curiosité quand on est soucieux des détails...
1922 : création d'un monument signé Robert Delandre
Inauguré en 1922 suite au travail mené par un Comité présidé par Maurice Delamare, ancien maire, ce monument est situé sur la route d’Elbeuf, dans un espace appelé depuis place du Souvenir. Nicolas Coutant, dans un article publié dans Études normandes (2), nous apprend que le Monument aux morts de Pont-de-l'Arche est l'œuvre de Robert Delandre, sculpteur elbeuvien aussi auteur des monuments aux Morts d'Oissel, Freneuse, Elbeuf (église Saint-Jean), Saint-Étienne-du-Rouvray, Saint-Aubin-lès-Elbeuf, Barentin, Eu, La Saussaye... Nicolas Coutant, citant une archive municipale (2M32), nous apprend aussi que Robert Delandre dut l'attribution du marché à Marcel Ouin, ami de la famille Delandre, qui était vice-président du Comité pour l'érection d'un monument (voir page 10). Marcel Ouin était le beau-père de Maurice Delamare.
Jean Bourienne, que nous remercions, nous a livré une archive montrant que l'architecte qui constitua le Monument de Pont-de-l'Arche fut son grand-père, Georges Bourienne. Cette archive est une coupure du Journal de Rouen du 17 juin 1923 portant sur le monument de Barentin. Georges Bourienne était architecte et Robert Delandre statuaire. Georges Bourienne était aussi l'architecte du Plouzel, la propriété de Marcel Ouin à Pont-de-l'Arche, rue Morel-Billet.
La signature de Robert Delandre, un peu effacée, sous le pied du Poilu.
On distingue une fêlure sur le casque allemand auquel il manque un bloc de pierre.
Les stigmates
Si ce monument manifeste le respect dû aux combattants morts pour la France, quelques soldats allemands ne l’ont pas entendu ainsi durant la Seconde guerre mondiale. En effet, prenant pour appui le manuscrit de Roland Chantepie (3) – et pour preuve les photographies ci-dessous – on constate les mutilations du monument :
- le bout du fusil a été cassé ;
- le casque allemand a été cassé ;
- l’inscription « On ne passe pas », d’abord utilisée sur un monument de la forêt de Verdun où un lion terrassé symbolise l’armée allemande, a été burinée. Alors que la première photographie montre des lettres sculptées en profondeur, la deuxième photographie laisse apparaitre des lettres taillées en relief au cœur d’un cartouche creusé dans la pierre.
Puisque la France résistante a vaincu le nazisme avec les Alliés, le monument fut partiellement restauré après guerre et retrouva sa citation. Le fusil resta écourté et peut symboliser la blessure de 1940. On peut conclure que le Monument aux morts de la ville joue pleinement son rôle de témoin de l’histoire.
Notes
(1) Pont-de-l’Arche 1911 I 2011 : l’évolution urbaine en 62 photographies, mairie de Pont-de-l’Arche, 2011, 32 pages.
(2) Coutant Nicolas, "Robert Delandre (1878-1961) : sculpter la mémoire", pages 5-20, Études normandes, 61e année, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2012
(3) Chantepie Roland, Pont-de-l’Arche à travers les âges, manuscrit b, 2e partie, De la Révolution à nos jours (1944).
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