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2 décembre 2013 1 02 /12 /décembre /2013 18:05

Pont-de-l'Arche accueille l'un des trois leaders mondiaux de l'optique médicale : Luneau technology operation. Ceci est dû au rachat en 2010 de la société Briot qui s'installa à Pont-de-l'Arche en 1983 après un passage à Elbeuf et, surtout, une création à Louviers. C'est ce que nous retraçons dans cet article en plus d'une présentation des activités contemporaines de Luneau.

A Pont-de-l'Arche, le groupe Luneau conçoit, fabrique et distribue des machines optiques médicales, notamment de la marque Briot (crédit photographique : Luneau technology operation).

A Pont-de-l'Arche, le groupe Luneau conçoit, fabrique et distribue des machines optiques médicales, notamment de la marque Briot (crédit photographique : Luneau technology operation).

De Joseph Briot à Luneau technology operation

En 1936, le lovérien d’adoption Joseph Briot monta une meuleuse semi-automatique qu’il appela « L’universelle ». Elle permettait de dégrossir les verres de lunettes à partir de gabarits et ce avant une finition manuelle. C’est la première machine – connue – capable de ce genre de travail.

Comme sa femme Jeanne Hasquenoph, Joseph Briot était originaire d’une région réputé pour son horlogerie : la Franche-Comté. Lui naquit le 3 février 1888 à Auxelles-Haut (Territoire de Belfort). Elle naquit le 28 aout 1888 à Auxelles-bas. Ils eurent d’abord un fils, Maxime, né en 1910, qui fut horloger puis mécanicien. Puis, il semble que la famille Briot se soit installée dans l’Eure car en 1913 leur deuxième enfant, Suzanne, naquit à « la Guéroult » ce qui doit être La Guéroulde. Leur troisième enfant, Madeleine, naquit à Acquigny en 1919 avant que la famille Briot ne s’établisse à Louviers en 1921 ou 1922.

Les Briot ouvrirent une boutique d’horlogerie au n° 58 de la rue Grande (rue Foch). Puis ils s'installèrent dans la rue du Matrey au n° 15 ou 21. A partir de 1942 au moins, Joseph Briot était « opticien » ou « marchand lunetier ». Le 25 avril 1944, il fut autorisé à joindre à ses fabrications de machines celle de lunetterie.

Après son décès à Louviers le 26 aout 1960, sa boutique fut reprise par un magasin d'optique peut-être en lieu et place d'Optic 2000 de nos jours. On lit ici le glissement de Joseph Briot de l’horlogerie vers l’optique. Cependant, on ne perçoit pas bien l’émergence du concepteur de machines à tailler des verres. Maxime Briot, le fils ainé, nous fournit un élément lui qui était réputé horloger et qui devint mécanicien. C’est peut-être lui qui dirigea un atelier de fabrication de machines dans un autre lieu et sous la houlette paternelle.

Quoi qu’il en soit, Joseph Briot mit au point "L’universelle" ce qui lui permit de fonder une entreprise qui prospéra et qui misa sur l’innovation technique. En 1946, elle comptait 20 salariés. Après le décès de son fondateur l’entreprise passa en 1961 entre les mains de Robert Asselin. Cet ingénieur électromécanicien délocalisa Briot à Elbeuf. Briot-Asselin continua à innover et s’internationalisa. En 1971, Briot créa une meuleuse automatique (la B2000). En 1976, la R2000 était en mesure de reproduire automatiquement une paire de lunettes. En 1980, la société fut reprise par le Belge Jacky Buchmann, fabricant de verres optiques.

En 1983, à la recherche de locaux industriels plus grands, Briot-Buchmann s’installa à Pont-de-l’Arche à la place de Cheesborough pond’s. Les nouveaux locaux, bâtis au XIXe siècle pour l’usine de chaussures d’Henry Prieur, permettent depuis le développement de l’entreprise dans la rue Roger-Bonnet. En 1987, le palpage des lunettes fut aussi automatisé. En 1996, la Accura rassembla dans une machine toutes les opérations nécessaires à la prise de forme d’une monture, le centrage, le blocage et le meulage de son verre. En 2002, Briot acheta Weco optik, entreprise allemande fondée en 1914. En 2010, Briot fut acquise par le groupe Luneau technology operations qui conserve depuis cette marque.

 

Sources

- Archives municipales de Louviers, avec nos remerciements à Mme Lamy et MM. Bodinier et Lombard ;

- Devaux Simone, Rachline Michel, Le meulage du verre, une technique au service de la vision, Paris, Vilo, 2003, 95 pages.  

"L'universelle", première meuleuse semi-automatique de l'histoire. Elle fut conçu par Joseph Briot en 1936 à Louviers.

"L'universelle", première meuleuse semi-automatique de l'histoire. Elle fut conçu par Joseph Briot en 1936 à Louviers.

Briot et Luneau technology operations aujourd'hui

Qui sait que les vastes locaux en brique de la rue Roger-Bonnet sont occupés par un des trois leaders mondiaux de l’optique médicale : Luneau technology operations ?

Cette société conçoit, fabrique et distribue des machines usinant les verres optiques et des appareils capables de réaliser un diagnostic visuel. En clair, elle destine ses produits aux opticiens et aux ophtalmologues. Quand nous commandons nos lunettes, l’opticien doit tailler les verres afin qu’ils se montent parfaitement dans la monture. Luneau crée la machine qui reconnait les dimensions de la monture, mesure les lentilles et, enfin, taille les verres. Chez l’ophtalmologue, quand vous posez le menton sur l’appareil déterminant les caractéristiques des verres correcteurs que vous devez porter, il y a des chances que ce soit un appareil de chez Luneau et, plus précisément, de la société israélienne Visionix qui a acheté Luneau en 2003.

Auparavant, Luneau était une société française fondée en 1928. Elle renforça sa stature mondiale en 2010 en achetant au Belge Buchmann optical holding (BOH) la société Briot international basée à Pont-de-l’Arche (voir notre historique). Aujourd’hui, le site de Pont-de-l’Arche regroupe 105 des 395 salariés de Luneau et produit les marques Briot et Weco, une entreprise allemande datant de 1914 et achetée par Briot.

Le site de Pont-de-l’Arche accueille un bureau d’étude de 20 personnes qui fait de Luneau un groupe très innovant représentant aujourd’hui près de 30 % du marché mondial des opticiens. A titre d’exemple, en 2012 la gamme de machines « Alta – Briot » a été élue produit de l’année par les opticiens français participant au concours du magazine Inform’optique. Le gros du site archépontain est composé de la chaine de montage où les professionnels assemblent entre 800 à 900 pièces par machine. Ces pièces étant fournies par près de 150 fournisseurs, principalement Français. Car c’est une fierté, chez Luneau, de pouvoir estampiller ses produits du label « Origine France garantie » décernée par l’association ProFrance.

A Pont-de-l’Arche aussi se trouvent les responsables des ventes aux filiales du groupe Luneau et aux 70 distributeurs répartis sur le globe. Le groupe Luneau a une forte activité internationale : près de 80 % de la production est exportée vers les filiales de Luneau en Europe et en Amérique du nord. Face à ses deux principaux concurrents – le Français Essilor et le japonais Nidek – Luneau cherche à accélérer son développement dans les zones de forte croissance économique. A ce titre, Luneau vient d’acheter une société de distribution aux Etats-Unis et de signer un partenariat avec une société leader sur le marché de l’optique chinois, où la lunette se démocratise.

 

Merci à Jean-Jacques Videcoq, directeur général adjoint, et à Patricia Peley, responsable de communication.

 

Luneau technology operations

2, rue Roger-Bonnet / 02 32 98 91 32 / www.luneau.fr

Des meuleuses de marque Briot (crédit photographique : Luneau technology operation).

Des meuleuses de marque Briot (crédit photographique : Luneau technology operation).

Armand Launay

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3 avril 2013 3 03 /04 /avril /2013 10:20

 

Sur la route de Rouen, après le pont, les plus observateurs auront remarqué une cheminée en brique. Située au n° 12 de la rue du Canal, à Igoville, cette propriété privée témoigne de l’existence de l’usine électrique de Pont-de-l’Arche…

 

Fondée par Adrien Gascon en 1894, la Société normande d’électricité alimenta Pont-de-l’Arche et sa proche région en électricité depuis ses locaux de la rive droite de la Seine. Il semble qu’Adrien Gascon fut aidé par le marquis de Cairon, maire d’Alizay qui habitait le manoir de la Motte (actuelle mairie). L’expansion de la première usine électrique locale nécessita la création d’un second local plus vaste et lumineux (voir notre photo) et le premier bâtiment en brique fut transformé depuis en style « vieux normand ».

C’est Marcel Gaubert qui reprit cette usine en 1909. Il commanda aussitôt un nouveau moteur à gaz suisse qui arriva durant les inondations de février 1910 où 20 cm d’eaux étaient entrés dans le local (voir plaque). Mobilisé durant la Grande guerre, M. Gaubert fut remplacé par son contremaitre, M. Hémard. Marcel Gaubert rentra du front et se maria en 1919, quelques mois avant la naissance de son fils Jacques Lachner-Gaubert. En ce temps, la Société normande d’électricité s’arrêtait de produire durant la nuit. Elle achetait donc du courant à la Société andelysienne d’électricité (SAE) et le transformait en courant alternatif.

La centrale de Pont-de-l’Arche compta jusqu’à sept moteurs dont deux de marque Caterpillar. Elle fournissait la ville de Pont-de-l'Arche et notamment l'industrie de la chaussure hormis les établissements de  Paul Nion et ses fils de Georges Prieur, faisant leur propre courant, et MARCO, se fournissant à la SAE. Les habitants de Pont-de-l’Arche n’avaient presque pas d’électricité quand les usines tournaient. Certains se souviennent d’avoir « à peine un lumignon » qui éclairait la cuisine le soir. Il fallait attendre la fermeture des usines pour y voir clair ! Jacques, le fils de Marcel, apprit son métier à l’école professionnelle de Rouen (Blaise-Pascal). Il travailla à l’usine de son père à partir de 1938.

Quatre personnes travaillaient alors pour Marcel Gaubert en 1939 quand éclata la guerre. Ce dernier fut mobilisé et emprisonné 5 ans en Autriche. La centrale fut affectée par la guerre et dut racheter le courant à la SAE. A la Libération, l’énergie électrique fut nationalisée. L’usine de Pont-de-l’Arche ferma ses portes. Jacques Lachner-Gaubert intégra le personnel d’EDF en 1948. Il travailla à Louviers jusqu’en 1975.

Aujourd’hui, dans ses locaux au charme d’antan, Jacques témoigne de la course folle qu’a connue notre société plus d’un siècle, de révolution technique en révolution technique. Il nous a permis de lever le mystère sur ce bâtiment qui a compté dans l’histoire locale en nous l’en remercions vivement !

 

Publié initialement dans Pont-de-l’Arche magazine n° 13 (automne 2011)

 

Usine-electrique.JPG 

Jacques Lachner-Gaubert, témoin fidèle de la vie de l’ancienne usine électrique de Pont-de-l’Arche.

 

Sources

Registre des délibérations du Conseil municipal de Pont-de-l’Arche

Divers courriers d’époque

 

 

A lire aussi... 

L'écluse de Limaie

Les faïenciers Lambert 

 

Armand Launay

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21 septembre 2011 3 21 /09 /septembre /2011 09:53

Si l’industrie du drap a marqué l’histoire de Louviers, d’Elbeuf et de Rouen, Pont-de-l’Arche a aussi participé à la production textile en Normandie. Nous avons consulté les travaux d’Alain Becchia, auteur de la thèse La Draperie d’Elbeuf, que nous avons enrichis avec d’autres sources historiques afin de faire un état des lieux de nos connaissances dans ce domaine.

 

Tisseurs (Encyclopédie Diderot)Des tisseurs (L'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert)

 

Une première tentative d’implantation en 1680

L’industrie drapière était en plein essor quand, en 1680, M. Chéron (officier du bailliage de Pont-de-l’Arche) et M. Le Bailly (du Vaudreuil) demandèrent aux autorités le droit d’ouvrir une manufacture de draps à Pont-de-l'Arche. Malgré le poids d’un officier du roi, leur demande fut refusée. Ces messieurs ne furent cependant pas pris au dépourvu car M. Chéron avait des intérêts dans une manufacture de Louviers[1]. Dès cette époque, les projets concernant Pont-de-l'Arche provenaient de personnes établies dans le milieu manufacturier et politique. Il ne pouvait en être autrement car le libéralisme économique n’était pas près de faire surface – il fallu attendre Turgot sous le règne de Louis XVI[2] – et chaque création de boutique ou de manufacture était soumise à l’autorisation du roi et des corporations[3]. Ils fixaient les prix de vente, les salaires et donnaient le droit ou non d’exercer ce métier. Qui plus est, la majeure partie des draps fabriqués était destinée à l’État, conférant à celui-ci un grand pouvoir sur la production.

 

1690-1712, une manufacture elbeuvienne s’implante

En 1690, une manufacture de drap obtint l’autorisation de s’implanter à Pont-de-l’Arche. L’habile travail de pression revint à deux fabricants elbeuviens, M. Delarue et M. Bourdon, qui associèrent leurs finances et leurs réseaux de relations pour accroitre leur production de draps de fine qualité, comme en Hollande et en Angleterre. Ces hommes installèrent, dès le début, 24 métiers à tisser et construisirent peu après deux relais dans des villages voisins[4]. Où se trouvait la manufacture de draps dans Pont-de-l’Arche ? Nous n’avons aucun document pour le préciser. Néanmoins, nous nous interrogeons sur une maison à pans de bois de la rue Julien-Blin (entre l’hôpital et l’encoignure de la rue du Président-Roosevelt). En effet, cette maison possède un toit débordant au-dessus de la rue. Ce type d’encorbellement servit, dans la rue Eau-de-Robec à Rouen, mais aussi à Louviers, à sécher les toiles en les suspendant à l’abri des intempéries. Cette maison serait-elle le seul témoin d’une rue occupée, un temps et pour partie, au travail du drap ?

 

Maison rue BlinTout au fond, sur la maison à pans de bois colorés, un toit déborde au-dessus de la rue sans raison apparente. Peut-être séchait-on ici des draps comme on le faisait avec le type d'architecture à Rouen, par exemple, dans la rue Eau-de-Robec. 

 

La manufacture de Pont-de-l’Arche misait sur un travail de qualité. Ses propriétaires avaient fait venir de la main d’œuvre qualifiée de Hollande comme le note l’Intendant de Normandie en 1698 : Au Pontdelarche, six mestiers de draps très fins façon d’Angleterre dont les sillages sont conduits par des silleurs et des silleuses d’Hollande[5]. D’après les chiffres avancés par ce même intendant, M. Vaubourg de la Boudonnaye, nous avons dressé un tableau rassemblant les lieux de travail du drap en Normandie ; le total des métiers de chaque site ; le nombre de personnes employées ainsi que les pourcentages de ces données. 

 

Répartition des métiers à tisser et des personnes employées dans le textile en Haute-Normandie en 1698

 

 

nombre

de métiers

métiers (en %)

personnes occupées

personnes occupées

(en %)

La Bouille

23

2 %

?

?

Louviers

60

5 %

1 900

10 %

Darnétal

102

8 %

3 000

15 %

Rouen

398

30 %

3 500

18 %

Orival

8

1 %

?

?

Elbeuf

370

28 %

8 500

44 %

Pont-de-l'Arche

6

1 %

?

?

Gournay

40

3 %

500

3 %

Bolbec

300

23 %

2 000

10 %

Totaux

1 309

100 %

19 400

100 %

 

Pont-de-l'Arche était un site de production secondaire avec seulement 6 métiers soit 1 % de ces machines à tisser. Cependant, nous notons que l’Intendant déclara 6 métiers dans la ville alors qu’Alain Becchia s’est fondé sur des documents qui en avancent 24. Les 18 métiers manquants étaient-ils implantés dans d’autres villages ? Avaient-ils été arrêtés depuis 1690 ? Combien de personnes travaillaient à Pont-de-l’Arche ? Avec seulement 6 métiers, Pont-de-l'Arche représentait le 10e des métiers de Louviers qui occupaient 1 900 personnes. Si les métiers de Pont-de-l’Arche occupaient le 10e des tisseurs de Louviers cela représenterait tout de même près de 190 personnes ! Mais Pont-de-l’Arche était spécialisé dans le drap de haute qualité. Il devait produire en petite quantité avec moins de main-d’œuvre ce qui expliquerait les silences de l’Intendant sur les travailleurs de Pont-de-l’Arche et de La Bouille et Orival. Si nous reprenons les chiffres de Rouen, où il y avait 8 à 9 personnes pour un métier, Pont-de-l’Arche aurait occupé moins de 70 personnes.  

Cet essor archépontain ne dura pas. En 1712, M. Delarue et M. Bourdon durent demander le renouvèlement de leurs privilèges. Mais, le vent qui fut favorable à leurs voiles en 1690 avait tourné : les corporations d’Elbeuf, Orival et Louviers, avaient obtenu des autorités le non renouvèlement des privilèges d’exploitation de la manufacture archépontaine. Voulant néanmoins ménager les deux entrepreneurs elbeuviens, un arrêt du 29 mars 1715 permit à Jacques et Thomas Bourdon frères, le déménagement de leur production aux Andelys ainsi que le dédommagement d’une partie des sommes investies. La concurrence locale était désormais amoindrie et la main d’œuvre plus abondante pour Elbeuf et Louviers.

 

Métier à tisser

Un métier à tisser (L'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert)

 

Après 1715, Louviers et Elbeuf étouffent les projets archépontains

En 1715, un procès engagé par la corporation d’Elbeuf parvint à empêcher l’implantation d’une nouvelle manufacture à Pont-de-l’Arche[6]. En 1755, le cas se présenta de nouveau, à la différence près que – bel élan de solidarité – la corporation de Louviers prêta main forte[7]. Dans cette même période, il y aurait peut-être eu une manufacture de cotonnades à Pont-de-l'Arche suite au travail de John Holker, ancien manufacturier de Manchester réfugié en France où il fut nommé inspecteur général des manufactures[8]. Ensuite, le travail textile se réduisit dans notre ville à une manufacture de couvertures de coton pluchées et non pluchées fondée en 1754 par M. Davoust et autorisée le 30 juillet par arrêt du Conseil. Cet établissement se maintint au moins trois ans mais n’a guère laissé de traces[9]. Enfin, une dernière tentative d’implantation a été enregistrée dans les archives. Il s’agit d’un certain M. Chevalier, d’Elbeuf, qui interrogea les autorités en 1790 pour fonder à Pont-de-l’Arche une manufacture de draps. Cette demande fut vaine[10]. Enfin, si aucune fabrique de drap n’existait à Pont-de-l’Arche en 1788, le textile occupait 37 personnes, comme le nota Bénédicte Delaune dans un mémoire de maitrise. Elle écrivit que « Le secteur textile apparaît assez faible à côté de villages comme Elbeuf et Louviers, grands centres manufacturiers. En fait, les principaux sont des cardeurs, cordiers, tailleurs ou basestaniers. Quelques marchands drapiers ou de toileries subsistent en l’an VI [1797-1798]. Ils disparaissent en l’an IX [1800-1801].[11] » 

Le textile apparait encore dans l'histoire de la ville dans les déclarations faites en 1817 à l'occasion d'un recensement cantonal qui dénombra 60 broches chez Noël Postel, 360 chez Désiré Brunel et 164 chez Constant Brubel. Il dénombra aussi 240 broches, "soit deux métiers", chez Nicaise Vigor (Igoville) et d'autres broches à Martot, Saint-Pierre-de-Liéroult, Le Vaudreuil… En 1820, Pierre Louis Hédouin possédait 3 métiers à Pont-de-l'Arche où se trouvait aussi et Noël Potel, filateur en coton, propriétaire de 240 broches. Pour finir, en 1834, Alexandre Lequeux, "maître filateur", déclara 10 métiers soit 1 200 broches et Pierre Louis Hédouin, "filateur de coton", deux métiers à filer soit 250 broches[12] .

 

 

Bilan

Un rapide survol de la situation du textile à Pont-de-l’Arche montre que la croissance de cette industrie aurait pu toucher notre cité si le commerce avait été libre. De peur de perdre une main d’œuvre qualifiée, les corporations de Louviers et Elbeuf ont fait pression sur les autorités royales pour écraser la concurrence locale. Ce comportement, aux antipodes des intérêts des ouvriers, a laissé le champ libre au développement de l’industrie du chausson à partir des années 1830. En effet, les Archépontains, sans industrie, se sont engouffrés dans cette activité située à mi-chemin entre la cordonnerie et le textile. Une partie non négligeable des très nombreux cordonniers de la ville (23 en 1788) ont cousu des semelles de cuir sur les chaussons tressés avec des chutes de drap d’Elbeuf par des dizaines puis des centaines de chaussonniers… C’était le cas d’Antoine Ouin qui constitua officiellement la première société de chaussons de Pont-de-l’Arche en 1833, lui qui était cordonnier dans la droite lignée de ses ancêtres. La Société nouvelle Chaussures Marco est aujourd’hui sa digne héritière…

 

 

  

Sources 

Becchia Alain, La draperie d’Elbeuf (des origines à 1870), Rouen, Publications de l’université de Rouen, 2000, 869 pages ;

Delaune Bénédicte, Pont-de-l’Arche, population, pouvoirs municipaux et société à la fin du XVIIIe siècle et pendant la Révolution, mémoire de maitrise dirigé par Claude Mazauric, université de Rouen, 1992, 130 pages ;

Launay Armand, Pont-de-l’Arche, cité de la chaussure : étude sur un patrimoine industriel normand depuis le XVIIIe siècle, mairie de Pont-de-l’Arche, 2009, 52 pages ;

Lepage Albert, « Essai historique sur le commerce et l’industrie au Pont-de-l'Arche depuis sa fondation jusqu’à nos jours suivi d’une notice sur le chausson de lisière », 1911, in Bulletin de la Société d’études diverses de l’arrondissement de Louviers, tome XIII ;

Vaubourg [l. de la Bourdonnaye] Mémoire de la généralité de Rouen, 1698, 86 folio, 244 x 183 cm, relié. Bibliothèque municipale du Havre : Mss 525. 

 

[1] Becchia Alain, La draperie d’Elbeuf…, page 58 (n 232).

[2] On consultera avec intérêt la biographie écrite par Jean-Pierre Poirier : Turgot, laissez-faire et progrès social, Paris, Perrin, 1999, 459 pages.

[3] Associations institutionnelles de propriétaires de boutiques d’un même secteur d’activité dans une ville (les boulangers de Rouen, les cordonniers de Pont-de-l'Arche…).

[4] Becchia A., La draperie d’Elbeuf, page 58.

[5] Vaubourg, Mémoire de la généralité de Rouen, page 70.

[6] Becchia A., La draperie d’Elbeuf, page 135.

[7] Becchia A., La draperie d’Elbeuf, page 142.

[8] Becchia A., La draperie d’Elbeuf, page 160.

[9] Lepage Albert, « Essai historique sur le commerce et l’industrie au Pont-de-l'Arche… », page 83.

[10] Archives municipales de Pont-de-l’Arche.

[11] Delaune Bénédicte, Pont-de-l’Arche, population, pouvoirs municipaux…, page 82.

[12] Archives municipales de Pont-de-l’Arche (2F3).

 

Armand Launay

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Mes activités

Armand Launay. Né à Pont-de-l'Arche en 1980, j'ai étudié l'histoire et la sociologie à l'université du Havre (Licence) avant d'obtenir un DUT information-communication qui m'a permis de devenir agent des bibliothèques. J'ai acquis, depuis, un Master des Métiers de l'éducation et de la formation, mention Lettres modernes. Depuis 2002, je mets en valeur le patrimoine et l'histoire de Pont-de-l'Arche à travers :

- des visites commentées de la ville depuis 2004 ;

- des publications, dont fait partie ce blog :

Bibliographie

- 20 numéros de La Fouine magazine (2003-2007) et des articles dans la presse régionale normande : "Conviviale et médiévale, Pont-de-l'Arche vous accueille", Patrimoine normand n° 75 ; "Pont-de-l'Arche, berceau de l'infanterie française ?", Patrimoine normand n° 76 ; "Bonport : l'ancienne abbaye dévoile son histoire", Patrimoine normand n° 79 ; "Chaussures Marco : deux siècles de savoir-plaire normand !", Pays de Normandie n° 75.

- L'Histoire des Damps et des prémices de Pont-de-l'Arche (éditions Charles-Corlet, 2007, 240 pages) ;

- Pont-de-l'Arche (éditions Alan-Sutton, collection "Mémoire en images", 2008, 117 pages) ;

- De 2008 à 2014, j'ai été conseiller municipal délégué à la communication et rédacteur en chef de "Pont-de-l'Arche magazine" ;

- Pont-de-l'Arche, cité de la chaussure : étude sur un patrimoine industriel normand depuis le XVIIIe siècle (mairie de Pont-de-l'Arche, 2009, 52 pages) ;

- Pont-de-l'Arche, un joyau médiéval au cœur de la Normandie : guide touristique et patrimonial (mairie de Pont-de-l'Arche, 2010, 40 pages) ;

- Pont-de-l'Arche 1911 I 2011 : l'évolution urbaine en 62 photographies (mairie de Pont-de-l'Arche, 2010, 32 pages) ;

- Mieux connaitre Pont-de-l'Arche à travers 150 noms de rues et de lieux ! (Autoédité, 2019, 64 pages) ; 

- Déconfiner le regard sur Pont-de-l'Arche et ses alentours (Autoédité avec Frédéric Ménissier, 2021, 64 pages) ;

- Les Trésors de Terres-de-Bord : promenade à Tostes, ses hameaux, Écrosville, La Vallée et Montaure (publié en ligne, 2022) ;

- Les Trésors de Terres-de-Bord : promenade à Tostes, ses hameaux, Écrosville, La Vallée et Montaure (version mise en page du précédent ouvrage, édité par la mairie de Terres-de-Bord, 2023).

Depuis 2014, je suis enseignant à Mayotte.

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