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21 mars 2021 7 21 /03 /mars /2021 14:42
Paroisse de Sotteville-sous-le-Val, extrait du plan terrier du XVIIIe siècle. Sotteville "Le bas". Anonyme. Conservé aux Archives de Seine-Maritime (cote 12Fi107).

Paroisse de Sotteville-sous-le-Val, extrait du plan terrier du XVIIIe siècle. Sotteville "Le bas". Anonyme. Conservé aux Archives de Seine-Maritime (cote 12Fi107).

 

Sotteville sous les monts

Sotteville-sous-le-val est une charmante commune de 774 habitants (en 2018) située en Seine-Maritime. Il s’agit plus précisément de hameaux qui s’égrènent au pied du coteau de la presqu’ile de Freneuse, autrement sous des monts. D’est en ouest se trouvent donc, à l’abri des crues de Seine, La cour à Monnier, Sotteville, Les Bocquets, Le Val-Renoux, La Ferme du val et le château du val-Freneuse. 

Sotteville désigne, à l’origine, quelques habitations regroupées autour de l’église Saint-Baudile, ou Baudèle, siège de la paroisse. La Révolution française et la création des communes ne changea pas la donne qui établit ici le chef-lieu de commune où la mairie fut bâtie, ensuite. Il faut dire que le lieu est propice à l’installation humaine avec la côte Moulinière, nom de ce vallon riche en eaux comme le démontre l’installation de la station de pompage actuelle et son château d’eau près du bois Bocquet. D’après le nom, il y eut peut-être ici un moulin. On peut aussi imaginer, d’antan, de l’élevage, des arbres fruitiers, voire des vignes comme il y en avait à Freneuse et de nouveau depuis quelques années grâce à Édouard Capron. Ces espaces sont occupés aujourd’hui par une résidence pavillonnaire autour de la rue Hyacinthe-Langlois. Signe aussi d’une certaine centralité de Sotteville parmi ses hameaux, c’est en lieu, face à l’église, que se trouvait naguère le café de l’Europe, hériter assurément de la principale épicerie-café de la commune.   

 

Vues diverses sur Sotteville-sous-le-val (photographies d'Armand Launay, 2004).Vues diverses sur Sotteville-sous-le-val (photographies d'Armand Launay, 2004).

Vues diverses sur Sotteville-sous-le-val (photographies d'Armand Launay, 2004).

 

Parmi les activités ancestrales de Sotteville et ses hameaux devaient vraisemblablement figurer le maraichage dans la plaine alluviale, la culture comme l’indique le toponyme “les petites coutures” (les cultures en normand), près de l’eau, ainsi que la pêche, le transport fluvial et le halage. C’est ce que semble indiquer l’une des rues centrales de Sotteville qui descend droit vers le sud et l’ancien port de Saint-Martin de Maresdans (aujourd’hui Bonport) et une autre voie qui descend droit du Val-Renoux vers Criquebeuf-sur-Seine. Ce lien entre Sotteville, la plaine et l’eau a été partiellement rompu avec l’arrivée du chemin de fer (entre 1840 et 1843) puis, surtout, au XXe siècle où d’immenses carrières de sable ont creusé la plaine laissant derrière elles des étangs un peu mornes. Un circuit de karting, dit de l’Europe, occupe aussi un peu ces anciens espaces.

 

Autres vues sur le chef-lieu de commune (photographies d'Armand Launay, 2019).Autres vues sur le chef-lieu de commune (photographies d'Armand Launay, 2019).
Autres vues sur le chef-lieu de commune (photographies d'Armand Launay, 2019).Autres vues sur le chef-lieu de commune (photographies d'Armand Launay, 2019).

Autres vues sur le chef-lieu de commune (photographies d'Armand Launay, 2019).

 

Sotteville la scandinave ? 

Les seuls vestiges antiques trouvés sur le territoire communal se trouvent au-dessus de l'entrée du tunnel ferroviaire. Ils semblent liés au hameau de la Nos Robin, à Tourville-la-rivière, et sont à ce titre intégrés parmi l'étude de la commune limitrophe, comme nous l'avons nous-même fait dans un article à lire ici. On peut suspecter que d'autres vestiges existent près de l’eau, lieu très utilisé par les hommes comme l’ont révélé les vastes fouilles récentes d’Alizay et celles plus anciennes de la Gritte, même lieu.

L’élément le plus ancien attestant la présence de l’homme est, pour l’heure, le nom de Sotteville. Il s’agit d’un toponyme que l’on ne retrouve qu’en Normandie, dans La Manche, à Sotteville-sur-mer en Seine-Maritime, à Sotteville-lès-Rouen et dans des lieux-dits de l’Eure à Breteuil et Dampierre. “Sóti”, en vieux danois, désigne “celui qui est noir comme de la suie”. L’on traite donc d’une personne à la peau mate et aux cheveux noirs, à moins que ce soit un sobriquet hérité d’une anecdote. Le suffixe “ville” vient du roman “villa” qui désigne, non une ville ou une somptueuse villa romaine, mais un domaine rural. Ce suffixe permet donc de transformer le nom “Le Noir” en “Domaine du Noir”. Un autre toponyme scandinave a existé, que l’on retrouve dans Le livre des jurés de l’abbaye de Saint-Ouen, d’Henri Dubois : Houlegate. Ce nom signifie en scandinave le “chemin creux”. Nous ne savons précisément quelle partie de la paroisse il désignait, que ce soit le terrain appelé sur le plan cadastral les “Gattes”, en bordure de Seine, ou le Val-Renoux lui-même, ou encore ailleurs ? Quoi qu’il en soit, le domaine de Sotteville a été attribué à un scandinave, comme ceux de Tourville, Ymare, Igoville, Criquebeuf, Martot… L’organisation médiévale en fiefs nobles était installée durablement. MM. Charpillon et Caresme nous apprennent, dans leur excellent Dictionnaire historique de toutes les communes de l’Eure, que “Jean de Poissy était, vers 1260, seigneur de Gouy, les Authieux, Sotteville, Igoville.” Ces mêmes auteurs, à l’article d’Igoville, citent l’existence d’un “fief aux Malades” qui était peut-être autour de l’ancienne ferme sise entre Igoville et Sotteville et connue dans la base Mérimée sous le nom de Maladrerie. Ce fief fut la propriété du prieuré du Mont-aux-malades, sur les hauts de Rouen, mais nous n’en savons pas assez pour développer ce point. 

 

La croix hosannière du XIIe siècle, décrite plus bas dans le texte, est le plus ancien patrimoine de la commune. La première illustration provient des fonds numériques des Archives de Seine-Maritime (cote 6Fi9) ; la seconde est issue du riche site MonVillageNormand.fr que nous conseillons et remercions pour son existence et ses documents.La croix hosannière du XIIe siècle, décrite plus bas dans le texte, est le plus ancien patrimoine de la commune. La première illustration provient des fonds numériques des Archives de Seine-Maritime (cote 6Fi9) ; la seconde est issue du riche site MonVillageNormand.fr que nous conseillons et remercions pour son existence et ses documents.

La croix hosannière du XIIe siècle, décrite plus bas dans le texte, est le plus ancien patrimoine de la commune. La première illustration provient des fonds numériques des Archives de Seine-Maritime (cote 6Fi9) ; la seconde est issue du riche site MonVillageNormand.fr que nous conseillons et remercions pour son existence et ses documents.

 

Pourquoi sous le val ? 

Il semble qu’on ait voulu distinguer notre Sotteville de celui de Rouen en le désignant sous le nom de Sotteville-sous-le-val. Est-ce une référence au val de la Moulinière ? Non. Le val le plus proche est celui par lequel passe l’autoroute A13 depuis 1967 avec son étrange sculpture de Georges Saulterre, “Sur la trace des vikings” (et datant de 1990). Nous avons établi dans un autre article que, étonnamment, le val en question est celui qui sépare Les Authieux d’Ymare. Dans le plan terrier de la paroisse sont distingués Sotteville dans la vallée et les hauts de Sotteville. Ces hauts se trouvent dans un val particulier, situé à 80 mètres d’altitude et qui correspond au passage ancien de la Seine qui forme une boucle surélevée dans le paysage local.

Différentes vues sur Saint-Baudèle de Sotteville (photographies d'Armand Launay, 2004 pour la première et 2019 pour les suivantes). Différentes vues sur Saint-Baudèle de Sotteville (photographies d'Armand Launay, 2004 pour la première et 2019 pour les suivantes).
Différentes vues sur Saint-Baudèle de Sotteville (photographies d'Armand Launay, 2004 pour la première et 2019 pour les suivantes). Différentes vues sur Saint-Baudèle de Sotteville (photographies d'Armand Launay, 2004 pour la première et 2019 pour les suivantes).

Différentes vues sur Saint-Baudèle de Sotteville (photographies d'Armand Launay, 2004 pour la première et 2019 pour les suivantes).

 

Saint-Baudile, ou Baudèle, de Sotteville et sa croix hosannière

L’élément religieux le plus notable de Sotteville est sans conteste la croix hosannière, croix centrale du cimetière médiéval, qui est datée du XIIe siècle et qui fut classée Monument historique le 27 décembre 1913. Il s’agit d’un monolithe calcaire dans lequel une croix a été taillée à son sommet. C’est, à notre connaissance, la plus ancienne croix hosannière de la région de Pont-de-l’Arche. 

Rares sont les lignes, à notre connaissance, sur Sotteville. Mais l’inépuisable curé-historien havrais Jean-Benoit-Désiré Cochet, dit l’abbé Cochet, a rédigé quelques lignes sur l’église dans le Répertoire archéologique du département de la Seine-Inférieure, paru en 1871 : “L’église, dédiée à saint Baudèle, est une construction du XIe siècle, dont il ne reste guère que l’appareil en feuilles de fougère et en arête de poisson. Les fenêtres ont été agrandies au XVIIIe siècle.”  

Selon le site “Mon village normand”, l’église avait été “restaurée en 1862” mais cela ne suffit pas. Le clocher et la toiture semblent s’être effondrés. L'édifice fut “complètement reconstruit en 1880.” Malgré les affres de la Seconde guerre mondiale, l’église semble se présenter telle qu’elle fut alors : un vaisseau unique, rectangulaire et orienté. Sans transept, le vaisseau est élégamment ajouré de sept paires de baies voutées en piers-point. Le chainage et les contreforts sont réalisés en brique rouge et le remplissage est fait de moellon calcaire local scié, caractéristique de cette époque. Le toit à deux pans est couvert d’ardoise. Un clocher massif couronne le portail et donne un aspect austère à l’édifice qui serait, autrement, une harmonieuse et lumineuse chapelle néogothique, qui plus est avec ses briques blanches dessinées sur la façade du portail.

Sur Gallica, la Semaine religieuse du diocèse de Rouen n° 44 du 3 novembre 1894 nous apprend, aux pages 1071 et 1072, que les deux nouvelles cloches furent récemment bénies. Le site de l’Institut national de l’histoire de l’art nous apprend l’existence, au XIXe siècle, d’une “confrérie de saint Baudèle, de la Sainte Vierge et de saint Éloi établie à Sotteville-sous-le-Val.” 

 

Vues sur les colonnes et pierres bonportoises à Sotteville-sous-le-val (photographies d'Armand Launay, 2019).Vues sur les colonnes et pierres bonportoises à Sotteville-sous-le-val (photographies d'Armand Launay, 2019).
Vues sur les colonnes et pierres bonportoises à Sotteville-sous-le-val (photographies d'Armand Launay, 2019).Vues sur les colonnes et pierres bonportoises à Sotteville-sous-le-val (photographies d'Armand Launay, 2019).

Vues sur les colonnes et pierres bonportoises à Sotteville-sous-le-val (photographies d'Armand Launay, 2019).

 

Sotteville et les colonnes bonportoises

En face de l’église, le long de la route reliant Igoville à Freneuse (la rue du village), se voient deux colonnes entièrement dégagées et une troisième à moitié engagée dans un bâtiment d’habitation. Elles sont couronnées de chapiteaux sculptés comme dans des églises. Une photographie de cette maison datant de 1939, un cliché d’Emmanuel-Louis Mas (1891-1979) reproduit ci-dessous montre l’édifice. Il s’agit de colonnes de l’ancienne abbaye de Bonport qui servit partiellement de carrière de pierre entre 1791 et au moins 1820. Sur la façade sud du bâtiment d’habitation une pierre sculptée avec un “M” vient aussi de Bonport, comme les colonnes de deux propriétés du centre-village, colonnes qui servent de piliers de portail.  

 

Le château de Val-Freneuse par @nika de Norm@ndie, aimable bloggeuse de Tourville-la-rivière que nous remercions pour la photographie ci-dessus, datant de 2018.

Le château de Val-Freneuse par @nika de Norm@ndie, aimable bloggeuse de Tourville-la-rivière que nous remercions pour la photographie ci-dessus, datant de 2018.

 

Château de Freneuse-Sotteville

Ce château se confond avec la Ferme du Val sur la carte d’état major de 1840. Il constitue un fief d’Ancien Régime, celui des Le Cornier dont certains membres furent officiers du roi et siégèrent au parlement de Rouen. Le “château de Val-Freneuse” se trouve essentiellement dans la commune de Sotteville, seuls son parc et une aile de bâtiment sont à Freneuse. L’édifice fut bâti au XVIIe siècle et respire le classicisme architectural français fait de symétrie à défaut peut-être d’harmonie parfaite. Nous pensons à la rupture de hauteur entre les fenêtres des deux premiers niveaux et celles du troisième niveau, très ramassées. Le chainage est en brique de pays, reconnaissables à leur clarté, leur chaleur, et qui laisse peu de place au remplissage entre les contours des fenêtres et les lignes de chainage. Au fronton de la façade principale, côté est, se trouve le blason selon toute vraisemblance des Le Cornier.   

Ce château a été partiellement inscrit sur la liste supplémentaire des Monuments historiques le 21 décembre 1977, du moins les façades et toitures du château et des communs, la grille d'entrée, les petit et grand salons et bureau-bibliothèque au rez-de-chaussée, la chambre nord-ouest au premier étage et la chapelle aménagée dans les espaces communs. Différents appartements sont désormais aménagés et loués dans une partie de la résidence. 


Enfin, c’est à Sotteville que des véhicules allemands de la Première guerre mondiale furent neutralisés, eux qui cherchaient à dynamiter les ponts de la région et donc à perturber le ravitaillement du front français.

 

 

Armand Launay

Pont-de-l'Arche ma ville

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commentaires

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Merci de m'avoir envoyé votre article, j'ai appris beaucoup de choses, c'est très intéressant.<br /> A bientôt pour Tourville
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Merci ! A bientôt !

  • : Pont de l'Arche et sa région histoire, patrimoine et tourisme
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Mes activités

Armand Launay. Né à Pont-de-l'Arche en 1980, j'ai étudié l'histoire et la sociologie à l'université du Havre (Licence) avant d'obtenir un DUT information-communication qui m'a permis de devenir agent des bibliothèques. J'ai acquis, depuis, un Master des Métiers de l'éducation et de la formation, mention Lettres modernes. Depuis 2002, je mets en valeur le patrimoine et l'histoire de Pont-de-l'Arche à travers :

- des visites commentées de la ville depuis 2004 ;

- des publications, dont fait partie ce blog :

Bibliographie

- 20 numéros de La Fouine magazine (2003-2007) et des articles dans la presse régionale normande : "Conviviale et médiévale, Pont-de-l'Arche vous accueille", Patrimoine normand n° 75 ; "Pont-de-l'Arche, berceau de l'infanterie française ?", Patrimoine normand n° 76 ; "Bonport : l'ancienne abbaye dévoile son histoire", Patrimoine normand n° 79 ; "Chaussures Marco : deux siècles de savoir-plaire normand !", Pays de Normandie n° 75.

- L'Histoire des Damps et des prémices de Pont-de-l'Arche (éditions Charles-Corlet, 2007, 240 pages) ;

- Pont-de-l'Arche (éditions Alan-Sutton, collection "Mémoire en images", 2008, 117 pages) ;

- De 2008 à 2014, j'ai été conseiller municipal délégué à la communication et rédacteur en chef de "Pont-de-l'Arche magazine" ;

- Pont-de-l'Arche, cité de la chaussure : étude sur un patrimoine industriel normand depuis le XVIIIe siècle (mairie de Pont-de-l'Arche, 2009, 52 pages) ;

- Pont-de-l'Arche, un joyau médiéval au cœur de la Normandie : guide touristique et patrimonial (mairie de Pont-de-l'Arche, 2010, 40 pages) ;

- Pont-de-l'Arche 1911 I 2011 : l'évolution urbaine en 62 photographies (mairie de Pont-de-l'Arche, 2010, 32 pages) ;

- Mieux connaitre Pont-de-l'Arche à travers 150 noms de rues et de lieux ! (Autoédité, 2019, 64 pages) ; 

- Déconfiner le regard sur Pont-de-l'Arche et ses alentours (Autoédité avec Frédéric Ménissier, 2021, 64 pages) ;

- Les Trésors de Terres-de-Bord : promenade à Tostes, ses hameaux, Écrosville, La Vallée et Montaure (publié en ligne, 2022) ;

- Les Trésors de Terres-de-Bord : promenade à Tostes, ses hameaux, Écrosville, La Vallée et Montaure (version mise en page du précédent ouvrage, édité par la mairie de Terres-de-Bord, 2023).

Depuis 2014, je suis enseignant à Mayotte.

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