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25 novembre 2015 3 25 /11 /novembre /2015 11:55

La ville de Pont-de-l’Arche (Eure) est connue pour son patrimoine et notamment ses vestiges de fortifications (partiellement classés ou inscrits aux Monuments historiques). De quand datent ces remparts ? Par qui et pourquoi ont-ils été érigés ? Aucun travail n’a encore posé la question.

Mise à jour de 2023 : Nous disposons depuis de l'étude de Jean Mesqui, spécialiste des châteaux médiévaux, et de Denis Hayot. Elle a pour titre "Histoire des fortifications du château, du pont et de la ville de Pont-de-l’Arche, des années 1200 à la fin du XVIIIe siècle". Vous la trouverez de la page 233 à la page 320 (avec ses riches annexes) de l'ouvrage paru en 2023 sous la direction de Vincent Carpentier et Cyril Marcigny et intitulée Pont-de-l'Arche et le fort d'Alizay-Igoville (Eure) : les fortifications de la Seine normande, de l'âge viking à la guerre de Cent ans. Dans cette étude, on trouvera aussi une présentation des fouilles réalisées par l'INRAP au fort de Limaie. L'ouvrage a été édité aux Presses universitaires de Caen. 

Pont-de-l’Arche depuis la rive droite de la Seine. Lithographie d’E. Cagniard, Rouen, d’après un croquis d’Eustache Hyacinthe Langlois (extrait de Léon de Duranville, Essai historique…, 1870).

Pont-de-l’Arche depuis la rive droite de la Seine. Lithographie d’E. Cagniard, Rouen, d’après un croquis d’Eustache Hyacinthe Langlois (extrait de Léon de Duranville, Essai historique…, 1870).

Des fortifications du IXe siècle… bien évanouies !

Les premières fortifications de Pont-de-l’Arche datent de 862-873. Charles le Chauve, roi des Francs, fit bâtir un immense pont de bois sur la Seine afin de retarder, voire de repousser les Vikings. Le souverain fit construire deux tours-porches, en bois et en pierre, aux entrées du pont1. À l’évidence, les vestiges que nous voyons aujourd’hui dans la ville ne correspondent pas à ces fortifications du IXe siècle. En 1020, une charte de duc de Normandie Richard II cite la paroisse de Pont-de-l’Arche, organisée autour de l’église Saint-Vigor. Elle dépend de l’abbaye de Jumièges. Cette charte démontre que le châtelet de la rive gauche a laissé place à une ville dont aucune fortification n’est citée. Seules des archives du XIIe siècle mentionnent des fortifications à Pont-de-l’Arche.

 

Les importants travaux de Richard Cœur de Lion

L’Échiquier de Normandie2, parlement rassemblant les notables du duché, a enregistré les recettes et les dépenses des ducs de Normandie. Nous nous sommes intéressés à celles de Richard II, dit Cœur de Lion, après son retour de croisade et de captivité (février 1194). Le roi d’Angleterre et duc de Normandie entreprit de restructurer la défense de la Normandie que convoitait le roi de France, Philippe Auguste. La pièce majeure du dispositif de défense est le célèbre Château Gaillard bâti, un peu plus tard, entre 1197 et 1198, qui couta près de 37 000 livres au trésor. À partir de 1194, Richard Cœur de Lion investit dans de nombreuses places-fortes le long de la frontière avec la France : Lyons-la-Forêt, Radepont, Arques, Driencourt, Moulineaux, Orival, Bellencombre, Le Vaudreuil et… Pont-de-l’Arche.

 

Nous avons noté les principales sommes confiées aux ingénieurs en charge des travaux (operationibus). Trois dépenses concernent uniquement Pont-de-l’Arche sans mentionner son château3 :

- 190 livres pour Guillaume Engelais et Roger Falel4 ;

- 200 livres pour Guillaume Tyrel5 ;

- 40 livres pour Éric et Guillaume Tyrel6.

 

Cependant, la majeure partie des dépenses concernent plusieurs châteaux (castri) à la fois.

Cinq dépenses concernent les châteaux de Pont-de-l’Arche et du Vaudreuil :

- 300 livres pour Éric et Guillaume Tyrel7 ;

- 100 livres pour Éric et Guillaume Tyrel8 ;

- 140 livres pour Éric et Guillaume Tyrel9 ;

- 100 livres pour Éric et Guillaume Tyrel10 ;

- 100 livres pour Éric et Guillaume Tyrel11.

 

Une dépense concerne les châteaux de Pont-de-l’Arche et de Radepont :

- 360 livres pour Guillaume Tyrel12.

 

À la lecture de ces sommes, nous notons que Pont-de-l’Arche a bénéficié du travail de plusieurs maitres. La majeure partie des dépenses concernent le château. Sans plus de précisions sur la répartition des dépenses, nous ne pouvons définir exactement le montant dépensé pour Pont-de-l’Arche. Cependant, pour avoir un ordre d’idée, nous avons divisé en parts égales les dépenses imputées à Pont-de-l’Arche et Radepont (360 divisés par 2 = 180) et Pont-de-l’Arche et Le Vaudreuil (740 divisés par 2 = 370). Ce total de 550, additionné aux dépenses propres à Pont-de-l’Arche (420), donne 980 livres.

 

Pour évaluer l’importance des sommes consacrées aux fortifications de Pont-de-l’Arche, nous avons additionné les autres principaux investissements de fortifications engagés durant ce laps de temps par Richard Cœur de Lion en Normandie orientale. Lorsque les montants concernaient deux fortifications, nous les avons divisés par deux.
 

Places fortes

Dépenses

Totaux

Le Vaudreuil

32 + 10 + 100 + 100 + 200 + 211 + 150 + 50 + 70 + 50 + 50

1023

Pont-de-l’Arche

190 + 200 + 40 + 180 + 150 + 50 + 70 + 50 + 50

980

Lyons-la-Forêt

75 + 400

475

Radepont

75 + 100 + 180

355

Arques

225 + 100

325

Driencourt

225 + 100

325

 

À la lecture de ce tableau, on mesure que Le Vaudreuil et Pont-de-l’Arche étaient au centre des priorités militaires de Richard Cœur de Lion. Selon Jean Favier, le revenu royal avoisinait les 22 000 livres en 1193-1194 puis environ 20 000 livres les années suivantes13. La dépense consentie à Pont-de-l’Arche n’était donc pas anecdotique puisqu’elle représentait le vingtième du budget annuel.

Sans plus d’éléments sur la nature des travaux entrepris par Richard Cœur de Lion, nous nous nous sommes demandé si le contexte politique et militaire pouvait nous apporter un certain éclairage.

 

Philippe Auguste enfonce la frontière de l’Epte (1192-1195)

Depuis le traité de Saint-Clair-sur-Epte (911), les rois de France ont souhaité – et tenté, pour certains d’entre eux – de reprendre la main sur la Normandie. Ils l’ont d’autant plus espéré que les ducs de Normandie sont devenus rois d’Angleterre à partir de 1066, c’est-à-dire plus puissants que les rois de France. Au XIIe siècle, l’empire anglo-normand dépassait largement la Normandie et l’Angleterre et comprenait notamment la Guyenne (l’”Aquitaine”, région de Bordeaux), le Maine, l’Anjou… Un duel se déroula entre Richard Cœur de Lion et Philippe Auguste. Lors d’une trêve, où ils firent bâtir conjointement l’abbaye de Bonport, à Pont-de-l’Arche, les deux monarques partirent en croisade en 1191. Mais le roi de France rentra plus tôt. Il voulait profiter de l’absence de Richard II pour reconquérir la Normandie, alors gérée par Jean sans Terre, le frère de Richard II. En avril 1193, Philippe s’empara du Vexin et de Gisors, Aumale, Eu, Ivry, Pacy14. En janvier 1194, Jean sans Terre abandonna à Philippe l’Est de la Seine sauf Rouen. À la fin de l’hiver et au début du printemps 1194, Philippe prit Le Vaudreuil, Évreux et Le Neubourg. Il menaça Rouen jusqu’à l’annonce du retour de Richard. En effet, après la croisade et une période de captivité en Bavière, Richard arriva à Londres le 14 mars 1194 et débarqua à Barfleur à la mi-mai 1194. Richard infligea une imposante défaite à Philippe Auguste le 3 juillet 1194 à Fréteval (vallée du Loir). Jean sans Terre et le comte d’Arundel, à la tête des bourgeois de Rouen, assiégèrent alors Le Vaudreuil, occupé par des troupes françaises. Ils furent chassés par Philippe Auguste, venant de Fréteval.

 

C’est alors que Richard arriva en personne. C’est ce que décrit L’Histoire de Guillaume le Maréchal, conte de Striguil et de Pembroke, qui mentionne la marche de Richard vers Pont-de-l’Arche dont la tête de pont était brisée. Le roi l’aurait fait réparer rapidement15. C’est peut-être ce qui explique la somme versée à Guillaume Engelais et Roger Falel qui est antérieure à toutes les autres sommes versées à Éric et Guillaume Tyrel pour Pont-de-l’Arche et Le Vaudreuil (voir plus haut). L’Histoire de Guillaume le Maréchal montre ensuite que Philippe fit sournoisement tomber les remparts du château du Vaudreuil, en juillet, alors qu’il faisait mine de négocier avec Richard. Puis il partit. Une trêve fut signée le 23 juillet 1194 entre les deux rois suite à une intervention papale. Cette trêve dura jusqu’en janvier 1196 et, selon Alain Sadourny16, fut le « théâtre de préparatifs militaires » qui concernent Pont-de-l’Arche.

 

Richard et la fortification de la vallée de la Seine (1195-1197)

Comme l’écrivit Jean Yver17 : « … tout l’effort qui, une ou deux décennies auparavant, au temps de Henri II, s’était appliqué aux forteresses du Vexin, s’est concentré sous Richard Cœur de Lion sur ce secteur de la Seine, devenu crucial par l’effondrement de l’autre. » Richard profita de la trêve conclue en juillet 1194 pour verrouiller la vallée. Ainsi on retrouve parmi les dépenses miliaires Le Vaudreuil, Pont-de-l’Arche, Radepont et Lyons-la-Forêt. Ces places-fortes entouraient le Vexin et barraient la route de Rouen. Pont-de-l’Arche était particulièrement intéressant par son pont barrant la Seine et qui venait d’être fraichement restauré. Ces travaux entrepris par Richard confirment l’intérêt qu’il exprima pour Pont-de-l’Arche à l’occasion d’une charte signée avec les moines de Jumièges le 18 janvier 1195. En effet, le monarque donna sa baronnie de Conteville aux moines contre Pont-de-l’Arche, désormais propriété ducale directe18. Des pourparlers de paix eurent ensuite lieu au Vaudreuil et Issoudun (novembre et décembre 1195) entre Richard et Philippe. Ils furent officialisés par le traité de Gaillon le 14 janvier 1196 qui laissait à Philippe le Vexin et Gisors, Vernon, Gaillon, Neaufles, Pacy et Ivry. Cependant, au printemps 1196, le roi de France rompit l’accord de paix en attaquant Aumale. Richard, sachant à quoi s’en tenir, décida la construction de l’immense Château Gaillard.

 

Jean sans Terre et Pont-de-l’Arche

La mort de Richard II en 1199 changea le rapport de forces entre l’Angleterre et la France. Jean sans Terre succéda à son frère et fut très tôt débordé par Philippe Auguste. En 1202, Jean sans Terre enleva la fille du comte d’Angoulême et confisqua les terres de barons aquitains. Ceux-ci se tournèrent vers le roi de France, leur suzerain, qui cita Jean sans Terre devant sa cour. Celui-ci ne vint pas et la cour prononça la commise de tous les fiefs qu’il tenait du roi. L’armée de Philippe II s’engouffra en Normandie. Au début du mois de mars 1203, Montfort-sur-Risle et Beaumont-le-Roger abandonnèrent le roi Jean, bientôt rejoints par Le Vaudreuil qui se rendit au roi de France sans combattre. Fin aout, Radepont chuta. Après 6 mois de siège, le verrou de la Seine, Château Gaillard, céda le 6 mars 1204. Rouen capitula à la fin du mois de juin 1204. Enfin les dernières places se livrèrent : Arques, Verneuil et Pont-de-l’Arche. Guillaume le Breton, hagiographe du roi de France, signala que Jean sans Terre détruisit le pont en 1204 : « Ainsi tourmenté par les remords de sa conscience, le malheureux détruit lui-même ses propres biens et renverse le pont que l'on appelle de l'Arche...19 » En 1204, Philippe Auguste devint maitre de la Normandie. Quelle fut la place de Pont-de-l’Arche sous la gouvernance du roi de France ?

 

Pont-de-l’Arche : résidence normande de Philippe Auguste

Nous savons que Philippe Auguste voulait assoir son pouvoir en Normandie. Il doutait de la fidélité des Normands et voulait prévenir toute tentative de reconquête par Jean sans Terre. Dans ce cadre, il renforça ou reconstruisit des places fortes et les munit de garnisons. Il n’oublia pas Pont-de-l’Arche qu’il reprit en fief direct en 1210 où il donna aux moines de Jumièges la baronnie de Conteville en dédommagement20. Les moines conservèrent le patronage de l’église Saint-Vigor et furent exemptés de péage pour la circulation de leurs biens sous le pont de la ville. L’échange fut de nouveau confirmé en 1246 par Louis IX21.

Coupé par Jean sans Terre, le pont dût vraisemblablement bénéficier d’une reconstruction sous Philippe Auguste.

L’importance de Pont-de-l’Arche peut aussi se lire à travers le nombre de séjours de Philippe Auguste dans la ville. Ce sont les actes royaux, signés de la sa propre main, qui nous renseignent sur ses lieux de résidence. Ainsi, John Baldwin22 a dénombré 49 actes signés à Pont-de-l’Arche entre 1204 et 1223 ce qui représente 3 % des actes connus de Philippe II. Cela fait de Pont-de-l’Arche le 7e lieu de résidence du roi et le premier de Normandie, surtout après 1215 où l’on dénombre 33 actes. C'est aussi à Pont-de-l'Arche que semble fonctionner le mieux l'administration royale que le roi a renforcé dans la ville, donnant ainsi de bonnes bases au futur bailliage.

Peut-être qu'un certain Guillaume du Pont-de-l'Arche a-t-il joué un rôle entre sa ville et son roi. Ce membre d'une famille aristocratique a été évêque de Lisieux de 1218 à 1250. Il avait la confiance de Philippe II.

Si Philippe Auguste a résidé à Pont-de-l’Arche, c’est que la ville fortifiée et son château de l’autre côté de la Seine garantissaient la sécurité du roi et ce à 20 km de Rouen. Le capétien pouvait surveiller la capitale normande sans s’exposer à une éventuelle insurrection populaire. Ainsi, très soucieux de la police intérieure, le roi de France a ordonné et financé une campagne des travaux de renforcement de ses fortifications. L’ingénieur militaire, Guillaume de Flamenville, fut missionné vers 1210 pour faire une tourelle à Pont-de-l’Arche sur les fonds reçus pour la ville d’Évreux23… le document ne donne pas de précision permettant de localiser cette tourelle. Il s'agit peut-être d'une tour philipienne du château de Limaie (voir plus bas). Confirmant l’intérêt miliaire de la place, le trésor royal a aussi détaillé les dépenses de munitions conservées dans des tours archépontaines24.

Arrivé à ce point de notre exposé, nous avons vu que Richard Cœur de Lion et Philippe Auguste ont doté Pont-de-l’Arche de fortifications. Mais qui a fait quoi ? Nous avons voulu tendre vers ce degré de précision en analysant le type de constructions visibles sur les cartes et illustrations anciennes mais aussi sur le terrain contemporain.


 

Notes

1 Le Maho Jacques, « Un grand ouvrage royal… »

2 Léchaudé d’Anisy Amédée-Louis, « Grands rôles des Échiquiers de Normandie »…, p. 164.

3 Il s’agit du château de la rive droite qui défendait l’accès du pont en venant de Rouen. Connu aussi sous le nom de fort de Limaie et succédant aux fortifications en bois construites au IXe siècle sur ordre de Charles le Chauve.

4 Ibidem, page 42, 2e colonne : Willelmo Engelais et Rogerio Falel pro operationibus de Ponte Arche 190 lib. per id. brev.

5 Ibidem, page 48 : Willelmo Tyrel ad operationes Pontis Arche 200 lib. per id. brev.

6 Ibidem, page 73 : Item Magistro Eurico et Willelmo Tyrel ad operationes Pontis Arche 40 lib. per id. brev.

7 Ibidem, page 48 : Magistro Elrico et Willelmo Tyrel ad operationes Vallis Rodolii et Pontis Arche 300 lib. per id. brev.

8 Ibidem, page 72, 2e colonne : Magistro Elrico et Willelmo Tyrel ad operationes Pontis Arche et Vallis Rodolii 100 lib. per id. brev.

9 Ibidem, page 72, 2e colonne : Magistro Elrico et Willelmo Tyrel ad operationes Pontis Arche et Vallis Rodolii 100 lib. per id. brev. Eisdem ad easdem operationes 40 lib. per id. brev.

10 Ibidem, page 73 : Magistro Eurico et Willelmo Tyrel ad operationes Pontis Arche et Vallis Rodolii 100 lib. per id. brev.

11 Ibidem, page 73 : Magistro Eurico et Willelmo Tyrel ad operationes Pontis Arche et Vallis Rodolii 100 lib. per id. brev.

12 Ibidem, page 42, 2e colonne : In operationibus de castri de Ponte Arche et de Radepont per Willelmum Tyrel 360 lib. per id. brev.

13 Favier Jean, Origines et destins d’un empire (XIe-XIVe siècles), voir page 391.

14 Sadourny Alain, « La fin de la Normandie Plantagenêt », page 145.

15 Nous avons consulté l’édition de Paul Meyer, 1894, tome II, p. 14 : « Puis [Richard] s'en vint dreit al Pont de l'Arche / Qui dépeciez esteit de front / En poi d'ure refist le pont… »

16 Opere citato.

17 Yver Jean, « Philippe Auguste et les châteaux normands... », voir page 236.

18 Vernier Jean-Jacques, Chartes de l'abbaye de Jumièges…, acte CLXVIII, page 119.

19 Le Breton Guillaume, La Philippide, voir pages 210 et 211.

20 Loth Julien (éd.), Histoire de l’abbaye royale de Saint-Pierre de Jumièges, Rouen, Métérie, 1882-1885, 305 pages. Chapitre 8. Vraisemblablement, Jean sans Terre avait annulé l’échange effectué en 1195 par Richard Cœur de Lion.

21 Delisle Léopold, page 75, acte n° 459, juillet 1246, Evreux.

22 Baldwin John, Philippe Auguste, voir le tableau de la page 66.

23 Chatelain (André), « Recherche sur les châteaux de Philippe Auguste ». L’auteur site ses sources à la Bibliothèque nationale de France : registre a f° 93 r°.

24 Delisle Léopold (publié par), « Cartulaire normand de Philippe Auguste… », page 34 : Hee sunt munitiones castrorum domini Regis. Falesia, Oxime, Pons Audomari, Bonavilla, Molinella, Vallis Rodolii, Harecurtis, Anetum, Paciacum, Vernonem, Lions, Andeliacum, Gaillardum, Britolium, Ebroicas, Guletum, Rothomagum, Mortuum Mare, Archie. [Apud] Pontem Archie. X. lorice, X. galee, capelli XXXI., quarelli LX.m baliste de cornu XXI. de quibus due sunt ad tornum, et XV lignee de quibus sunt ad tornum, gamboissons XVII., croci IIII, turni tres.

 

 

La place-forte de Pont-de-l’Arche et le château de Limaie :

description architecturale

 

Les archives citées jusqu’alors laisseraient volontiers penser que Richard Cœur de Lion est père des remparts de Pont-de-l’Arche. Mais ces sources sont trop lacunaires. Nous poursuivrons cet exposé par une description architecturale des vestiges archépontains et d’illustrations que nous comparerons à des fortifications leur ressemblant.

Il y avait deux systèmes défensifs à Pont-de-l’Arche : la ville fortifiée, au sud du pont ; et le fort de Limaie, bastion barrant l’accès nord du pont.

 

Plan d’ensemble de la ville fortifiée

Nous avons dessiné (ou tenté de le faire) les remparts tels qu’ils devaient être au Moyen âge. Nous nous sommes fondés sur le plan cadastral de 1834 ; l’Atlas de Trudaine (réalisé vers 1759) ; le plan de Nicolas Magin (dressé avant 1742) ; un plan des archives départementales de l’Eure (6 pl. 49) ; un croquis de Léon Coutil datant de 1922 et sur des observations de terrain. Sur le dessin, les vestiges sont remplis de noir. Les parties disparues sont représentées en gris.

Plan de la ville de Pont-de-l'Arche avec ses remparts tels qu'ils devaient être au XVIIIe siècle (carte d'A. Launay, décembre 2015)

Plan de la ville de Pont-de-l'Arche avec ses remparts tels qu'ils devaient être au XVIIIe siècle (carte d'A. Launay, décembre 2015)

Les remparts de la ville longent l’Eure (la Seine avant les années 1930) et forment un vaste demi-cercle tourné vers le sud. Les courtines étaient percées par quatre entrées protégées de tours jumelles : une donnait sur le pont ; une deuxième sur la route d'Elbeuf ; une troisième sur la place Aristide-Briand et une dernière vers Les Damps. En plus de ces portes d’entrées, la ville comptait 9 tours. Certaines d’entre elles étaient des tours d’angles cylindriques (la tour de Crosne, la tour des Damps, la tour Louise, la tour du bailliage). Les autres étaient des tours hémicylindriques remplies qui flanquaient les courtines. Des fossés secs entouraient les remparts en arc de cercle. La description qui suit part de la porte de Crosne (1) et commente les éléments constitutifs des remparts dans le sens des aiguilles d’une montre jusqu’à la tour du bailliage (17).

 

La porte de Crosne, ancienne porte Saint-Jean (1)

Seul vestige d’une des quatre entrées de ville, ce premier niveau d’une des tours de la porte de Crosne a été sauvé par Marie-Auguste de Subtil de Lanterie (1789-1875) qui construisit une maison d’habitation au second niveau et autour. La tour subsistant a une forme en « u ». Elle est percée de deux archères partiellement obstruées. Elle est située dans le prolongement d’un édifice rectangulaire dans lequel on peut encore voir le passage de la herse surmonté d’un départ de voute, visible sur deux clés. Sa partie basse a été enterrée lors du comblement du fossé. Cet édifice privé fut inscrit sur l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques le 15 juin 1939.

Elle porta le nom de Saint-Jean depuis, au moins, 1340 (cf. le cartulaire de Bonport, par Jules Andrieux) et fut rebaptisée "porte de Crosne" le 20 avril 1782. Le conseil municipal d'Ancien Régime voulut remercier l'Intendant de Rouen, Louis Thiroux de Crosne d'Arconville, d'avoir accepté de raser les remparts devenus vétustes et encombrants (archives municipales : BB 5).

La porte de Crosne en 2011. La rue de Crosne est située à droite du mur (cliché A. Launay).

La porte de Crosne en 2011. La rue de Crosne est située à droite du mur (cliché A. Launay).

Vestige d'une des tours d'entrée de la ville, rue de Crosne. Ici on voit nettement le passage de la herse et le début de la voute (cliché A. Launay, mai 2011).

Vestige d'une des tours d'entrée de la ville, rue de Crosne. Ici on voit nettement le passage de la herse et le début de la voute (cliché A. Launay, mai 2011).

La tour de Crosne (2)

La tour de Crosne est une tour cylindrique située à l’angle nord-ouest. Seule est conservée sa partie basse jusqu’au rez-de-jardin intérieur. Une archère est visible depuis l’extérieur. A l’intérieur, les corbeaux et les départs d’une croisée d’ogive sont encore visibles. La partie haute est une construction romantique bâtie vers 1850 que l’on doit au propriétaire Marie-Auguste de Subtil de Lanterie (1789-1875). C’est sous ce nom qu’elle était connue il y a encore un siècle. Cet édifice privé fut classée Monument historique le 9 aout 1941. Lire notre article plus approfondi en cliquant ici.

 
La tour de Crosne en mai 2011, coiffée d’une restauration romantique de la première moitié du XIXe siècle (cliché A. Launay).

La tour de Crosne en mai 2011, coiffée d’une restauration romantique de la première moitié du XIXe siècle (cliché A. Launay).

La tour de Crosne en 1831 dans la collection de dessins de Louis Deglatigny conservée à la bibliothèque de Rouen. Elle porte au dos la mention : "Vue prise de la terrasse d'Est au Pont de l'Arche". L'est ici se mesure par rapport à la tour qui, elle, est bien évidemment à l'ouest des remparts de la ville. Ce dessin est anonymeOn le retrouve numérisé parmi les documents du site rotomagus.fr (merci à ses agents de la sélection des documents et du travail réalisé !).

La tour de Crosne en 1831 dans la collection de dessins de Louis Deglatigny conservée à la bibliothèque de Rouen. Elle porte au dos la mention : "Vue prise de la terrasse d'Est au Pont de l'Arche". L'est ici se mesure par rapport à la tour qui, elle, est bien évidemment à l'ouest des remparts de la ville. Ce dessin est anonymeOn le retrouve numérisé parmi les documents du site rotomagus.fr (merci à ses agents de la sélection des documents et du travail réalisé !).

La tour du presbytère (3)

Belle tour de flanquement hémicylindrique, on voit plusieurs étapes de construction apparaitre sur l'appareillage de la tour du Presbytère. Avec la tour Saint-Vigor, elle possède des traces du chemin de ronde. Cet édifice privé fut classé Monument historique le 9 aout 1941 ainsi que la courtine attenante.

 

La tour du presbytère vue depuis le Quai-Foch. Observez la poterne surmontée d'un arc en tiers point à sa droite (cliché Armand Launay, avril 2006).

La tour du presbytère vue depuis le Quai-Foch. Observez la poterne surmontée d'un arc en tiers point à sa droite (cliché Armand Launay, avril 2006).

La tour du presbytère vue depuis la propriété de la tour de Crosne (cliché A. Launay, juillet 2012).

La tour du presbytère vue depuis la propriété de la tour de Crosne (cliché A. Launay, juillet 2012).

La tour Saint-Vigor (4)

Grâce à l’important dénivelé, les vestiges de cette tour de flanquement hémicylindrique sont visibles sur une grande hauteur. Sa partie basse est évasée afin de renforcer ses assises. Nous avons forgé ce nom en référence à l’ancien vocable de l’église Notre-Dame-des-arts. Le garde-corps est une reconstruction plus récente. Cette tour et la courtine attenante appartiennent à la Ville de Pont-de-l’Arche. Elles furent classées Monuments historiques le 8 novembre 1939.

 
La tour Saint-Vigor vue depuis l’arrière de la sacristie (cliché A. Launay, avril 2012).

La tour Saint-Vigor vue depuis l’arrière de la sacristie (cliché A. Launay, avril 2012).

La poterne de la Petite chaussée (5)

Cette poterne donnait accès à la Petite chaussée, un des rares espaces chaussés de la ville. En effet, en ce lieu se trouvait un petit quai donnant sur la Seine (et non encore l'Eure). Il permettait le débarquement de denrées et autres matériaux ravitaillant les habitants et, notamment, la cave de l'ancien hôtel-Dieu dont un escalier donnait accès à la sente du Beauregard, à contremont de la poterne qui nous intéresse.

Des représentations anciennes montrent ce que fut cette poterne voutée en plein cintre dont les clés pourraient bien avoir été réemployées dans la voute de la rue Maurice-Delamare qui servait de portail à une propriété aujourd’hui disparue.

La poterne de la Petite chaussée  (détail du dessin d’Hyacinthe Langlois référencé au début de cette étude).

La poterne de la Petite chaussée (détail du dessin d’Hyacinthe Langlois référencé au début de cette étude).

La poterne de la Petite chaussée, tout à droite de ce dessin de Samuel Prout de 1821. Au centre, une tour de la porte de Rouen et le logis construit autour ; logis souvent appelé "maison du portier".

La poterne de la Petite chaussée, tout à droite de ce dessin de Samuel Prout de 1821. Au centre, une tour de la porte de Rouen et le logis construit autour ; logis souvent appelé "maison du portier".

La porte de Rouen (6)

Cette entrée de la ville, qui donnait directement sur le tablier du pont, était défendue par deux tours cylindriques, évasées à la base, et surmontée d’un logis. Aucun vestige ne subsiste aujourd’hui. Sur le plan cadastral de 1834, la tour reste un peu visible. Nous avons forgé ce nom par opposition à la porte de Paris. Elle était aussi appelée porte de l'eau, nom donné à la Seine dans l'ancien temps.

La porte de Rouen, à droite du pont, était défendue par deux tours en « u ». Une d’entre elles apparait sur ce dessin réalisé vers 1840 par Edouard Lanon (musée de Louviers). Elle a été percée de grandes ouvertures et par des œils-de-bœuf. Elle sert d’appui à un vaste logis qui la dépasse et qui prend aussi appui sur une colonne plantée dans la Seine.

La porte de Rouen, à droite du pont, était défendue par deux tours en « u ». Une d’entre elles apparait sur ce dessin réalisé vers 1840 par Edouard Lanon (musée de Louviers). Elle a été percée de grandes ouvertures et par des œils-de-bœuf. Elle sert d’appui à un vaste logis qui la dépasse et qui prend aussi appui sur une colonne plantée dans la Seine.

La poterne de la Grande chaussée (7)

Autour de l’entrée du pont, une seconde poterne donnait accès à la Seine. Elle était située dans la rue Abbaye-sans-toile. Il n’en subsiste aucun vestige. Une délibération du Conseil municipal datée du 22 janvier 1857 précise que les remparts seront rasés auprès du pont afin de relier la rue de l’Abreuvoir (Abbaye-sans-toile) et la rue de la Petite chaussée « au quai large de 4 mètres qui est bâti dans le cadre des travaux du nouveau pont. »

Une vue de Nicolas Pérignon, datée de 1750, environ, et conservée à la Bibliothèque nationale de France, montre la poterne de la Grande chaussée, côté intramuros. Nous reproduisons ci-dessous la vue disponible dans Gallica, la partie numérisée des fonds de la BnF.

Qui a bâti les fortifications de Pont-de-l’Arche ?
La poterne de la Grande chaussée, vue de l'extérieur des remparts, dans une publication du début du XIXe siècle. Elle fait partie de la collection de dessins de Louis Deglatigny. Elle est signée par C. Merlin et se trouve conservée dans les fonds de la bibliothèque municipale de Rouen. On la retrouve numérisée parmi les documents du site rotomagus.fr. On voit ici que la porte voutée de l'Ancien Régime a laissé place à une porte à linteau de dimensions plus modestes. Cela dût accroitre le besoin d'ouvrir la voie en ce lieu.

La poterne de la Grande chaussée, vue de l'extérieur des remparts, dans une publication du début du XIXe siècle. Elle fait partie de la collection de dessins de Louis Deglatigny. Elle est signée par C. Merlin et se trouve conservée dans les fonds de la bibliothèque municipale de Rouen. On la retrouve numérisée parmi les documents du site rotomagus.fr. On voit ici que la porte voutée de l'Ancien Régime a laissé place à une porte à linteau de dimensions plus modestes. Cela dût accroitre le besoin d'ouvrir la voie en ce lieu.

Tour et courtine de Jeucourt (8)

Ancienne tour de flanquement hémicylindrique complètement rasée. Nous avons forgé ce nom en référence au Manoir de Jeucourt, premier nom connu du Manoir de Manon (rue Jean-Prieur) et référence au seigneur de Jeucourt, capitaine de la ville. La courtine s’étend sur plusieurs dizaines de mètres. Elle a fait l’objet de nombreuses réparations contre le montrent ses matériaux divers, surtout à l’emplacement de la tour disparue (notre photo). Au-dessus des petites maisons de brique, elle présente quelques archères assez larges immédiatement en dessous du chapeau de gendarme qui couvre le garde-corps. D’imposantes pierres de taille constituent cette courtine qui ne ressemble en rien aux vestiges de la porte de Crosne, de la tour de Lanterie, du bailliage et de la tour Louise. Ce rempart est inconnu des Monuments historiques.

 
La courtine de Jeucourt, quai de Verdun, la partie la plus récente des remparts  de Pont-de-l’Arche comme l’indiquent les briques et, plus généralement, la diversité des matériaux (cliché A. Launay (janvier 2006).

La courtine de Jeucourt, quai de Verdun, la partie la plus récente des remparts de Pont-de-l’Arche comme l’indiquent les briques et, plus généralement, la diversité des matériaux (cliché A. Launay (janvier 2006).

La tour des Damps (9)

Tour cylindrique située à l’angle nord-est de la place forte. Elle était déjà complètement rasée en 1834 lorsque le plan cadastral fut dessiné. Nous avons forgé cette appellation en référence aux Damps, commune limitrophe.

 

Les poternes des Damps (10)

Nommées poternes depuis quelques dizaines d’années faute de comprendre leur fonction, ces vestiges sont situés dans l’alignement du rempart. Ils se trouvent dans une zone où les fortifications ont été largement remaniées. Ainsi des appareillages très divers entourent ces deux voutes qui pourraient bien avoir servi de cave sous un bâtiment encore visible sur les photographies de 1910. Les grilles n’ont été posées que depuis l’aménagement de l’escalier public vers la fin de la construction du pont (1951-1955). Cette partie des remparts, propriété privée, a été inscrite sur l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques le 15 juin 1939. Pour le nom, voir à « la tour des Damps ».

Les « poternes » orientées vers Les Damps (cliché A. Launay, décembre 2010).

Les « poternes » orientées vers Les Damps (cliché A. Launay, décembre 2010).

La porte de Pons, autrefois Sainte-Marie (11)

Cette porte a totalement disparu. Si les portes de la ville étaient similaires, les plans anciens et les vestiges de la porte de Crosne nous laisseraient entrevoir que la porte de Pons était munie de deux tours en U surmontées d’un logis ; renforcées par une herse et un pont-levis. Le 20 avril 1782, le gouverneur de Pont-de-l’Arche, dénommé Pons, obtint de l’intendant Louis Thiroux de Crosne l’autorisation de détruire les fortifications de Pont-de-l’Arche et Limaie. En remerciement, la municipalité donna le nom de Pons à cette porte donnant vers Les Damps (archives municipales : BB 5).

En 1340, cet endroit se nommait « porte Sainte Marie » (Jules Andrieux, Cartulaire de Bonport, page 393).

 

La tour Sainte-Marie (12)

Le tracé de cette tour de flanquement hémicylindrique est encore visible sur le plan cadastral de 1834. Cependant, il n’en subsiste aucun vestige. Nous avons forgé ce nom en référence à la rue Sainte-Marie qui longe ici le rempart.

 

La tour Louise et sa courtine (13)

La tour Louise, nom donné sur un document de la Conservation régionale des monuments historiques, est la tour d’angle cylindrique du sud-est des fortifications archépontaines. Elle est conservée jusqu’au niveau du corps de place. Le comblement partiel du fossé ne masque pas l’évasement de la base de cette tour. Elle fut inscrite sur l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques le 15 juin 1939. La notice des Monuments historiques indique l’existence d’une casemate voutée ce que nous n’avons pas vérifié. Cette tour est devenue une propriété publique en 2011 afin de raser une maison moderne qui gâchait cette partie la mieux préservée des fossés de la cité médiévale.

La tour Louise en 2010. Sa base évasée est nettement visible grâce à la conservation partielle des fossés médiévaux (cliché A. Launay, janvier 2010).

La tour Louise en 2010. Sa base évasée est nettement visible grâce à la conservation partielle des fossés médiévaux (cliché A. Launay, janvier 2010).

La tour de Rouville (14)

Cette tour de flanquement hémicylindrique a complètement disparu avant la réalisation du plan cadastral de 1834. Nous avons forgé ce nom en référence à la place de Rouville, située immédiatement au nord, dans le corps de place.

 

La porte de Paris, autrefois porte de Louviers (15)

Nous avons forgé ce nom sur l’ancienne appellation de la rue Président-Roosevelt : rue de Paris. En 1340, cet endroit se nommait « porte de Louviers » (Jules Andrieux, Cartulaire de Bonport, page 393). En 1699, une délibération du Conseil municipal la nomme porte des Champs, certainement par opposition à la porte de l’eau, vers Rouen. Cette appellation rappelle l’utilité des espaces mis en culture autour de la ville jusqu’à une période récente.

À quoi ressemblait cette porte sud de la ville qui a entièrement été rasée ? Certes il reste bien des fondations mises au jour brièvement lors des travaux de rénovation du centre-ville dans les années 1990 et lors de la réhabilitation de la place Aristide-Briand entre 2013 et 2014. Mais celles-ci ne nous permettent pas de reconstituer cette porte.

C’est un plan de Nicolas Magin, un plan de 1773, ainsi que le cadastre de 1834, qui nous donnent l’image la plus précise de ce que devait être cette porte.

Ci-dessous nous reproduisons un détail d'un plan au 1/150e conservé aux Archives nationales sous le nom de "Plan des fossés et glassis de Pontdelarche..." Il constitue une annexe de l'arrêt du Conseil du 16 juillet 1773 portant sur une contestation d'abattage d'arbres par le "sieur Durufley". En haut du plan, on voit l'arc de cercle des remparts sud. Une avancée de ces remparts, notée "fort" au milieu, protège l'entrée de la ville. L'accès à ce bastion se faisait par un "petit pont" donnant, à droite, sur deux premières maisons et l'ancien calvaire. Cet endroit doit être occupé de nos jours par l'ancien garage Renault où une médiathèque est envisagée par la municipalité. Ce bastion sortant des remparts pour mieux protéger l'entrée explique la largeur de la place des Champs depuis le pied des remparts au sud de la rue Sainte-Marie jusqu'aux maisons des faubourg représentées sur le plan. Ce bastion est assurément le résultat d'un remaniement en profondeur d'une des entrées de ville telles qu'elles étaient conçues dans les fortifications philipiennes.

 
Qui a bâti les fortifications de Pont-de-l’Arche ?
Qui a bâti les fortifications de Pont-de-l’Arche ?

Ci-dessus, le plan de Pont-de-l’Arche dressé vers 1702 par le cartographe Nicolas Magin (1663-1742) montre aussi l'avancée que constituait le bastion. Il montre aussi deux tours dans l'alignement des murs d'enceinte qui offraient une défense supplémentaire à la rue de Paris. 

Les délibérations du Conseil municipal attestent que l'autorisation de combler le "pont dormant de la place des champs" fut accordée en 1747. Ces mêmes archives montrent que la place des champs fut aplanie en 1779 suite à l'autorisation de l'intendant Louis Thiroux de Crosne. C'est à partir de 1782 que les boulevards de la ville furent créés et le fort de Limaie démoli avec maintes parties des remparts.

Le plan cadastral de 1834 montre encore le pont à bascule au milieu de l’espace nommé “place Aristide-Briand” en 1937.   

Qui a bâti les fortifications de Pont-de-l’Arche ?

La tour de l’hospice (16)

Ce vestige de tour de flanquement cylindrique possède encore une petite partie du deuxième niveau. La base de cette tour est masquée par le comblement du fossé. Elle fut nommée ainsi en raison de la proximité de ce qui est devenu un Établissement hospitalier pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Cette tour fut inscrite sur l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques le 15 juin 1939.

 
La tour de l’hospice en aout 2008 (vue prise du rempart du bailliage) avant une restauration malheureuse côté privée. Cette partie la moins bien conservée et restaurée des remparts de Pont-de-l’Arche est constituée d’une tour cylindrique dont une partie du second niveau est encore debout (cliché A. Launay, aout 2008).  Elle a bénéficié d'une restauration professionnelle dans le cadre de l'agrandissement de l'hôpital local (EHPAD) comme le montrent les clichés pris de la cour intérieure de l'hôpital (clichés de Patrice Royer, décembre 2018).
La tour de l’hospice en aout 2008 (vue prise du rempart du bailliage) avant une restauration malheureuse côté privée. Cette partie la moins bien conservée et restaurée des remparts de Pont-de-l’Arche est constituée d’une tour cylindrique dont une partie du second niveau est encore debout (cliché A. Launay, aout 2008).  Elle a bénéficié d'une restauration professionnelle dans le cadre de l'agrandissement de l'hôpital local (EHPAD) comme le montrent les clichés pris de la cour intérieure de l'hôpital (clichés de Patrice Royer, décembre 2018).
La tour de l’hospice en aout 2008 (vue prise du rempart du bailliage) avant une restauration malheureuse côté privée. Cette partie la moins bien conservée et restaurée des remparts de Pont-de-l’Arche est constituée d’une tour cylindrique dont une partie du second niveau est encore debout (cliché A. Launay, aout 2008).  Elle a bénéficié d'une restauration professionnelle dans le cadre de l'agrandissement de l'hôpital local (EHPAD) comme le montrent les clichés pris de la cour intérieure de l'hôpital (clichés de Patrice Royer, décembre 2018).

La tour de l’hospice en aout 2008 (vue prise du rempart du bailliage) avant une restauration malheureuse côté privée. Cette partie la moins bien conservée et restaurée des remparts de Pont-de-l’Arche est constituée d’une tour cylindrique dont une partie du second niveau est encore debout (cliché A. Launay, aout 2008). Elle a bénéficié d'une restauration professionnelle dans le cadre de l'agrandissement de l'hôpital local (EHPAD) comme le montrent les clichés pris de la cour intérieure de l'hôpital (clichés de Patrice Royer, décembre 2018).

La tour du bailliage (17)

La tour du bailliage est une tour cylindrique non remplie située à l’angle sud-ouest. Elle présente une belle archère ainsi qu’un début de parement de la courtine partant vers l’Est. La base de cette tour est enterrée par le comblement du fossé. Elle fut inscrite sur l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques le 15 juin 1939.

La tour du bailliage et ses courtines comptent parmi les plus beaux vestiges des fortifications de Pont-de-l’Arche (cliché A. Launay, juin 2010).

La tour du bailliage et ses courtines comptent parmi les plus beaux vestiges des fortifications de Pont-de-l’Arche (cliché A. Launay, juin 2010).

Le château de Limaie

Le château de Limaie, démantelé à partir de 1782, était un bastion protégeant l’entrée nord du pont. Ses courtines étaient bâties selon un plan presque rectangulaire, resserré sur sa partie Est. Une tour maitresse se trouvait à l’intérieur du corps de place du côté du sud-ouest. Les courtines étaient renforcées par trois tours d’angles cylindriques. La porte donnant sur le pont était renforcée de deux tourelles. Celle donnant vers le nord était défendue par une tourelle et était munie d’un pont-levis. Une poterne se trouvait au nord-ouest du corps de place. Deux fossés en eau, séparés par une palissade de bois, séparaient ce bastion de la plaine alluviale.

Nous avons accordé une étude plus approfondie à ce fort ici.

 
Dessin de 1782 représentant le fort de Limaie vu depuis la côte d'Amour, c'est-à-dire entre Pont-de-l'Arche et Les Damps. Le pont actuel touche la berge d'Igoville à l'endroit de la tour d'angle figurant sur ce dessin reproduit dans un article de Léon Coutil intitulé "Le vieux château de Limaie et le vieux pont de Pont-de-l'Arche (Eure)" publié dans le Bulletin de la Société d'études diverses de Louviers, tome XVI, 1921-1922.

Dessin de 1782 représentant le fort de Limaie vu depuis la côte d'Amour, c'est-à-dire entre Pont-de-l'Arche et Les Damps. Le pont actuel touche la berge d'Igoville à l'endroit de la tour d'angle figurant sur ce dessin reproduit dans un article de Léon Coutil intitulé "Le vieux château de Limaie et le vieux pont de Pont-de-l'Arche (Eure)" publié dans le Bulletin de la Société d'études diverses de Louviers, tome XVI, 1921-1922.

Plan du chasteau du Pont de l’arche par P. Petit vu comme si nous tournions le dos à Igoville (plan antérieur à 1782).

Plan du chasteau du Pont de l’arche par P. Petit vu comme si nous tournions le dos à Igoville (plan antérieur à 1782).

Richard Cœur de Lion ou Philippe Auguste ?

 

D’après les archives, on peut raisonnablement dater les fortifications archépontaines de la fin du XIIe siècle ou du début du XIIIe siècle. Cependant, peut-on les rattacher aux constructions de Richard Cœur de Lion entre 1194 et 1195 ou à celles de Philippe Auguste après 1204 ?

Dans une étude très poussée portant sur la cuisine de l’ancienne abbaye de Bonport, Frédéric Épaud et Jean-Baptiste Vincent datent du XIIIe les murs de la cuisine. Une comparaison des moellons permet de vérifier leur ressemblance avec les moellons des vestiges archépontains, hormis ceux des bords de Seine.

 
Extrait de Frédéric Épaud, Jean-Baptiste Vincent, « La cuisine de l’abbaye cistercienne de Bonport... »

Extrait de Frédéric Épaud, Jean-Baptiste Vincent, « La cuisine de l’abbaye cistercienne de Bonport... »

Les remparts de Pont-de-l’Arche sont dotés d’éléments techniques apparus dans la seconde moitié du XIIe siècle dans le domaine Plantagenet. Ainsi les tours de flanquement hémicylindriques ou en « u » apparurent à partir de 1170-1180. Elles remplaçaient des tours de flanquement rectangulaires, saillantes, aux arêtes trop brutes. De nombreuses archères, longues et fines apparurent aussi qui remplaçaient des ouvertures plus larges. Les tours furent aussi munies d’un second étage vouté en pierre alors que, précédemment, ce type de défense était planchéié. On était entré dans l’ère de la défense active des places fortes (Jean Mesqui, Les tours à archères...).

Les remparts décrits plus hauts correspondent à ces innovations techniques. Cependant, ces dernières furent aussi maitrisées et employées par les ingénieurs de Philippe Auguste. Ils les ont même reproduits systématiquement au point d’en faire une marque du pouvoir royal.

Afin de retrouver ou non la marque de Philippe Auguste à Pont-de-l’Arche, nous nous sommes intéressé à Dourdan (Essonne). En effet, selon le castellologue Jean Mesqui (Châteaux forts... pages 153 et 154) : « Dourdan est sans doute le plus pur produit de la maitrise d’ouvrage philippienne ; dernier construit parmi les châteaux de Philippe Auguste, il est le plus abouti… »2 Achevée dans les années 1220, cette place forte est construite selon un plan rectangulaire. Elle est dotée d’une tour maitresse cylindrique de 13,6 m de diamètre isolée du corps de place par un fossé propre. Archétype des tours philipiennes, elle tour possédait un double accès. Trois angles sont pourvus de tours cylindriques, voutées en coupole et sur ogives, et munies de nombreuses archères à ébrasement simple. Les courtines sont flanquées, dans leur milieu, de tours hémicylindriques d’un diamètre extérieur de 9 m. Un châtelet à deux tours hémicylindriques protège l’entrée.

 
A gauche la tour du Midi, à Dourdan (cliché Philippe_28). A droite, la tour Saint-Vigor, à Pont-de-l'Arche (cliché A. Launay, avril 2012). Sans être jumelles, ces tours hémicylindriques appartiennent à la même époque, le XIIe siècle, et témoignent d’un même savoir-faire technique.
A gauche la tour du Midi, à Dourdan (cliché Philippe_28). A droite, la tour Saint-Vigor, à Pont-de-l'Arche (cliché A. Launay, avril 2012). Sans être jumelles, ces tours hémicylindriques appartiennent à la même époque, le XIIe siècle, et témoignent d’un même savoir-faire technique.

A gauche la tour du Midi, à Dourdan (cliché Philippe_28). A droite, la tour Saint-Vigor, à Pont-de-l'Arche (cliché A. Launay, avril 2012). Sans être jumelles, ces tours hémicylindriques appartiennent à la même époque, le XIIe siècle, et témoignent d’un même savoir-faire technique.

Pour revenir à Pont-de-l’Arche, nous remarquons que le plan rectangulaire, majeur dans la fortification philippienne, a été adapté à l’arc de cercle de la cité médiévale et à Limaie où le rectangle était quelque peu resserré vers la pointe Est de l’ile artificielle. La disposition de tours cylindriques aux angles et de tours hémicylindriques flanquant les courtines a aussi été scrupuleusement observée. Quant à la tour maitresse, dans le château de Limaie, elle était isolée de la courtine mais dans le corps de place, certainement par manque d’espace extérieur sur l’ile artificielle. Les portes étaient protégées par des châtelets à deux tours hémicylindriques. Reprenons la définition de Jean Mesqui (Châteaux et enceintes..., page 44) : « Aussi la fortification philippienne, dès lors qu’elle quitte le domaine du noyau central, se cantonne-t-elle dans l’application d’un principe majeur : celui du flanquement de courtines rectilignes par des tours sphériques, celui de la défense des portes par des massifs à deux tours. »

Nous voyons que Pont-de-l’Arche répond plutôt bien à cette définition. Nous pouvons raisonnablement avancer que, si Philippe Auguste n’a pas été le seul monarque à doter Pont-de-l’Arche de fortifications, c’est lui qui les a le plus élevées et marquées de son empreinte.

    

 
La porte d’entrée de Dourdan nous donne certainement une bonne illustration de ce que furent les entrées de Pont-de-l’Arche. Comparez les dimensions des tours ainsi que les archères de Dourdan et de la porte de Crosne à Pont-de-l'Arche (cliché Philippe_28).

La porte d’entrée de Dourdan nous donne certainement une bonne illustration de ce que furent les entrées de Pont-de-l’Arche. Comparez les dimensions des tours ainsi que les archères de Dourdan et de la porte de Crosne à Pont-de-l'Arche (cliché Philippe_28).

En guise de conclusion

Si les sources écrites ne nous permettent pas d’affirmer que Richard Cœur de Lion fut le premier duc de Normandie à doter Pont-de-l’Arche de remparts en pierre, elles attestent que celui-ci y a fait réaliser d’importants travaux.

Face à la convoitise de Philippe Auguste, Richard Cœur de Lion a fortifié la vallée de la Seine (route de Rouen) avec, au premier plan, Pont-de-l’Arche et son pont, Le Vaudreuil et le Château Gaillard. Dans ce cadre, il a aussi inclus Pont-de-l’Arche dans le domaine ducal direct. Cependant, Richard Cœur de Lion mourut en 1199 et son frère Jean sans Terre perdit la Normandie en 1204.

Philippe Auguste, peu confiant dans le peuple rouennais, fit de Pont-de-l’Arche son principal lieu de résidence en Normandie. C’est ce qu’atteste le grand nombre de documents royaux signés à Pont-de-l’Arche, place forte royale.

L’observation de vues anciennes sur le château de Limaie et l’observation des vestiges actuels rattachent les fortifications archépontaines aux constructions philipiennes : un plan rectangulaire, avec adaptation locale, comportant des tours cylindriques aux angles, des tours hémicylindriques flanquant les courtines, des châtelets à deux tours aux portes, les volumes des tours au premier rang desquelles la tour maitresse de Limaie… Nous pouvons commencer à répondre à notre question : qui a bâti les fortifications de Pont-de-l’Arche ? Il s’agit de Philippe Auguste, certainement sur les bases établies par Richard Cœur de Lion…

 

 

Sources

- Baldwin John, Philippe Auguste, Paris, Fayard, 1998, 717 pages ;

- Boussard Jacques, « Philippe Auguste et les Plantagenêts », p. 263-289, in Bautier Robert-Henri (dir.), La France de Philippe Auguste - Le temps des mutations : actes du colloque international organisé par le CNRS (Paris, 29 septembre – 4 octobre 1980), Paris : éditions du CNRS, 1982, 1034 pages ;

- Chatelain (André), « Recherche sur les châteaux de Philippe Auguste », Archéologie médiévale, tome XXI, 1991, éditions du CNRS, pages 115-161 ;

- Delisle Léopold (publié par), « Cartulaire normand de Philippe Auguste, Louis VIII, Saint-Louis et Philippe le Hardi », in Mémoire de la Société des antiquaires de Normandie, 6e volume, XVIe volume de la collection, Caen, 1852, 390 pages ;

- Duranville Léon Lévaillant de, Essai historique et archéologique sur la ville du Pont-de-l'Arche : documents supplémentaires accompagnés d’une vue de la ville de Pont-de-l'Arche, d'après un croquis de E.-H. Langlois et du fac-similé d'un plan exécuté par J. Gomboust, dans le XVIIe siècle, Rouen : A. Le Brument, 1870, 55 pages ;

- Épaud Frédéric, Vincent Jean-Baptiste, « La cuisine de l’abbaye cistercienne de Bonport (Pont-de-l’Arche, Eure) », pages 99-113, in Bulletin monumental, tome 169-2, Paris, Société française d’archéologie, 2012 ;

- Erlande-Brandenburg Alain, « L’architecture militaire au temps de Philippe Auguste : une nouvelle conception de la défense », in La France de Philippe Auguste. Le temps des mutations, Robert-Henri Bautier (dir.), Actes du colloque organisé par le CNRS (Paris, 29 septembre-4 octobre 1980), Paris, éditions du CNRS, 1982, pages 595-603 ;

- Le Breton Guillaume, La Philippide, Paris, Brière, 1825, 418 pages ;

- Léchaudé d’Anisy Amédée-Louis, « Grands rôles des Echiquiers de Normandie » dans les Mémoires de la Société des antiquaires de Normandie : documents historiques, tome I, Paris, 1845, 356 pages ;

- Le Maho Jacques, « Un grand ouvrage royal du IXe siècle : le pont fortifié dit « de Pîtres » à Pont-de-l’Arche (Eure) », pages 143-158, in Des Châteaux et des sources. Archéologie et histoire dans la Normandie médiévale : mélanges en l’honneur d’Anne-Marie Flambard Héricher, Publications des universités de Rouen et du Havre, 2008, 622 pages ;

- Mesqui Jean, « Les tours à archères dans le domaine Plantagenet français 1160-1205 », p. 77-88, in Les fortifications dans le domaine Plantagenet, XIIe-XIVe siècle : actes du colloque international tenu à Poitiers du 11 au 13 novembre 1994, Université de Poitiers, 2000, 138 pages ;

- Mesqui Jean, Châteaux et enceintes de la France médiévale, volume 1 : De la défense à la résidence, Picard, 1991, 375 pages ;

- Mesqui Jean, Châteaux forts et fortifications en France, Paris, Flammarion, 1997, 493 pages ;

- Sadourny Alain, « La fin de la Normandie Plantagenêt », pages 141-151, in Le Roc’h-Morgère Louis, Richard Cœur de Lion roi d’Angleterre, duc de Normandie (1157-1199), actes du colloque international tenu à Caen, 6-9 avril 1999, Caen, Direction des archives départementales du Calvados, 2004, 365 pages ;

- Vernier Jean-Jacques, Chartes de l'abbaye de Jumièges (v. 825 à 1204) conservées aux archives de la Seine-inférieure, tome II, Rouen, Lestringant, 1916 ;

- Yver Jean, « Philippe Auguste et les châteaux normands. La frontière orientale du duché », pages 309-348, in Bulletin de la société des antiquaires de Normandie, tome LIX, 1967-1989, Caen.

 

 

Armand Launay

Pont-de-l'Arche ma ville

http://pontdelarche.over-blog.com

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13 octobre 2015 2 13 /10 /octobre /2015 09:37

Le premier corps d’infanterie de l’armée française s’est formé en 1481 suite à la volonté de Louis XI. Ce roi de France voulait créer une infanterie régulière et mobile à l’image de la cavalerie. C’est ainsi que sont nées les célèbres « bandes de Picardie » formées par des Suisses dans un vaste camp situé entre Pont-de-l’Arche et Pont-Saint-Pierre (Eure). Nous avons mené l’enquête sur ce tournant militaire où notre ville est au cœur de l’histoire de France…

Pour la défense de son royaume, Louis XI eut le souci permanent d’organiser une armée efficace reposant principalement sur l’infanterie. Ainsi en 1469, il réforma le corps des francs-archers créé à la fin de la guerre de Cent-ans par Charles VII1 notamment pour former les garnisons de certaines villes frontalières. Il élargit l’espace de recrutement des francs-archers, améliora l’enrégimentement de ceux-ci en 8 bandes de 500 hommes et, enfin, fit encadrer chaque bande par un capitaine, un lieutenant et un enseigne. La population était sommée de fournir au roi des hommes mobilisés du printemps à l’automne2 contre une solde et un armement fournis. Ce sont près de 16 000 fantassins qui servaient alors le roi.

Louis XI fit de l’infanterie le principal corps de son armée rompant avec la prééminence ancestrale de la chevalerie. Malgré des victoires, le corps des francs-archers ne donna pas satisfaction au roi à cause de l’absence de formation, du manque de discipline – voire de compétence3 – mais aussi de la difficulté de mobiliser rapidement ces troupes très éparses. La défaite d’Enguinegatte (Pas-de-Calais) face à Maximilien de Habsbourg (en 1479) persuada Louis XI de renoncer à ce corps et de créer une infanterie d’un genre nouveau.

Les piquiers, nouveaux combattants mis en avant par Louis XI pour bâtir une infanterie régulière. Détail de « Troupes anciennes. N°3, Coustilliers, Règne de Charles VII - Piquiers, Règne de Louis XI », gravure sur bois en couleurs (46 x 36 cm) éditée chez Pellerin, Épinal, 1859. BnF, département Estampes et photographie, FOL-LI-59 (6).

Les piquiers, nouveaux combattants mis en avant par Louis XI pour bâtir une infanterie régulière. Détail de « Troupes anciennes. N°3, Coustilliers, Règne de Charles VII - Piquiers, Règne de Louis XI », gravure sur bois en couleurs (46 x 36 cm) éditée chez Pellerin, Épinal, 1859. BnF, département Estampes et photographie, FOL-LI-59 (6).

Louis XI, roi de France Louis XI, né en 1423, régna de 1461 à 1483. Au-delà de l’image du roi moyenâgeux et cruel forgée par ses opposants, Louis XI passe aujourd’hui pour un roi pragmatique, diplomate, ayant un sens de la raison d’État et donc une faculté de trancher. Sacré roi à la fin de la guerre de Cent-ans, il ne se contenta pas de voir refleurir l’économie, il orchestra la prospérité de son royaume en y introduisant de nouvelles activités, de nouvelles foires et en défendant une monnaie forte. Il passa une grande partie de son règne à assoir son autorité contre ses opposants : les seigneurs, la Bourgogne et l’Angleterre. Il vainquit la Ligue du Bien public formée contre lui avec son frère Charles de France. Il s’imposa après de nombreuses batailles et d’infinies négociations avec le duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, qui décéda en 1477. Il signa le fameux traité de Picquigny mettant fin aux prétentions anglaises sur la couronne de France (1475). Cette pacification permit à Louis XI d’affermir et d’organiser le pouvoir royal. Il conquit le Maine et la Provence (1481), la Picardie, le Boulonnais, le duché de Bourgogne, l'Artois et la Franche-Comté en 1482. C’est cette force, notamment démographique et économique, qui lui permit de mettre sur un pied une armée forte et de lancer les bases d’un État moderne.

Louis XI, roi de France Louis XI, né en 1423, régna de 1461 à 1483. Au-delà de l’image du roi moyenâgeux et cruel forgée par ses opposants, Louis XI passe aujourd’hui pour un roi pragmatique, diplomate, ayant un sens de la raison d’État et donc une faculté de trancher. Sacré roi à la fin de la guerre de Cent-ans, il ne se contenta pas de voir refleurir l’économie, il orchestra la prospérité de son royaume en y introduisant de nouvelles activités, de nouvelles foires et en défendant une monnaie forte. Il passa une grande partie de son règne à assoir son autorité contre ses opposants : les seigneurs, la Bourgogne et l’Angleterre. Il vainquit la Ligue du Bien public formée contre lui avec son frère Charles de France. Il s’imposa après de nombreuses batailles et d’infinies négociations avec le duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, qui décéda en 1477. Il signa le fameux traité de Picquigny mettant fin aux prétentions anglaises sur la couronne de France (1475). Cette pacification permit à Louis XI d’affermir et d’organiser le pouvoir royal. Il conquit le Maine et la Provence (1481), la Picardie, le Boulonnais, le duché de Bourgogne, l'Artois et la Franche-Comté en 1482. C’est cette force, notamment démographique et économique, qui lui permit de mettre sur un pied une armée forte et de lancer les bases d’un État moderne.

1481 : création du corps des piquiers et hallebardiers

En 1480, le roi de France conclut une trêve avec ses ennemis le duc de Bourgogne et le roi d’Angleterre et signa un armistice avec le roi d’Autriche, en aout. Il eut donc enfin le temps de réorganiser en profondeur son infanterie. Il commença par supprimer, en octobre, le corps des francs-archers et prit exemple sur l’armée suisse, la meilleure de ce temps, pour constituer en janvier 1481 une infanterie principalement composée de piquiers, d’hallebardiers et de mercenaires suisses4. À contrecourant des mentalités, le roi continua donc à mettre en avant les « gens de pied », les roturiers, au point de les intégrer dans son armée régulière jusqu’alors constituée des nobles chevaliers des compagnies d’ordonnance5.

Louis XI cessa de demander à la population de fournir des hommes et leva un impôt spécialement destiné à payer des soldes permanentes à ses gens de pied français et étrangers. Cette réforme du mode de financement des hommes de pied permit au roi de mettre en place une infanterie de camp permanente6. Il est possible que d’anciens francs-archers se soient reconvertis en piquiers, mais Thomas Basin, chroniqueur contemporain de Louis XI, parle bien de remplacement des soldats7.

 

 

L'utilité des bandes de piquiers ?

À la fin du XVe siècle, l’infanterie comptait trois armes principales :

- les archers, qui visaient surtout les chevaux pour rompre la charge de cavalerie ;

- au contact avec celle-ci, les coutiliers coupaient les jarrets des chevaux, tuaient les cavaliers tombés qui ne valaient aucune rançon ;

- enfin, les piquiers jouaient un double rôle défini par Jean de Wavrin (homme de guerre et bibliophile bourguignon du XVe siècle) : « Les piques sont bâtons moult convenables pour mettre une pique entre deux archers contre le foudroyeux effort des chevaux qui voudraient effondrer dedans eux, car il n’est cheval, s’il n’est atteint d’une pique en la poitrine, qui ne doive mourir sans remède. Et aussi servent ces piquenaires à démarcher et atteindre les chevaux de côté et iceux percer tout outre. »

Les piquiers étaient réunis par bandes de 800 à 1 000 hommes chacune. Cette technique de combat suisse, inspirée de la phalange grecque, a été enseignée à l’armée française principalement dans le camp de Pont-de-l’Arche, en 1481. L’infanterie avançait sur le champ de bataille en masses carrées hérissées de piques de 5 à 6 mètres de long. Elles étaient capables de résister à une charge de cavalerie... Les piquiers, disposés sur plusieurs rangs au centre du carré, sont protégés sur les flancs par des archers puis des couleuvriniers et des arbalétriers.

Un exemple de charge de piquiers : La Bataille d’Heiligerlee (1568) d'après Frans Hogenberg (1536-1590). Au second plan, les piquiers de Guillaume d’Orange et ses alliés mettent en déroute les mercenaires espagnols de l’armée de Jean de Ligne, stathouder de Frise resté fidèle au roi d’Espagne. Cette bataille marque le début de la guerre de Quatre-vingts-ans et aboutit à l’indépendance des Provinces-unies (Pays-Bas).

Un exemple de charge de piquiers : La Bataille d’Heiligerlee (1568) d'après Frans Hogenberg (1536-1590). Au second plan, les piquiers de Guillaume d’Orange et ses alliés mettent en déroute les mercenaires espagnols de l’armée de Jean de Ligne, stathouder de Frise resté fidèle au roi d’Espagne. Cette bataille marque le début de la guerre de Quatre-vingts-ans et aboutit à l’indépendance des Provinces-unies (Pays-Bas).

Albrecht Altdorfer (vers 1480-1538), La Bataille d’Alexandre, 1529, peinture sur bois, Alte Pinakothek (Munich), commandée par le duc Guillaume IV de Bavière. Alexandre le Grand lutte contre le roi de Perse Darius. Cette œuvre montre au premier plan une bande de piquiers en mouvement et, au second plan, une masse compacte en train d’attaquer telle une forêt de piques.

Albrecht Altdorfer (vers 1480-1538), La Bataille d’Alexandre, 1529, peinture sur bois, Alte Pinakothek (Munich), commandée par le duc Guillaume IV de Bavière. Alexandre le Grand lutte contre le roi de Perse Darius. Cette œuvre montre au premier plan une bande de piquiers en mouvement et, au second plan, une masse compacte en train d’attaquer telle une forêt de piques.

Mais quel rôle devait jouer la nouvelle infanterie de Louis XI ?

 

Nouvelle infanterie, nouvelles armes : le rôle de Pont-de-l’Arche

En l’espace de quelques mois, Louis XI a recruté une importante infanterie professionnelle devant manipuler de nouvelles armes (piques, hallebardes…) et souhaitait, de plus, modifier la stratégie de combat en plaine. Pour concrétiser ces réformes sans trop exposer son armée en temps de guerre, il manquait une solide expérience à ses troupes. C’est là qu’intervint le camp de Pont-de-l’Arche.

« … le Roy voulust et ordonna que certain camp de bois (…) fust dressé et mis en estat en une grand plaine près le Pont de l’Arche (…) et dedans icelluy certaine quantité de gens de guerre armez, avec hallebardiers et picquiers, que nouvellement avoit mis sus… ». Pour établir ce camp, le roi mobilisa les pionniers du camp d’Abbeville8 ? Ces hommes, responsables de la construction, de l’entretien et de l’approvisionnement du camp furent placés par le roi sous le commandement de Guillaume Picquart, bailli de Rouen, qui épaula Philippe de Crèvecœur dans l’encadrement de l’infanterie9.

Philippe de Commynes précisa que l’infanterie royale était alors composée de « vingt mil hommes de pied tousjours prestz, et deux mil cinq cens pionniers, et s’appeloient icy les gens du champ : et ordonna avec eulx quinze cens hommes d’armes de son ordonnance, pour descendre à pied quand il en seroit besoing »10.

L’ensemble de ces hommes de pied devaient venir à Pont-de-l’Arche car le roi « voulust que lesdits gens de guerre feussent par l’espace d’ung mois [dans le camp] pour sçavoir comment ils se conduisoient (…) et pour sçavoir quels vivres il conviendroit avoir…11 ». Le roi voulait mesurer – grandeur nature – l’investissement humain, technique et financier que représentait une infanterie de camp de cette ampleur. Mais à quoi bon posséder une infanterie de camp ? Louis XI voulait améliorer la mobilité de ses troupes hors des frontières du royaume et surtout en plaine, eu égard au relief picard et nordiste. Mois après mois, toute son infanterie devait passer dans ce camp et s’aguerrir aux longs déplacements et à la vie de camp12.

Le roi avait pu mesurer en 1470, à Montlhéry, l’efficacité d’un camp retranché établi par ses adversaires, les Bourguignons. Ceux-ci s’étaient appuyés sur ce camp pour les manœuvres de l’infanterie, la mise en sureté de l’artillerie et des munitions mais aussi des hommes durant la nuit. En 1471, le roi ordonna la fabrication d’un tel camp à Montargis et en fit un outil durant ses campagnes de Normandie et de Picardie (le camp d’Abbeville). En 1480 donc, le roi décida de tester un camp de guerre, pas trop près des frontières pour ne pas exciter ses ennemis, mais pas trop loin non plus des Pays-Bas et de l’Angleterre. C’est ainsi que la Normandie fut choisie pour accueillir l’entrainement de l’artillerie et de l’infanterie dans un vaste camp. Louis XI joua un fort rôle dans la structuration de l’artillerie en laissant à sa mort 5 bandes d’artillerie contre une lors de son installation

Le second objectif du camp de Pont-de-l’Arche était la formation de l’armée aux techniques de combat des Suisses. La fin des francs-archers et la création des piquiers et hallebardiers avait été actée, mais qu’en était-il de la formation de la nouvelle armée ?

Les 20 000 hommes de pied, ou une partie du moins, se sont succédé dans le camp de Pont-de-l’Arche où se trouvaient les 6 000 mercenaires Suisses travaillant pour Louis XI depuis 147413. Commandés par Guillaume Diesbach, les Suisses ont formé les hommes des garnisons de la région d’Hesdin aux techniques de combat en bandes, encore appelées enseignes. C’est pourquoi le roi commanda près de 40 000 armes nouvelles pour faire de Pont-de-l’Arche un énorme camp d’instruction14. Une fois formées, on retrouve ces bandes l’année suivante aux côtés des Suisses et selon Philippe de Commynes « 8 000 piquiers » formant une armée qui « estoit fort belle »15. C’est à partir de ce moment que l’on a pu parler de « bandes de Picardie » restées célèbres dans l’histoire en tant que premières assises du « régiment de Picardie », autrement dit le 1er Régiment d’infanterie de l’armée française (voir l'illustration). On peut sourire de la proximité entre le nom "Picard" et nos picquiers louis-onziens.

 
Buste de Philippe de Commynes, chroniqueur et diplomate. Calcaire polychrome du début du XVIe s. Musée du Louvre, Paris. Philippe de Commynes (1447-1511), seigneur d’Argenton, était un des chroniqueurs les plus lus en Europe. Il laissa à la postérité ses Mémoires qui rapportent la manière dont le roi Louis XI a exercé le pouvoir royal (livres I à VI, composés entre 1489 et 1493). Puis ils rapportent l’expédition de Charles VIII en Italie (livres VII et VIII, composés entre 1495 et 1498) et enfin le couronnement de Louis XII. Écrits en langue vulgaire, et non en latin, ces Mémoires sont aussi novateurs sur le fond car ils jettent la lumière sur la pratique quotidienne du pouvoir, ce qu’a connu Philippe de Commynes en tant que conseiller et chambellan de Charles le Téméraire, duc de Bourgogne, puis de Louis XI à partir de 1472. Il s’attacha à mettre en valeur le travail diplomatique de Louis XI.

Buste de Philippe de Commynes, chroniqueur et diplomate. Calcaire polychrome du début du XVIe s. Musée du Louvre, Paris. Philippe de Commynes (1447-1511), seigneur d’Argenton, était un des chroniqueurs les plus lus en Europe. Il laissa à la postérité ses Mémoires qui rapportent la manière dont le roi Louis XI a exercé le pouvoir royal (livres I à VI, composés entre 1489 et 1493). Puis ils rapportent l’expédition de Charles VIII en Italie (livres VII et VIII, composés entre 1495 et 1498) et enfin le couronnement de Louis XII. Écrits en langue vulgaire, et non en latin, ces Mémoires sont aussi novateurs sur le fond car ils jettent la lumière sur la pratique quotidienne du pouvoir, ce qu’a connu Philippe de Commynes en tant que conseiller et chambellan de Charles le Téméraire, duc de Bourgogne, puis de Louis XI à partir de 1472. Il s’attacha à mettre en valeur le travail diplomatique de Louis XI.

Pourquoi choisir la Normandie ?

Louis XI avait négocié une trêve mais espérait surtout une paix durable avec ses adversaires. Le camp de Pont-de-l’Arche était une mise en application de l’adage « Si tu veux la paix, prépare la guerre » mais aussi un message fort envoyé aux autres souverains. D’ailleurs, le roi d’Angleterre craignit un moment que Louis XI ne prépare une attaque des terres anglaises de Calais16. C’était justement tout l’intérêt de Pont-de-l’Arche : une cité éloignée de la frontière afin de ne pas provoquer les rois en délicatesse avec Louis XI, mais suffisamment proche des zones à risques pour contrecarrer une opération soudaine17.

La place forte royale de Pont-de-l’Arche, connue du roi depuis qu’il la libéra de la Ligue du bien public en 1466, était facilement ravitaillable par la Seine18 et le chemin de Paris à Rouen et bénéficiait, de plus, de la présence de grandes forêts royales si utiles pour le bois du camp et des charriots. La ville fut peut-être aussi choisie par le roi pour faire une démonstration de force aux Normands récemment repassés sous son autorité. La police intérieure ne fait-elle pas partie des missions de l’armée ?

 

 

Après le camp…

Le roi fut satisfait de ce qu’il vit au camp de Pont-de-l’Arche à partir du 22 juin 1481 et les dix jours qui suivirent. C’est heureux car le trésor royal engagea pour ce camp 1 500 livres en quelques mois. Supportées par une lourde taille, elles représentaient la moitié des charges militaires annuelles de ce temps.

Le camp de Pont-de-l’Arche permit à Louis XI d’organiser son infanterie en bandes de piquiers professionnels destinés au combat en plaine. Quant à la vie dans un camp, il fut décidé de loger 30 hommes par tente, d’adopter des pavillons pour loger les gens de qualité et le nombre de véhicules de transport était désormais connu pour déplacer tout le matériel notamment l’artillerie… Une infanterie de camp était donc prête à chaque instant pour des opérations mobiles au-delà des frontières du royaume. L’infanterie régulière est donc née en deux étapes :

- le remplacement des francs-archers en janvier 1481 par le corps permanent des piquiers et hallebardiers ;

- la formation des troupes dans le camp de Pont-de-l’Arche en 1481.

Les bandes de Picardie constituèrent donc l'infanterie française jusqu'en 1494 où Charles VIII créa les bandes de Piémont qui participèrent à la guerre d'Italie contre l'Autriche de Charles Quint. Cependant, Charles VIII, a remplacé le corps des piquiers en 1487 par les francs-archers désormais appelés « gens de pied ». Ceux-ci coutaient moins cher au trésor royal mais ne donnaient pas satisfaction. C’est seulement au XVIe siècle qu’une infanterie permanente fut rétablie.

 
Le 1er régiment d’infanterie français est aujourd’hui basé à Sarrebourg. Il porte l’enseigne à croix blanche sur fond rouge, vraisemblablement en mémoire de l’instruction donnée par les Suisses à Pont-de-l’Arche aux troupes françaises affectées ensuite sur la frontière picarde et qui ont ainsi donné naissance aux célèbres « bandes de Picardie » et… à l’infanterie française !

Le 1er régiment d’infanterie français est aujourd’hui basé à Sarrebourg. Il porte l’enseigne à croix blanche sur fond rouge, vraisemblablement en mémoire de l’instruction donnée par les Suisses à Pont-de-l’Arche aux troupes françaises affectées ensuite sur la frontière picarde et qui ont ainsi donné naissance aux célèbres « bandes de Picardie » et… à l’infanterie française !

 

Notes

(1) Institué le 28 avril 1448.

(2) À raison d’un homme pour 50 foyers comme le précise l’ordonnance de 1466-1468. Voir Bessey Valérie, Construire l’armée page 33.

(3) Bessey Valérie (Ibidiem, page 33) précise que certains gros contribuables profitaient des exemptions fiscales dont bénéficiaient les francs archers ce qui donne une idée de la qualité du recrutement...

(4) Commynes Philippe de, Mémoires ou Chronique scandaleuse, page 160 : « En ce temps le Roy fist casser & abatre tous les francs archers du Royaume de France, & en leur place y voulut estre & demeurer pour servir en ses guerres les Suisses & picquiers. »

(5) Il tenta même d’enrégimenter les nobles du ban et de l’arrière ban à la manière des francs-archers c’est-à-dire sous la direction d’un capitaine. Il voulut aussi leur faire manier les piques et les hallebardes pour servir dans son infanterie ce qui se solda par un échec et un abandon de ce projet en 1483 (Valérie Bessey, Construire l’armée, page 34).

(6) Basin Thomas, Histoire de Louis XI (page 335) : « Il leva en Normandie 4 000 de ces hallebardiers et, pour payer leur solde, il imposa à cette province une contribution de 250 000 livres, sans compter des tailles considérables dont il l’avait chargée auparavant ; de la même façon, il instaura des hallebardiers dans la France entière (qui) avaient des soldes, comme la cavalerie, chacun d’eux touchant 60 livres par an. »

(7) Basin Thomas, Histoire de Louis XI (page 335) : « À leur place en effet il leva des gens de pied nommés hallebardiers… »

(8) Mandrot Bernard de, Journal de Jean de Roye(page 108) : « Ce sont ces troupes que Louis XI fit venir en Normandie à Pont-de-l'Arche ».

(9) Dupont Émilie, Mémoires… (page 217) : « Le bailli de Rouen commandait les pionniers du champ : ces pionniers étaient logés à Abbeville et aux environs. »

(10) Dupont Émilie, Mémoires… (page 217).

(11) Commynes Philippe de, Mémoires ou Chronique scandaleuse, page 161.

(12) Ce pourquoi « il feit faire grant nombre de charriots pour les clorres, les tentes et les pavillons » Dupont Émilie, Mémoires... (page 218).

(13) et de façon permanente à partir de 1477

(14) Jean Favier apporte ces précisions (Louis XI, page 353) : « Pour équiper le champ de Pont-de-l’Arche, le roi a passé d’un coup d’énormes commandes dont l’ensemble est réparti entre les marchands d’une vingtaine de villes, chargés de procurer, en deux mois, aussi bien des produits de la métallurgie locale que ceux d’importation. L’infrastructure est assurée par 700 tentes et 700 charriots. La réserve d’armes individuelles est impressionnante : 38 500 pièces dont 18 500 dagues, 14 500 hallebardes et 5 500 piques. Paris fournit 9 000 pièces, Tours et Angers 3 450. Il en coute 45 000 livres. Bien plus, il faut payer les ouvriers, les charretiers, les pionniers. »

(15) Commynes Philippe de, Mémoires ou Chronique scandaleuse (page 165) : « 1482 (…) le Roy avoit fait mettre sus les champs grand partie de ses gens de guerre, qu’il avoit en garnison au pays de Picardie, dont avoit la charge & conduitte le Sgr. des Querdes, laquelle compagnie il faisoit beau veoir, car elle estoit fort belle. En laquelle compagnie avoit quatorze cens lances fournies, très bien accompagnées de six mille Suisses & aussi de huict mille picquiers ».

(16) Dupont Émilie, Mémoires… (note 1, page 218).

(17) En effet, en 1480 Louis XI avait déjà envoyé 3 000 de ses Suisses en Normandie en prévision d’une attaque des troupes anglaises comme le cite Bernard de Mandrot, Journal de Jean de Roye… (page 108).

(18) On lit dans Dupont Émilie, Mémoires… (note 1, page 217) : que les pionniers logés à Abbeville avant de venir à Pont-de-l’Arche étaient ravitaillés « en blé par la rivière de Somme ».

 

 

Sources

- Brisson Charles, « Quand les Suisses, à Pont-de-l’Arche… », Notre vieux lycée : bulletin de l’association des anciens élèves du lycée Corneille, n° 112, 1962, pages 19-23 ;

- Basin Thomas, Histoire de Louis XI, traduction de Charles Samaran et Monique-Cécile Garand, tome III, Paris, Les Belles lettres, 1972, 462 pages ;

- Bessey Valérie, Construire l’armée française, textes fondateurs des institutions militaires. Tome I, De la France des premiers Valois à la fin du règne de François Ier. Brepols : Turnhout, 2006, 263 pages ;     

- Commynes Philippe de, Mémoires ou Chronique scandaleuse, Paris, Rollin, 1747, 660 pages ;

- Corvisier André, Histoire militaire de la France. Tome I, Des origines à 1715, sous la direction de Philippe Contamine, Presses universitaires de France, Paris, 626 pages ;

- Dupont Émilie, Mémoires de Philippe de Commynes, tome II, Paris : Jules Renouard, 1843, 607 pages ;

Dussieux Louis-Étienne, L'Armée en France, 1884, Versailles : L. Bernard, tome 1, pages 268 et suivantes ;

- Favier Jean, Louis XI, Paris, Fayard, 2001, 1019 pages.     

- Mandrot Bernard de, Journal de Jean de Roye connu sous le nom de Chronique scandaleuse : 1460-1483, Paris : Renouard, 1894-1896, 2 vol. (366 pages et 471 pages) ;    

- Revol Joseph Fortuné, Histoire de l'armée française, 1929, Paris : Larousse, 308 pages ;

- Yvert André, « Pont-de-l’Arche berceau de l’infanterie française », L’Industriel de Louviers, février 1939 ;

- Ministère de la Défense, « L’arme et son histoire », dossier n° 5, site Internet du 1er régiment d’infanterie : www.ri1.terre.defense.gouv.fr          

 

 
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22 novembre 2013 5 22 /11 /novembre /2013 19:00
Buste de Philippe Desportes (détail) extrait de la colonne funéraire  disparue - de l'église Notre-Dame de Bonport. Il fut réalisé par Matthieu Jacquet (vers 1545-vers 1611) en 1607 (Musée du Louvre / P. Philibert

Buste de Philippe Desportes (détail) extrait de la colonne funéraire disparue - de l'église Notre-Dame de Bonport. Il fut réalisé par Matthieu Jacquet (vers 1545-vers 1611) en 1607 (Musée du Louvre / P. Philibert

Philippe Desportes est un poète et homme de cour français né à Chartres en 1546 et décédé le 5 octobre 1606 à Notre-Dame de Bonport où il fut abbé depuis 1594. Nous devons à Jacques Lavaud des éléments précis sur la relation de cet homme à Bonport : Lavaud, Jacques, Un poète de cour au temps des derniers Valois : Philippe Desportes (1546-1606).

 

Le poète de cour…

Philippe Desportes fut bon poète mais ne passa pas le tamis des générations qui se suivent. Sa poésie, vouée à flatter les nobles qui le protégeaient, se caractérise par une sobriété tranchant avec le style recherché de Pierre de Ronsard (1524-1585) et des poètes de la Pléiade. Bien que placé entre Ronsard et François de Malherbe (1555-1628), il n’est pas classé parmi les grands de la poésie française et ce sont principalement les travaux de Charles-Augustin Sainte-Beuve et d’Emile Faguet qui firent connaitre Philippe Desportes dans le monde littéraire (Jacques Lavaud, page 128). Influencé par les auteurs italiens, les premiers écrits desportiens montrent le cœur d’un homme attendri par les beautés de la nature, de la femme ainsi que du refus de traditions notamment dans ses Stances du mariage (page 63) :

 

Tout homme qui se trouve en ses laqs asservy,

Doit par mille plaisirs alléger son martyre,

Aimer en tous endroits sans esclaver son cueur…

Je hay plus que la mort ta rigoureuse loy,

Aimant mieux espouser un tombeau qu’une femme.

 

En modérant son propos, Philippe Desportes commença à vivre de son art poétique au sein du salon de Claude Catherine de Clermont, maréchale de Retz. Se faisant connaitre dans les salons, il se fit des amitiés utiles à son art et à ses finances. Ami de Nicolas IV de Neufville, dit Villeroy, d’Anne de Joyeuse – gouverneur de Normandie et mignon d’Henri III – Philippe Desportes, concerné par les affaires d'Etat dès l'avènement d'Henri III (1575), toucha un traitement de secrétaire du roi en 1582 (page 322).

 

… qui profita de l’oreille du roi

Grâce à la faveur d’Henri III, Philippe Desportes acquit le revenu des abbayes de Tiron et Josapha, toutes deux proches de Chartres. Le poète préféré du roi (page 358) était alors abbé de ces établissements grâce au système de la commende convenu en 1510 entre François 1er et le Pape qui autorisait le roi de France à nommer les abbés. Ceux-ci étaient donc désignés pour leur fidélité au roi plus qu’aux Évangiles. Dépensier, notre homme était réputé pour sa cordialité, la qualité de sa table et de ses vins et le nom de ses hôtes, attachés aux arts, parmi lesquels il contribua à promouvoir de jeunes talents. Ceux-ci trouvaient une retraite et un soutien auprès de cet homme qui passait pour un véritable abbé épicurien. Cependant, Philippe Desportes connut vers 1583 une période mystique dont témoignent ses écrits. Il semble cependant que ce nouveau sentiment ait été motivé par le roi Henri III qui, lui, eut une révélation mystique. Philippe Desportes resta quelques temps dans son abbaye. Comme le note Jacques Lavaud (page 318) : Il avait su se faire ermite au bon moment, conciliant avec un remarquable esprit d’à-propos le maintien des bonnes grâces de son souverain et le cumul de gros bénéfices. » En 1587, notre homme était conseiller, notaire et secrétaire du roi.

 

Le Ligueur

Philippe Desportes quitta la Cour et rejoignit la Ligue de défense catholique avant même la mort d’Henri III survenue le 1er aout 1589. Il se réfugia au Havre, ville gouvernée par son ami André de Brancas, seigneur de Villars. Les rebelles l’enjoignirent de tenter la conciliation entre les ligueurs de Rouen (Jean de Saulx, seigneur de Tavannes) et du Havre. Il s’agissait d’épargner Rouen de la reconquête royale.

 

Le repenti récompensé par Henri IV

Philippe Desportes se rallia toutefois à Henri IV et fut son principal diplomate dans la négociation du ralliement des derniers ligueurs en 1594. Il parvint à rallier Villars à la bannière royale contre la promesse du roi de maintenir ses bénéfices. Après sa reddition le 27 mars 1594, Villars conserva le gouvernement de Rouen et celui de Caux ainsi que son titre d’Amiral de France. Il obtint, de plus, 715 430 livres (page 375). Quant à Philippe Desportes, il scella ici la fin de sa vie à l'abbaye de Bonport. En ces temps très troublés, l'abbaye de Bonport s'était retrouvée sans abbé depuis le décès de François Boulliers en 1590. Depuis lors, Le Blanc du Rollet, capitaine de Pont-de-l’Arche, avait pris sous sa coupe cette abbaye – et ses revenus – mais sans l’aval du Pape comme en témoigne une archive de février 1592 (page 358). Dans les conditions de sa reddition, Villars demanda l’abbaye pour le compte de Philippe Desportes. La réponse du roi tarda car Le Blanc du Rollet, un des premiers normands ralliés à Henri IV, souhaitait conserver Bonport. Le roi proposa à notre poète-abbé le bénéfice de l’archevêché de Rouen. Celui-ci refusa et maintint son choix pour Bonport. Le Blanc du Rollet abandonna ses prétentions contre un dédommagement financier du roi (page 376). Il devint de plus grand prévôt de Normandie en 1602.

 

 

Bonport, sa résidence préférée

Après 1594, Philippe Desportes devint Conseiller du roi en ses conseils d’États et privés (page 383). Il était abbé de Tiron, de Josaphat, de Vaux-de-Cernay (Yvelines) et de Bonport. Ayant pris de l’âge, Philippe Desportes garda ses distances avec la vie de cour et resta de plus en plus souvent dans ses résidences favorites qu’étaient Vanves et les abbayes de Josaphat et de Bonport. Jacques Lavaud note (page 406) que « De tous ses bénéfices, celui qui eut la préférence de notre poète, celui auquel il réserva ses soins les plus attentifs et ses séjours les plus fréquents et les plus prolongés fut incontestablement Bonport, l’abbaye qu’il avait si longuement convoitée, qu’il avait préférée au pallium archiépiscopal et qu’il avait eu tant de peine à obtenir, Bonport, enfin, la rançon du retour de Rouen en l’obédience royale. » Il était attaché à Bonport pour le pittoresque du lieu, certes, mais aussi car ici résidait son fils naturel, Philippin, qui avait perdu la raison (page 397). Il y était très présent dans les dernières années de sa vie où il pouvait garder contact avec ses amis rouennais, anciens ligueurs, et son ami poète Jacques Davy du Perron, évêque d’Evreux (page 401). A Bonport, il rédigea une colossale traduction des Psaumes, fruit d’un travail de 20 ans. Il y constitua une des plus belles bibliothèques de son temps. Bien qu’un prieur le secondait dans l’administration des biens abbatiaux, Philippe Desportes s’assurait du fonctionnement de cette abbaye qui rapportait, en 1598, 5 000 livres (page 400, note 2). Philippe Desportes mourut au logis abbatial de Bonport le 5 octobre 1606, à 60 ans, et s’y fit enterrer suivant ses dernières volontés consignées dans son testament (page 527).

Philippe Desportes fut enterré au milieu du coeur de Notre-Dame de Bonport sous une dalle en marbre noir. Elle portait l'inscription : "Cy-gist Philippe Desportes, conseiller du Roi en ses conseils d'état et privé, abbé des abbayes de Josaphat, Thiron, Vaux de Cernay et de N. D. de Ron-Port, qui décéda en la dite abbaye de Ron-Port le vie jour d'Octobre m.dcvi. Priez Dieu pour son âme." Son frère Thibault lui fit élever un obélisque à droite du grand autel (Jules Andrieux, introduction, page 37). Ce monument fut démonté par Alexandre de la Folie, acquéreur de l'abbaye le 2 avril 1791. Jules Andrieux relate ce passage : « Ne sont pas compris dans la vente de ladite maison et établissement, les armoires et boiseries de la sacristie, et l’obelisque étant au côte droit du sanctuaire que l'administration aura délai de six mois pour faire déplacer et transporter." Cet obélisque était sans doute le monument de Philippe Desportes, qui fut transporté au musée des Petits-Augustins. Quelques jours après, les commissaires nommés par l'administration du district de Louviers demandaient : « l'obélisque étant au côté droit du sanctuaire. » M. de la Folie leur répond : « qu'il est démoli pour ne recevoir « aucun choc qui puisse le casser, et qui est prêt à être livré « sous la réserve de rembourser les frais de la dite démolition. » Il semble qu'il ne reste aujourd'hui que le médaillon en bronze dont un extrait est reproduit en tête d'article.  

 

Sources

- Croquette Bernard, « Desportes Philippe (1546-1606) », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 19 novembre 2013. URL : http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/philippe-desportes;

- Lavaud Jacques, Un poète de cour au temps des derniers Valois : Philippe Desportes (1546-1606), Paris, Droz, 1936, 572 pages.

 

Armand Launay

Pont-de-l'Arche ma ville

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10 novembre 2013 7 10 /11 /novembre /2013 16:59

« 76 enfants de Pont-de-l’Arche sont morts pour la France et ont sacrifié leurs vies pour sauver les vôtres. Souvenez-en vous ! »

 

Cette phrase était écrite sur le drapeau au-dessus du bureau de l'instituteur de l'école de garçons située dans la salle Ambroise-Croizat avant 1934. C'est ce que le regretté André Lambert nous confiait lors d'un entretien réalisé le 25 février 2003. Il ajouta que, chaque matin, un élève devait lire tout haut ce texte avant le début des cours. Depuis lors, cette phrase a gardé tout son sens. En 2014, nous commémorerons le début de la Première guerre mondiale, déclenchée le 28 juin 1914 par l’attentat perpétré à Sarajevo contre souverain de l’empire Austro-hongrois, l’archiduc François-Ferdinand. Nous commémorerons également les 96 ans de l’armistice du 11 novembre 1918 ; deux raisons de se rappeler les tristes causes économiques et politiques à l’origine de ce conflit. Deux raisons de penser aux victimes de toutes les guerres et d’être heureux d’être au côté de l’Allemagne et d’autres pays dans l’Union européenne.

Dans les brumes d’automne et sous la figure tutélaire de Notre-Dame-des-arts, le poilu du Monument aux morts de Pont-de-l’Arche nous rappelle depuis 1922 les affres de la guerre et le courage de nos ancêtres (cliché Armand Launay, 2012).

Dans les brumes d’automne et sous la figure tutélaire de Notre-Dame-des-arts, le poilu du Monument aux morts de Pont-de-l’Arche nous rappelle depuis 1922 les affres de la guerre et le courage de nos ancêtres (cliché Armand Launay, 2012).

La mobilisation générale

Le 19 septembre 1914, le journal L’Industriel de Louviers rapporta le discours du maire de Pont-de-l’Arche, Maurice Delamare, prononcé le 4 septembre suite à la mobilisation générale : « Appelé en qualité de réserviste territorial (…) je ne veux pas quitter même momentanément la ville de Pont-de-l’Arche sans assurer tous les administrés (…) je reste de cœur avec eux. La direction des affaires municipales change de mains, mais le fonctionnement des services administratifs continuera dans le même esprit de sagesse et de décision que par le passé. La population de Pont-de-l’Arche gardera, de son côté, j’en suis sûr, le calme et le sang-froid dont elle a fait preuve jusqu’à ce jour, en attendant l’heure du succès final. » Des centaines d’Archépontains furent mobilisés en même temps que Maurice Delamare.

L’uniforme bleu de 1914 pour l’honneur de défendre la Patrie, la moustache pour l’élégance, la cigarette pour la détente… cette photographie sur carte postale campe l’ambiance régnant avant les premiers combats : le dévouement est une qualité qui mérite d’être immortalisée par un cliché (collection particulière, soldats réputés de Pont-de-l'Arche).

L’uniforme bleu de 1914 pour l’honneur de défendre la Patrie, la moustache pour l’élégance, la cigarette pour la détente… cette photographie sur carte postale campe l’ambiance régnant avant les premiers combats : le dévouement est une qualité qui mérite d’être immortalisée par un cliché (collection particulière, soldats réputés de Pont-de-l'Arche).

Un front pas si lointain

Si la ville de Pont-de-l'Arche n'a pas subi les combats, elle a été indirectement touchée. Le 16 septembre 1914, juste après la guerre de mouvement, deux véhicules allemands furent interceptés à temps par les gendarmes et soldats français à Sotteville-sous-le-val. Ces véhicules, chargés d'explosifs, avaient pour mission de dynamiter un ouvrage d'art de la voie ferrée Paris-Le Havre près de Pont-de-l'Arche et ce afin de limiter l'approvisionnement des armées française et britannique. La ville est donc passée à côté de grands dommages.

Voir l'article complet sur ce blog en cliquant ici.

 

 

Des réfugiés

Les habitants du nord et de l’Est ont subi les combats. Pont-de-l’Arche a accueilli des réfugiés. Certains y ont refait leur vie après l’Armistice. Parmi eux, se trouvaient des Picards, des Nordistes, des Lorrains, des Alsaciens, des Belges et même des Grecs. Dominique Kalinoglou et Pilidès Crestomamacopoulos en étaient qui devinrent entrepreneurs en chaussures dans les années 1930. A ce propos, durant la Grande guerre les usines de chaussures de la ville fabriquèrent des godillots pour l’armée. Quant aux professions des réfugiés, des familles de forains se sont installées à Pont-de-l’Arche. Leurs familles ont continué à se faire enterrer au cimetière communal pendant quelques générations.

 

 

L’aviation britannique s’installa à Pont-de-l’Arche

A partir de 1915, l’armée britannique décida d’installer son aviation naissante entre Pont-de-l’Arche et Les Damps. Elle installa son quartier général dans Le Manoir de Manon, qu’elle loua, et finit la construction de l’usine de chaussure des Fils de Georges Prieur, aux Damps ; ceci afin d’y installer une usine de réparation de moteurs d’avions sous l’égide du Royal flying corps, l’ancêtre de la Royal air force. Toute une zone des Damps fut couverte de plaques de béton et de baraquements en bois : le Camp. A Pont-de-l’Arche, au bout de la rue Jean-Prieur, les Britanniques bâtirent une vaste salle en bois qui fut la première salle des fêtes de la commune après la Grande guerre. Elle fut rasée pour laisser place au pont actuel (inauguré en janvier 1955). Les liens des Britanniques avec la population furent très bons : sports (football, patinage, rugby), loisirs (concerts, fanfare, cafés), amitiés, quelques mariages, de petites têtes blondes… Les Archépontains se firent soigner par les médecins militaires. Toute la ville vécut au côté de centaines de soldats et quelques soldates de sa Majesté.

Voir l'article complet sur ce blog en cliquant ici.

 

 

L'armistice !

L’érudit archépontain Roland Chantepie écrivit ses souvenirs de l’Armistice du 11-Novembre 1918 dans un manuscrit intitulé Pont-de-l’Arche à travers les âges (f. 444) : « Un beau matin, il était 11h30 environ, les grandes personnes sortirent subitement dans la rue, s'interrogeant : « est-ce vrai ?... Non ! Ce n'est pas possible ! » M. Pinard, l'instituteur, donna congé à ses élèves et ferma son école ; les Anglais du Camp descendirent dans les rues et les cafés ; ils chantaient et riaient de toutes leurs dents blanches ; les fabriques de chaussures, elles aussi, se vidèrent ; les ouvrières dans les rues « crochaient » les Tommies ; on s'embrassait ; la musique militaire anglaise se mit de la partie. C'était l'Armistice !! » Des drapeaux furent placés aux fenêtres et les cloches de Notre-Dame-des arts tintèrent à toute volée.

 

 

 

Des traces toujours debout

Si les souvenirs sont morts avec les contemporains de la Grande guerre, les traces que nous ont laissées nos ancêtres sont toujours là. Une stèle fut érigée par la Ville de Pont-de-l’Arche dans le cimetière communal. Une plaque en marbre fut scellée par la paroisse sous la tribune de l’orgue de Notre-Dame-des-arts. Autres traces, de nos jours, les noms de voies telles que le Quai Maréchal-Foch, le quai de Verdun, le boulevard de la Marne, la place du Souvenir où se trouve le Monument aux morts de la ville. Ce monument fut inauguré en 1922 grâce à une souscription conduite par un Comité présidé par Maurice Delamare, ancien maire. Ce monument est l'œuvre de Robert Delandre, sculpteur elbeuvien de réputation régionale. Sa famille était liée à Marcel Ouin, industriel de la chaussure, qui était vice-président du Comité. Marcel Ouin était aussi le beau-père de Maurice Delamare. Le jour de l’inauguration du Monument, Marcel Deparrois, un enfant du pays alors en service, lança de son monoplan une grande gerbe de fleurs qui tomba quasiment à côté du nouveau monument. Ce monument subit l’occupation de 1940-1944. Les Allemands cassèrent le casque et le bout du fusil. Ils rayèrent l’inscription « On ne passe pas ». A la Libération, le casque fut restauré et l’inscription fut de nouveau gravée en profondeur.

Voir l'article complet sur sur le Monument aux morts, sur ce blog, en cliquant ici.

Le cimetière communal conserve en son sein une stèle offerte par la Ville et rendant hommage aux soldats morts pour la France sur les différents fronts (cliché Armand Launay, 2010).

Le cimetière communal conserve en son sein une stèle offerte par la Ville et rendant hommage aux soldats morts pour la France sur les différents fronts (cliché Armand Launay, 2010).

La paroisse de Pont-de-l’Arche a fait graver les noms des soldats décédés sur une plaque de marbre située sous la tribune de l’orgue (cliché Armand Launay, novembre 2013).

La paroisse de Pont-de-l’Arche a fait graver les noms des soldats décédés sur une plaque de marbre située sous la tribune de l’orgue (cliché Armand Launay, novembre 2013).

Le Monument aux morts a été sculpté par Robert Delandre et inauguré en 1922 grâce à une souscription publique présidée par Maurice Delamare. Comme le Christ sur les croix hosannières, le poilu oriente son regard vers le sud-est, là où nait la lumière (cliché Armand Launay, mars 2013).

Le Monument aux morts a été sculpté par Robert Delandre et inauguré en 1922 grâce à une souscription publique présidée par Maurice Delamare. Comme le Christ sur les croix hosannières, le poilu oriente son regard vers le sud-est, là où nait la lumière (cliché Armand Launay, mars 2013).

76 morts pour la France

Si les heureux soldats archépontains ayant survécu nous échappent, les noms des morts pour la France nous ont offert des pistes de recherches. Ce sont 76 noms qui sont gravés sur le Monument aux morts de la ville ; des hommes natifs du pays ou domiciliés ici lors de leur enrôlement. Pour en savoir un peu plus sur ces hommes tombés au combat pour la souveraineté nationale, nous avons consulté les retranscriptions de leurs décès dans les actes d’état civil. Nous avons aussi consulté la base des soldats morts pour la France sur le site du Ministère de la défense www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr. 

Nous avons ainsi retrouvé 70 noms que nous avons réunis dans un tableau ci-dessous. Onze autres noms nous échappent qui doivent correspondre à des hommes domicliés dans notre ville au moment de leur décès. Un regard d’ensemble montre que les Archépontains ont été principalement incorporés dans l’infanterie et surtout dans les 24e, 74e et 224e régiments d’infanterie. Ils ont servi sur tous les fronts : Belgique, Yser, Pas-de-Calais, Somme, Champagne, Marne, Meuse… On retrouve des Archépontains dans les tristement célèbres forts de Vaux et de Douaumont, dans la forêt de Verdun.

Une quinzaine de soldats attend le train en gare de Pont-de-l’Arche afin de partir au front (collection particulière).

Une quinzaine de soldats attend le train en gare de Pont-de-l’Arche afin de partir au front (collection particulière).

Prénom, nom

Naissance

Décès

Régiment

René Buquet

 

7 septembre 1889

Pont-de-l’Arche

22 aout 1914

Anderlues (Belgique)

24e régiment d’infanterie

Robert Bâton

24 décembre 1899

Pont-de-l’Arche

22 aout 1914

Anderlues (Belgique)

24e régiment d’infanterie

Fernand Canterel

3 mars 1887

Caudebec-en-Caux

8 septembre 1914

Morsains (Marne)

74e régiment d’infanterie 

Albert Buquet

26 avril 1880

Pont-de-l’Arche

9 septembre 1914

Esternay (Marne)

274e régiment d’infanterie

Alexandre Désiré Carré

12 juillet 1892

Rouen

9 septembre 1914

Le Breuil (Marne)

36e régiment d’infanterie 

Antoine Louis Ouin

12 septembre 1888

Pont-de-l’Arche

14 septembre 1914

Loivre (Marne)

28e régiment d’infanterie

Marcel Morel

10 mars 1891

Pont-de-l’Arche

17 septembre 1914

Loivre (Marne)

24e régiment d’infanterie

Albert Eugène Niaux

4 septembre 1881

Pont-de-l’Arche

23 septembre 1914

Loivre (Marne)

224e régiment d’infanterie

Louis Tassel

8 novembre 1882

Pont-de-l’Arche 

29 septembre 1914

Esternay (Marne)

228e régiment d’infanterie 

Henri Forfait

25 février 1884

Pont-de-l’Arche

13 octobre 1914

Bray-sur-Somme (Somme)

319e régiment d’infanterie

Auguste Delettre

24 juin 1873

Lisieux

22 octobre 1914

La ferme du Luxembourg

119e régiment d’infanterie

Gaston Sauvé

6 avril 1891

Pont-de-l’Arche 

28 octobre 1914

La ferme du Luxembourg

5e régiment d’infanterie

caporal

Georges Bréham

19 octobre 1893

Pont-de-l’Arche

9 novembre 1914

Saint-Eloi (Belgique)

160e régiment d’infanterie

Alfred Dumont

24 septembre 1882

Pont-de-l’Arche

7 décembre 1914 Roclincourt (Pas-de-Calais)

1er régiment de marche de zouaves

Michel Joseph Letourneur

4 octobre 1885

Pont-de-l’Arche

15 septembre 1914

La Neuville (Aisne)

228e régiment d’infanterie

Irénée Bisson

31 décembre 1894

Rouen

31 janvier 1915

Rosendaël (Dunkerque)

2e régiment de marins

Amand Morel

19 février 1894

Les Damps

18 février 1915

bois de la Grurie à Moiremont (Marne)

150e régiment d’infanterie

Philogène Raoul Delaporte

8 février 1873

Criquebeuf-sur-Seine

2 mai 1915

Amiens

22e régiment d’infanterie

Albert Lavoisey

1er novembre 1877

Les Damps

25 mai 1915

Authieule (Somme)

22e régiment d’infanterie

Léon Prieur

7 septembre 1894

Pont-de-l’Arche

26 mai 1915

La Noulette (Pas-de-Calais)

28e régiment d’infanterie

Robert Faucampré

20 février 1889

Pont-de-l’Arche

5 juin 1915

La Targette, La Neuville-Saint-Vaast (Pas-de-Calais)

74e régiment d’infanterie

Anthime Lelièvre

30 décembre 1893

Sotteville-lès-Rouen

30 juin 1915

bois de la Grurie à Moiremont (Marne)

 

Albert Jouvin

17 septembre 1889

Pont-de-l’Arche

11 juin 1915

La Neuville-Saint-Vaast

(Pas-de-Calais)

74e régiment d’infanterie

François Santens

10 juillet 1890

Pont-à-Vendin

(Pas-de-Calais)

17 juillet 1915

Calonne (Meuse)

87e régiment d’infanterie

André Depitre

20 janvier 1860

Le Manoir-sur-Seine

24 septembre 1915

Mesnil-les-Hurlus (Marne)

22e régiment d’infanterie territoriale

Marcel Lefrançois

3 mai 1889

Pont-de-l’Arche

25 septembre 1915

La Neuville-Saint-Vaast

(Pas-de-Calais)

74e régiment d’infanterie

Emile Tassel

4 mars 1889

Pont-de-l’Arche

25 septembre 1915

La Targette, La Neuville-Saint-Vaast (Pas-de-Calais)

24e régiment d’infanterie

Pascal Sauvé

3 mars 1889

Pont-de-l’Arche

25 septembre 1915

Tahure (Marne)

224e régiment d’infanterie

Césaire Ambroise

1 aout 1894

Pont-de-l’Arche

26 septembre 1915

La Neuville-Saint-Vaast

(Pas-de-Calais)

119e régiment d’infanterie

Eugène Delamare

12 septembre 1885

Criquebeuf-sur-Seine

27 septembre 1915

Beauséjour (Marne)

9e régiment de marche de zouaves

Joseph Guerre

27 mai 1888

Pont-de-l’Arche

27 septembre 1915

La Targette, La Neuville-Saint-Vaast (Pas-de-Calais)

74e régiment d’infanterie

Jules Henri Ambroise

17 mars 1889

Pont-de-l’Arche

27 septembre 1915

Noulette (Pas-de-Calais)

10e bataillon de chasseurs à pied

Ferdinand Milliard

19 janvier 1885

Les Damps

29 septembre 1915

La Croix-en-Champagne (Marne)

228e régiment d’infanterie

Valentin Dubray

24 juin 1888

Les Andelys

3 octobre 1915

La Neuville-Saint-Vaast

(Pas-de-Calais)

39e régiment d’infanterie

René Prieur

7 février 1890

Pont-de-l’Arche

5 octobre 1915

Massiges (Marne)

21e régiment d’infanterie coloniale

Emile Tassel

4 mars 1889

Pont-de-l’Arche

17 octobre 1915

Tahure (Marne)

24e régiment d’infanterie

Charles Saint-Pierre

7 septembre 1893

Pont-de-l’Arche

11 novembre 1915

Frise (Somme)

119e régiment d’infanterie

Albert Morel

1er mars 1895,

Pont-de-l’Arche

11 octobre 1915

La Croix-en-Champagne (Marne)

329e régiment d’infanterie

Célestin Herbreteau

12 mars 1880

Les Essarts

16 novembre 1915

Mesnil-les-Hurlus (Marne)

93e régiment d’infanterie 

Robert Bréham

16 mars 1891

Pont-de-l’Arche

3 avril 1916

Verdun (Meuse)

74e régiment d’infanterie

Georges Lambert

31 aout 1883

Pont-de-l’Arche

6 avril 1916

Chaumont-sur-Aisne (Meuse)

74e régiment d’infanterie

André Niaux

20 septembre 1883

Pont-de-l’Arche

11 avril 1916

Landrecourt-Lempire (Meuse)

274e régiment d’infanterie Sergent

Adolphe Godard

14 aout 1883

Ellecourt

11 avril 1916

24e régiment d’infanterie

Charles Bohu

18 mai 1888

Oissel

21 avril 1916

Revigny (Meuse)

3e régiment du génie

Narcisse Gaston Chenu

31 octobre 1884

Beaumont-le-Roger

19 mai 1916

Fort de Vaux, Verdun (Meuse)

 

274e régiment d’infanterie.

Sergent

Rodolphe Drouin

13 février 1889

Les Damps

23 mai 1916

Douaumont, Verdun (Meuse)

74e régiment d’infanterie Caporal

Louis Riberprey

19 novembre 1889

Pont-de-l’Arche

21 mai 1916

Douaumont, Verdun (Meuse)

74e régiment d’infanterie Caporal

Paul Peyronnet

1er septembre 1888

Pont-de-l’Arche

19 juin 1916

Esnes (Meuse)

6e régiment d’infanterie

Alfred Poupardin

27 novembre 1894

Pont-de-l’Arche

25 aout 1916

Oissel

150e régiment d’infanterie

Paul Alexandre Duprai

20 juin 1894

Pont-de-l’Arche

21 septembre 1916

Rancourt (Somme)

94e régiment d’infanterie

Sergent

Jules Lavoisey

18 février 1872

Les Damps

31 octobre 1916

Moreuil, Lespinay (Somme)

18e régiment d’infanterie territoriale

Amand Hacot-Sigurd

10 décembre 1896

Pont-de-l’Arche

16 décembre 1916

Fontaine-Routon (Meuse)

173e régiment d’infanterie 

Désiré Delamare

7 septembre 1883

Pont-de-l’Arche

9 janvier 1917

Douaumont, Verdun (Meuse)

414e régiment d’infanterie

Alphonse Pessy

26 octobre 1880

Les Authieux

28 mars 1917

Moulin-Vendresse (Aisne)

156e régiment d’infanterie

Emile Lavoisey

 

22 juin 1895

Pont-de-l’Arche

16 avril 1917

tranchée des Friches, Oulches (Aisne)

127e régiment d’infanterie

Emile Mouchard

 

2 avril 1891

Pont-de-l’Arche

22 avril 1917

Courlandon (Marne)

22e régiment d’artillerie

Léon Confait

 

28 juin 1896

Fauville-en-Caux

 

3 juin 1917,

L’épine de Chèvregny,

Braine (Aisne)

 

Paul Partie 

23 novembre 1897

Pont-de-l’Arche

7 juillet 1917

Longueval (Aisne)

206e régiment d’infanterie

Alfred Mouchard

3 mars 1869

Pont-de-l’Arche

2 aout 1917               

Rouen

74e régiment d’infanterie territoriale

Florent Havet

31 janvier 1895

Pont-de-l’Arche

10 aout 1917 Gricourt (Aisne)

118e régiment d’infanterie

Edouard Auber

3 juillet 1890

Pont-de-l’Arche

8 septembre 1917

Douaumont, Verdun (Meuse)

51e régiment d’infanterie. sergent

Robert Auber

18 mars 1897

Notre-Dame-du-Vaudreuil

10 février 1918

Nancy

7e régiment du génie

Camille Salette

24 mars 1897 Le Mans

10 avril 1918

Jonchery-sur-Vesle (Marne)

 

71e bataillon de chasseurs à pied.  décoré de la médaille militaire et de la Croix de guerre

Louis Michel

20 décembre 1884

Cliponville

12 mai 1918

hôpital militaire Hôtel de l’hermitage au Touquet

15e régiment d’infanterie

Ernest Morel

9 février 1897

Pont-de-l’Arche

20 juillet 1918

Boursonne (Oise)

224e régiment d’infanterie

Lucien Trumel

7 octobre 1897

Pont-de-l’Arche

24 aout 1918

Orval (Oise)

11e régiment de marche de tirailleurs algériens

Victor Colombel

5 décembre 1874

Pont-de-l’Arche

25 septembre 1918

Cuperly, Montfrenet (Marne)

12e escadron du train TM 225

Jules Letourneur

1er juillet 1887

Pont-de-l’Arche

20 septembre 1918

Pont-de-l’Arche

43e régiment d’infanterie

Gaston Morel

20 mai 1896

Pont-de-l’Arche

12 octobre 1918

Saint-Gobain (Aisne)

283e régiment d’infanterie

Eugène Guerre

3 juillet 1889

Pont-de-l’Arche

15 octobre 1918

hôpital         

96e régiment d’infanterie territoriale

Charles Ambroise

18 février 1872

Pont-de-l’Arche

3 avril 1919

Pont-de-l’Arche

20e régiment d’infanterie territoriale

Marcel Vallois

 

 

 

Albert Grenier

 

 

 

Raymond Liberprey

 

 

 

Albert Lepage

 

 

 

Alfred Levasseur

 

 

 

Maurice Piédevant

 

 

 

Léon Fournier

 

 

 

Louis Michel

 

 

 

Georges Prieur

 

 

 

Auguste Riberprey

 

 

 

Lucien Fernand Trumel

 

 

 

A lire…

L’excellent blog de Stephan Agosto consacré au 74e régiment d’infanterie et dédié aux 3 500 soldats de ce régiment qui perdirent la vie : http://74eri.canalblog.com

 

 

Sources

- Archives municipales – état civil ;

- Chantepie Roland, Pont-de-l’Arche à travers les âges, manuscrit b, 2e partie, De la Révolution à nos jours (1944) ;

- Collignon Maurice, « Une tentative des Allemands dans l’Eure et la Seine-Inférieure pendant la guerre de 1914 », Evreux, C. Hérissey, 1917, 50 pages ;

- Launay Armand, Pont-de-l’Arche ma ville (http://pontdelarche.over-blog.com) :

- « Percée allemande à Sotteville-sous-le-Val et Oissel en 1914 » ;

- « Un camp britannique de la Première Guerre mondiale : le Royal Flying Corps aux Damps et à Pont-de-l'Arche » ;

- « Le Monument aux morts de Pont-de-l’Arche et ses stigmates de la Seconde guerre mondiale » ;

- Launay Armand, Pont-de-l’Arche, cité de la chaussure, mairie de Pont-de-l’Arche, 2009, 52 pages.

 

Armand Launay

Pont-de-l'Arche ma ville

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28 mars 2013 4 28 /03 /mars /2013 16:06


La guerre de Cent ans fut une longue succession de batailles entrecoupées de pauses qui opposèrent divers clans français et la monarchie anglaise. L’enjeu de ces conflits fut le trône de France et la maitrise de vastes territoires qui ont, par la suite, formé notre pays. Les premiers combats commencèrent en 1339 suite aux velléités d’Edouard III, roi d’Angleterre, sur le trône de France. En 1346, celui-ci se lança dans une chevauchée armée du Cotentin à Paris, puis de Paris à Calais. Ce fut un échec, notamment devant Pont-de-l'Arche qu’il voulait prendre de surprise. Néanmoins, les terres continentales étaient déchirées entre diverses luttes d’influences et d’alliances plus ou moins trahies. Pour compliquer le tout, la famille royale se déchira : le roi Charles VI étant sujet à des crises de démence, il régnait une certaine vacance du pouvoir français. Son fils Charles VII, encore très jeune, n’était que le Dauphin du roi. Une vendetta opposa les Armagnacs, proches de Charles VII, aux Bourguignons, c'est-à-dire les proches du duc de Bourgogne autour de Jean sans Peur, oncle du Dauphin. Profitant de cette division, Henri V d’Angleterre débarqua en aout 1417 dans l’estuaire de la Touques. Il conquit toute la Normandie, dont l’actuel département de l’Eure, d’avril 1418 à décembre 1419.

 

Comment le pont de l'arche fut prins"Comment le pont de l’arche fut prins", peinture, fol. 138v, in Martial d'Auvergne, Vigiles de Charles VII, France, 1484, manuscrit, parchemin, II-266 feuillets. Bibliothèque nationale de France, département des manuscrits (division occidentale), Français 5054. cf. aussi  http://gallica.bnf.fr. Jusqu'à plus ample informé, c'est la plus ancienne évocation de pont à Pont-de-l'Arche, l'évènement datant de 1449. 

 

Prise de possession en 1418 par Henri V

Après s’être rendu maitre de Louviers, Henri V, roi d’Angleterre, arriva à Pont-de-l’Arche le 29 juin 1418 avec 10 000 hommes. Tenant déjà Harfleur, il voulait maitriser la Seine en aval de Rouen, avant de s’attaquer à cette ville. Il fit camper ses troupes entre la forêt et Pont-de-l’Arche et établit ses quartiers dans l’abbaye de Bonport. Jean Malet, seigneur de Graville et capitaine de la garnison de Pont-de-l'Arche, resta fidèle au Dauphin Charles VII en refusant de donner les clés de la ville. Henri V devait encore encercler la ville et faire battre en retraite plus de 2 000 combattants français, venus en renfort, qui attendaient les Anglais de l’autre côté du fleuve (fournissant ainsi un ravitaillement à la ville). Le 4 juillet, le duc de Cornouailles franchit alors la Seine avec huit bateaux, soit une soixantaine de combattants et quelques canons, et gagna une petite ile d’où il put tirer sur les Français. Impressionnés, ceux-ci se dispersèrent. Mil anglais traversèrent le fleuve, suivis le lendemain (5 juillet) par le duc de Clarence et 4 000 soldats ; la ville et le château de Pont-de-l’Arche étaient alors assiégés des deux côtés de la Seine.

Jean Malet tint ses positions et envoya plusieurs messages à ses soutiens. Les Rouennais, malgré une alliance signée le 5 juin 1418, n’intervinrent pas [1]... Jean sans Peur, tenant Pontoise et Chartres, interdit tout envoi de secours en Normandie et ce, de la part du gouvernement – armagnac – de Paris… Quelques escarmouches se produisirent encore devant le château de la rive droite. Isolé, Jean de Graville dut se résigner et signa un acte de reddition le 19 juillet, précisant que lui, Pierre de Rouville (son second) et mille de leurs hommes pouvaient partir libres sous la protection du roi d’Angleterre (jusqu’au 25 de ce mois). Les Anglais s’emparèrent alors de Pont-de-l’Arche, perçant ainsi les défenses bourguignonnes, et se rabattirent sur Rouen.

Jean de Graville eut le mérite de rester fidèle à Charles VII : isolé, il s’opposa à la fois aux Anglais et à Jean sans Peur, qui s’appuyait sur la bourgeoisie commerçante de Paris et qui vivait du trafic de la Seine et de ses affluents. On peut d’ailleurs pressentir une collusion financière entre celui-ci et le roi d’Angleterre. Quoi qu’il en soit, Charles VII remercia Jean de Graville en lui assignant 200 livres par mois (pour lui-même et pour 150 hommes) et en le nommant grand maitre des arbalétriers. Charles VII pouvait d’autant plus gratifier le capitaine de Pont-de-l'Arche que, si tous les sujets étaient restés aussi fidèles que Jean de Graville, Henri V d’Angleterre n’aurait pu se proclamer roi de France, suite au traité de Troyes (1420) [2].

 

Quel rôle pour le Pont-de-l’Arche anglais ?

Quel était le rôle stratégique de Pont-de-l'Arche ? Le contrôle des vivres nous semble intéressant car si les Anglais comptaient assiéger Rouen, mieux valait pour eux contrôler les vivres qui pouvaient être acheminées par notre cité, soit par voie de Seine, soit par la rive droite de ce fleuve. Or Pont-de-l’Arche contrôlait à la fois le passage sur la Seine (par le montage des bateaux sous son pont) et au dessus de celle-ci. D’ailleurs, une fois Pont-de-l’Arche tombé, Rouen ne tarda pas. Les taxes perçues ne devaient pas non plus être dédaignées. Mais, plus généralement, la maitrise de la Seine était essentielle aux déplacements d’une armée, de son matériel et de son approvisionnement [3]. En 1420, Thomas Holgill devint pourvoyeur des provisions de plusieurs places fluviales en Normandie [4]et notamment de Pont-de-l’Arche. Il assura aussi le ravitaillement des troupes anglaises de Paris. C’est ainsi que le 20 février 1420 le nouveau capitaine de Pont-de-l’Arche, Jean Falstof, fut chargé d’acheminer de Rouen à la Bastille de Paris un convoi fluvial de froment et d’orge. Il avait aussi pour mission de surveiller les navires suspectés de transporter des provisions pour les Français et, au besoin, de les réquisitionner ou les détruire. Car le danger était toujours présent, les Français de Charles VII contre attaquèrent, notamment à Verneuil en 1424.

Mais qui dit contrôle fluvial, dit présence et contrôle de troupes armées : Jean Beauchamp, autre capitaine, et ses troupes furent passés en revue en 1425 par les commissaires du roi d’Angleterre. Cette même année, le 8 octobre, une ordonnance contre les soldats qui avaient déserté leurs corps fut adressée au chevalier Jean Kigley, bailli de Rouen, et à Guillaume Crafford, lieutenant du même bailli et capitaine de Pont-de-l’Arche. Quelle était l’ampleur de la garnison ? Elle allait de 20 à 110 hommes (surtout vers les dernières années) durant la période anglaise. L’année 1429 est représentative : 10 hommes d’armes et 30 archers à cheval, 10 hommes d’armes et 30 archers à pied. Les troupes à cheval parcouraient la région dans un petit périmètre, les autres étaient en permanence dans le fort et pouvaient aussi s’atteler à des réparations comme celles du pont en 1435.

 

Les capitaines de la garnison anglaise de Pont-de-l’Arche de 1419 à 1447 [5]

1419 : Amauri le Coq, " capitaine du pont " ;

1421 : Maurice Bron [= Brown ?], " capitaine de la ville et du château pour le roi d’Angleterre " ;

1429-1432 : Robert de Willoughby, " capitaine du Pont-de-l’Arche" ;

1422 : Thomas Maitreson, " capitaine de la ville et du château " ;

1422-1429 : Jean de Beauchamp, " capitaine de Pont-de-l’Arche " ;

1433 : Jehan Talbot ;

1434 : le comte d’Arundell, " capitaine de la ville et du château " ;

1435-1437 : Robert de Willoughby, " capitaine du Pont-de-l’Arche" ;

1440-1443 : le cardinal de Luxembourg, " capitaine de Pont-de-l’Arche " ;

1443 […] : Adam Hilton, " capitaine de Pont-de-l’Arche " ;

1446-1447 […] : le duc d’York, " gouverneur de France et de Normandie, capitaine de Pont-de-l’Arche " et Thomas Mulso, lieutenant ;

1448 : Fauquemberg.

 

 

La Libération de Pont-de-l’Arche en 1449 par Charles VII

L’importance stratégique de Pont-de-l'Arche se sentit aussi en matière diplomatique. Outre les Etats de Normandie qui s’y tinrent en 1432, 1437, 1438 et 1439, la ville accueillit des conférences entre Anglais et Français. Cependant le vent tourna, les Français s’étaient ressaisis, notamment en 1435où les Armagnacs firent la paix avec les Bourguignons. En 1441, Evreux fut libéré. La garnison anglaise de Pont-de-l'Arche fut renforcée et confiée parfois à des personnalités de premier plan comme le duc d’York, par exemple. Le 30 novembre 1440, Henri V réunit à Pont-de-l’Arche une assemblée des notables de la ville et des environs pour faire cesser les actes de résistance et l’avancée des troupes françaises qui s’étaient momentanément emparées de Louviers. En 1444, les places de Verneuil, Vernon, Château Gaillard et Pont-Audemer furent à leur tour libérées.

Le roi de France, Charles VII, eut l’intention de reprendre Rouen en 1449 : il concentra ses forces sur Louviers et Pont-de-l'Arche en vue, très certainement, de faciliter le passage des troupes, du matériel et des futures vivres. Et, contrairement à l’arrivée des Anglais à Pont-de-l'Arche, les Français voulurent reconquérir la ville non par la force mais par la ruse, d’après les chroniqueurs du Moyen Age. Un marchand de Louviers, qui passait habituellement par Pont-de-l'Arche pour aller vendre ses denrées à Rouen, prit une place cardinale dans une stratégie un peu spéciale. Alors que le marchand devrait obtenir des gardes l’ouverture de la porte, quelques Français à pied resteraient cachés près de l’entrée du château de Limaie, sur la rive droite en face du pont, et attendraient la première occasion pour s’engouffrer dans les fortifications. Pendant ce temps, quelque 4 à 500 cavaliers patientaient à l’orée de la forêt, rive gauche. Alors, le 13 mai 1449, selon les propos de Léon de Duranville ;

Le marchand, traversant le Pont-de-l'Arche, suivant son habitude, réclame du portier l’ouverture de la porte pour le lendemain de très bonne heure, et ce, sous promesse de récompense. […] au point du jour, il frappe pour éveiller le portier. Celui-ci conçoit d’abord quelques inquiétudes, en voyant deux hommes sortir de l’hôtellerie ; mais il se sécurise sur l’assurance à lui donnée que ce sont deux habitants de Louviers. Toute prime mérite son salaire ; le marchand laisse tomber à terre quelques pièces de monnaie, et, profitant de la posture du portier… il le tue. Le bruit alarme ceux qui sont dans le château, et l’un d’eux, descendant en chemise, s’efforce de lever le pont-levis. Il y avait deux ponts-levis, l’un par lequel on accédait au boulevard, et qui se trouvait au pouvoir des assaillants, et l’autre, dont le soulèvement pouvait encore sauver la place. Le marchand s’élance, et met à mort ce second adversaire. […] Il restait encore une seconde entreprise ; ce fut l’affaire d’un clin d’œil que de passer le pont et d’arriver à la porte de la ville. Le sommeil régnait encore, un seul anglais défendit longtemps et courageusement cette porte. Les autres soldats de l’Angleterre furent tous prisonniers, et notamment le seigneur de Fauquemberg [qui] venait d’arriver durant la nuit. […] La place étant au pouvoir des Français de Brézé [6], ils ouvrirent une des portes qui donnaient vers la forêt ; alors, le bailli d’Evreux et le seigneur de Magny… entrèrent dans la place… Cet événement coûta la vie à huit ou dix anglais.

La chute de Pont-de-l'Arche éveilla la fureur du duc de Sommerset, gouverneur de Rouen, car la route de sa ville était ouverte au roi de France. Elle tomba peu de temps après, en 1450 (ainsi que la Normandie continentale) aux mains du roi de France. En 1475, cessaient les attaques anglaises et donc la guerre de Cent ans. Mais, cependant, les monarques anglais ont depuis lors conservé le titre de… roi de France…

 

 

A lire aussi...

Les ponts de Pont-de-l'Arche de 862 à nos jours

Les remparts de Pont-de-l'Arche

 

 

Notes

[1] A moins qu’ils eussent envoyé les soldats dont nous parlions ci-dessus qui, très rapidement, se sont enfuis, comme si la défense de Pont-de-l'Arche leur importait peu…

[2] Ce qui fut approuvé par le Parlement et l’Université de Paris…

[3] Henri V protégea en priorité la Normandie et Paris et rendit sûr l’axe de la Seine en s’emparant de Sens, Montereau, Melun, Dreux (en 1421).

[4] dont Rouen, Château Gaillard, Vernon et les Goulets.

[5] Delabos Christian, annexe IV. 

[6] Pierre de Brézé (sénéchal d’Anjou, de Poitou et de Normandie, capitaine de Louviers), Robert de Flocques (bailli d’Evreux, maréchal de Normandie, propriétaire de la seigneurie d’Orcher, près d’Harfleur), Jacques de Clermont, Guillaume de Bigars…

 

 

Sources 

Bodinier Bernard (dir.), L’Eure de la préhistoire à nos jours, Saint-Jean-d’Angély : éd. J.-M. Bordessoules, 2001, 495 pages ;

Charpillon Louis-Etienne, Caresme Anatole, Dictionnaire historique de toutes les communes du département de l’Eure, Les Andelys : éd. Delcroix, 1868, 960 pages ;

Delabos Christian, La Seine et les opérations militaires à la fin du Moyen Age, mémoire de maitrise soutenu à Rouen sous la direction d’Alain Sadourny en 1991, 248 pages ;

Demurger Alain, Temps de crises, temps d’espoirs : XIVe-XVe  siècle, Paris : Le Seuil, collection points histoire,1990, 380 pages ;

Duranville Léon de, Essai archéologique et historique sur la ville du Pont-de-l’Arche et sur l’abbaye Notre-Dame-de-Bonport, auto produit, 1856, 231 pages.

 

 

 

Armand Launay

Pont-de-l'Arche ma ville

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19 novembre 2012 1 19 /11 /novembre /2012 22:15

1

Quelques soldats français devant l’église Notre-Dame-des-arts avant que le feu ne tonne.

 

 

8-9 juin 1940 : le combat de Pont-de-l’Arche

1940, l’armée allemande avance à toute allure en France et bientôt en Normandie. A Pont-de-l’Arche, l’armée allemande fut annoncée par un immense défilé de civils en exode et d’éléments militaires désorganisés. Deux centres d’accueil furent ouverts à leur intention à Pont-de-l’Arche. Dans l’après-midi du samedi 8 juin, on observa dans les hauteurs boisées d’Igoville et Alizay les avant-gardes de la 7e division de panzers d’Erwin Rommel, général allemand qui voulait encercler Rouen par Elbeuf.

Pour les retarder, se trouvaient quelques éléments des armées britannique et française, principalement la centaine d’hommes du 4e Groupe franc motorisé de cavalerie commandé par le capitaine François Huet. L’accès au pont de la ville était sérieusement gardé avec, notamment, des pièges antichars. Deux canons de 37 faisaient face au pont, sur la place Hyacinthe-Langlois. Trois pièces d’artilleries se trouvaient dans la propriété de Crosne en plus de quatre mitrailleuses placées sur la terrasse de la tour et deux autres au rez-de-chaussée, à travers les meurtrières. Deux pièces d’artillerie étaient installées dans la cour de l’abbaye de Bonport. En haut de la route de Tostes, une grosse pièce d’artillerie pouvait tirer sur toute la vallée.

Un peu après minuit, le dimanche 9 juin, des éclats d’obus et de mitraille retentirent à Igoville où restaient coincés beaucoup de civils. Des éléments motorisés allemands descendirent la route de Rouen et rencontrèrent la résistance des forces anglaise et française. Vers quatre heures et demie, malgré l’impressionnant bruit de canonnade, les quelques Archépontains encore dans la ville – des élus municipaux, des religieuses, quelques vieillards de l’hôpital et le curé – entendirent très distinctement les motorisés allemands s’avancer vers la Seine.

Vers 6 h 25, conformément aux ordres reçus par le capitaine François Huet, les soldats du génie firent exploser le pont dont les projections retombèrent jusqu’à 400 m. Toutes les vitres volèrent en éclat et couvrirent les rues de verre cassé.

La canonnade continua, le reste de la population partit de la ville. A Igoville, deux chars français épuisaient héroïquement leurs munitions face aux Allemands. Les six soldats qui les actionnaient durent les abandonner, les détruire, et rejoindre les berges de Seine, sous le feu nourri de l’ennemi, avant de traverser à la nage jusqu’à Pont-de-l’Arche. Le général Erwin Rommel a cité dans ses mémoires cette résistance des aspirants Dubern et Lepage qui ont retardé l’ennemi près de 2 h 30. Il faut croire que l’état-major français n’était pas conscient de cette exceptionnelle résistance, lui qui ordonna de faire sauter le pont, abandonnant ainsi à l’ennemi de nombreux soldats français et surtout anglais sur la rive droite de la Seine.

Le pont de Pont-de-l’Arche étant coupé, les Allemands se dirigèrent vers Saint-Pierre-du-Vauvray et Gaillon où ils passèrent la Seine le dimanche soir. Le mercredi, les derniers soldats français quittèrent Pont-de-l’Arche, ville occupée dès le lendemain par les Allemands et ce jusqu’en aout 1944. L’action du capitaine François Huet avait atteint son objectif : empêcher Erwin Rommel d’assiéger Rouen et ses défenseurs. Le prix à payer était la destruction des ponts de Pont-de-l’Arche, ceux d’Elbeuf et celui d’Oissel.

 

2

Ce cliché du 7 décembre 1940 montre le pont de la ville après son dynamitage par des soldats du génie français et britannique le dimanche 9 juin 1940. 

 

Le pont de bois provisoire

Pont-de-l’Arche n’ayant plus de pont, l’occupant allemand fit bâtir un pont de bateaux dès les premiers jours de juillet à 500 m en aval du pont détruit. Après avoir beaucoup servi, il fut emporté par la débâcle des glaces en janvier 1941.

Cependant, depuis septembre 1940 la direction des Ponts & chaussées avait réfléchi à un nouveau pont. Celui-ci fut élaboré par la Société de construction des Batignolles après l'intervention de Technische Nothilfe qui dynamita sous l’eau les restes du pont détruit en juin 1940.

Etant donnée la pénurie de matériaux, Maurice Blosset, ingénieur en chef des ponts et chaussées, prit la direction de 17 chefs d’équipes et 180 hommes disposant de 6 500 pins de la forêt de Bord pour réaliser une véritable prouesse technique et humaine, tant l’hiver fut glacial. Les pins, de 10 à 14 mètres de long et 25 cm de diamètre, étaient enfoncés de 3 m 50 dans l’assise calcaire du fleuve. Au total, ce sont 4 600 m3 de bois qui ont été travaillés par 70 charpentiers et 40 aides ou manœuvres et 3 670 m3 de bois mis en œuvre sur le pont.

 

3

Décembre 1940, devant les restes d’une pile de l’ancien pont, une partie des 20 bucherons et 20 manœuvres français réalisent – dans le froid – un pont de bois ; une prouesse technique et humaine qui resta debout du 8 juin 1941 aux bombardements des 30 mai et 7 juin 1944. 

 

En plus de la passerelle principale dédiée aux véhicules, le pont de 360 m de long était muni d’un niveau inférieur pour piétons, interrompu en son milieu à cause de l’arche fluviale laissant passer les bateaux. Le niveau supérieur se scindait en deux à certains endroits pour autoriser un trafic à double-sens.

Lors de sa mise en service, le 18 juin 1941, un drapeau tricolore flottait fièrement sur l’ouvrage. Cet acte patriotique faillit couter cher à l’ingénieur Maurice Blosset bien que son implication n’ait pas été révélée. Voir un court métrage de l'inauguration. Le pont de bois tint debout trois ans.

Il fut largement détruit par les bombardements alliés des 30 mai et 7 juin 1944. Eddy Florentin rapporte le témoignage suivant : « les bombardiers passent trente minutes durant, l’épave du pont git, moitié dans le fleuve, moitié sur la terre ferme. Les sapins, qui constituaient la principale ossature de l’ouvrage, sont tordus, confondus dans un enchevêtrement indescriptible ». La grande voie de communication est interrompue sans qu’il y ait eu une seule victime.

 

4

Février 1942, le pont de bois provisoire photographié depuis la berge de Pont-de-l’Arche (du côté des Damps). On distingue la passerelle pour les piétons quelques mètres sous le tablier destiné aux véhicules.

 

Puis vinrent les libérateurs Canadiens, le 24 aout 1944… 

 

 

Patrick Stewart à Pont-de-l’Arche ! 

Patrick Stewart

Bien connu pour ses rôles dans Star Trek nouvelle génération ou encore X-men, Patrick Stewart est venu à Pont-de-l’Arche le 18 avril 2012.

En effet, dans le cadre de la préparation de la 9e saison de l’émission Who do you think you are ? (qui pensez-vous être ?), le célèbre acteur britannique est venu avec une équipe de la BBC retracer le parcours de son père, Alfred, qui servait dans l’armée britannique.

Aidé par l’historien Timothy Lynch, Patrick Stewart a suivi les pas de son père et de son bataillon, les Flowkoyl, depuis Abbeville à Igoville où il devait protéger la rive droite de la Seine jusqu’au pont ferroviaire du Manoir face aux panzers allemands.

L’équipe de la BBC a pris des images sur le rempart, derrière l’église, puis s’est rendue au cimetière de Saint-Etienne-du-Rouvray où reposent des compagnons d’armes d’Alfred Stewart. L’émission a été diffusée en octobre.  

 

Sources

- BLOSSET Maurice, MEO G., « Le pont de Pont-de-l’Arche », in Travaux, n° de novembre et décembre 1942 ;

- DESDOUITS Maurice, "Pont-de-l’Arche", pages 78 à 82, in Collectif, Héros et martyrs de la France au combat (1939-1944). À travers les départements meurtris : l’Eure, Paris : La France au combat, 1947, 210 pages ;

- LAUNAY Armand, « Les ponts de Pont-de-l’Arche depuis 862 à nos jours », in La Fouine magazine n° 14, septembre 2006, 24 pages, ISSN 1765-2278 ou http://pontdelarche.over-blog.com/article-les-14-ponts-qui-ont-fait-l-histoire-de-pont-de-l-arche-78659464.html ;

- ANONYME, Le combat de Pont-de-l'Arche, article de Wikipédia.  

 

 

Armand Launay

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9 novembre 2012 5 09 /11 /novembre /2012 22:40

Cet article fait suite à :

 

L’invasion prussienne de 1870-1871 aux Damps

"Les Prussiens au Pont-de-l’Arche", texte du maire Prosper Morel-Dubosc

L'occupation de Pont-de-l'Arche par l'armée prussienne en 1870-1871

 

 

Les documents que nous avons abordés ont mis en valeur le fait que Les Damps, Pont-de-l’Arche, mais aussi les villages les plus proches, ont particulièrement subi l’occupation de 1870-1871. Ceci à cause du pont de Pont-de-l’Arche qui attira le passage et le stationnement de nombreuses troupes prussiennes. Les réquisitions furent plus importantes qu’ailleurs.

En revanche, malgré la hauteur de l’humiliation et du montant des richesses pillées, Pont-de-l’Arche ne figure pas au nombre des villes martyres de cette guerre : le nombre de victimes fut minime et les dégâts matériels négligeables. Le fait que l’armée française n’ait pas opposé un front de résistance a évité des bombardements mais aussi l’explosion du pont. Et c’est là que se manifeste bel et bien la débandade de l’armée française : les mines du pont, tout comme la défense du lieu (pourtant aidé par la frontière naturelle qu’est la Seine), furent abandonnées. Quant au pont du Manoir, il ne fut pas prévu de le miner mais d’y établir une redoute tournée vers Léry… alors que les troupes allemandes vinrent du Manoir…

Les notables de Pont-de-l’Arche ne s’y trompèrent pas : faire sauter le pont de la ville eût causé plus de pertes, notamment en représailles, que d’avantages pour la ville. En attendant, il est intéressant de constater le besoin de nos deux témoins de justifier leur choix, comme si leur acte fût une lâcheté qui eût enfoncé le clou de la défaite. De plus, ces hésitations participaient bien de la réticence des conservateurs locaux vis-à-vis de la politique du Gouvernement de Défense Républicaine. Pour eux, la défense à tout prix était la dernière des aberrations, eux qui fustigeaient les républicains radicaux. Ces derniers désiraient donner à la France tous les moyens de repousser l’armée de Prusse (et d’Allemagne, en définitive) afin d’éviter de nouvelles humiliations de l’occupation car, en effet, à l’époque, le patriotisme était une valeur de gauche.

Quoi qu’il en soit, la défense française, si impressionnante fut-elle pour les généraux allemands, ne pouvait pas repousser les troupes ennemies. La grande majorité des Français appelait à la paix et ne cautionnait pas le gouvernement républicain. Alors, comme le souhaitait Bismarck, on procéda à l’élection d’une nouvelle Assemblée nationale dont les représentants ratifieraient l’armistice avec l’Allemagne. Le 8 février, les élections placèrent au pouvoir une grande majorité de conservateurs favorables à la paix. Le 17 février, Adolphe Thiers fut élu chef de l’exécutif provisoire et, dès le 21 et jusqu’au 26, il négocia la paix avec Bismarck à Versailles. La France devait verser 5 milliards de Francs d’indemnité de guerre à l’Allemagne, nouveau pays qui naquit en mars 1871.

Bismarck avait donc réussi à fédérer les Allemands en faisant défiler leurs troupes sur les Champs-Elysées. Quant à l’Alsace et la Lorraine, elles devinrent allemandes (hormis le territoire de Belfort, seule partie alsacienne restée française, et le département de la Meurthe-et-Moselle, ce qui explique sa forme étirée comme une frontière) ce qui eut pour conséquence d’exacerber plus encore le nationalisme français et l’esprit de revanche qui mena à la Première guerre mondiale.

Pour l’heure, en France, tout le monde n’était pas d’accord à propos de la cessation des combats : les milieux ouvriers, républicains radicaux ou socialistes, souhaitaient encore la guerre à outrance et l’établissement définitif d’un gouvernement républicain et populaire. C’est pourquoi, le 21 mars, la Commune insurrectionnelle de Paris fut proclamée… Ses instigateurs, appelés les Communards, ne reconnaissaient pas l’autorité de Thiers et du gouvernement de Versailles, récemment élu et traître, selon eux. La Commune fut réprimée avec barbarie, laissant derrière elle 35000 victimes et un idéal jamais éteint, parmi les révolutionnaires.

 

 

Sources 

- Géfrotin A., L’Arrondissement de Louviers pendant la Guerre de 1870–1871, Louviers, 2e édition, 1875, 268 pages. Disponible à la médiathèque de Louviers sous la cote : H.L. in /8 155 SEXT.

- Les Prussiens au Pont-de-l’Arche, anonyme, manuscrit de 1872. Disponible aux Archives Municipales de Louviers sous la cote : 4 H 13 (classement non définitif).

- Roth F., La Guerre de 1870, Hachette, Collection Pluriel, Paris, 1993, 778 pages.

 

Armand Launay

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9 novembre 2012 5 09 /11 /novembre /2012 22:31

    Dans la même étude : 

       

L’invasion prussienne de 1870-1871 aux Damps

"Les Prussiens au Pont-de-l’Arche", texte du maire Prosper Morel-Dubosc

La guerre de 1870-1871 aux Damps et à Pont-de-l’Arche (conclusion)

 

 

Témoignage anonyme retrouvé aux Archives municipales de Louviers 

 (cote : 4 H 13) 

 

"Notre beau pont, dont les vieilles arches avaient été construites sous Charles-le-Chauve, pour arrêter les Normands, devait cette fois être détruit pour arrêter les Prussiens, car dès le mois d’octobre il avait été miné par les soins de l’autorité militaire.

Les troupes qui avaient successivement occupé la ville gardaient soigneusement la mine sous l’inspection d’un employé du génie dont le service cessa, on ne sait pourquoi, près d’un mois avant l’invasion.

Après la retraite définitive, la Garde Nationale continua leur service avec un zèle qui mérite d’être cité.

Sous la direction de leurs officiers nos braves gardes nationaux faisaient chaque jour l’exercice, et le dimanche 3 décembre, au moment où tonnait le canon de Buchy, on voyait encore les pompiers se déployer en tirailleurs sur la lisière de la forêt de Bord d’où la défense, si elle eût été généralisée, pouvait inquiéter sérieusement l’ennemi.

Le 4 décembre, les éclaireurs prussiens s’étaient avancés  jusqu’au Manoir et s’y étaient installés ; informé de ce fait quatre gendarmes du Pont de l’arche s’y transportèrent en toute hâte, c’étaient les nommés Lambrette de la brigade de Gaillon, Leclerc, Baillert et Dreillard, de la brigade de Pont de l’arche. Ces braves militaires firent prisonniers, avec armes et bagages, trois dragons prussiens qu’ils conduisirent à Louviers.

Ce trait hardi fut, dans notre contrée, le dernier épisode de la défense. A  partir de ce moment, nous ne vîmes plus l’uniforme français.

 

§ 2

 

Dans la soirée du 4 décembre, les membres de la commission municipale au nombre de 14 (un quinzième avait cru devoir donner sa démission) se réunirent au domicile de M. Morel Duboc auquel les fonctions de Maire avaient été confiées.

Dans cette séance, tenue en quelque sorte sous le canon de l’ennemi, la municipalité s’occupa de la question de savoir s’il y avait ou non possibilité de défendre la ville.

M. Courcelle, commandant du 1er bataillon de la garde nationale sédentaire du canton y assistait ; Nous devons dire que ce bataillon n’était pas armé et que les gardes nationaux et les pompiers de Pont de l’arche possédaient seuls des fusils ; étaient aussi présents le capitaine de la gendarmerie nationale de Pont de l’arche et celui des pompiers.

Une interpellation fut adressée à chaque capitaine relativement au contingent qu’il pouvait fournir et à l’armement des hommes.

Le capitaine de la garde nationale fit remarquer que qur les 200 hommes comprenant sa compagnie, 70 seulement portaient l’uniforme du corps et qu’en cas d’insuccès, il serait à craindre que les autres ne fussent traités par l’ennemi comme venaient de l’être les citoyens courageux qui avaient défendu Bazincour.

Le capitaine des pompiers était à la tête de 50 hommes portant l’uniforme du corps, mais dépourvus de leurs s… ( ?), giberne et ceinturons que la délégation de Tours leur avait fait enlever, quoique ces équipement fussent la propriété de la ville.

Gardes nationaux et pompiers étaient armés d’un fusil à percussion, ancien système et pourvu chacun de trois cartouches, qu’à défaut de gibernes, ils mettaient dans leurs poches.

Malgré l’infériorité du nombre et l’insuffisance des munitions, les officiers offrirent de tenter un effort désespéré pour essayer d’arrêter la marche de l’ennemi.

Une grave question s’agita. Devait-on faire sauter le pont ? Pont de l’arche était dépourvu de troupes depuis le 19 octobre, celles qui étaient les plus rapprochées se trouvaient à Rouen d’où elles venaient du reste de s’éloigner par suite de l’envahissement de la ville et les ordres venant de là s’arrêtaient aux limites de la Seine-Inférieure.

Pourtant un écrit émanant de M. Fontaine, alors sous-préfet de Louviers, fut communiqué à la municipalité. Cet écrit était adressé à M. le commandant des troupes à Pont de l’arche (on ignorait au chef lieu de sous préfecture qu’il n’y avait plus de troupes depuis 15 jours) et il portait en substance que M. le commandant des troupes pouvait, s’il le jugeait nécessaire, faire sauter le pont pour couvrir la retraite du colonel Thomas.

Rouen devait être pris.

La destruction du pont sous les yeux de l’ennemi implacable amènerait pour représailles le bombardement de la ville.

Aucune retraite n’était ni signalée ni prévue ; le colonel Thomas était complètement inconnu ; les troupes s’éloignaient tout à la fois de Rouen et d’Evreux en se dirigeant vers le Calvados.

Le corps d’armée prussien qui s’avançait devait être pourvu d’un matériel de pontonniers, et les îles qui se trouvent en face de la ville se prêtent au prompt établissement d’un pont de bateaux dont nous n’avions pas la possibilité d’empêcher la construction.

Toutes les routes qui convergent à Pont de l’arche désignaient fatalement cette malheureuse ville à l’occupation ennemie.

Sans même donner la peine d’établir un pont de bateaux, les Prussiens pouvaient traverser la Seine, sur le pont du Manoir appartenant à la compagnie des chemins de fer, pont que l’autorité militaire n’avait pas fait miner et dont on s’était contenter d’enlever le tablier parce qu’il devait être défendu par une redoute qui était établie de façon à le commander, dont la supposition que l’ennemi nous attaquerait par la rive gauche, tandis que nous prenait au contraire par la rive droite ce qui lui assurait la possession de la redoute.

M. le commandant Courcelle, dont le courage mérite d’être rehausser par un calme et une justesse d’appréciation qui lui ont acquis à jamais la reconnaissance du pays, développa toutes ces considérations, et la commission municipale s’en inspirant, on décida à l’unanimité que la destruction du pont serait un sacrifice aussi dangereux qu’inutile et qu’en veillant au contraire à sa conservation elle ferait preuve de patriotisme.

En même temps, il fut décidé que Pont de l’arche, ville ouverte et dépourvue de troupes ne pouvait tenter la moindre défense et se trouverait condamnée à subir la loi du vainqueur.

Pour empêcher l’ennemi de s’emparer des fusils de la garde nationale on fit procéder à son désarmement et, le 6 décembre, au moment où les cavaliers prussiens entraient dans la ville les armes étaient dirigées sur Louviers, puis le Neubourg et enfin sur Bernay.

Dans la nuit du 6 au 7 plusieurs individus appartenant au parti radical les plus exaltés tentaient de détruire le pont, sachant qu’une fois cet acte accompli, leurs personnes, seules choses qu’ils eussent à conserver, posséderaient assez de souplesse pour se mettre à l’abri du danger. M. Moul fut même sur le point d’être jeté à l’eau par ces exaltés.

L’attitude énergique de quelques hommes courageux arrêta cette tentative insensée et épargna à la France un nouveau désastre.

Le 7 décembre, environ 6000 hommes d’infanterie et 1200 cavaliers avec 12 pièces de canons prirent possession du Pont de l’arche.

 

§ 3

 

Dans la fatale journée du 7 décembre, les Prussiens qui étaient sous les ordres du major Arulberg, qui commandait la 30ème brigade d’infanterie, ne laissèrent pas le temps à la municipalité de désigner les logements, ils s’installèrent selon leur bon plaisir, et firent main basse sur tous les objets qu’ils trouvèrent à leur convenance.

Les débits de tabac, les cafés, les magasins d’épiceries, de nouveautés et autres, furent tous mis à contribution.

Le général ordonna, sous peine d’amende considérables, et même d’enlèvement des autorités : 1) de supprimer la mine du pont, 2) de boucher toutes les tranchées qui avaient été pratiquées sur les routes, 3) et d’amener sur la place le lendemain à 8 heures du matin tous les chevaux du pays.

La nuit du 7 au 8 se passa dans les plus terribles angoisses. Le matin, les chevaux furent présentés, un seul, fort heureusement, fut jugé digne d’être monté par un Prussien ; quant aux autres on les réquisitionna pour servir d’attelage à ces affreuses voitures qui recelaient, pour la plupart, les pendules volées à nos malheureux concitoyens, pendules dont il nous a été donné de voir passer le spécimen chez un horloger à qui on en avait offert.

Dans cette matinée du 8, un de nos concitoyens qui avait essayé de résister fut rudement malmené par les soldats.

Plusieurs hommes ayant accompagné les chevaux réquisitionnés pour les attelages, afin de pouvoir les ramener aux propriétaires, eurent à endurer pendant huit jours, outre la rigueur du froid, les mauvais traitements de l’ennemi ; quelques uns, dans les environs de Beaumont-le-Roger, exposés aux balles des francs tireurs qui occasionnèrent parmi les Prussiens une confusion telle que nos concitoyens purent, un instant, s’enfuir avec leurs chevaux.

Le 8 décembre, les troupes qui avaient envahi le Pont de l’arche, se dirigèrent, une partie sur Elbeuf et une autre sur Louviers.

Nous allons maintenant, sous forme d’éphémérides, raconter autant que possible, nos souvenirs de chaque jour.

Le 9 décembre, passage de troupes, les cafés, surtout, sont le point de mire des envahisseurs.

Dans la nuit du 9 au 10, vers deux heures du matin, les habitants de la rue de Paris et de la place des champs furent éveillés par des coups redoublés frappés dans leurs portes et dans leurs fenêtres, le froid est excessif, la glace couvre la terre ; ce sont les Prussiens du train des équipages qui, au nombre de 500 avec 80 chevaux et environ 40 voitures, ne peuvent plus avancer et s’installent de vive force dans les maisons.

Le 10, nouveau passage de troupes ; un convoi dont l’aspect était navrant venait du côté de Vernon, il escortait les malheureux jeunes gens pris à Saint-Pierre-de-Bailleul et aux environs.

On sait que ces victimes, ont été transportées en Allemagne et que plusieurs sont morts dans les prisons de Munich.

(voir les renseignements de Saint-Pierre-de-Bailleul)

Le 11, nouveau passage de troupes, un mobile en convalescence a l’imprudence de paraître sur la place du Pont de l’arche ; quoique vêtu d’une blouse il est soupçonné par les Prussiens d’être franc tireur, on le maltraite, on se dispose même à le fusiller quand intervint M. Mesnil notaire qui donne des explications sur sa position et lui sauve la vie.

Le 12 arrivée de plusieurs compagnies du 43ème régiment qui s’installent chez les habitants et y demeurent jusqu’au 17 ? les hommes composant ces compagnies appartenaient aux provinces de la Baltique et parmi eux bon nombre d’étudiants qui, sous la dénomination de volontaires, dépendaient de l’université de Koenisberg.

Du 12 au 17 réquisitions dans la ville et dans les campagnes voisines, vexations de toute nature.

Le 18 à 9 heures du matin arrivée du 1er régiment de ligne qui traverse la ville et va occuper les maisons Artus et Cassel qui se trouvent à Igoville, à l’extrémité du pont.

Ces maisons sont situées sur un terrain qu’on appelle le fort, parce qu’autrefois il y avait là un fort qui défendait le pont.

Ce même jour le fort est crénelé  et le pont est barricadé. Défense est faite de passer d’une rive à l’autre de la Seine. C’est que les Prussiens craignaient d’être attaqués par les mobiles qui se trouvaient aux environs d’Elbeuf.

Le 19 ordre est donné à tous les malheureux pêcheurs qui sont propriétaires de barques de les amener sur la rive droite, un instant on a craint qu’elles ne fussent brûlées.

Ce même jour commencèrent des réquisitions en pain, viande, bougie, chandelle, cognac etc.

Le 20 décembre la ville de Pont de l’arche est sur le point de manquer de vivres. Les pêcheurs privés de leurs bateaux n’ont plus de ressources ; les ouvriers chaussonniers qui jusque là avaient été occupés par suite de cotisations de plusieurs habitants ayant pour but de fournir des fonds aux fabricants pour payer la main d’œuvre, demeurent inoccupés faute de matières premières et d’écoulement des produits fabriqués. Les ouvriers bûcherons n’ont plus de travail dans la forêt, les coupes n’ayant pas été vendues. La misère est générale.

Les ateliers nationaux avaient été créés dès les premiers jours de décembre, un emprunt avait été décidé par la commission municipale, mais personne  ne se présentait pour le couvrir quoiqu’il constituât un placement avantageux.

Sur 10000 f dont on avait besoin d’urgence extrême on put à peine trouver 3000 f.

Le samedi de chaque semaine plus de 150 ouvriers travaillant aux ateliers nationaux venaient toucher à la mairie leur modique salaire et souvent ils se rencontraient avec des compagnies de soldats prussiens qui venaient, eux, faire leurs réquisitions.

Plus d’une fois, les membres de la municipalité qui étaient en service furent obligés de cacher sous des journaux, à l’arrivée des Prussiens, les quelques pièces de monnaie qu’ils destinaient aux ouvriers.

Le 21 continuation des réquisitions. Pont de l’arche est parcouru par des patrouilles d’infanterie et de cavalerie ; des postes sont établis aux abords du pont dans l’hôtel de Normandie et chez d’autres voisins.

Le 22 les docteurs médecins de la localité ne parviennent qu’à grand peine à franchir le pont pour visiter les malades d’Igoville et d’Alizay. Leur accès près du commandant rend néanmoins de grands services.

L’honorable M. Morel, qui faisait les fonctions de maire, et qui a accompli sa mission avec un zèle et une énergie qui lui ,mérite la reconnaissance du pays, est conduit presque chaque jour au fort par des patrouilles prussiennes pour recueillir de nouvelles exigences.

Le 23 décembre un panier d’argent est trouvé par les Prussiens dans la maison Cassel et ils l’apportent à la Mairie, mais le même jour, M. le maire est demandé au fort et on le prévient que le lendemain la ville de Pont de l’arche devra fournir une somme de dix mille francs.

Le 24 deux membres de la commission municipale se rendent près du  commandant et lui déclarent formellement que la ville est dans l’impossibilité de fournir la moindre somme et qu’elle est résignée à tout endurer plutôt que de faire une seule tentative pour s’en procurer.

Devant cette attitude le commandant laisse tomber sa prétention.

Le même jour les Prussiens veulent fêter la Noël, ils ajoutent à leurs réquisitions quotidiennes du champagne, de la farine et vin fin.

Dans la nuit on aperçoit en effet des feux de joie, et le lendemain on apprend que les soldats ont offert à leurs officiers des arbres de Noël.

Le 26 le Maire de St Cyr du Vaudreuil est amené au fort par une compagnie sous prétexte que des coups de fusil avaient été tirés sur une patrouille qui passait dans sa commune ; il paraît en effet que des hommes ivres s’étaient détachés de leurs compagnies de mobiles ou de francs tireurs et avaient imaginé de décharger leurs armes au moins à 1000 mètres sur des cavaliers prussiens et qu’ensuite ils s’étaient, bien entendu, repliés prudemment.

Le 27 décembre le temps est affreux, neige, glace, misère croissante. Pont de l’arche est isolé des autres endroits, personne n’ose y venir ou en sortir ; les chevaux et les voitures qui y viennent sont réquisitionnés ; on manque de farine : les autorités s’émeuvent de ce fait et font des démarches auprès de plusieurs fariniers ; on ne sonne plus les cloches ; toutes les maisons sont fermées, et les patrouilles composées de lourds fantassins parcourent seuls les rues de la ville.

Presque chaque jour, il y a des passages et les barricades du pont s’ouvrent devant elles pour se refermer ensuite.

Le 28 M. Mesnil notaire accompagné d’un membre de la municipalité parcourt les campagnes par un temps affreux pour essayer de couvrir une partie de l’emprunt voté et n’obtient aucun succès ; l’inquiétude des administrateurs est arrivée à son plus haut degré.

Le 29 décembre continuation des réquisitions, augmentation de vin blanc et de vin de Bourgogne pour les officiers.

Depuis le 7 décembre la commission municipale se tenait en permanence à l’hôtel de ville pour parer autant que possible à tous les événements.

30 et 31 décembre continuation des réquisitions.

1er janvier 1871, un nommé Hédouin, en état d’ivresse, ayant insulté un soldat prussien a été tué par une sentinelle.

Le 2 janvier continuation des réquisitions. Inquiétude des Prussiens, les postes et les patrouilles sont doublés ; un instant nous avons l’espoir qu’un corps français va les attaquer.

Le 3 les Prussiens avancent une grande garde composée de 50 hommes jusque sur la place du Pont de l’arche et occupant militairement la maison de M.Mesnil notaire ; en même temps ils font avancer des détachements de cavalerie pour aller en reconnaissance.

Au même moment nous voyons une de leur colonne se diriger sur Elbeuf ; c’est qu’en effet ils venaient d’éprouver au château Robert des pertes sensibles ; à 4 heures du soir ils rentraient au fort.

Pendant toute la journée les rues étaient cernées et il était défendu de sortir sous peine de mort.

Le 4 nouvelle occupation de la place des champs par 50 hommes d’infanterie et 30 dragons ; cette fois le corps de garde avait été changé, on avait pris la maison de Mme Hébert Duthuit pour loger les soldats.

Nouvelle  inquiétude des Prussiens, on se bat à Moulinaux, un instant nous eûmes l’espoir de voir apparaître les nôtres, nous crûmes entendre dans les échos de la forêt la charge des tambours français, c’était une illusion, car à 4 heures nous apprîmes malheureusement que notre garde mobile était en retraite sur Bourtheroulde.

Vers 5 heures les Prussiens rentrèrent au fort toujours en laissant des postes aux abords du pont et en faisant circuler force patrouilles.

Le 5 continuation des réquisitions, on y ajoute 225 harengs saurs et des sardines que nous nous trouvions dans l’impossibilité de fournir.

Depuis le 5 jusqu’au jour de l’armistice, les réquisitions n’ont pas varié ; il fallait en outre fournir presque tous les jours des chevaux et des voitures pour les troupes de passage.

Vers le 15 janvier on a pu obtenir la permission de communiquer avec la rive droite de la Seine moyennant un permis du maire que visait le commandant du fort chez lequel il arrivait souvent de faire antichambre une heure ou deux.

Le 29 le fort fut évacué et les troupes prirent leur logement dans la ville de Pont de l’arche d’où elles ne sortirent que le 7 mars.

Outre les troupes de séjour continuel qui ont été souvent renouvelées nous avions encore à loger les troupes de passage, de sorte qu’il y avait toujours dans les maisons très exiguës 8 à 10 militaires.

Voir pour les autres détails, contributions et les notes de M. Morel.

Pont de l’arche a été une des villes les plus maltraitées par l’occupation ; Cette occupation lui coûte en effet plus de 40000 f ; mais quand on songe qu’elle a conservé un pont qui a coûté près d’un million, on ne peut faire autrement que de conclure que l’Etat chez nous en a été quitte à bon marché.

 

Pour copie conforme,

Le Maire de la ville de Louviers, chevalier de la légion d’honneur, Député à l’Assemblée nationale.

 

Armand Launay

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27 août 2012 1 27 /08 /août /2012 16:51

Pont d'Arromanches

 

Spéciale dédicace à Guy Murvil

 

Arromanches est une ville normande où les Alliés construisirent un port artificiel en juin 1944 suite au Débarquement de Normandie.

Les Archépontains ont donné ce nom au pont enjambant l’Eure car il est fait avec un ponton issu du démantèlement du port d’Arromanches.

Puisque le pont de la ville avait été bombardé, les Canadiens qui ont pénétré dans le Pont-de-l’Arche libéré de ses ennemis et contrôlé par la Résistance ont dû construire très rapidement, vers aout, un pont pour passer l’Eure et la Seine. La partie franchissant la Seine fut supportée par des barges flottantes.

Cependant le système de barges rendait difficile la navigation fluviale. Les barges du milieu du fleuve furent remplacées en octobre 1944 par un bac motorisé. Ce pont au-dessus de la Seine fut remplacé en 1946 par un ouvrage métallique construit sous la direction des ingénieurs des Ponts & chaussées Jacques Lizée, Albert Long-Depaquit et Roger Tardy. Ils réemployèrent 503 pieux du pont de bois construit à Pont-de-l’Arche durant la guerre, les passerelles centrales furent récupérées sur l’ancien pont de barges canadien[1]et les passerelles latérales furent réalisées avec des voies flottantes du port d’Arromanches, appelée Whales (baleines) à cause de leur forme en fuseau.

Ces pontons métalliques furent conçus par M. Beckett. Ils étaient longs de 24 m et pesaient 28 tonnes. Ils reposaient sur des flotteurs en béton de 19 tonnes. Près de 180 pontons Whales, aussi connus sous le nom de ponts d’Arromanches, furent réemployées après la guerre pour remplacer des ponts détruits. Citons par exemple Saint-Denis-de-Méré (Calvados), Manicamp (Aisne), Horbourg-Wihr (Haut-Rhin), Vacherauville (Meuse), Cattenom (Moselle), Foussemagne (Territoire de Belfort), Vierville-sur-Mer (Calvados)...

Pour revenir à Pont-de-l’Arche, la partie du pont surplombant la Seine fut démontée après 1955 quand l’actuel pont de la ville fut ouvert à la circulation. Le 5 janvier 1955, le Conseil municipal demanda à l’Etat le maintien du « pont provisoire » sur l'Eure pour l’accès aux jardins ouvriers, à la décharge et pour le confort des pêcheurs. Il s’engagea à l’entretenir par la suite, mais la suite ne vint pas... 

Derrière deux chars abandonnés durant la débâcle allemande, le pont d'Arromanches vraisemblablement vers aout 1944 (photo famille Jouvin).

Derrière deux chars abandonnés durant la débâcle allemande, le pont d'Arromanches vraisemblablement vers aout 1944 (photo famille Jouvin).

Source

Brisson, Charles, Hostalier, A., « Le sixième pont de Pont-de-l’Arche – II.– Quatre ponts en cent ans », 11 mars 1952, 1 p., archives d’Elbeuf : Fonds Brisson, dossier 188 C 329.

 

A lire aussi...

Les 14 ponts qui ont fait l'histoire de Pont-de-l'Arche

 

Armand Launay

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6 mars 2012 2 06 /03 /mars /2012 16:11

Après le couvent des pénitents (1789-1792) et le bailliage, l’hôtel de ville de Pont-de-l’Arche prit place en 1968 dans une maison bourgeoise des faubourgs bâtie vers 1877 par Joseph Charles Désiré Alexandre Delafleurière. Nous revenons sur l’architecture et l’historique de cet édifice que nous appelons « hôtel Alexandre Delafleurière ».  

 

 

Avec mes remerciements à Jérôme Croyet

pour les pistes ouvertes sur Jacques Isaac Alexandre.

 

Mairie de Pont-de-l'Arche 1

L'hôtel de Ville en 2012 (cliché Armand Launay).

 

Un nouveau lieu pour l’hôtel de ville

Au XIXe siècle, la ville se développa le long de la route de Paris, vers Les Damps. Vers 1877, Joseph Charles Désiré Alexandre Delafleurière fit construire près de la route du Vaudreuil, actuelle rue Maurice-Delamare, la belle demeure qui nous intéresse ici. Entre celle-ci et la ville, après 1833, le cordonnier Antoine Ouin agrandit les locaux de ce qui deviendra une vaste entreprise de chaussons puis de chaussures : Marco. 

Au XXe siècle, la ville déborde de ses remparts médiévaux. Le groupe scolaire est inauguré en 1934 par Charles Morel, la nouvelle salle des fêtes ouvre en 1954, le nouveau pont est inauguré en 1955, l’école maternelle ouvre en 1957, le stade en 1964, le collège en 1967… 

L’urbanisme est à repenser et le 22 octobre 1964 le maire, Roland Levillain, proposa au Conseil municipal l’achat d’une maison entourée d’une propriété de 6 030 m² à vendre au n° 19 de la rue Maurice-Delamare. Il rappela que « les municipalités d'avant 1939 avaient envisagé son acquisition pour y établir la mairie » afin de faire face à l’accroissement de la population. Pour le maire, il s’agit aussi de prévoir l’avenir avec l’ouverture du lotissement de la Forêt, d’une piscine, d’un camping, d’un collège... 

Le choix fut pris et, après rénovation, l’hôtel de ville accueillit le public au début de l’année 1968. Ce bâtiment ne connut pas de modification notable avant 2016 où un édifice lui fut adjoint en rez-de-jardin afin de proposer une salle des mariages et des réunions conforme aux normes de sécurité mais aussi au bienêtre des usagers, des agents et des élus.  

Mairie de Pont-de-l'Arche 2

Ce détail d’une vue aérienne des années 1960 montre l’hôtel Alexandre Delafleurière avant qu’il n’accueille la mairie. On y voit des dépendances et un mur en pierre disparus depuis.       

 

1. Une maison de maitre à l’architecture classique

L’hôtel Alexandre Delafleurière est une des nombreuses maisons de maitre bâties au XVIIIe siècle mais surtout au XIXe siècle. Conçues pour des familles aisées, elles disposent de vastes terrains souvent aménagés en parc, de dépendances et bénéficient d’une architecture soignée.

L’hôtel Alexandre Delafleurière est une maison bourgeoise bâtie sur sous-sol selon un plan rectangulaire. Son chainage est en brique et le remplissage est en moellon en silex. Elle possède un étage et des combles aménagés. Son toit à quatre pans, couvert d’ardoises, est ajouré de fenêtres de toit dissymétriques de la fin du XXe siècle. Les ouvertures, plus hautes que larges, sont vastes, nombreuses, et très régulières à raison de 5 par niveau sur le mur gouttereau et de 3 sur le mur pignon dont certaines sont murées. La porte d’entrée principale et les deux fenêtres de part et d’autre sont voutées en plein cintre. De même pour l’entrée côté cour dont la rampe d’accès aux personnes à mobilité réduite masque, depuis quelques années, un degré ouvragé encore visible au pied de la façade principale. Une autre porte se trouve face à la rue des Soupirs. Elle devait être destinée aux domestiques et donnait accès à la cuisine ce que semble indiquer la présence de cheminées de ce côté-ci du bâtiment.

La modénature, autrement dit le style architectural dans lequel s’inscrivent les éléments de décoration de façade, est à la fois sobre et soignée. La quasi-totalité des décorations repose sur les moulures permises par un enduit peint en blanc qui couvre toutes les façades. Une corniche assez prononcée couronne l’ensemble des façades. Une seconde corniche, plus discrète, sépare le rez-de-chaussée du premier étage. Les corniches couronnent des frises, le plus souvent nues. Deux éléments ressortent des façades : 

-    un avant-corps central en très légère saillie sur la façade principale et son équivalent, plus prononcé, côté cour. La frise sur l’avant-corps présente une série de piécettes. Les clés des trois fenêtres du rez-de-jardin sont ornées de clés ouvragées ; 

-     les chainages d’angles en saillie et décorés avec des bandeaux et des tables.

Enfin les encadrements de fenêtres sont aussi soignés avec de belles moulures. L’ensemble de ces décorations inscrivent l’hôtel Alexandre Delafleurière dans le style classique.

Mairie de Pont-de-l'Arche 3

Les chainages d’angles, en saillie, présentent de riches décorations :

corniches, tables et bandeaux.

 

Parc et dépendances

Le parc autour de l’édifice est boisé depuis toujours. Le plan cadastral de 1834 démontre que des dépendances existaient avant la construction de l’hôtel. Elles sont visibles sur la vue aérienne reproduite ci-dessus mais ont été rasées avec la clôture afin d’ouvrir l’hôtel sur la rue ; la mairie sur la ville. Quelques pans de bois sont visibles aujourd’hui dans le mur mitoyen avec Marco.

Une des dépendances a été rasée suite au bombardement du pont le 8 aout 1944. A ce sujet, quelques éclats d’obus sont visibles sur les murs en moellon calcaire scié de l’autre côté de la rue des Soupirs. A noter aussi, le petit bâtiment rural appartenant aux Chaussures Marco qui jouxte le parc de la mairie. 

Mentionnons enfin l’intéressant portail d’une ancienne propriété de l’autre côté de la rue Maurice-Delamare qui était visible dans l’atlas de Trudaine (vers 1759). Datant du XVIIIe siècle, ses grandes pierres de taille composent une remarquable voute en plein cintre, avec clé et sommiers, qui renforce le cachet patrimonial de ce faubourg.  

 

Mairie de Pont-de-l'Arche 4

Le parc de la mairie vu de la salle du Conseil municipal :

un espace agréable et reposant, vestige du parc de  l'hôtel Alexandre Delafleurière.  

 

Décoration intérieure 

L’accueil présente une somptueuse mosaïque polychrome couvrant la totalité de la pièce. Une élégante croix grecque mêlée à des décors végétaux orne le centre de la mosaïque tandis qu’une frise à motifs floraux longe les murs. Elle présente notamment des fleurs rouges à quatre pétales. Trois salamandres crachant du feu se trouvent aux extrémités non occupées par le départ de l’escalier. En bas de l’escalier, quelques boiseries encadrent un miroir et une peinture sur bois présentant un sujet champêtre. L’escalier, à la française jusqu'au 1er étage et à moitié tournante jusqu’aux combles, est essentiellement réalisé en bois. Il offre notamment une belle rampe à balustrade. Enfin, depuis 1968 les cadres des couloirs et de l’escalier contiennent des photographies du chantier du pont de bois ayant existé entre 1940 et 1944 ainsi que quelques reproductions du plan du bailliage.

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Une des trois salamandres de la mosaïque de l’accueil (détail).

 

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Détail de la mosaïque de l’accueil.

 

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Elément central de la décoration de la mosaïque de l’accueil. 

 

Le décorum républicain

Les mots « hôtel de ville » ont été ajoutés au-dessus de l’entrée en 1967 et renforcent, par leur police de caractères, la dimension classique du bâtiment. Le porche a été couvert en 2001 et porte,  depuis 2010, la devise républicaine « Liberté, égalité, fraternité » – une première dans l’histoire de Pont-de-l’Arche – et le logotype de la ville. Les ouvertures de la façade d’entrée soutiennent trois écus aux couleurs de la France et frappés des lettres « RF » pour République française. Celui du centre est surmonté de drapeaux français. Un buste de Marianne en plâtre est situé dans la salle du Conseil municipal. Commandé en 1879, il présente une Marianne sans bonnet phrygien, symbole d’une république conservatrice ; une Minerve plus qu’une révolutionnaire. Un portrait officiel du président de la République fait face à Marianne. 

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Ce n’est qu'entre 2010 et 2016 que la façade de l’hôtel de ville de Pont-de-l’Arche

a porté la devise républicaine « Liberté, égalité, fraternité ». 

 

2. Historique de l’hôtel 

1877, date de construction ?

Il semble que ce soit Joseph Charles Désiré qui ait fait bâtir la demeure qui nous intéresse. En effet, la matrice cadastrale de 1877 mentionne une nouvelle maison sur la parcelle B 458. Celle-ci est imposée à hauteur de 500 francs alors que les autres constructions de 1877 le sont à hauteur de 20, 25 et 60 francs. 

Charles Désiré Alexandre Delafleurière (Pont-de-l’Arche le 14 mai 1826 – Rouen le 3 juillet 1878) était marié à Marie Blanche Grimoult. Ils eurent pour fille Victorine Jenny Alexandre Delafleurière (1857-1944), mariée à Charles Emile Anneau (1844-1893) le 1er avril 1880. Selon la matrice cadastrale, ils héritèrent des biens de Joseph Charles Désiré en 1889. Robert Anneau hérita de son père, Charles Emile, et vendit l’hôtel Alexandre Delafleurière à la Ville de Pont-de-l’Arche.

 

Les frères Joseph et Henri Alexandre Delafleurière

Joseph Charles Désiré, à l’origine de l’hôtel Alexandre Delafleurière, était domicilié à Rouen à la fin de sa vie. Une entente familiale a dû intervenir entre 1850 et 1851 où les biens de sa mère et des « héritiers » lui revinrent. 

Cependant, il semble que son frère, Henri Jacques Constant, ait été le principal occupant de l’hôtel familial car son acte de décès mentionne qu’il était « propriétaire » et « domicilié route du Vaudreuil ». Né à Pont-de-l’Arche le 30 janvier 1818 et décédé au même lieu le 4 décembre 1906, Henri Jacques Constant fut maire de la ville du 5 juillet 1891 au 26 juillet 1891 et conseiller municipal depuis au moins 1870 jusqu’à son décès. Il faisait partie de la Société des amis de l’école au côté d’Eugène Ferrand, maire, Jules Fromont (conseiller), Anthime Ferrandier (adjoint), Théodore Chambert (instituteur en retraite), Maurice Delamare (pharmacien), Legrand (percepteur), Etienne Sorel (docteur en médecine), Henry Prieur (conseiller), Léon Revert (instituteur)… 

Henri Jacques Constant n’était pas le premier Alexandre Delafleurière à être dévoué à la chose publique…

 

Jacques Isaac, lieutenant de la République

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Jacques Isaac Alexandre Delafleurière, père du constructeur de l’hôtel qui nous intéresse, a été lieutenant dans la 4e division du 16e régiment de chasseurs à cheval de l’armée révolutionnaire (photo SEHRI).

 

 

Jacques Isaac Alexandre Delafleurière, père de Joseph et Henri, est né à Pont-de-l’Arche le 10 octobre 1770 et décédé au même lieu le 15 janvier 1837. Il se maria le 1er septembre 1818 à Louise Sophie Guesnier des Bordeaux (décédée à Pont-de-l’Arche le 31 mars 1867). C’est avec elle qu’il eut ses deux fils : Henri Jacques Constant (1818-1906) et Joseph Charles Désiré (1826-1878). Jacques Isaac est un enfant de la Révolution. 

Fils d’un des plus grands nobles de la ville, sur lequel nous revenons ci-dessous, il s’engagea dans l’armée révolutionnaire. C’est ce que nous apprend une émouvante déclaration de naissance du 12 mai 1793 signée par Nicolas Poupardin, journalier, et Madelaine Baron. Domiciliés dans la rue Huault, ils vinrent en mairie déclarer la naissance, 2 jours plus tôt, de leur fils Jacques Isaac Poupardin. Ils lui donnèrent le prénom de Jacques Isaac Alexandre, témoin cité dans l’acte. A 22 ans, celui-ci est décrit comme dragon de la Manche et domicilié sur la route du Neubourg. Le fils de noble – dont le titre a disparu – est l’égal du journalier en citoyenneté et en amitié. 

Les archives militaires nous informent qu’il devint sous-lieutenant dans la 4e division du 16e régiment de chasseurs à cheval (le 12 septembre 1793) puis lieutenant (le 29 germinal de l’an V). Il quitta l’armée en juillet 1802 pour s’occuper de ses affaires familiales. Son autorisation de départ, signée à Saint-Mihiel le 21 messidor de l’an X, est intéressante. L’armée ne note pas la bonne date de naissance : elle donne le 12 octobre 1772 au lieu du 10 octobre 1770 (l’acte de baptême étant le 12). Quant au prénom, Jacques Isaac a été remplacé par Jean Jacques ; la lumière de Rousseau devant dissiper les origines nobiliaires. 

Par ailleurs, son autorisation de départ de l'armée fait état des services du lieutenant Jean Jacques Alexandre : armée du Nord (an II), armée de l'Océan (an III), Sambre et Meuse (ans IV et V), guerre des révoltés belges et l’ile de Walaheren (an VII), armée du Rhin (an VIII) où il reçut un coup de sabre, fut fait prisonnier de guerre à Altenkirschen et où son cheval fut tué à Fribourg. La hiérarchie militaire signala que « Ce citoyen s’ (…) est toujours comporté avec honneur et probité et a rempli ses services militaires avec la plus scrupuleuse exactitude et le dévouement le plus entier à la chose publique… » 

De retour dans sa patrie, Jacques Isaac a, semble-t-il, repris le flambeau politique de son père, décédé en 1825, qui fut maire de la ville de 1792 à 1795 et conseiller général entre 1800 et 1815. En effet, on retrouve un Alexandre Delafleurière conseiller général en 1830, date qui coïncide avec une nouvelle révolution. Dans la même période, on retrouve Jacques Isaac dans l’éphémère loge « Les amis réunis », affiliée au Grand orient de France, où l’on retrouve, notamment, Victor Grandin, député libéral. Nous concluons, à l’aune de ces éléments, que Jacques Isaac faisait partie des libéraux, c’est-à-dire la gauche de l’époque, tout comme son père.

 

Jacques Joseph, garde-marteau du roi, puis jacobin

Jacques Joseph Alexandre Delafleurière est né à Valmont (Seine-Maritime) en 1747 et décédé à Pont-de-l’Arche le 15 juillet 1825. Ce conseiller du roi, garde-marteau des eaux et forêts de la maitrise de Pont-de-l’Arche, joua un rôle de premier rang dans le Pont-de-l’Arche de la Révolution. 

Le 20 février 1789, Jacques Joseph Alexandre, sieur de la Fleurière, figurait sur la liste des échevins de la ville. Il fit partie des rédacteurs des cahiers de doléances de Pont-de-l’Arche. Certains ont fait de lui un opportuniste, révolutionnaire par calcul, qui démantela Notre-Dame de Bonport pour de l’or. Cependant, sous le nom d’Alexandre, cultivateur, on le retrouve parmi les premiers citoyens « avancés » quand se constitua la société jacobine : « Les Amis de la constitution ». 

Quand la révolution se radicalisa, il devint maire de Pont-de-l’Arche, le 1er octobre 1792, et assuma cette fonction jusqu’en 1796. Il fut nommé commissaire du canton de Pont-de-l’Arche du 18 frimaire IV au 28 ventôse VII. Il reprit une fonction politique de 1800 à 1815 en tant que conseiller général. 

Figurant parmi les plus riches notables de la ville avant 1789, il acquit des terres lors de ventes de biens nationaux au premier rang desquelles celles de Bonport, qui lui furent adjugés le 2 avril 1791 pour 161 000 livres (sauf les meubles) en partenariat avec Alexandre de la Folie (maire de Criquebeuf vers avril 1792). Il acquit aussi des terres le long de la route du Vaudreuil, au triège du Val, le long de la route du Neubourg, dans le faubourg de Limaie, à la Cavée, la Maladrie (sic), la ferme de Bon air, au Chêne Jeannet (sic), dans la forêt de Bord, dans l’ile de Bonport, à la Sente à Cagnon... 

Jacques Joseph bénéficia du vaste transfert de biens opéré durant la Révolution et scella ainsi son sort avec elle. Désormais, le statut et les intérêts de sa famille et de ses descendants étaient plus assurés avec le camp révolutionnaire puis napoléonien qu’avec le camp royaliste. L’ancien noble était donc compromis, aux yeux des royalistes, avec la Révolution et indésirable, par là même. 

Le parcours de la famille Alexandre Delafleurière démontre par son engagement qu’elle n’était pas libérale par calcul mais par conviction et que sa richesse était issue, à la base, des privilèges de l’Ancien Régime.   

 

En guise de conclusion…

Bâti par une des toutes premières familles républicaines de Pont-de-l’Arche, l’hôtel Alexandre Delafleurière accueille aujourd’hui le symbole républicain par excellence dans une commune : la mairie. Ce hasard, ce clin d’œil de l’histoire, valait la peine d’être conté !   

 

 

Sources

- Archives municipales de Pont-de-l’Arche :

-       registres de délibérations du Conseil municipal ;

-       cadastre ;

-       matrice cadastrale. 

- Archives de la Société d'études historiques révolutionnaire et impériale (SEHRI), avec nos remerciements à Jérôme Croyet.

Archives départementales de l’Eure : 4 M art. 200

Archives départementales de Seine-Maritime : J 472 (1 et 2).

Sorel Etienne-Alexandre, Pont-de-l’Arche pendant la Révolution d’après les registres municipaux : 1789-1804, Rouen : Lestringant, 1918, 147 pages.

 

 

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Les maires de Pont-de-l'Arche

 

Armand Launay

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Mes activités

Armand Launay. Né à Pont-de-l'Arche en 1980, j'ai étudié l'histoire et la sociologie à l'université du Havre (Licence) avant d'obtenir un DUT information-communication qui m'a permis de devenir agent des bibliothèques. J'ai acquis, depuis, un Master des Métiers de l'éducation et de la formation, mention Lettres modernes. Depuis 2002, je mets en valeur le patrimoine et l'histoire de Pont-de-l'Arche à travers :

- des visites commentées de la ville depuis 2004 ;

- des publications, dont fait partie ce blog :

Bibliographie

- 20 numéros de La Fouine magazine (2003-2007) et des articles dans la presse régionale normande : "Conviviale et médiévale, Pont-de-l'Arche vous accueille", Patrimoine normand n° 75 ; "Pont-de-l'Arche, berceau de l'infanterie française ?", Patrimoine normand n° 76 ; "Bonport : l'ancienne abbaye dévoile son histoire", Patrimoine normand n° 79 ; "Chaussures Marco : deux siècles de savoir-plaire normand !", Pays de Normandie n° 75.

- L'Histoire des Damps et des prémices de Pont-de-l'Arche (éditions Charles-Corlet, 2007, 240 pages) ;

- Pont-de-l'Arche (éditions Alan-Sutton, collection "Mémoire en images", 2008, 117 pages) ;

- De 2008 à 2014, j'ai été conseiller municipal délégué à la communication et rédacteur en chef de "Pont-de-l'Arche magazine" ;

- Pont-de-l'Arche, cité de la chaussure : étude sur un patrimoine industriel normand depuis le XVIIIe siècle (mairie de Pont-de-l'Arche, 2009, 52 pages) ;

- Pont-de-l'Arche, un joyau médiéval au cœur de la Normandie : guide touristique et patrimonial (mairie de Pont-de-l'Arche, 2010, 40 pages) ;

- Pont-de-l'Arche 1911 I 2011 : l'évolution urbaine en 62 photographies (mairie de Pont-de-l'Arche, 2010, 32 pages) ;

- Mieux connaitre Pont-de-l'Arche à travers 150 noms de rues et de lieux ! (Autoédité, 2019, 64 pages) ; 

- Déconfiner le regard sur Pont-de-l'Arche et ses alentours (Autoédité avec Frédéric Ménissier, 2021, 64 pages) ;

- Les Trésors de Terres-de-Bord : promenade à Tostes, ses hameaux, Écrosville, La Vallée et Montaure (publié en ligne, 2022) ;

- Les Trésors de Terres-de-Bord : promenade à Tostes, ses hameaux, Écrosville, La Vallée et Montaure (version mise en page du précédent ouvrage, édité par la mairie de Terres-de-Bord, 2023).

Depuis 2014, je suis enseignant à Mayotte.

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