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13 septembre 2016 2 13 /09 /septembre /2016 19:07
Extrait de photographie représentant Simone Sauteur vers ses 20 ans (avec nos remerciements à Alain Corblin).

Extrait de photographie représentant Simone Sauteur vers ses 20 ans (avec nos remerciements à Alain Corblin).

Edité cet été, Au cœur du Vièvre avec le maquis Surcouf est un ouvrage d’Alain Corblin qui publie, commente et annote les mémoires de Simone Sauteur, secrétaire du plus grand réseau de Résistance de l’Eure et aussi archépontaine regrettée depuis 2012. Hommage et émotion…

Avant tout, Simone Sauteur est chez nous une attachante personnalité arrivée à Pont-de-l’Arche afin d’y exercer son métier : institutrice puis professeure au collège. Ceux qui l’ont connue se rappellent sa vivacité, sa gentillesse et sa capacité à partager son indignation quand une injustice l’agaçait ! Une dame entière, en deux mots. On se rappelle aussi, au fond de l’impasse des Avettes, celle qui parlait à ses fleurs et ses chats avec un sourire angélique que jamais elle ne perdit. On se rappelle aussi son salon, ses livres, ses icônes chrétiennes reliés par les sauts quasi incessants de leur propriétaire. On se rappelle son attachement profond au monde de la culture, de la poésie qui la mena à saluer la mémoire d’Hyacinthe Langlois au point de contribuer, avec Anita Patin, à donner le nom de cet artiste archépontain au collège. Elle anima aussi l’association nommée Chemin Hyacinthe d’artistique aventure (le CHAA).

Ce que l’on savait moins, c’est que la menue silhouette de Simone Sauteur était celle d’une résistante du maquis Surcouf puis lieutenant de l’armée de libération, connue sous le nom de code “Puce”, en référence à sa taille mais aussi, sûrement, à son nom de famille. C’est cette action en faveur de la France républicaine qui fut déjà mise au jour et en valeur quand, en 2009, Richard Jacquet fit de Simone Sauteur une citoyenne d’honneur. Un article fut alors publié afin de faire connaitre la lumineuse action de notre résistante locale et de disputer ses mérites aux automnes de l’oubli.

Cet été, un nouveau souffle a soulevé les feuilles des automnes passés et rouvert le livre de notre histoire nationale à des pages datant de 1943 à 1944. Ce souffle provient d’Alain Corblin, secrétaire de la Société historique de Lisieux et archiviste passionné. Fils de Marceau Corblin, passé membre du maquis Surcouf, Alain Corblin avait déjà publié en 2014 le journal de Robert Leblanc, chef du maquis Surcouf.

Alain Corblin publie les notes de Simone Sauteur ; notes qu’elle a retravaillées après-guerre en vue d’une première publication fin 1956. Ce projet de publication fut controversée parmi les vétérans de la résistance et resta lettre morte. Les 526 pages (avec annexes) nées de longues recherches nous font pénétrer dans le quotidien du réseau de résistance : ses indignations, ses coups d’éclats (destructions, attaques armées, sauvetages de soldats alliés, assassinat de collaborateurs…), ses blessures inconsolables qu’elles soient physiques ou affectives (morts au combat, victimes des représailles allemandes, déportations), son organisation quotidienne sans laquelle rien n’eut été. On y lit la force de la jeunesse prête à se sacrifier pour un idéal indépassable : la liberté, qui prend forme dans un projet collectif appelé la France ! On y trouve André Antoine, résistant dampsois qui a été commémoré à Pont-de-l’Arche par une plaque dans la rue autrefois appelée rue de l’église.

Cette lecture est précieuse qui permet de mettre de la chair autour de dates ou de faits historiques trop théoriques car nous ne les avons pas vécus. Dans leur décor normand, et sous des traits qui pourraient parfaitement être ceux de membres de nos familles, le témoignage de Simone Sauteur permet de saisir l’histoire mieux que par le seul intellect mais aussi par l’attachement sentimental, ce qui est bien l’indicatif de la Simone que nous connaissions...

 

Préfaces de Jean Quellien, professeur d’histoire honoraire de l’université de Caen-Normandie, et de Richard Jacquet, maire de Pont-de-l’Arche.

 

Disponible sur commande (19 € + 5,6 € de port) :

02 31 64 21 80 – corblin.alain@neuf.fr

Société Historique de Lisieux : 1, rue Paul-Banaston, Tour Saint Laurent, 14100 Lisieux.

 

 

Armand Launay

Pont-de-l'Arche ma ville

http://pontdelarche.over-blog.com

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13 octobre 2015 2 13 /10 /octobre /2015 09:37

Le premier corps d’infanterie de l’armée française s’est formé en 1481 suite à la volonté de Louis XI. Ce roi de France voulait créer une infanterie régulière et mobile à l’image de la cavalerie. C’est ainsi que sont nées les célèbres « bandes de Picardie » formées par des Suisses dans un vaste camp situé entre Pont-de-l’Arche et Pont-Saint-Pierre (Eure). Nous avons mené l’enquête sur ce tournant militaire où notre ville est au cœur de l’histoire de France…

Pour la défense de son royaume, Louis XI eut le souci permanent d’organiser une armée efficace reposant principalement sur l’infanterie. Ainsi en 1469, il réforma le corps des francs-archers créé à la fin de la guerre de Cent-ans par Charles VII1 notamment pour former les garnisons de certaines villes frontalières. Il élargit l’espace de recrutement des francs-archers, améliora l’enrégimentement de ceux-ci en 8 bandes de 500 hommes et, enfin, fit encadrer chaque bande par un capitaine, un lieutenant et un enseigne. La population était sommée de fournir au roi des hommes mobilisés du printemps à l’automne2 contre une solde et un armement fournis. Ce sont près de 16 000 fantassins qui servaient alors le roi.

Louis XI fit de l’infanterie le principal corps de son armée rompant avec la prééminence ancestrale de la chevalerie. Malgré des victoires, le corps des francs-archers ne donna pas satisfaction au roi à cause de l’absence de formation, du manque de discipline – voire de compétence3 – mais aussi de la difficulté de mobiliser rapidement ces troupes très éparses. La défaite d’Enguinegatte (Pas-de-Calais) face à Maximilien de Habsbourg (en 1479) persuada Louis XI de renoncer à ce corps et de créer une infanterie d’un genre nouveau.

Les piquiers, nouveaux combattants mis en avant par Louis XI pour bâtir une infanterie régulière. Détail de « Troupes anciennes. N°3, Coustilliers, Règne de Charles VII - Piquiers, Règne de Louis XI », gravure sur bois en couleurs (46 x 36 cm) éditée chez Pellerin, Épinal, 1859. BnF, département Estampes et photographie, FOL-LI-59 (6).

Les piquiers, nouveaux combattants mis en avant par Louis XI pour bâtir une infanterie régulière. Détail de « Troupes anciennes. N°3, Coustilliers, Règne de Charles VII - Piquiers, Règne de Louis XI », gravure sur bois en couleurs (46 x 36 cm) éditée chez Pellerin, Épinal, 1859. BnF, département Estampes et photographie, FOL-LI-59 (6).

Louis XI, roi de France Louis XI, né en 1423, régna de 1461 à 1483. Au-delà de l’image du roi moyenâgeux et cruel forgée par ses opposants, Louis XI passe aujourd’hui pour un roi pragmatique, diplomate, ayant un sens de la raison d’État et donc une faculté de trancher. Sacré roi à la fin de la guerre de Cent-ans, il ne se contenta pas de voir refleurir l’économie, il orchestra la prospérité de son royaume en y introduisant de nouvelles activités, de nouvelles foires et en défendant une monnaie forte. Il passa une grande partie de son règne à assoir son autorité contre ses opposants : les seigneurs, la Bourgogne et l’Angleterre. Il vainquit la Ligue du Bien public formée contre lui avec son frère Charles de France. Il s’imposa après de nombreuses batailles et d’infinies négociations avec le duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, qui décéda en 1477. Il signa le fameux traité de Picquigny mettant fin aux prétentions anglaises sur la couronne de France (1475). Cette pacification permit à Louis XI d’affermir et d’organiser le pouvoir royal. Il conquit le Maine et la Provence (1481), la Picardie, le Boulonnais, le duché de Bourgogne, l'Artois et la Franche-Comté en 1482. C’est cette force, notamment démographique et économique, qui lui permit de mettre sur un pied une armée forte et de lancer les bases d’un État moderne.

Louis XI, roi de France Louis XI, né en 1423, régna de 1461 à 1483. Au-delà de l’image du roi moyenâgeux et cruel forgée par ses opposants, Louis XI passe aujourd’hui pour un roi pragmatique, diplomate, ayant un sens de la raison d’État et donc une faculté de trancher. Sacré roi à la fin de la guerre de Cent-ans, il ne se contenta pas de voir refleurir l’économie, il orchestra la prospérité de son royaume en y introduisant de nouvelles activités, de nouvelles foires et en défendant une monnaie forte. Il passa une grande partie de son règne à assoir son autorité contre ses opposants : les seigneurs, la Bourgogne et l’Angleterre. Il vainquit la Ligue du Bien public formée contre lui avec son frère Charles de France. Il s’imposa après de nombreuses batailles et d’infinies négociations avec le duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, qui décéda en 1477. Il signa le fameux traité de Picquigny mettant fin aux prétentions anglaises sur la couronne de France (1475). Cette pacification permit à Louis XI d’affermir et d’organiser le pouvoir royal. Il conquit le Maine et la Provence (1481), la Picardie, le Boulonnais, le duché de Bourgogne, l'Artois et la Franche-Comté en 1482. C’est cette force, notamment démographique et économique, qui lui permit de mettre sur un pied une armée forte et de lancer les bases d’un État moderne.

1481 : création du corps des piquiers et hallebardiers

En 1480, le roi de France conclut une trêve avec ses ennemis le duc de Bourgogne et le roi d’Angleterre et signa un armistice avec le roi d’Autriche, en aout. Il eut donc enfin le temps de réorganiser en profondeur son infanterie. Il commença par supprimer, en octobre, le corps des francs-archers et prit exemple sur l’armée suisse, la meilleure de ce temps, pour constituer en janvier 1481 une infanterie principalement composée de piquiers, d’hallebardiers et de mercenaires suisses4. À contrecourant des mentalités, le roi continua donc à mettre en avant les « gens de pied », les roturiers, au point de les intégrer dans son armée régulière jusqu’alors constituée des nobles chevaliers des compagnies d’ordonnance5.

Louis XI cessa de demander à la population de fournir des hommes et leva un impôt spécialement destiné à payer des soldes permanentes à ses gens de pied français et étrangers. Cette réforme du mode de financement des hommes de pied permit au roi de mettre en place une infanterie de camp permanente6. Il est possible que d’anciens francs-archers se soient reconvertis en piquiers, mais Thomas Basin, chroniqueur contemporain de Louis XI, parle bien de remplacement des soldats7.

 

 

L'utilité des bandes de piquiers ?

À la fin du XVe siècle, l’infanterie comptait trois armes principales :

- les archers, qui visaient surtout les chevaux pour rompre la charge de cavalerie ;

- au contact avec celle-ci, les coutiliers coupaient les jarrets des chevaux, tuaient les cavaliers tombés qui ne valaient aucune rançon ;

- enfin, les piquiers jouaient un double rôle défini par Jean de Wavrin (homme de guerre et bibliophile bourguignon du XVe siècle) : « Les piques sont bâtons moult convenables pour mettre une pique entre deux archers contre le foudroyeux effort des chevaux qui voudraient effondrer dedans eux, car il n’est cheval, s’il n’est atteint d’une pique en la poitrine, qui ne doive mourir sans remède. Et aussi servent ces piquenaires à démarcher et atteindre les chevaux de côté et iceux percer tout outre. »

Les piquiers étaient réunis par bandes de 800 à 1 000 hommes chacune. Cette technique de combat suisse, inspirée de la phalange grecque, a été enseignée à l’armée française principalement dans le camp de Pont-de-l’Arche, en 1481. L’infanterie avançait sur le champ de bataille en masses carrées hérissées de piques de 5 à 6 mètres de long. Elles étaient capables de résister à une charge de cavalerie... Les piquiers, disposés sur plusieurs rangs au centre du carré, sont protégés sur les flancs par des archers puis des couleuvriniers et des arbalétriers.

Un exemple de charge de piquiers : La Bataille d’Heiligerlee (1568) d'après Frans Hogenberg (1536-1590). Au second plan, les piquiers de Guillaume d’Orange et ses alliés mettent en déroute les mercenaires espagnols de l’armée de Jean de Ligne, stathouder de Frise resté fidèle au roi d’Espagne. Cette bataille marque le début de la guerre de Quatre-vingts-ans et aboutit à l’indépendance des Provinces-unies (Pays-Bas).

Un exemple de charge de piquiers : La Bataille d’Heiligerlee (1568) d'après Frans Hogenberg (1536-1590). Au second plan, les piquiers de Guillaume d’Orange et ses alliés mettent en déroute les mercenaires espagnols de l’armée de Jean de Ligne, stathouder de Frise resté fidèle au roi d’Espagne. Cette bataille marque le début de la guerre de Quatre-vingts-ans et aboutit à l’indépendance des Provinces-unies (Pays-Bas).

Albrecht Altdorfer (vers 1480-1538), La Bataille d’Alexandre, 1529, peinture sur bois, Alte Pinakothek (Munich), commandée par le duc Guillaume IV de Bavière. Alexandre le Grand lutte contre le roi de Perse Darius. Cette œuvre montre au premier plan une bande de piquiers en mouvement et, au second plan, une masse compacte en train d’attaquer telle une forêt de piques.

Albrecht Altdorfer (vers 1480-1538), La Bataille d’Alexandre, 1529, peinture sur bois, Alte Pinakothek (Munich), commandée par le duc Guillaume IV de Bavière. Alexandre le Grand lutte contre le roi de Perse Darius. Cette œuvre montre au premier plan une bande de piquiers en mouvement et, au second plan, une masse compacte en train d’attaquer telle une forêt de piques.

Mais quel rôle devait jouer la nouvelle infanterie de Louis XI ?

 

Nouvelle infanterie, nouvelles armes : le rôle de Pont-de-l’Arche

En l’espace de quelques mois, Louis XI a recruté une importante infanterie professionnelle devant manipuler de nouvelles armes (piques, hallebardes…) et souhaitait, de plus, modifier la stratégie de combat en plaine. Pour concrétiser ces réformes sans trop exposer son armée en temps de guerre, il manquait une solide expérience à ses troupes. C’est là qu’intervint le camp de Pont-de-l’Arche.

« … le Roy voulust et ordonna que certain camp de bois (…) fust dressé et mis en estat en une grand plaine près le Pont de l’Arche (…) et dedans icelluy certaine quantité de gens de guerre armez, avec hallebardiers et picquiers, que nouvellement avoit mis sus… ». Pour établir ce camp, le roi mobilisa les pionniers du camp d’Abbeville8 ? Ces hommes, responsables de la construction, de l’entretien et de l’approvisionnement du camp furent placés par le roi sous le commandement de Guillaume Picquart, bailli de Rouen, qui épaula Philippe de Crèvecœur dans l’encadrement de l’infanterie9.

Philippe de Commynes précisa que l’infanterie royale était alors composée de « vingt mil hommes de pied tousjours prestz, et deux mil cinq cens pionniers, et s’appeloient icy les gens du champ : et ordonna avec eulx quinze cens hommes d’armes de son ordonnance, pour descendre à pied quand il en seroit besoing »10.

L’ensemble de ces hommes de pied devaient venir à Pont-de-l’Arche car le roi « voulust que lesdits gens de guerre feussent par l’espace d’ung mois [dans le camp] pour sçavoir comment ils se conduisoient (…) et pour sçavoir quels vivres il conviendroit avoir…11 ». Le roi voulait mesurer – grandeur nature – l’investissement humain, technique et financier que représentait une infanterie de camp de cette ampleur. Mais à quoi bon posséder une infanterie de camp ? Louis XI voulait améliorer la mobilité de ses troupes hors des frontières du royaume et surtout en plaine, eu égard au relief picard et nordiste. Mois après mois, toute son infanterie devait passer dans ce camp et s’aguerrir aux longs déplacements et à la vie de camp12.

Le roi avait pu mesurer en 1470, à Montlhéry, l’efficacité d’un camp retranché établi par ses adversaires, les Bourguignons. Ceux-ci s’étaient appuyés sur ce camp pour les manœuvres de l’infanterie, la mise en sureté de l’artillerie et des munitions mais aussi des hommes durant la nuit. En 1471, le roi ordonna la fabrication d’un tel camp à Montargis et en fit un outil durant ses campagnes de Normandie et de Picardie (le camp d’Abbeville). En 1480 donc, le roi décida de tester un camp de guerre, pas trop près des frontières pour ne pas exciter ses ennemis, mais pas trop loin non plus des Pays-Bas et de l’Angleterre. C’est ainsi que la Normandie fut choisie pour accueillir l’entrainement de l’artillerie et de l’infanterie dans un vaste camp. Louis XI joua un fort rôle dans la structuration de l’artillerie en laissant à sa mort 5 bandes d’artillerie contre une lors de son installation

Le second objectif du camp de Pont-de-l’Arche était la formation de l’armée aux techniques de combat des Suisses. La fin des francs-archers et la création des piquiers et hallebardiers avait été actée, mais qu’en était-il de la formation de la nouvelle armée ?

Les 20 000 hommes de pied, ou une partie du moins, se sont succédé dans le camp de Pont-de-l’Arche où se trouvaient les 6 000 mercenaires Suisses travaillant pour Louis XI depuis 147413. Commandés par Guillaume Diesbach, les Suisses ont formé les hommes des garnisons de la région d’Hesdin aux techniques de combat en bandes, encore appelées enseignes. C’est pourquoi le roi commanda près de 40 000 armes nouvelles pour faire de Pont-de-l’Arche un énorme camp d’instruction14. Une fois formées, on retrouve ces bandes l’année suivante aux côtés des Suisses et selon Philippe de Commynes « 8 000 piquiers » formant une armée qui « estoit fort belle »15. C’est à partir de ce moment que l’on a pu parler de « bandes de Picardie » restées célèbres dans l’histoire en tant que premières assises du « régiment de Picardie », autrement dit le 1er Régiment d’infanterie de l’armée française (voir l'illustration). On peut sourire de la proximité entre le nom "Picard" et nos picquiers louis-onziens.

 
Buste de Philippe de Commynes, chroniqueur et diplomate. Calcaire polychrome du début du XVIe s. Musée du Louvre, Paris. Philippe de Commynes (1447-1511), seigneur d’Argenton, était un des chroniqueurs les plus lus en Europe. Il laissa à la postérité ses Mémoires qui rapportent la manière dont le roi Louis XI a exercé le pouvoir royal (livres I à VI, composés entre 1489 et 1493). Puis ils rapportent l’expédition de Charles VIII en Italie (livres VII et VIII, composés entre 1495 et 1498) et enfin le couronnement de Louis XII. Écrits en langue vulgaire, et non en latin, ces Mémoires sont aussi novateurs sur le fond car ils jettent la lumière sur la pratique quotidienne du pouvoir, ce qu’a connu Philippe de Commynes en tant que conseiller et chambellan de Charles le Téméraire, duc de Bourgogne, puis de Louis XI à partir de 1472. Il s’attacha à mettre en valeur le travail diplomatique de Louis XI.

Buste de Philippe de Commynes, chroniqueur et diplomate. Calcaire polychrome du début du XVIe s. Musée du Louvre, Paris. Philippe de Commynes (1447-1511), seigneur d’Argenton, était un des chroniqueurs les plus lus en Europe. Il laissa à la postérité ses Mémoires qui rapportent la manière dont le roi Louis XI a exercé le pouvoir royal (livres I à VI, composés entre 1489 et 1493). Puis ils rapportent l’expédition de Charles VIII en Italie (livres VII et VIII, composés entre 1495 et 1498) et enfin le couronnement de Louis XII. Écrits en langue vulgaire, et non en latin, ces Mémoires sont aussi novateurs sur le fond car ils jettent la lumière sur la pratique quotidienne du pouvoir, ce qu’a connu Philippe de Commynes en tant que conseiller et chambellan de Charles le Téméraire, duc de Bourgogne, puis de Louis XI à partir de 1472. Il s’attacha à mettre en valeur le travail diplomatique de Louis XI.

Pourquoi choisir la Normandie ?

Louis XI avait négocié une trêve mais espérait surtout une paix durable avec ses adversaires. Le camp de Pont-de-l’Arche était une mise en application de l’adage « Si tu veux la paix, prépare la guerre » mais aussi un message fort envoyé aux autres souverains. D’ailleurs, le roi d’Angleterre craignit un moment que Louis XI ne prépare une attaque des terres anglaises de Calais16. C’était justement tout l’intérêt de Pont-de-l’Arche : une cité éloignée de la frontière afin de ne pas provoquer les rois en délicatesse avec Louis XI, mais suffisamment proche des zones à risques pour contrecarrer une opération soudaine17.

La place forte royale de Pont-de-l’Arche, connue du roi depuis qu’il la libéra de la Ligue du bien public en 1466, était facilement ravitaillable par la Seine18 et le chemin de Paris à Rouen et bénéficiait, de plus, de la présence de grandes forêts royales si utiles pour le bois du camp et des charriots. La ville fut peut-être aussi choisie par le roi pour faire une démonstration de force aux Normands récemment repassés sous son autorité. La police intérieure ne fait-elle pas partie des missions de l’armée ?

 

 

Après le camp…

Le roi fut satisfait de ce qu’il vit au camp de Pont-de-l’Arche à partir du 22 juin 1481 et les dix jours qui suivirent. C’est heureux car le trésor royal engagea pour ce camp 1 500 livres en quelques mois. Supportées par une lourde taille, elles représentaient la moitié des charges militaires annuelles de ce temps.

Le camp de Pont-de-l’Arche permit à Louis XI d’organiser son infanterie en bandes de piquiers professionnels destinés au combat en plaine. Quant à la vie dans un camp, il fut décidé de loger 30 hommes par tente, d’adopter des pavillons pour loger les gens de qualité et le nombre de véhicules de transport était désormais connu pour déplacer tout le matériel notamment l’artillerie… Une infanterie de camp était donc prête à chaque instant pour des opérations mobiles au-delà des frontières du royaume. L’infanterie régulière est donc née en deux étapes :

- le remplacement des francs-archers en janvier 1481 par le corps permanent des piquiers et hallebardiers ;

- la formation des troupes dans le camp de Pont-de-l’Arche en 1481.

Les bandes de Picardie constituèrent donc l'infanterie française jusqu'en 1494 où Charles VIII créa les bandes de Piémont qui participèrent à la guerre d'Italie contre l'Autriche de Charles Quint. Cependant, Charles VIII, a remplacé le corps des piquiers en 1487 par les francs-archers désormais appelés « gens de pied ». Ceux-ci coutaient moins cher au trésor royal mais ne donnaient pas satisfaction. C’est seulement au XVIe siècle qu’une infanterie permanente fut rétablie.

 
Le 1er régiment d’infanterie français est aujourd’hui basé à Sarrebourg. Il porte l’enseigne à croix blanche sur fond rouge, vraisemblablement en mémoire de l’instruction donnée par les Suisses à Pont-de-l’Arche aux troupes françaises affectées ensuite sur la frontière picarde et qui ont ainsi donné naissance aux célèbres « bandes de Picardie » et… à l’infanterie française !

Le 1er régiment d’infanterie français est aujourd’hui basé à Sarrebourg. Il porte l’enseigne à croix blanche sur fond rouge, vraisemblablement en mémoire de l’instruction donnée par les Suisses à Pont-de-l’Arche aux troupes françaises affectées ensuite sur la frontière picarde et qui ont ainsi donné naissance aux célèbres « bandes de Picardie » et… à l’infanterie française !

 

Notes

(1) Institué le 28 avril 1448.

(2) À raison d’un homme pour 50 foyers comme le précise l’ordonnance de 1466-1468. Voir Bessey Valérie, Construire l’armée page 33.

(3) Bessey Valérie (Ibidiem, page 33) précise que certains gros contribuables profitaient des exemptions fiscales dont bénéficiaient les francs archers ce qui donne une idée de la qualité du recrutement...

(4) Commynes Philippe de, Mémoires ou Chronique scandaleuse, page 160 : « En ce temps le Roy fist casser & abatre tous les francs archers du Royaume de France, & en leur place y voulut estre & demeurer pour servir en ses guerres les Suisses & picquiers. »

(5) Il tenta même d’enrégimenter les nobles du ban et de l’arrière ban à la manière des francs-archers c’est-à-dire sous la direction d’un capitaine. Il voulut aussi leur faire manier les piques et les hallebardes pour servir dans son infanterie ce qui se solda par un échec et un abandon de ce projet en 1483 (Valérie Bessey, Construire l’armée, page 34).

(6) Basin Thomas, Histoire de Louis XI (page 335) : « Il leva en Normandie 4 000 de ces hallebardiers et, pour payer leur solde, il imposa à cette province une contribution de 250 000 livres, sans compter des tailles considérables dont il l’avait chargée auparavant ; de la même façon, il instaura des hallebardiers dans la France entière (qui) avaient des soldes, comme la cavalerie, chacun d’eux touchant 60 livres par an. »

(7) Basin Thomas, Histoire de Louis XI (page 335) : « À leur place en effet il leva des gens de pied nommés hallebardiers… »

(8) Mandrot Bernard de, Journal de Jean de Roye(page 108) : « Ce sont ces troupes que Louis XI fit venir en Normandie à Pont-de-l'Arche ».

(9) Dupont Émilie, Mémoires… (page 217) : « Le bailli de Rouen commandait les pionniers du champ : ces pionniers étaient logés à Abbeville et aux environs. »

(10) Dupont Émilie, Mémoires… (page 217).

(11) Commynes Philippe de, Mémoires ou Chronique scandaleuse, page 161.

(12) Ce pourquoi « il feit faire grant nombre de charriots pour les clorres, les tentes et les pavillons » Dupont Émilie, Mémoires... (page 218).

(13) et de façon permanente à partir de 1477

(14) Jean Favier apporte ces précisions (Louis XI, page 353) : « Pour équiper le champ de Pont-de-l’Arche, le roi a passé d’un coup d’énormes commandes dont l’ensemble est réparti entre les marchands d’une vingtaine de villes, chargés de procurer, en deux mois, aussi bien des produits de la métallurgie locale que ceux d’importation. L’infrastructure est assurée par 700 tentes et 700 charriots. La réserve d’armes individuelles est impressionnante : 38 500 pièces dont 18 500 dagues, 14 500 hallebardes et 5 500 piques. Paris fournit 9 000 pièces, Tours et Angers 3 450. Il en coute 45 000 livres. Bien plus, il faut payer les ouvriers, les charretiers, les pionniers. »

(15) Commynes Philippe de, Mémoires ou Chronique scandaleuse (page 165) : « 1482 (…) le Roy avoit fait mettre sus les champs grand partie de ses gens de guerre, qu’il avoit en garnison au pays de Picardie, dont avoit la charge & conduitte le Sgr. des Querdes, laquelle compagnie il faisoit beau veoir, car elle estoit fort belle. En laquelle compagnie avoit quatorze cens lances fournies, très bien accompagnées de six mille Suisses & aussi de huict mille picquiers ».

(16) Dupont Émilie, Mémoires… (note 1, page 218).

(17) En effet, en 1480 Louis XI avait déjà envoyé 3 000 de ses Suisses en Normandie en prévision d’une attaque des troupes anglaises comme le cite Bernard de Mandrot, Journal de Jean de Roye… (page 108).

(18) On lit dans Dupont Émilie, Mémoires… (note 1, page 217) : que les pionniers logés à Abbeville avant de venir à Pont-de-l’Arche étaient ravitaillés « en blé par la rivière de Somme ».

 

 

Sources

- Brisson Charles, « Quand les Suisses, à Pont-de-l’Arche… », Notre vieux lycée : bulletin de l’association des anciens élèves du lycée Corneille, n° 112, 1962, pages 19-23 ;

- Basin Thomas, Histoire de Louis XI, traduction de Charles Samaran et Monique-Cécile Garand, tome III, Paris, Les Belles lettres, 1972, 462 pages ;

- Bessey Valérie, Construire l’armée française, textes fondateurs des institutions militaires. Tome I, De la France des premiers Valois à la fin du règne de François Ier. Brepols : Turnhout, 2006, 263 pages ;     

- Commynes Philippe de, Mémoires ou Chronique scandaleuse, Paris, Rollin, 1747, 660 pages ;

- Corvisier André, Histoire militaire de la France. Tome I, Des origines à 1715, sous la direction de Philippe Contamine, Presses universitaires de France, Paris, 626 pages ;

- Dupont Émilie, Mémoires de Philippe de Commynes, tome II, Paris : Jules Renouard, 1843, 607 pages ;

Dussieux Louis-Étienne, L'Armée en France, 1884, Versailles : L. Bernard, tome 1, pages 268 et suivantes ;

- Favier Jean, Louis XI, Paris, Fayard, 2001, 1019 pages.     

- Mandrot Bernard de, Journal de Jean de Roye connu sous le nom de Chronique scandaleuse : 1460-1483, Paris : Renouard, 1894-1896, 2 vol. (366 pages et 471 pages) ;    

- Revol Joseph Fortuné, Histoire de l'armée française, 1929, Paris : Larousse, 308 pages ;

- Yvert André, « Pont-de-l’Arche berceau de l’infanterie française », L’Industriel de Louviers, février 1939 ;

- Ministère de la Défense, « L’arme et son histoire », dossier n° 5, site Internet du 1er régiment d’infanterie : www.ri1.terre.defense.gouv.fr          

 

 
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19 novembre 2012 1 19 /11 /novembre /2012 22:15

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Quelques soldats français devant l’église Notre-Dame-des-arts avant que le feu ne tonne.

 

 

8-9 juin 1940 : le combat de Pont-de-l’Arche

1940, l’armée allemande avance à toute allure en France et bientôt en Normandie. A Pont-de-l’Arche, l’armée allemande fut annoncée par un immense défilé de civils en exode et d’éléments militaires désorganisés. Deux centres d’accueil furent ouverts à leur intention à Pont-de-l’Arche. Dans l’après-midi du samedi 8 juin, on observa dans les hauteurs boisées d’Igoville et Alizay les avant-gardes de la 7e division de panzers d’Erwin Rommel, général allemand qui voulait encercler Rouen par Elbeuf.

Pour les retarder, se trouvaient quelques éléments des armées britannique et française, principalement la centaine d’hommes du 4e Groupe franc motorisé de cavalerie commandé par le capitaine François Huet. L’accès au pont de la ville était sérieusement gardé avec, notamment, des pièges antichars. Deux canons de 37 faisaient face au pont, sur la place Hyacinthe-Langlois. Trois pièces d’artilleries se trouvaient dans la propriété de Crosne en plus de quatre mitrailleuses placées sur la terrasse de la tour et deux autres au rez-de-chaussée, à travers les meurtrières. Deux pièces d’artillerie étaient installées dans la cour de l’abbaye de Bonport. En haut de la route de Tostes, une grosse pièce d’artillerie pouvait tirer sur toute la vallée.

Un peu après minuit, le dimanche 9 juin, des éclats d’obus et de mitraille retentirent à Igoville où restaient coincés beaucoup de civils. Des éléments motorisés allemands descendirent la route de Rouen et rencontrèrent la résistance des forces anglaise et française. Vers quatre heures et demie, malgré l’impressionnant bruit de canonnade, les quelques Archépontains encore dans la ville – des élus municipaux, des religieuses, quelques vieillards de l’hôpital et le curé – entendirent très distinctement les motorisés allemands s’avancer vers la Seine.

Vers 6 h 25, conformément aux ordres reçus par le capitaine François Huet, les soldats du génie firent exploser le pont dont les projections retombèrent jusqu’à 400 m. Toutes les vitres volèrent en éclat et couvrirent les rues de verre cassé.

La canonnade continua, le reste de la population partit de la ville. A Igoville, deux chars français épuisaient héroïquement leurs munitions face aux Allemands. Les six soldats qui les actionnaient durent les abandonner, les détruire, et rejoindre les berges de Seine, sous le feu nourri de l’ennemi, avant de traverser à la nage jusqu’à Pont-de-l’Arche. Le général Erwin Rommel a cité dans ses mémoires cette résistance des aspirants Dubern et Lepage qui ont retardé l’ennemi près de 2 h 30. Il faut croire que l’état-major français n’était pas conscient de cette exceptionnelle résistance, lui qui ordonna de faire sauter le pont, abandonnant ainsi à l’ennemi de nombreux soldats français et surtout anglais sur la rive droite de la Seine.

Le pont de Pont-de-l’Arche étant coupé, les Allemands se dirigèrent vers Saint-Pierre-du-Vauvray et Gaillon où ils passèrent la Seine le dimanche soir. Le mercredi, les derniers soldats français quittèrent Pont-de-l’Arche, ville occupée dès le lendemain par les Allemands et ce jusqu’en aout 1944. L’action du capitaine François Huet avait atteint son objectif : empêcher Erwin Rommel d’assiéger Rouen et ses défenseurs. Le prix à payer était la destruction des ponts de Pont-de-l’Arche, ceux d’Elbeuf et celui d’Oissel.

 

2

Ce cliché du 7 décembre 1940 montre le pont de la ville après son dynamitage par des soldats du génie français et britannique le dimanche 9 juin 1940. 

 

Le pont de bois provisoire

Pont-de-l’Arche n’ayant plus de pont, l’occupant allemand fit bâtir un pont de bateaux dès les premiers jours de juillet à 500 m en aval du pont détruit. Après avoir beaucoup servi, il fut emporté par la débâcle des glaces en janvier 1941.

Cependant, depuis septembre 1940 la direction des Ponts & chaussées avait réfléchi à un nouveau pont. Celui-ci fut élaboré par la Société de construction des Batignolles après l'intervention de Technische Nothilfe qui dynamita sous l’eau les restes du pont détruit en juin 1940.

Etant donnée la pénurie de matériaux, Maurice Blosset, ingénieur en chef des ponts et chaussées, prit la direction de 17 chefs d’équipes et 180 hommes disposant de 6 500 pins de la forêt de Bord pour réaliser une véritable prouesse technique et humaine, tant l’hiver fut glacial. Les pins, de 10 à 14 mètres de long et 25 cm de diamètre, étaient enfoncés de 3 m 50 dans l’assise calcaire du fleuve. Au total, ce sont 4 600 m3 de bois qui ont été travaillés par 70 charpentiers et 40 aides ou manœuvres et 3 670 m3 de bois mis en œuvre sur le pont.

 

3

Décembre 1940, devant les restes d’une pile de l’ancien pont, une partie des 20 bucherons et 20 manœuvres français réalisent – dans le froid – un pont de bois ; une prouesse technique et humaine qui resta debout du 8 juin 1941 aux bombardements des 30 mai et 7 juin 1944. 

 

En plus de la passerelle principale dédiée aux véhicules, le pont de 360 m de long était muni d’un niveau inférieur pour piétons, interrompu en son milieu à cause de l’arche fluviale laissant passer les bateaux. Le niveau supérieur se scindait en deux à certains endroits pour autoriser un trafic à double-sens.

Lors de sa mise en service, le 18 juin 1941, un drapeau tricolore flottait fièrement sur l’ouvrage. Cet acte patriotique faillit couter cher à l’ingénieur Maurice Blosset bien que son implication n’ait pas été révélée. Voir un court métrage de l'inauguration. Le pont de bois tint debout trois ans.

Il fut largement détruit par les bombardements alliés des 30 mai et 7 juin 1944. Eddy Florentin rapporte le témoignage suivant : « les bombardiers passent trente minutes durant, l’épave du pont git, moitié dans le fleuve, moitié sur la terre ferme. Les sapins, qui constituaient la principale ossature de l’ouvrage, sont tordus, confondus dans un enchevêtrement indescriptible ». La grande voie de communication est interrompue sans qu’il y ait eu une seule victime.

 

4

Février 1942, le pont de bois provisoire photographié depuis la berge de Pont-de-l’Arche (du côté des Damps). On distingue la passerelle pour les piétons quelques mètres sous le tablier destiné aux véhicules.

 

Puis vinrent les libérateurs Canadiens, le 24 aout 1944… 

 

 

Patrick Stewart à Pont-de-l’Arche ! 

Patrick Stewart

Bien connu pour ses rôles dans Star Trek nouvelle génération ou encore X-men, Patrick Stewart est venu à Pont-de-l’Arche le 18 avril 2012.

En effet, dans le cadre de la préparation de la 9e saison de l’émission Who do you think you are ? (qui pensez-vous être ?), le célèbre acteur britannique est venu avec une équipe de la BBC retracer le parcours de son père, Alfred, qui servait dans l’armée britannique.

Aidé par l’historien Timothy Lynch, Patrick Stewart a suivi les pas de son père et de son bataillon, les Flowkoyl, depuis Abbeville à Igoville où il devait protéger la rive droite de la Seine jusqu’au pont ferroviaire du Manoir face aux panzers allemands.

L’équipe de la BBC a pris des images sur le rempart, derrière l’église, puis s’est rendue au cimetière de Saint-Etienne-du-Rouvray où reposent des compagnons d’armes d’Alfred Stewart. L’émission a été diffusée en octobre.  

 

Sources

- BLOSSET Maurice, MEO G., « Le pont de Pont-de-l’Arche », in Travaux, n° de novembre et décembre 1942 ;

- DESDOUITS Maurice, "Pont-de-l’Arche", pages 78 à 82, in Collectif, Héros et martyrs de la France au combat (1939-1944). À travers les départements meurtris : l’Eure, Paris : La France au combat, 1947, 210 pages ;

- LAUNAY Armand, « Les ponts de Pont-de-l’Arche depuis 862 à nos jours », in La Fouine magazine n° 14, septembre 2006, 24 pages, ISSN 1765-2278 ou http://pontdelarche.over-blog.com/article-les-14-ponts-qui-ont-fait-l-histoire-de-pont-de-l-arche-78659464.html ;

- ANONYME, Le combat de Pont-de-l'Arche, article de Wikipédia.  

 

 

Armand Launay

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16 novembre 2012 5 16 /11 /novembre /2012 22:07

Publié dans Pont-de-l'Arche magazine n° 17 en hommage à Simone Sauteur. 

 

Par ailleurs, Au coeur du Vièvre, mémoires de Simone Sauteur sur le maquis Surcouf

 

Simone-Sauteur.JPG

Simone Sauteur en 2009 (photo André Roques)

 

Simone Sauteur est née le 19 juin 1921 à La Vieille Lyre (Eure) et décédée le 26 mai 2012. Elle était amie de Robert Leblanc, futur chef du maquis Surcouf. Elle qui voulait s’engager dans la Résistance suivit les conseils de son ami et demanda une affectation à La Haye-de-Routot en tant qu’institutrice et, en ce temps, secrétaire de mairie. A 19 ans, elle qui venait de sortir de l’école normale d’instituteurs, avait pour mission de fabriquer de faux-papiers et d’envoyer des messages radiotélégraphiés pour renseigner le maquis.

Le réseau Surcouf fut fondé à Saint-Georges-du-Vièvre en 1942 par Robert Leblanc dit « Parrain » (1910-1956), épicier, le Père Meulant, curé, et Robert Sanson, charpentier. Ces hommes commencèrent par cacher des réfractaires au Service du travail obligatoire puis composèrent un maquis. Comme le disait Simone Sauteur : « A 19 ans, on voulait faucher les armes aux Allemands et qu’ils rentrent chez eux. C’était tout simple dans nos jeunes esprits ». À partir de septembre 1943, les résistants de Surcouf réalisèrent leurs premiers sabotages. Ce réseau prit de l’ampleur et devint le plus actif de la Normandie. Il œuvrait dans un triangle entre Pont-Audemer, Bernay et Rouen. Ils abattirent notamment Violette Morris, célèbre collaboratrice de la Gestapo. À l’été 1944, de 80 à 250 hommes composaient ce maquis qui déplora beaucoup de morts dans ses rangs. Surcouf forma le cœur du Premier bataillon de marche de Normandie, le 8 octobre 1944, pour combattre l’ennemi jusqu’au cœur du Reich. Dans un discours le 15 avril 1956, le général de Gaulle salua la mémoire du maquis Surcouf, « fer de lance de la Résistance normande ».

Simone Sauteur joua un rôle dans la fabrication de faux papiers, dans la transcription de textes des messages. Elle effectua de nombreuses liaisons (voir le témoignage ci-dessous) et risqua sa vie longtemps. Alertée par des Gendarmes de Rouen, elle dut notamment quitter La-Haye-de-Routot en 1944 suite à l’arrestation de trois résistants par des miliciens français. Elle se réfugia alors dans la région de Pont-Audemer, la région du maquis Surcouf. Elle servit de secrétaire à Robert Leblanc et parcourut des centaines de kilomètres à vélo en tant qu’agent de liaison. C’est ici qu’elle prit le pseudonyme de « Puce » afin de masquer son identité à l’occupant.

Le témoignage qui suit a été enregistré le 17 avril 2004 lors d’un entretien de Simone Sauteur avec Armand Launay à propos d’André Antoine (1920-1944), figure de la Résistance locale – et martyr – dont le nom a été donné à la rue de l’église en 1945.

 

« C’est le 10 janvier 1944, Parrain [1] m’envoie en mission de liaison à la gare de Rouen avec Robert Catalan [2]. Je dois réceptionner un coli des mains d’un monsieur, je n’imaginais alors pas que c’était André Antoine et je m’en moquais bien car l’anonymat le plus complet était la norme dans la Résistance. Toujours est-il que cet homme venait de Paris pour nous apporter quelque chose. Je me revois sur le quai de la gare, seule – Robert Catalan étant resté en retrait – m’avancer vers cet inconnu qui me remet, à l’arrière du train, un coli très lourd en me disant : « on vous expliquera comment s’en servir ». J’étais morte de trouille.

Puis nous nous sommes rendus avec Robert dans un bar, au boulevard des Belges, tenu par une dame qui était avec nous [3]. C’est là que Robert a déballé le pain de plastic, les fils... Il m’a montré comment on branchait tout cela afin que je l’explique à mon tour aux gars de Pont-Audemer.

Mais il fallait encore je rentre à Pont-Audemer en car. En ce temps, c’était les Allemands qui montaient les premiers dans les cars. Quand je monte dans le car avec mon imposant coli, un soldat allemand me fait signe de m’aider à le mettre dans les porte-bagages. Alors je lui fais signe, plutôt, de m’ouvrir un strapontin. On a fait toute la route côte à côte et je me suis préparée pour sortir très rapidement du car une fois arrivée à Pont-Audemer. De là, j’ai récupéré mon vélo, mis le coli sur le porte-bagages et j’ai rejoint le maquis à Saint-Etienne-l’Allier. »

 

Ce témoignage n’étonnera pas ceux qui ont connu Simone Sauteur, son énergie, sa rigueur et sa haute opinion de la France. Il pourra étonner ceux qui ont retenu de Simone sa douceur et sa générosité. Cependant, malgré les atrocités qu’elle a connues, elle n’a jamais eu de haine pour l’ancien ennemi. Profondément catholique, elle aimait son prochain. De cet amour, il nous reste ses écrits et le souvenir de la silhouette menue de Simone, au bout de l’impasse des Avettes où s’épanouissaient les chats et les fleurs qui comptaient tant pour elle et ceux qui l’aiment... 

 

Réalisé avec l’aide de Pierre Lercier, maire de La Haye-de-Routot,

qui fut élève de Simone Sauteur.

 

Notes

[1] Pseudonyme de Robert Leblanc, chef du réseau Surcouf.

[2] Résistant envoyé par Londres.

[3] Dans la Résistance. 

 

A lire aussi... 

Charles Cacheleux

André Goharel

En ma douce Eure, ouvrage édité par Simone Sauteur en 1983. Il y est question de résistance dans le Vièvre, de Robert Leblanc et de Madame De-Lattre-de-Tassigny. Document numérisé par Alain Corblin.
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Armand Launay

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6 juillet 2011 3 06 /07 /juillet /2011 18:04
On connait tous dans la région, les lithographies, les peintures qui nous montrent le vieux pont aux moulins de l'Ancien Régime.
Ce pont est tombé en 1856. Il n'est pas tombé tout seul puisque les ponts et chaussées le réaménageaient afin de faciliter la circulation fluviale.
En 1857 un nouveau pont fut construit, uniquement en pierres. Il fut réaménagé dans les années 1930 afin, encore une fois, de l'adapter à la navigation fluviale qui allait croissant. Ainsi il ne resta plus que deux arches au-dessus de la Seine.
Cependant ce pont fut dynamité en juin 1940 par les armées française et britannique afin de retarder l'avancée des panzers de Rommel.
Une fois installées, les autorités nazies firent reconstruire un pont de bois par une entreprise française juste à côté de l'ancien pont dont on peut encore voir des vestiges de piles dans le court métrage accessible dans Daily motion (voir ci-dessous).

 

Armand Launay

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28 juin 2011 2 28 /06 /juin /2011 19:02

Contexte : le combat de Pont-de-l'Arche

 

Extrait du Journal de Rouen du 14 juillet 1940.

 igoville 13

La route d'Igoville en venant de Pont-de-l'Arche.

 

"EURE. Ce qui s’est passé à Igoville.

Nous avons reçu d’une jeune rouennaise qui, je l’espère, voudra bien me donner son nom – je lui promets la discrétion la plus absolue – cette lettre, qui est un vivant reportage de ce qu’elle a su voir. Nous ne changeons rien à ces pages qui révèlent un talent charmant et un don d’observation très rare. Elles renseigneront nos lecteurs qui connaissent ce coin ravissant de notre région. Ces notes précieuses serviront à notre petite histoire. Que notre aimable correspondante daigne trouver ici l'expression de nos remerciements. RD. »

« Vous demandiez, dans le Journal de Rouen du 4 juillet, que des personnes qui avaient vécu des heures tragiques durant la quinzaine si historique, veuillent bien vous les relater. Il me semble que celles vécues par ma famille et moi-même, valent la peine d’être contées.

Le samedi 8 juin, après une dernière journée de travail, je rentrais chez mes parents. L’atmosphère de la ville était fiévreuse ; dans toutes les grandes artères de Rouen circulaient des voitures chargées tant de personnes que de bagages... Je ne voyais passer que des automobiles dont le toit était recouvert d'un matelas. À l’arrière était accrochée la plupart du temps une bicyclette ; des gens à l’air affairé discutaient dans les rues.

Enfin, après bien des hésitations, nous décidions, mes parents, ma sœur, des amis et moi, de passer les ponts et d’aller coucher sur la rive gauche : nous devions partir en automobile et mon père devait nous suivre en moto.

Il était 21 h 10 et nous fûmes arrêtés au pont. Bloqués parmi toutes ces voitures, nous perdîmes mon père. Après un long moment d’arrêt, on nous fit obliquer vers la gauche, pour nous diriger ensuite sur Pont-de-l’Arche.

Un espoir venait de naître : passer le pont à Pont-de-l’Arche ou plus loin, et c’est ainsi que nous suivîmes la file des voitures. Tout alla très bien jusqu’à un petit chemin perpendiculaire à la route nationale, peu avant d’arriver à la côte de Port-Saint-Ouen.

Là, nous fûmes arrêtés – notre voiture se trouvait la première – par un motocycliste militaire ; puis venaient des chenillettes, des tanks, etc... Notre file de voitures se trouvait mélangée aux convois militaires. C’est pourquoi nous entendîmes bientôt la mitrailleuse en action, et c’est seulement à la lueur de celle-ci que nous pûmes nous rendre compte que nous nous trouvions en présence d'une colonne motorisée allemande.

Une fois cette colonne passée, nous continuâmes notre route sans nous douter que la forte émotion que nous venions de ressentir serait suivie de beaucoup d’autres encore.

Et c’est ainsi que nous arrivâmes à Igoville, juste à l’endroit où la route fait un grand tournant, avant d’arriver à la station-essence.

Impossible d’aller plus loin, on ne passait plus le pont de Pont-de-l’Arche, interdit par les Anglais et il y avait plus d’un millier de voitures devant nous jusqu’au pont. Nous passâmes donc toute la nuit sur la route.

Nous fûmes recueillis par une brave femme de 80 ans qui voulut bien nous permettre de nous réfugier dans sa cave avec le plus gros morceau de nos colis. Nous devions hélas ! abandonner le reste. Mais la bataille n’était pas terminée ! C’est sous le sifflement des obus que nous entrâmes chez cette bonne Mme M... Déjà, la maison du débitant et celle de son voisin étaient en partie éventrées.

Durant l’accalmie qui suivit cette première bataille, nous pûmes nous rendre compte des dégâts du vieux petit village : des vitres, des briques, des ardoises jonchaient le sol. Quelques morts étaient étendus aux abords du carrefour. Durant la nuit suivante et les 3 autres jours que nous restâmes à Igoville, la maison du brave curé fut traversée par un obus. Mais Dieu merci, l’église qui se dressait à côté fut épargnée et elle se dresse encore toute droite, semblant jeter toute sa protection sur ses fidèles paroissiens.

Dans la maison de cette chère Mme M..., nous eûmes des émotions violentes. En une seule nuit, nous fûmes entourés de quatre obus, dont un 75 qui tomba à 4 mètres de la porte de la cave où nous couchions et un 155 à une dizaine de mètres. Les deux autres allèrent éclater derrière nous, un peu plus loin. La maison était dans un triste état : plus de carreaux aux fenêtres, les ronds du foyer de la cuisinière se promenaient au milieu de la salle, les cadres étaient décrochés des murs, la suspension avait été projetée de l’autre côté de la pièce... et quand, au matin, nous fîmes un tour dans le village, nous pûmes nous rendre compte que plusieurs autres maisons avaient été touchées, des vaches avaient été tuées dans les marais, la maison du débitant, si fortement endommagée le dimanche, avait reçu un obus qui était passé par le premier étage et avait fait une brèche énorme. Par un miracle, nous étions tous vivants et le vendredi matin, nous reprenions à pied le chemin de Rouen.

Nous passâmes par Saint-Aubin-Celloville et nous nous arrêtâmes chez de braves gens près de la maison desquels un obus avait éclaté : deux soldats allemands étaient enterrés dans leur jardin, à l’endroit même où ils avaient été tués. Dans toutes les petites communes que nous traversâmes, il y avait quelques dégâts, mais peu importants.

Puis ce fut le passage à Boos. Que de maisons abîmées, éventrées... Enfin, après Mesnil-Esnard et Bonsecours, nous arrivâmes aux abords de Rouen : dans le bas de la côte gisaient les pierres qui formaient auparavant de solides constructions ; un peu plus loin, à notre gauche, le Pont aux Anglais était très mutilé ; les Français avaient dû le faire sauter... Puis nous aperçûmes la cathédrale de Rouen, notre si chère cathédrale de Rouen, dressant fièrement sa belle et superbe flèche. Mais autour d’elle, que de ruines... Quoi, c’était tout ce qui restait de notre cher vieux Rouen, si pittoresque pour les visiteurs, toutes ces ruelles étroites et qui faisaient tout le charme du vieux quartier, gisaient au milieu de ces pierres, de tous ces amoncellements de plâtras encore fumants.

Le quai de Paris, la " Petite Provence ", lieu tant aimé des rouennais en été, semblaient tristes, perdus dans ces ruines... Adieu beaux magasins que nous aimions tant regarder le dimanche, lorsque nous flânions en attendant l’heure de l’apéritif et du concert au Café Victor... Adieu joli théâtre où cet hiver encore vous receviez tant de spectateurs pour écouter Carmen, Faust, Manon et autres opéras célèbres. 

Nous nous retrouvions dans une pauvre ville mutilée, mais toujours fière et digne ! Où était-il notre Pont Transbordeur dont un seul pylône se dresse maintenant au bord de la Seine et dont on s’explique mal la destruction ?... Mais nous étions tout de même de retour chez nous. Que d’heures tragiques nous avions vécues et quelle anxiété nous empoignait lorsque nous nous demandions où pouvait être mon père !

Maintenant, tous ces vilains moments sont passés. Nous sommes de nouveau tous réunis mais pendant bien longtemps encore nous ne pourrons penser, sans un serrement de cœur, à toutes ces émotions vécues et à cette vision de Rouen dont tout un quartier était encore fumant après une semaine.

DL. Une jeune rouennaise de 23 ans.  

 

Note de la rédaction : on dit que M. le curé d’Igoville, auquel notre correspondante rend un juste hommage, possède une liste de victimes civiles dont plusieurs sont de la région. Nous serions heureux qu’il voulût bien nous la communiquer et nous l’en remercions vivement à l’avance. "

 

 

Armand Launay

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Mes activités

Armand Launay. Né à Pont-de-l'Arche en 1980, j'ai étudié l'histoire et la sociologie à l'université du Havre (Licence) avant d'obtenir un DUT information-communication qui m'a permis de devenir agent des bibliothèques. J'ai acquis, depuis, un Master des Métiers de l'éducation et de la formation, mention Lettres modernes. Depuis 2002, je mets en valeur le patrimoine et l'histoire de Pont-de-l'Arche à travers :

- des visites commentées de la ville depuis 2004 ;

- des publications, dont fait partie ce blog :

Bibliographie

- 20 numéros de La Fouine magazine (2003-2007) et des articles dans la presse régionale normande : "Conviviale et médiévale, Pont-de-l'Arche vous accueille", Patrimoine normand n° 75 ; "Pont-de-l'Arche, berceau de l'infanterie française ?", Patrimoine normand n° 76 ; "Bonport : l'ancienne abbaye dévoile son histoire", Patrimoine normand n° 79 ; "Chaussures Marco : deux siècles de savoir-plaire normand !", Pays de Normandie n° 75.

- L'Histoire des Damps et des prémices de Pont-de-l'Arche (éditions Charles-Corlet, 2007, 240 pages) ;

- Pont-de-l'Arche (éditions Alan-Sutton, collection "Mémoire en images", 2008, 117 pages) ;

- De 2008 à 2014, j'ai été conseiller municipal délégué à la communication et rédacteur en chef de "Pont-de-l'Arche magazine" ;

- Pont-de-l'Arche, cité de la chaussure : étude sur un patrimoine industriel normand depuis le XVIIIe siècle (mairie de Pont-de-l'Arche, 2009, 52 pages) ;

- Pont-de-l'Arche, un joyau médiéval au cœur de la Normandie : guide touristique et patrimonial (mairie de Pont-de-l'Arche, 2010, 40 pages) ;

- Pont-de-l'Arche 1911 I 2011 : l'évolution urbaine en 62 photographies (mairie de Pont-de-l'Arche, 2010, 32 pages) ;

- Mieux connaitre Pont-de-l'Arche à travers 150 noms de rues et de lieux ! (Autoédité, 2019, 64 pages) ; 

- Déconfiner le regard sur Pont-de-l'Arche et ses alentours (Autoédité avec Frédéric Ménissier, 2021, 64 pages) ;

- Les Trésors de Terres-de-Bord : promenade à Tostes, ses hameaux, Écrosville, La Vallée et Montaure (publié en ligne, 2022) ;

- Les Trésors de Terres-de-Bord : promenade à Tostes, ses hameaux, Écrosville, La Vallée et Montaure (version mise en page du précédent ouvrage, édité par la mairie de Terres-de-Bord, 2023).

Depuis 2014, je suis enseignant à Mayotte.

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