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9 octobre 2020 5 09 /10 /octobre /2020 10:14
Carte postale issue des fonds des Archives départementales de l'Eure.

Carte postale issue des fonds des Archives départementales de l'Eure.

 

Village-rue du bord de Seine, Criquebeuf semble désigner tout d’abord le centre-village, sa mairie et son église Notre-Dame, que nous avons étudiée dans un précédent article. C’est ici que la sociabilité paroissiale et communale se sont constituées grâce aux écoles et aux commerces qui perdurent. 

Mais Criquebeuf désigne, à l’origine, un chapelet de hameaux et son centre-bourg. Le premier des hameaux, à l’est, est La plaine de Bonport, anciennement Saint-Martin-de-Maresdans, puis Gaubourg, Criquebeuf et Quatre-âge. Ces hameaux, groupes de fermes familiales, ont été réunis au fil des décennies par l’urbanisme galopant et grignotant les maraichages. Il convient de parcourir ces hameaux à pied afin de les sentir pleinement. Ils présentent une harmonie commune : celles de petites maisons en moellon calcaire de pays, toutes reliées à la Seine grâce des venelles parallèles. Les surprises sont au rendez-vous : la maison Riquier, ancien siège de la vicomté de l’eau présente une magnifique galerie à pans de bois à son second étage. Ce bâtiment du XVIe siècle a été classé Monument historique en 1932. Ces activités fluviales se lisaient encore dans les cartes postales du début du XXe siècle où l’on voit un gué et un bac nécessaires à la traversée du fleuve et à l‘exploitation des iles. Face à l’église, retrouvez quelques pierres, sculptées de lettres gothiques ou d’un feuillage, issues de l’ancienne abbaye de Bonport tout comme les stalles du chœur de Notre-Dame.

C’est sûrement un des grands attraits de cette charmante commune que de conserver ses airs ruraux, voire naturels, au milieu des villes et des routes très fréquentées.  

 

Cartes postales issues des fonds des Archives départementales de l'Eure.
Cartes postales issues des fonds des Archives départementales de l'Eure. Cartes postales issues des fonds des Archives départementales de l'Eure.
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Armand Launay

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18 septembre 2017 1 18 /09 /septembre /2017 18:09
Par la géographie ou par l'histoire, quel plaisir de se balader en beaux lieux ! Ici derrière la Plaine-de-Bonport, le long de l'Eure (cliché Armand Launay, avril 2011).

Par la géographie ou par l'histoire, quel plaisir de se balader en beaux lieux ! Ici derrière la Plaine-de-Bonport, le long de l'Eure (cliché Armand Launay, avril 2011).

 

Les on-dits sont nombreux en ce joli coin de Normandie : “l’abbaye de Bonport fut construite à Saint-Martin de Maresdans”, “près d’un ancien temple gallo-romain”. “Une chapelle existait toujours il y a 200 ans sur les hauteurs de Criquebeuf”, “le Val-Richard tient son nom de “Richard Cœur de Lion”... Autant d’informations romantiques qui nous plongent dans les belles brumes, comme celles d’automne sur la Seine. Nous proposons ici un article sans autre problématique que de nous éclairer sur la localisation de lieux-dits et, surtout, de hameaux, c’est-à-dire des espaces habités entre Criquebeuf-sur-Seine et Pont-de-l’Arche. Nous y apportons quelques connaissances glanées de-ci de-là, qu’elles soient sourcées, orales ou issues de découvertes archéologiques officieuses.   

 

Présentation de la zone étudiée

À la recherche de Saint-Martin de Maresdans (ou Maresdamps, entre Criquebeuf-sur-Seine et Pont-de-l’Arche)

 

Cette capture d’écran a été faite durant la consultation de Google maps le 2 septembre 2017. À droite, se voient les bâtiments agricoles de l’ancienne abbaye de Bonport (commune de Pont-de-l’Arche). Au centre se trouve le hameau de la Plaine-de-Bonport (“casse automobile”, commune de Criquebeuf-sur-Seine). Au sud-ouest de ce hameau, on reconnait la zone d’activité du Val-Richard. Coupant notre zone en deux depuis le nord vers le sud, se trouve l’Autoroute de Normandie (A13). D’Est en ouest se trouve la route départementale d’Elbeuf à Pont-de-l’Arche (D321) puis le récent contournement de cette dernière agglomération. Un délaissé de la route départementale borde au sud la Plaine-de-Bonport. À l’Est s’étale Criquebeuf-sur-Seine au sud du cours de l’Eure. Au sud-Est se voit la zone d’activité du Bosc-hêtrel, au nord du chemin du Becquet. La forêt de Bord, ce qu’il en reste malgré les coupes et la tempête de 1999, apparait au centre et au sud de cette vue. 

 

Distinguer Le Catelier, Gaubourg et Saint-Martin de Maresdans

Dans un précédent article dévolu au paganisme antique, nous avions cité Victor Quesné et Léon de Vesly qui semblent apporter un précieux témoignage. Ces archéologues locaux ont procédé aux fouilles d’un fanum, un temple païen rural, situé sur le territoire de l’actuelle commune de Criquebeuf. Dans un rapport édité en 1898 (1), ils avancèrent que ce fanum devait faire partie d’un village gallo-romain situé au “Catelier”, à Criquebeuf (page 304). Nos auteurs observaient qu’il existait une ferme appelée Gaubourg, vingt ans auparavant. Ils en tiraient la conclusion que le Catelier avait été appelé Gaubourg « par les envahisseurs du Ve siècle, qui paraissent avoir abandonné la hauteur pour s'établir sur les bords de la Seine en un lieu appelé Maresdans. Il ne reste aujourd'hui de cette station célèbre mentionnée par Guillaume de Jumièges, qu'un tertre couvert de bois : la chapelle, dans laquelle ont été baptisés quelques vieux villageois a disparu et l'image de saint Martin, patron de cette paroisse, a été remplacée dans l'église de Criquebeuf où nous l'avions souvent contemplée. — Quelques pierres et des traces de mortiers qui roulent à la surface des champs, voilà tout ce qui reste de Saint-Martin-de-Maresdans ! »

Les auteurs, malgré leur mérite, semblent confondre les lieux-dits. Le Catelier est un lieu-dit de Criquebeuf mais limitrophe de Martot, au sud de Quatre-âges. Quant à Gaubourg, on retrouve ce nom dans le plan cadastral de Criquebeuf, mais bien loin du Catelier. C’est ce que montre le document, ci-dessous, extrait du plan cadastral de Criquebeuf datant de 1834.

À la recherche de Saint-Martin de Maresdans (ou Maresdamps, entre Criquebeuf-sur-Seine et Pont-de-l’Arche)

 

Sur cette capture d’écran (archives.eure.fr) du plan cadastral de Criquebeuf-sur-Seine (1834, section C, feuille 1), on localise précisément Gaubourg et le fond de Gaubourg (Est). Gaubourg était situé à l’Est du “Boshêtrel”, au nord de la route du “Becquet à Pont-de-l’Arche”, tronçon aujourd’hui coupé, voire disparu. Nous sommes ici au nord de la route forestière de Cobourg [sic]. Le chemin du Boshêtrel est aujourd’hui la route qui traverse la zone d’activité du Bosc-hêtrel. Elle reconnaissable à son coude et son virage, au nord, la rapprochant du rondpoint de la RD321.  

On est bien loin de la limite avec Martot. C’est ce que montre aussi la carte de Cassini ci-dessous.

À la recherche de Saint-Martin de Maresdans (ou Maresdamps, entre Criquebeuf-sur-Seine et Pont-de-l’Arche)

 

Cette capture d’écran (du site geoportail.gouv.fr) montre un détail de la numérisation de la carte de Cassini en couleur (feuilles gravées et aquarellées), issue de l’exemplaire dit de « Marie-Antoinette » du XVIIIe siècle.

À l’ouest de Bonport se lit, sur la forêt, “Saint-Martin” sous un clocher qui symbolise un hameau. Plus à l’ouest, vers Criquebeuf, se lit le nom de hameau de Gaubourg qui semble correspondre à l’entrée actuelle de la commune de Criquebeuf en venant de Pont-de-l’Arche (les rues de Rougemont et du Val-Richard). C’est ce que dément le plan cadastral ci-dessus. Quoi qu’il en soit, Gaubourg se distingue bien à la fois du Catelier et de Saint-Martin de Maresdans. Gaubourg semble n’avoir survécu que dans le nom de la route forestière de Cobourg. L’ancienne maison forestière des Brulins qui tombe en ruine depuis quelques décennies a été la dernière habitation de cet espace.   

Alors, quid de la fiabilité du témoignage de Victor Quesné et Léon de Vesly ? Ils semblent commettre une confusion de taille : croire que les habitants ont abandonné le Catelier pour construire Gaubourg et que Gaubourg se confond avec Saint-Martin. Ils semblent penser les lieux-dits à l’image du village-rue de Criquebeuf et non comme des hameaux, des groupes de fermes, bien distincts.

Pourtant la carte de Cassini mentionne bien un hameau Saint-Martin entre Gaubourg et Bonport. Nous avons cherché, dans le plan cadastral de 1834, la chapelle Saint-Martin où, selon nos auteurs, certains anciens de Criquebeuf avaient été baptisés. Notre recherche est demeurée vaine. Aucun lieu ne porte le nom de Saint-Martin dans ce plan cadastral.

Il faut donc partir d’autres éléments connus. C’est le cartulaire de Bonport, l’ensemble des chartes possédées par les moines, qui nous fournit des indices sur Saint-Martin (2).  

 

 

À la recherche de Saint-Martin de Maresdans (ou Maresdamps, entre Criquebeuf-sur-Seine et Pont-de-l’Arche)

Vue sur les bâtiments agricoles dans l'enceinte de l'ancienne abbaye de Bonport (cliché Armand Launay, avril 2011). Outre le colombier, à droite, qui sait si la grange médiévale à gauche n'est pas celle citée dans la charte d'Innocent III ? Voir plus bas.

 

Saint-Martin dans l’orbite des moines

La charte de fondation de l’abbaye de Bonport, signée le 22 juin 1190 à Chinon par Richard 1er, cite un lieu, en forêt de Bord, que l’on appelait d’abord Maresdans et où sera bâtie l’abbaye Notre-Dame de Bonport (... dedisse et concessisse et presenti carta confirmasse, in puram et perpetuam elemosinam, Deo et ecclesie Beate Marie de BonoPortu, que in foresta nostra de Borz sita est et fundata, in loco qui prius dicebatur Maresdans).

La charte de confirmation signée par le même roi le 28 février 1198 répète ce nom (in loco scilicet qui prius dicebatur Maresdans) et cite un lieu contigu appelé la haie de Maresdans entre le chemin et la forêt (et totam haiam de Maresdans, sicut chiminus dividit eamdem haiam a foresta).

Le 31 juillet 1205, une charte fut signée par les religieux du prieuré des Deux-Amants afin de céder à leurs frères de la jeune abbaye de Bonport la chapelle de Saint-Martin de Maresdans, avec toutes ses appartenances et dépendances entre Pont-de-l’Arche et Criquebeuf (concessimus in puram et perpetuam elemosinam Deo et ecclesie Beate Marie de Bono-Portu, et in manu domini Petri, tune abbatis ipsius loci, resignavimus capellam Sancti-Martini de Maresdans, cum omnibus pertinentiis suis et quicquid juris habebamus a Ponte-Arche usque ad ecclesiam de Crikeboe, in terris, in bosco, in aqua, sive quibuscumque aliis rebus).

Enfin, le pape Innocent III confirma, dans une charte de 1216, toutes les libertés, immunités et exemptions déjà accordées aux moines de Bonport, dont une grange à Maresdans (grangiam de Maresdans).

Que retenir de tout cela ? Il existait un espace qui était appelé Maresdans. L’ancien nom des Damps (Hasdans) est nettement lisible. Hasdans signifiait le domaine de Husido comme dans les toponymes suivants : Houdan, Hodeng et “aux Damps” comme le faisait la tradition orale). Maresdans pourrait se lire en ancien français “mare ès Damps”, c’est-à-dire la mare des Damps. La mare est un mot d’origine norroise attesté en 1175 (Wiktionnaire). La référence aux Damps montre que ce lieu était connu et, surement, exploité avant l’émergence du bourg de Pont-de-l’Arche (Xe siècle).

Puis, par souci de précision semble-t-il, un espace plus large est désigné par “haie de Maresdans”. La haie désigne un espace cultivé (terris) entouré d’arbres comme les clos-masures du pays de Caux, et entouré de bois (bosco). Cette haie allait jusqu’à un chemin ; peut-être le chemin du Becquet reliant Pont-de-l’Arche à Caudebec-lès-Elbeuf. Il doit s’agir de l’espace appelé les Pâtures (commune de Criquebeuf) ainsi que les bois alentours. Un toponyme “haie de Bonport” existe toujours en forêt de Bord (voir plus bas, la carte IGN) mais sans qu’il soit possible de retrouver la délimitation précise d’une propriété. De fonction agricole, cette haie de Maresdans possédait une grange, au moins en 1216.

Une autre propriété, ecclésiastique, consistait en une chapelle dédiée à saint Martin. Saint Martin est un vocable ancien, c’est-à-dire un saint que l’on vénérait dès les premiers siècles du christianisme en Gaule à la suite de Martin de Tours. Cette chapelle n’était donc pas une église, donc pas le siège d’une paroisse. Elle était la propriété des moines du prieuré des Deux-amants. À quelle population se destinait-elle ? Les moines, les convers, une famille de fermiers, des journaliers, quelques personnes du voisinage et des passants ?

Quoi qu’il en soit, il semble que les moines de Bonport étaient à l’étroit et posaient problème aux moines des Deux-amants. C’est ce qui expliquerait la précision de leurs droits sur toute la haie de Maresdans en 1198 et, en 1205, la cession soudaine de leurs droits de Saint-Martin à Pont-de-l’Arche, tant sur l’eau, la terre que les bois, ce qui semble se mêler avec l’emplacement de Bonport. Enfin, la précision de l’existence de la chapelle Saint-Martin est certainement un argument des moines des Deux-amants rappelant la légitimité et la légalité de leur droit en ce lieu. En l’absence de chartes supplémentaires, nous ne pouvons que conjecturer et imaginer que les moines des Deux-amants ont été dédommagés par Jean-sans-terre en quelque autre endroit.

Toujours est-il qu’il existait une chapelle Saint-Martin que l’on retrouve dans les mémoires des hommes du XIXe siècle. La retrouve-t-on dans les documents d’époque ?

 

La plaine de Bonport

À la recherche de Saint-Martin de Maresdans (ou Maresdamps, entre Criquebeuf-sur-Seine et Pont-de-l’Arche)

Le plan cadastral de 1834 (section B, troisième feuille) montre deux lieux-dits : “la plaine du bout de la ville” et, par différence, “la plaine de Bonport”. La plaine désigne un espace plane et non bocager, signe qu’il y a longtemps que l’on cultive ce sol, sans aucun élevage. On ne retrouve ici aucune habitation, aucun vestige. Le hameau de la Plaine-de-Bonport est donc assez récent qui a pris le nom de ce lieu-dit.

Quid de la localisation de Saint-Martin ? Était-ce un espace plus au sud, recouvert depuis par la forêt et malheureusement vierge dans les plans cadastraux de Criquebeuf et Pont-de-l’Arche ? L’ensemble des vestiges avait-il déjà disparu quand Victor Quesné et Léon de Vesly écrivirent, en 1898, que des anciens criquebeuviens y avaient été baptisés ?


La dernière piste que  nous exploitons est celle de l'hydrologie. Où une petite population pouvait-elle s’établir durablement si ce n’est auprès d’une source d’eau ? Or, il existe un espace appelé le “val Richard” entre Criquebeuf et la Plaine-de-Bonport. Replongeons dans le passé. Il faut imaginer des rus, des rivières éparses, des puits peu profonds, des nappes phréatiques non encore captées par l’adduction d’eau vers les villes comme depuis le 20e siècle.

À la recherche de Saint-Martin de Maresdans (ou Maresdamps, entre Criquebeuf-sur-Seine et Pont-de-l’Arche)

 

Quand on consulte les cartes IGN classiques (site de geoportail.gouv.fr), au 1:17000e on peut observer les courbes de niveau comme sur la capture d’écran (ci-dessus). Les courbes de niveau montrent distinctement que le val de Bonport, désigné “val à loup”, est la partie basse du vallon des Carrières en haut duquel se trouve le hêtre Tabouel. Ce vallon sec est encore riche en eaux souterraines comme le démontre la présence d’une station de pompage au sud des nouveaux quartiers de Pont-de-l’Arche. Il y a fort à parier que les eaux ‒ souterraines ou non ‒ ont permis la création de l’abbaye de Bonport en son temps.  

Or, le val Richard est aussi visible, notamment grâce aux bâtiments en gris de la zone d’activité à l’Est de l’autoroute. Deux vallons se rejoignent en cet endroit et nous pensons que de petits cours d’eau l’alimentaient à une date de nous inconnue. Ce val Richard se trouve entre Bonport et Gaubourg et correspond au Saint-Martin de la carte de Cassini. Son nom ne semble pas être une référence à Richard Cœur de Lion mais à un propriétaire dénommé Richard. Une charte, commentée par Louis-Étienne Charpillon et Anatole Caresme, irait en ce sens : “Gautier, châtelain du Pont-de-l’Arche, vendit, vers 1230, 3 vergées ¾ à prendre dans la forêt de Bord, à Raoul de Criquebeuf et Richard du Val, pour 12 s. 9 d. de rente, il mesura lui-même et fit si bonne mesure, que les acquéreurs lui donnèrent 30 s de pot-de-vin.” Un Richard, habitant ce vallon à l’orée de la forêt, serait un potentiel acquéreur de terres en forêt.

 

Par conséquent, le hameau de Saint-Martin devait se trouver dans le “vallon de Richard” où les conditions de vie étaient plus aisées grâce à l’eau mais aussi grâce à la communication entre les eaux de Seine et la forêt. Notons que cet emplacement situait Saint-Martin au nord du chemin du Becquet, comme Gaubourg et Le Catelier. La chapelle devait se trouver vers le sud-Est de la zone d’activité, dans le creux du vallon, au milieu du bois qui s’avance vers la Plaine-de-Bonport (nombre “18” sur la carte). Un peu en hauteur, non loin de l’ancienne voie du Becquet entre Caudebec-lès-Elbeuf et Pont-de-l’Arche. Quant au vallon ouest, il semble être issu du chemin du Vallot, un toponyme limpide, descendant lui-même de la Cramponnière de Tostes. Ses eaux devaient arroser Gaubourg avant d’arroser Saint-Martin.

En contrebas du bois de Saint-Martin, devant la casse-automobile de Bonport, la prospection de métaux révèle des milliers de pièces de monnaies depuis les années 1990. Relevées et réparties par les labours chaque année, il s'agit essentiellement de monnaies romaines (Postume, vers 260), Constantin (vers 310) et Constant (vers 320).

L'observation de terrain révèle un très important nombre de restes de tuiles, dans le champ en vis-à-vis de la casse-automobile. De gros blocs calcaires encore un peu équarris couvrent, par endroits, des restes de tuiles. Quand le maïs est haut, on peut voir se former un rectangle fait de maïs poussant plus haut que les autres. Ce rectangle, en sus des découvertes décrites ci-dessus, semble indiquer la présence ancienne d'un bâtiment.

De plus, des restes de jarres et de poteries ont été retrouvées en ces lieux. Ce bas du vallon de Saint-Martin semble avoir été exploité durant la paix romaine, peut-être à la fois pour des raisons agricoles mais aussi commerciales en tant que petit port de Seine. En effet, la faible pente de ce vallon en fait un lieu idéal de chargement de troncs et de calcaires issus de carrières de la forêt de Bord. Ce lieu serait d'autant plus idéal qu'il se trouvait entre les deux anciennes iles de Launy et de Bonport, en face d'un bras donc donnant sur le cours principal de Seine.

L'existence de ce port est attestée au XVIIIe siècle. Nous en avons traité dans notre article sur la forêt de Bord (voir “Activités anciennes ‒ La coupe du bois”). Nous citons l’historien Jean Boissière, auteur d'un article intitulé « Les forêts de la vallée de la Seine entre Paris et Rouen d’après l’enquête de 1714 » (publié dans Les Annales du Mantois, 1979). Cet article se fonde sur le procès verbal d’Hector Bonnet chargé par l’hôtel de Ville de Paris de comprendre pourquoi le bois ne parvenait pas suffisamment dans une période de disette de combustible. Cet homme voyagea de Paris à Rouen du 27 septembre au 18 octobre 1714. Il résida à Pont-de-l'Arche du 10 au 15 octobre. Il cita les ports de Pont-de-l'Arche et de Bonport.

Enfin, dans le bois de Saint-Martin, la prospection de métaux n'a révélé que quelques monnaies romaines, une monnaie gauloise et un bloc de bronze, peut-être un déchet d'un travail de forge.

 

Conclusion

Comme nos recherches sur Tostes et Montaure l’ont montré, il faut s’imaginer un paysage antique et médiéval bien différent de celui que nous connaissons depuis deux siècles. Le pays était bien moins peuplé, mais l’habitat plus épars ; un habitat constitué de quelques fermes dans des haies, des essarts. Certains de ces hameaux se sont développés et sont devenus des villages, des villes. Beaucoup d’entre eux ont disparu avec l’exode rural. La nature a été domestiquée. Finis les rus, les bois qui séparaient beaucoup de hameaux, les fanums qui ont laissé place aux chapelles rurales. Le Catelier, Gaubourg et Saint-Martin sont trois hameau le long d’une ancienne voie : le chemin du Becquet reliant Pont-de-l’Arche à Caudebec-lès-Elbeuf. Ces hameaux étaient situés en bas de vallons : le val Asselin pour Le Catelier, le Vallot pour Gaubourg et Saint-Martin, le Val à loup pour Maresdans-Bonport. Saint-Martin n'a laissé que peu de traces mais semble avoir été un lieu propice à l'habitat, à l'exploitation des ressources locales et peut-être même à quelques activités portuaires et commerciales.





Orientations bibliographiques

(1) Victor Quesné et Léon de Vesly, « Nouvelles recherches sur Le Catelier de Criquebeuf-sur-Seine (Eure) », in Bulletin archéologique du Comité des travaux historiques et scientifiques, année 1898, Paris : imprimerie nationale, 1898). Voir aussi : Halbout-Bertin Dominique, Sennequier Geneviève, Delaporte Jacqueline. “Le Câtelier de Criquebeuf-sur-Seine. Notes archéologiques”, Annales de Normandie, 37ᵉ année, n° 1, 1987, p. 54-68 ;

(2) Andrieux Jules, Cartulaire de l'abbaye royale de Notre-Dame de Bon-Port de l'ordre de Cîteaux au diocèse d'Évreux, 1862, A. Hérissey.

 

Armand Launay

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Mes activités

Armand Launay. Né à Pont-de-l'Arche en 1980, j'ai étudié l'histoire et la sociologie à l'université du Havre (Licence) avant d'obtenir un DUT information-communication qui m'a permis de devenir agent des bibliothèques. J'ai acquis, depuis, un Master des Métiers de l'éducation et de la formation, mention Lettres modernes. Depuis 2002, je mets en valeur le patrimoine et l'histoire de Pont-de-l'Arche à travers :

- des visites commentées de la ville depuis 2004 ;

- des publications, dont fait partie ce blog :

Bibliographie

- 20 numéros de La Fouine magazine (2003-2007) et des articles dans la presse régionale normande : "Conviviale et médiévale, Pont-de-l'Arche vous accueille", Patrimoine normand n° 75 ; "Pont-de-l'Arche, berceau de l'infanterie française ?", Patrimoine normand n° 76 ; "Bonport : l'ancienne abbaye dévoile son histoire", Patrimoine normand n° 79 ; "Chaussures Marco : deux siècles de savoir-plaire normand !", Pays de Normandie n° 75.

- L'Histoire des Damps et des prémices de Pont-de-l'Arche (éditions Charles-Corlet, 2007, 240 pages) ;

- Pont-de-l'Arche (éditions Alan-Sutton, collection "Mémoire en images", 2008, 117 pages) ;

- De 2008 à 2014, j'ai été conseiller municipal délégué à la communication et rédacteur en chef de "Pont-de-l'Arche magazine" ;

- Pont-de-l'Arche, cité de la chaussure : étude sur un patrimoine industriel normand depuis le XVIIIe siècle (mairie de Pont-de-l'Arche, 2009, 52 pages) ;

- Pont-de-l'Arche, un joyau médiéval au cœur de la Normandie : guide touristique et patrimonial (mairie de Pont-de-l'Arche, 2010, 40 pages) ;

- Pont-de-l'Arche 1911 I 2011 : l'évolution urbaine en 62 photographies (mairie de Pont-de-l'Arche, 2010, 32 pages) ;

- Mieux connaitre Pont-de-l'Arche à travers 150 noms de rues et de lieux ! (Autoédité, 2019, 64 pages) ; 

- Déconfiner le regard sur Pont-de-l'Arche et ses alentours (Autoédité avec Frédéric Ménissier, 2021, 64 pages) ;

- Les Trésors de Terres-de-Bord : promenade à Tostes, ses hameaux, Écrosville, La Vallée et Montaure (publié en ligne, 2022) ;

- Les Trésors de Terres-de-Bord : promenade à Tostes, ses hameaux, Écrosville, La Vallée et Montaure (version mise en page du précédent ouvrage, édité par la mairie de Terres-de-Bord, 2023).

Depuis 2014, je suis enseignant à Mayotte.

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