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1 octobre 2021 5 01 /10 /octobre /2021 14:49
Toile de Charles-François Daubigny intitulée "Sur la rive de Seine à Portejoie" et datée de 1871 (collection de l'Art Institute de Chicago).

Toile de Charles-François Daubigny intitulée "Sur la rive de Seine à Portejoie" et datée de 1871 (collection de l'Art Institute de Chicago).

 

Portejoie et Tournedos ont fusionné le premier janvier 2018, date à laquelle est née la commune de Porte-de-Seine, 207 habitants en 2018 itou. Comme maints noms artificiellement forgés en vue de dénommer les communes nouvelles, ce toponyme peut sembler bien creux lui qui résulte d’un compromis entre Porte[-Joie] et [Tournedos-sur-]Seine. Or, le compromis semble s’être fait sur l’attachement à la forme des noms anciens plutôt qu’au sens qu’ils expriment. Pourtant, une lecture de la carte de Cassini, datant de la fin du XVIIIe siècle, peut donner sens à Porte-de-Seine. On peut voir, sur le détail que nous reproduisons, le bourg du Vaudreuil, composé de Notre-Dame et Saint-Cyr. Ainsi, Portejoie et Tournedos sont comme les portes de Seine du Vaudreuil avec quelques garennes les séparant de la ville. Depuis 1981 et la fondation officielle de Val-de-Reuil, les terres de Porte-de-Seine jouxtent celles de la ville nouvelle quand elles ne lui ont pas été annexées. Notre commune est comme un chapelet de fermes-hameaux construits le long de l’eau, sur une légère élévation les rendant insubmersibles. Ces fermes ont été assez largement remplacées par des résidences luxueuses depuis la fin du XIXe siècle, ce qui confère à nos villages un côté “beau quartier de Val-de-Reuil”. On peut aussi lire le nom de Porte-de-Seine comme l’entrée de la Seine dans cette boucle très spéciale où entre aussi l’Eure dans l’une des plus vastes plaines alluviales de la région. On peut enfin voir dans Porte-de-Seine la clé d’entrée dans la compréhension du peuplement de la boucle du Vaudreuil, ceci grâce aux nombreuses fouilles archéologiques de ces dernières décennies. 

Sur cet extrait de la carte de Cassini (de la fin du XVIIIe siècle) Tournedos et Portejoie apparaissent comme des portes d'entrée vers Le Vaudreuil et sa plaine.

Sur cet extrait de la carte de Cassini (de la fin du XVIIIe siècle) Tournedos et Portejoie apparaissent comme des portes d'entrée vers Le Vaudreuil et sa plaine.

 

Une rare concentration d’allées couvertes

Avec l’exploitation de vastes sablières alimentant le secteur de la construction, Porte-de-Seine a bénéficié, grâce à la législation et aux services de l’État, de maintes fouilles archéologiques. Les rapports de ces investigations sont une opportunité pour qui veut mieux connaitre la contrée. La lecture de ces documents, nombreux et techniques, peut cependant paraitre bien rude. Nous nous proposons ici d’en faire une vulgarisation. 

La meilleure entrée dans l’analyse de ces rapports est, à notre sens, l’article de Cyrille Billard, Philippe Chambon, Florence Carré et Florence Guillon, article intitulé “L'ensemble des sépultures collectives de Val-de-Reuil et Portejoie (Eure)”. Il fut publié dans le numéro 9 spécial de la Revue archéologique de Picardie [sic] en 1995 et aux pages 147 à 154. Les auteurs rapportent la découverte de cinq sépultures collectives dans la commune de Portejoie parmi lesquelles trois ont été dûment fouillées. Ils rappellent que la “plaine alluviale de la confluence Seine-Eure” est la zone haut-normande la plus riche en sépultures collectives avec un total de neuf sites situés aussi à Saint-Étienne-du-Vauvray, aux Vignettes de Léry et à Pinterville. Portejoie est donc le site le plus riche en sépultures collectives. Ce sont plus précisément des allées couvertes orientées, donc tournées vers l’est, recueillant plusieurs dizaines de dépouilles. Ces allées apparurent, selon la chronologie proposée par l’INRAP, vers 4500 avant notre ère. Leur usage se généralisa vers - 3500 et ce avant le retour des sépultures individuelles vers - 2300, ceci peu après l’expansion de la culture campaniforme. 

Afin de mieux figurer ce qu'est une allée couverte, voici une photographie de l'allée de Dampmesnil par Camille56 publiée dans Wikipédia.

Afin de mieux figurer ce qu'est une allée couverte, voici une photographie de l'allée de Dampmesnil par Camille56 publiée dans Wikipédia.

Les sites des allées couvertes de Portejoie répertoriés par l’équipe de Cyrille Billard

1. Le premier site est à Val-de-Reuil c’est-à-dire à Portejoie avant 1981. Il s’agit du lieu-dit  Beau-soleil où se trouvent la “Fosse XIV” et la “sépulture I” qui désignent des sépultures collectives fouillées par Guy Verron de 1966 à 1971. “Il s'agit de 2 allées sépulcrales de respectivement 10 m sur 2 et 15 m sur 3”. Des trous de poteaux laissent comprendre qu’un bâtiment en bois couvrait une allée qui n’était donc pas constituée de grosses pierres (les “mégalithes”). Des cimetières mérovingiens ont été identifiés sur les sites de ces deux allées. 

2. Sur le site des Varennes, à Val-de-Reuil, a été fouillée une allée sépulcrale non mégalithique en 1992. Une vingtaine de squelettes ont été identifiés ainsi qu’un toit à une pente qui couvrit sûrement l’allée. 

3. Sur le site rolivalois, adjectif de Val-de-Reuil, de Beau-soleil 3 a été soupçonnée une sépulture collective “lors de décapages mécaniques en 1990”. Une première campagne de fouilles fut entreprise en 1992 qui donna de petits blocs de pierre ainsi qu’une vingtaine de tombes mérovingiennes. 

4. Sur le site de la Butte-Saint-Cyr, désormais aussi à Val-de-Reuil, un monument a été mis au jour parmi l'emplacement médiéval de l’église Sainte-Cécile-de Portejoie. Cette construction mégalithique se trouvait à un mètre au nord de l’édifice chrétien. Long de 11 m sur 3 de large, les dépouilles néolithiques ont été bousculées par “des inhumations médiévales, dont certaines mérovingiennes”. Les archéologues soupçonnent qu’une “partie des blocs utilisés dans l'abside de l'église proviennent de l'allée couverte. Sans aucun doute, le sommet de certains d'entre eux étaient visibles au Moyen Age. Au total, une dizaine de mégalithes sont préservés.” 

 

Ce que l’on apprend 

Les archéologues ont mesuré que ces découvertes se situent “en bordure d'une vaste zone de paléochenaux ayant relié l'Eure à la Seine à hauteur de Portejoie, sur le rebord d'une basse terrasse sablo-graveleuse à une altitude d'environ 12 mètres.” Il est vrai que la lecture d’une carte topographique actuelle montre que l’Eure au Vaudreuil, formant l’ile L’Homme par ses deux bras, semble contrariée dans son écoulement et marque une forte courbe vers le nord. L’écoulement naturel se lit, par des altitudes plus basses, vers l’est, notamment par un champ dénommé Les Vallées. Le confluent de l’Eure et de la Seine se situait donc en ce lieu marécageux. Cyrille Billard a publié, dans un bel effort de vulgarisation scientifique, une carte de la plaine de Poses, sa géologie et les découvertes archéologiques. Elle fut publiée en 2006 dans le rapport de fouilles dénommé “Sur la mare”, à Poses. 

La répartition relativement homogène des allées couvertes démontre que cet éperon émergé, en face du confluent de l’Eure et de la Seine, était habité. Il était peut-être même plus habité que le reste de l’ile alluviale à laquelle il se rattachait. Des traces d’occupation humaine de l’âge du fer (à partir de - 800), de La Tène (c’est-à-dire les 500 dernières années avant notre ère) et de la Gaule-romaine ont été attestées. Mais c’est l’époque mérovingienne qui fournit le plus de vestiges d’occupation.    

Carte de la plaine du Vaudreuil produite par Cyrille Billard et publiée en 2006 dans un rapport de fouilles entreprises à Poses et intitulé "Sur la mare". Ce précieux document nous renseigne sur les paléochenaux et donc sur la localisation des habitats. Cette carte nous sert plusieurs fois de support à notre texte.

Carte de la plaine du Vaudreuil produite par Cyrille Billard et publiée en 2006 dans un rapport de fouilles entreprises à Poses et intitulé "Sur la mare". Ce précieux document nous renseigne sur les paléochenaux et donc sur la localisation des habitats. Cette carte nous sert plusieurs fois de support à notre texte.

Un important site mérovingien et médiéval

C’est ici un bel article de Florence Carré qui nous instruit. Très universitairement intitulé “Le site de Portejoie (Tournedos, Val-de-Reuil, Eure), VIIe-XIVe siècles : organisation de l'espace funéraire”, il fut publié en 1996, aux pages 153 à 162 d’un supplément à la Revue archéologique du centre de la France. Comme on le voit sur la carte de Cyrille Billard, citée ci-dessus, le village médiéval de Portejoie n’était pas à l’endroit où nous le connaissons de nos jours. Il était situé plus au nord sur une légère terrasse alluviale au nord d’un ancien chenal sûrement encore marécageux au début du Moyen Âge. Ce bras de l’Eure, vraisemblablement, séparait le Portejoie actuel du hameau de Beau-soleil près duquel ont été localisées les allées couvertes. Or, il semble qu’au VIIe siècle un habitat groupé émergea au nord de la Butte Saint-Cyr, ancêtre assurément du village de Portejoie. Cela témoigne peut-être d’une transition entre un habitat épars, fait de fermes-hameaux, à l’émergence de points centraux devenus par la suite des sièges paroissiaux. 

Bien loin d’abandonner ou de raser les lieux sacrés du Néolithique, les chrétiens mérovingiens utilisèrent trois nécropoles port-joyeuses : la Fosse XIV, Beau-soleil 3 et la Butte Saint-Cyr. Les deux premières furent délaissées au VIIIe siècle au profit du site de Saint-Cyr. Les archéologues, profitant du fait que le cimetière n’est plus utilisé, ont mis au jour 1665 inhumations autour du site néolithique. Les dernières remontent au premier tiers du XIVe siècle. Mais cela pose problème : pourquoi avoir privilégié un site unique pour les inhumations ? Est-on passé de petites nécropoles familiales liées à des fermes-hameaux à un cimetière collectif témoignant de l’émergence d’un village ? Les archéologues ont noté l’absence de sarcophages dans les petites nécropoles alors qu’ils en ont dénombré 50 à Saint-Cyr. Cela exprimerait une différence de statut entre les occupants des différents espaces. Le cimetière de Saint-Cyr témoignerait alors de l’émergence d’un fief majeur ? 

Carte géologique de la Butte-Saint-Cyr sur une capture d'écran réalisée à partir du site Géoportail. Nous utilisons la carte géologique car elle présente encore le sol tel qu'il fut avant l'ouverture de vastes sablières ayant défiguré le paysage local. Les isoplèthes d'altitude, les courbes de niveau, permettent de retracer le rivage d'une ile de Seine où a émergé la paroisse de Portejoie.

Carte géologique de la Butte-Saint-Cyr sur une capture d'écran réalisée à partir du site Géoportail. Nous utilisons la carte géologique car elle présente encore le sol tel qu'il fut avant l'ouverture de vastes sablières ayant défiguré le paysage local. Les isoplèthes d'altitude, les courbes de niveau, permettent de retracer le rivage d'une ile de Seine où a émergé la paroisse de Portejoie.

L’émergence d’un fief ecclésiastique ?

L’autrice, Florence Carré, a creusé la réflexion avec Marie-Pierre Ruas et Jean-Hervé Yvinec, dans un autre article publié en 2007 et intitulé “Le site rural de Portejoie (Tournedos / Val-de-Reuil, Eure, France) : des espaces particuliers au sein de l’habitat du haut Moyen Âge ?” À partir des restes animaux, les auteurs fondent l’hypothèse que le fief du cimetière était privilégié, notamment car on y trouve des restes de jeunes caprins. De plus, au VIIIe siècle émergea l’église Sainte-Cécile qui semble faire du cimetière ancestral un enclos paroissial. Florence Carré site un acte (annexe I) de 1006 qui fait état du fisc royal du Vaudreuil et qui mentionne cinq églises paroissiales dont Sainte-Cécile de Portejoie (Portus Gaudii). Ce nom est équivoque et peut signifier le port joyeux, dans le sens d’heureux, opportun (comme dans le proche Bon-Port) ou le port d’un seigneur appelé Joyeux comme dans les proches paroisses de Gouy et Jouy. Nous aurions affaire à un fief ecclésiastique qui expliquerait le contraste avec la modicité des habitations trouvées alentour, c’est-à-dire de nombreux fonds de cabanes. Autre singularité de ce fief : entre le VIIIe et le Xe siècles, “période où le village semble se déplacer hors de l’espace fouillé, l’installation de structures de combustion probablement liées au traitement des céréales distingue encore le secteur de l’église. Cette activité n’est représentée qu’à plus de 250 m de là, et véritablement développée à une distance de 400 m.” Peut-être avons-nous affaire au développement de la culture dans l’ancien bras de l’Eure. L’autrice principale note, de même, que “l’extension du cimetière à partir du XIe siècle se fait d’une part à l’ouest sur une frange de l’habitat qui n’est plus occupé…”

Dernier argument, les archéologues ont noté qu’une seule tombe fut disposée dans un axe nord-sud : il s’agit d’un sarcophage richement décoré. Est-ce pour lui que l’église Saint-Cécile fut bâtie en ce lieu ? Ou est-ce en raison de la proximité de l’allée couverte ? 

 

Déplacement de la rive et rôle de Port-Pinché

Florence Carré a noté un abandon relatif de la Butte Saint-Cyr à la fin du Xe siècle. Cela témoigne assurément de l'assèchement du marécage de l’ancien bras de l’Eure entre Le Vaudreuil et son port : celui de Portejoie. Le confluent entre l’Eure et la Seine s’est donc reporté un peu en aval, aux Damps, site que nous avons auparavant étudié. C’est surtout le trait de rive, déporté à l’est, qui a dû attirer les Port-Joyeux dans les hameaux de La Gribouille, Pampou, Port-Pinché et Portejoie. Un site étudié par Auguste Le Prévost dans le tome II de ses Mémoires et notes nous semble instructif à ce propos : Port-Pinché. Il a conservé la caractéristique d’être un port, comme Portejoie, et a fait l’objet de constructions régaliennes en 1198 grâce à Richard Cœur de Lion, duc de Normandie et roi d’Angleterre. En effet, dans le cadre de la défense de la Normandie contre les velléités du roi de France, Philippe II dit Auguste, Richard fit des réparations au bac (bacum) et au manoir du roi (domum regis) de Portum Gaudii (Portejoie). Plus encore, il fit bâtir une barbacane (bretescha) et un pont tournant sur le pont de Portejoie. Il semble que les fortifications aient été bâties dans une ile face à Port-Pinché et que le pont ait été bâti tout en bois. Au-delà de l’urgence défensive du moment, dont témoigne toujours le proche Château-Gaillard, cela révèle l’importance stratégique de ces lieux pour le souverain : le franchissement de la Seine par la voie reliant Louviers et Le Vaudreuil au Vexin en passant par Connelles et sa vallée montant à Daubeuf. Nous notons, au passage, qu’il existe un Mont-Joyeux dans cette commune qui, sans que nous ne sachions s’il y a un lien, rappelle le nom de Portejoie. Idem, la Butte-Saint-Cyr évoque l’une des deux paroisses du Vaudreuil : Saint-Cyr, à côté de Notre-Dame, comme pour en marquer l’autorité. Enfin, Auguste Le Prévost nous apprend aussi que la charte de 1006 (annexe I) consista en une dotation de Richard, duc de Normandie, en faveur de l’abbaye de Fécamp. Il attribua des droits sur la paroisse de Portejoie, preuve supplémentaire de son autorité directe sur ces lieux proches du Vaudreuil. 

 

De la Butte-Saint-Cyr à Portejoie

La Butte-Saint-Cyr fut peu à peu dépeuplée et son église Sainte-Cécile disparut dans le premier tiers du XIVe siècle. Seul le hameau de Beau-soleil a constitué et témoigné d’une habitation humaine pérenne en ce lieu désormais dans les terres. L’église Sainte-Cécile nous renseigne d’ailleurs sûrement sur l’étonnante église Saint-Quentin de Poses. Cette dernière est excentrée du village actuel et se trouve sur une bosse, petite terrasse alluviale de Seine. Il y a donc des chances que Poses fût un village ou un ensemble de hameaux proches de Saint-Quentin. La population a dû se déplacer en fonction de l’assèchement de la plaine et ce afin de rester à proximité des activités fluviales tout en cultivant des terres. Il faut croire aussi que le lit de la Seine s’est encaissé, rendant moins submersibles les nouveaux hameaux qui s’égrenaient sur le rebord de la rive gauche, si ce n'est pas sur des iles. Peut-être ont-elles même été un peu surélevées par la main de l’homme ?  

Il est d’ailleurs permis de penser que le nouveau Portejoie ait été peu à peu créé en raison du déplacement du franchissement de la Seine. Autrefois à Port-Pinché, il semble que la voie vers Herqueville ait été préférée à celle de Connelles, peut-être à cause de l’évolution du lit de la Seine. C’est elle qu’on retrouve sur la carte de Cassini à la fin du XVIIIe siècle où est symbolisé par des tirets le trajet du bac. 

Comparaison photographiques entre un document publié sur le site de la mairie de Portejoie avant les récentes restaurations et une carte postale illustrée des années 1910 conservée aux Archives de l'Eure sous la cote 8 Fi 471-2 et accessible en ligne.
Comparaison photographiques entre un document publié sur le site de la mairie de Portejoie avant les récentes restaurations et une carte postale illustrée des années 1910 conservée aux Archives de l'Eure sous la cote 8 Fi 471-2 et accessible en ligne.

Comparaison photographiques entre un document publié sur le site de la mairie de Portejoie avant les récentes restaurations et une carte postale illustrée des années 1910 conservée aux Archives de l'Eure sous la cote 8 Fi 471-2 et accessible en ligne.

L’émergence de Sainte-Colombe et le nouveau Portejoie

Quoi qu’il en soit, l’église Sainte-Colombe de Portejoie apparait dans les archives à la fin du XVe siècle d’après la fiche Mérimée du Ministère de la culture. Léon Coutil, à la page 115 de son article archéologique du Bulletin de la Société d'études diverses de Louviers de 1893, cita même la date de 1482 pour attester l'existence de Sainte-Colombe. Cela appelle à s’interroger sur le laps de temps entre la désaffection de Sainte-Cécile, au premier tiers du XIVe siècle, et l’émergence de Sainte-Colombe près de 150 ans plus tard. Il est probable qu’une église rurale précédât l’actuelle Sainte-Colombe avant qu’il fût décidé de reprendre le matériau de Sainte-Cécile dans une construction plus ambitieuse au XVe siècle. Sainte-Colombe dût devenir le siège de la paroisse, toujours placée sous le patronage de l’abbaye de Fécamp, dans le même temps où Sainte-Cécile fut abandonnée. Dans le cadre d’importantes restaurations qui viennent d’avoir lieu, le maire de Porte-de-Seine, Jean-Philippe Brun, a noté que “Il y aurait eu un beffroi originel, autour duquel l'église actuelle aurait été édifiée au XVIe siècle. Ce beffroi aurait pu être situé à l'extrémité d'une église plus ancienne et détruite. On relève dans la charpente des techniques d'assemblage médiévales, notamment ce qu'on appelle mi-bois.” 

L'église Sainte-Colombe de Portejoie, en 1901, huile sur toile de Gustave Loiseau (1865-1935).

L'église Sainte-Colombe de Portejoie, en 1901, huile sur toile de Gustave Loiseau (1865-1935).

Photographies de la nef et du chœur, ainsi que du chevet de Sainte-Colombe (où l'on voit la statue de la sainte) par Jean-Philippe Brun, que nous remercions. Photographies de la nef et du chœur, ainsi que du chevet de Sainte-Colombe (où l'on voit la statue de la sainte) par Jean-Philippe Brun, que nous remercions.

Photographies de la nef et du chœur, ainsi que du chevet de Sainte-Colombe (où l'on voit la statue de la sainte) par Jean-Philippe Brun, que nous remercions.

On retrouve une description architecturale de Sainte-Colombe dans l’intéressant texte de Michel Kitzis publié dans le blog communal. Brièvement nous rappelons que l’église est bâtie selon un plan en croix latine. Elle possède un vaisseau et un chœur remaniés dans la seconde moitié du XVIe siècle où l’édifice a été revêtu des atours d’une dame gothique avec des fenêtres à remplages. Restaurée au XIXe siècle, l’église a le charme des temples ruraux de la région et se trouve mise en valeur grâce à la berge qui lui sert de piédestal au-dessus du coulant miroir de Seine. Les artistes ne s’y sont pas trompés qui ont reproduit Sainte-Colombe sur diverses toiles et le Ministère de la culture n’est pas en reste qui a classé l’église et son enclos paroissial parmi les sites remarquables le 28 mai 1926. De plus, les fonts baptismaux ont été classés Monuments historiques au titre d’objet le 10 juin 1907.

Détail des fonts baptismaux par une photographie de Jean-Philippe Brun et par un document disponible dans la base POP du Ministère de la culture. Détail des fonts baptismaux par une photographie de Jean-Philippe Brun et par un document disponible dans la base POP du Ministère de la culture.

Détail des fonts baptismaux par une photographie de Jean-Philippe Brun et par un document disponible dans la base POP du Ministère de la culture.

Notons enfin le gout pour le patrimoine du maire Jean-Philippe Brun et son équipe qui a permis la restauration de Sainte-Colombe et la proche mairie du XVIIe siècle ; restauration qui a valu à la commune de Porte-de-Seine le prix des “Rubans du Patrimoine” pour la région normande en 2021. 

Enfin une dernière église de la commune, disparue, nous éclaire encore sur le peuplement de cette partie de la boucle du Vaudreuil : Saint-Saturnin de Tournedos. 

Sélection de cartes postales des années 1910 illustrant la proximité de Portejoie avec l'élément aquatique qui, en retour, explique la localisation de la commune.
Sélection de cartes postales des années 1910 illustrant la proximité de Portejoie avec l'élément aquatique qui, en retour, explique la localisation de la commune. Sélection de cartes postales des années 1910 illustrant la proximité de Portejoie avec l'élément aquatique qui, en retour, explique la localisation de la commune.
Sélection de cartes postales des années 1910 illustrant la proximité de Portejoie avec l'élément aquatique qui, en retour, explique la localisation de la commune. Sélection de cartes postales des années 1910 illustrant la proximité de Portejoie avec l'élément aquatique qui, en retour, explique la localisation de la commune. Sélection de cartes postales des années 1910 illustrant la proximité de Portejoie avec l'élément aquatique qui, en retour, explique la localisation de la commune.

Sélection de cartes postales des années 1910 illustrant la proximité de Portejoie avec l'élément aquatique qui, en retour, explique la localisation de la commune.

​​​​​​​Saint-Saturnin de Tournedos : l’église sœur de Sainte-Cécile

Saint-Saturnin n’est plus, de nos jours, qu’une chapelle dans un bois à quelques pas d’un cimetière, lui-même isolé des habitations. On la voit nettement sur une carte postale des années 1910 où sa brique et son moellon témoignent d’une construction datant, vraisemblablement, des années 1850. Elle semble déjà relativement peu utilisée, la légende la décrivant “dans les bois” et la verdure alentour étant peu battue par le passage des hommes. 

Carte postale illustrée des années 1910 montrant la chapelle de Tournedos.

Carte postale illustrée des années 1910 montrant la chapelle de Tournedos.

Saint-Saturnin n’était déjà plus qu’un témoin palliant un peu la disparition et de la paroisse et de son église. Elle nous rappelle, en ce sens et plus modestement, la chapelle Saint-Pierre des Damps. Mais elle fut auparavant, et semble-t-il en ce même lieu, le siège de la paroisse comme en témoigne la carte de Cassini de la fin du XVIIIe siècle. La fiche Mérimée du ministère de la culture nous apprend que l’église fut vendue comme bien national à la Révolution et détruite peu après. Elle dût servir de carrière de pierre. Dans le tome II du Dictionnaire historique de toutes les communes de l’Eure, paru en 1879, Louis-Étienne Charpillon et Anatole Caresme nous apprennent, dans l’article portant sur Tournedos-sur-Seine, que : “Cette paroisse est désignée sous le nom de Novavilla dans une charte de 1126, confirmant une précédente de 1006, par laquelle Richard II avait donné l’église de Saint-Saturnin à l’abbaye de Fécamp.” La Novavilla, la ville neuve, semble désigner le village développé le long de la Seine. C’est l’étude de Portejoie qui nous éclaire à ce sujet car elle nous a fait prendre conscience que la plaine alluviale s’était alors suffisamment asséchée en ensablée, vers l’an mil, pour que la rive soit déportée plus à l’est, là où nous la connaissons depuis. L’église Saint-Saturnin, comme l’ancienne église Sainte-Cécile de Portejoie, témoigne de l’emplacement de l’ancien village, siège de la paroisse. La carte géologique réalisée par Cyrille Billard en 2006, ceci pour instruire son étude archéologique intitulée Sur la mare, démontre que Saint-Saturnin se situait sur le rebord d’une légère terrasse sablo-graveleuse de la plaine du Vaudreuil, à l’endroit où, formant un ilot, l’altitude dépasse les 10 m. Le site de l’église se situe même, certes au-delà et au fond d’un petit chenal, dans la continuité des cinq allées couvertes découvertes (je n’ai pas pu m’empêcher) près de la Butte-Saint-Cyr. Elle recouvrait peut-être elle aussi un site néolithique.    

La statue Saint-Saturnin de l'église Poses est un vestige de l'église de Tournedos. Illustration de la base POP du Ministère de la culture.

La statue Saint-Saturnin de l'église Poses est un vestige de l'église de Tournedos. Illustration de la base POP du Ministère de la culture.

La fiche Mérimée de l’église Saint-Saturnin nous apprend l’existence d’ultimes vestiges de Saint-Saturnin : la statue de ce saint située dans l’église Saint-Quentin de Poses. La conservation régionale suspecte aussi que la statue de Saint-Éloi et le groupe sculpté de Saint-Nicolas proviennent de l’église de Tournedos. Ces trois œuvres furent classées Monuments historiques au titre d’objets le 22 février 1979. Enfin, une croix hosannière portant le millésime de 1742 trouve sa place centrale dans le cimetière. Elle constitue un vestige, si ce n’est de l’église, de l’enclos paroissial. 

Série de cartes postales illustrées de Tournedos-sur-Seine. Datées des années 1910, elles se retrouvent passim sur le Net et sur le site des Archives de l'Eure. On y lit le basculement entre le temps des fermes, quand la France était largement paysanne, et les cafés devenant des hôtels, des terrasses pour les gens de la ville venus ici pêcher et respirer. Les plus riches d'entre eux devinrent des propriétaires de résidences secondaires qui modifièrent largement le bâti communal.
Série de cartes postales illustrées de Tournedos-sur-Seine. Datées des années 1910, elles se retrouvent passim sur le Net et sur le site des Archives de l'Eure. On y lit le basculement entre le temps des fermes, quand la France était largement paysanne, et les cafés devenant des hôtels, des terrasses pour les gens de la ville venus ici pêcher et respirer. Les plus riches d'entre eux devinrent des propriétaires de résidences secondaires qui modifièrent largement le bâti communal. Série de cartes postales illustrées de Tournedos-sur-Seine. Datées des années 1910, elles se retrouvent passim sur le Net et sur le site des Archives de l'Eure. On y lit le basculement entre le temps des fermes, quand la France était largement paysanne, et les cafés devenant des hôtels, des terrasses pour les gens de la ville venus ici pêcher et respirer. Les plus riches d'entre eux devinrent des propriétaires de résidences secondaires qui modifièrent largement le bâti communal.
Série de cartes postales illustrées de Tournedos-sur-Seine. Datées des années 1910, elles se retrouvent passim sur le Net et sur le site des Archives de l'Eure. On y lit le basculement entre le temps des fermes, quand la France était largement paysanne, et les cafés devenant des hôtels, des terrasses pour les gens de la ville venus ici pêcher et respirer. Les plus riches d'entre eux devinrent des propriétaires de résidences secondaires qui modifièrent largement le bâti communal. Série de cartes postales illustrées de Tournedos-sur-Seine. Datées des années 1910, elles se retrouvent passim sur le Net et sur le site des Archives de l'Eure. On y lit le basculement entre le temps des fermes, quand la France était largement paysanne, et les cafés devenant des hôtels, des terrasses pour les gens de la ville venus ici pêcher et respirer. Les plus riches d'entre eux devinrent des propriétaires de résidences secondaires qui modifièrent largement le bâti communal. Série de cartes postales illustrées de Tournedos-sur-Seine. Datées des années 1910, elles se retrouvent passim sur le Net et sur le site des Archives de l'Eure. On y lit le basculement entre le temps des fermes, quand la France était largement paysanne, et les cafés devenant des hôtels, des terrasses pour les gens de la ville venus ici pêcher et respirer. Les plus riches d'entre eux devinrent des propriétaires de résidences secondaires qui modifièrent largement le bâti communal.
Série de cartes postales illustrées de Tournedos-sur-Seine. Datées des années 1910, elles se retrouvent passim sur le Net et sur le site des Archives de l'Eure. On y lit le basculement entre le temps des fermes, quand la France était largement paysanne, et les cafés devenant des hôtels, des terrasses pour les gens de la ville venus ici pêcher et respirer. Les plus riches d'entre eux devinrent des propriétaires de résidences secondaires qui modifièrent largement le bâti communal. Série de cartes postales illustrées de Tournedos-sur-Seine. Datées des années 1910, elles se retrouvent passim sur le Net et sur le site des Archives de l'Eure. On y lit le basculement entre le temps des fermes, quand la France était largement paysanne, et les cafés devenant des hôtels, des terrasses pour les gens de la ville venus ici pêcher et respirer. Les plus riches d'entre eux devinrent des propriétaires de résidences secondaires qui modifièrent largement le bâti communal. Série de cartes postales illustrées de Tournedos-sur-Seine. Datées des années 1910, elles se retrouvent passim sur le Net et sur le site des Archives de l'Eure. On y lit le basculement entre le temps des fermes, quand la France était largement paysanne, et les cafés devenant des hôtels, des terrasses pour les gens de la ville venus ici pêcher et respirer. Les plus riches d'entre eux devinrent des propriétaires de résidences secondaires qui modifièrent largement le bâti communal.

Série de cartes postales illustrées de Tournedos-sur-Seine. Datées des années 1910, elles se retrouvent passim sur le Net et sur le site des Archives de l'Eure. On y lit le basculement entre le temps des fermes, quand la France était largement paysanne, et les cafés devenant des hôtels, des terrasses pour les gens de la ville venus ici pêcher et respirer. Les plus riches d'entre eux devinrent des propriétaires de résidences secondaires qui modifièrent largement le bâti communal.

Huile sur panneau de bois d'Hippolyte Camille Delpy (1842-1910). Cette œuvre est datée de 1899 et intitulée "Soleil couchant, Pampoux-sur-Seine", Pampou étant un des hameaux de Porte-de-Seine.

Huile sur panneau de bois d'Hippolyte Camille Delpy (1842-1910). Cette œuvre est datée de 1899 et intitulée "Soleil couchant, Pampoux-sur-Seine", Pampou étant un des hameaux de Porte-de-Seine.

Parmi les gens de la ville prenant du bon temps à Tournedos on compte le célèbre Félix Vallotton qui peignit, en 1922, "La Seine bordée de saules, Tournedos".

Parmi les gens de la ville prenant du bon temps à Tournedos on compte le célèbre Félix Vallotton qui peignit, en 1922, "La Seine bordée de saules, Tournedos".

Conclusion

Porte-de-Seine est une porte d’entrée dans la compréhension du peuplement de la boucle du Vaudreuil ainsi que des déplacements de populations en fonction de l’ensablement de la vallée et du déplacement du cours de l’Eure et de la Seine. Grâce à de riches comptes-rendus archéologiques, nous pouvons retracer le peuplement dès le Néolithique et nous apercevoir d’une continuité de peuplement à la Butte-Saint-Cyr sur ce qui semble être le confluent de l’Eure et de la Seine et donc tourné vers les activités fluviales. Peut-être même que la Butte-Saint-Cyr fût une sorte d’avant-port du Vaudreuil. La christianisation marqua un grand retour dans la pratique de l’inhumation et les sites néolithiques furent réinvestis. L’analyse des cimetières a montré l’émergence d’un fief central autour de l’enclos paroissial Sainte-Cécile où émergea peu à peu une église. L’assèchement de la vallée conduisit les habitants à déménager près des nouvelles berges là où nous les connaissons de nos jours et c’est ainsi qu’au début du millénaire apparurent les sites de Portejoie, Tournedos et leurs hameaux. Quelques siècles plus tard, les anciennes églises de Portejoie et Tournedos furent abandonnées alors que celle de Poses fut entretenue, bien qu’à l’écart du nouveau village. Porte-de-Seine porte le sens de lecture de cette curieuse et belle plaine du Vaudreuil. 




 

Annexe I : dons de Richard II sur les églises de la boucle du Vaudreuil à l’abbaye de Fécamp

Acte faisant partie de la Collection du musée du Palais Bénédictine, à Fécamp, sous la cote Inv. 3 R005 (Engel 1 bis). Il est reproduit sur le site de l’université de Caen, Scripta, grâce au travail de Pierre Bauduin : “... in vallæ Rologiville, æcclesiam Sanctæ Mariæ, æcclesiam Sancti Stephani, æcclesiam Sanctæ Ceciliæ, æcclesiam Sancti Saturnini, æcclesiam Sancti Quintini cum capellis subjectis eis et quicquid terræ arabilis et prati ad eas pertinet…” On retrouve Sainte-Marie donc Notre-Dame du Vaudreuil, Saint-Stéphane donc Saint-Étienne du Vauvray, Sainte-Cécile de Portejoie, Saint-Saturnin de Tournedos et Saint-Quentin de Poses. 

L’extrait ci-dessus est accompagné de la traduction et contextualisation suivante : “30 mai 1006 : Richard II, pour compléter l’œuvre entreprise par son père Richard Ier, ayant confié à l’abbé Guillaume [de Volpiano] le monastère de Fécamp, concède audit monastère : dans le comté de Caux, à Fécamp, le tiers des colons et de la terre, la part de forêt comprise entre la voie publique et la mer et la moitié de l’impôt ; à Grainville tout ce qu’il possède ; à Arques le tiers de la pêcherie et deux salines ; l’église d’Ecretteville ; à Harfleur un manse ; à Rouen un manse avec une chapelle ; l’église de Pissy ; l’église de Barentin et cinq églises au Vaudreuil ; Aizier et Hennequeville. Il concède la liberté d’ordination et d’élection selon la coutume de Cluny, et pleine indépendance de toute autorité, sauf intervention éventuelle de réformateurs.”

Armand Launay

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10 janvier 2021 7 10 /01 /janvier /2021 08:59
Carte postale des années 1910 (Archives départementales de l'Eure).

Carte postale des années 1910 (Archives départementales de l'Eure).

 

Jolie commune de 1500 habitants, Alizay est un village-rue qui peuple le pied d’un coteau abrupt de la vallée de la Seine. Ses maisons de modeste dimension témoignent de sa récente vocation essentiellement rurale. Faites de moellon calcaire extraits du coteau, elles sont aussi souvent bâties avec des pans de bois et sont entourées de petites cours, les potagers de nos anciens. 

Les curieux gagneront à parcourir les chemins piétons situés entre les dernières maisons et le coteau. On y lit toujours les charmes de la campagne, ses vergers, ses prés, ses lisières des bois et les perspectives sur le clocher Saint-Germain et la vallée, notamment la côte des Deux-amants. Ici, au pied d’un vallon assez abrupt, se trouve l’Alizay ancien. On peut imaginer qu’en ce lieu l’eau, descendant du plateau de Boos par le vallon du Solitaire, abondait et rendait possible l’implantation permanente des hommes. Ce n’est pas pour rien que la station de pompage actuelle est située non loin de cet espace. L’abbé Cochet a découvert vers 1870 des vestiges allant de la période gauloise (La Tène ancienne) aux temps gallo-romains près de Rouville, au champ de la Gritte, dans le prolongement du Manoir. Parmi les objets retrouvés figurent des céramiques, ce qui n’est guère étonnant. En effet, un des hameaux alizéens situé un peu plus au nord de la Gritte, et dénommé la Briquèterie, atteste l’exploitation d’un bon filon d’argile. 

 

Les fouilles archéologiques menées par l'INRAP à Alizay et Igoville constituent la référence la plus vaste d'étude de l'occupation du fond de vallée de la Seine par l'homme et sur une période allant de la dernière glaciation (- 10 000 ans) au Moyen-Âge (photographies aimablement prêtées par l'INRAP en 2011).
Les fouilles archéologiques menées par l'INRAP à Alizay et Igoville constituent la référence la plus vaste d'étude de l'occupation du fond de vallée de la Seine par l'homme et sur une période allant de la dernière glaciation (- 10 000 ans) au Moyen-Âge (photographies aimablement prêtées par l'INRAP en 2011).

Les fouilles archéologiques menées par l'INRAP à Alizay et Igoville constituent la référence la plus vaste d'étude de l'occupation du fond de vallée de la Seine par l'homme et sur une période allant de la dernière glaciation (- 10 000 ans) au Moyen-Âge (photographies aimablement prêtées par l'INRAP en 2011).

 

Un village fluvial ? 

On peut se figurer qu’ici, près de Saint-Germain et de la Gritte, étaient les rives de la Seine par l’un de ses bras, au moins, et jusqu’au haut Moyen Âge. En effet, un bras existe toujours le long du coteau nord à Freneuse. L’observation des courbes de niveau, sur la carte topographique, montre qu’un bras partait du Manoir et courait vers Alizay avant, assurément, de poursuivre son cours le long d’Igoville, Sotteville et Freneuse. Alizay a sûrement vécu de la pêche et du transport fluvial. C’est ce qu’attestent, au moins pour le Moyen Âge, la culture du chanvre au bord de la Seine et le petit port de la Maison rouge en face des Damps. 

Plus récemment, en 2011, un immense chantier de fouilles a vu le jour le long de la Seine à Alizay et Igoville. L’INRAP, avant l’ouverture de vastes carrières de sable, a pu retracer l’utilisation humaine de l’ancienne vallée de Seine depuis la dernière glaciation (il y a 12 000 ans) au Moyen Âge. Dans des chenaux depuis asséchés, l’homme a utilisé les ressources du fleuve et chassé le petit gibier. Des habitats réguliers, dès que les eaux le permettaient, montrent l’intérêt domestique de ce fond de  vallée. De très nombreuses découvertes, inédites dans l’ouest de la France et sur une aussi longue période, font d’Alizay une référence pour dater et identifier d’autres découvertes archéologiques. Une autre campagne de fouilles, réalisée en 2017, eut lieu à Alizay. Très riche, nous la résumons dans notre article dévolu à Igoville.

On mesure que la sédentarisation des hommes s’est faite au pied des monts mais n’a pas rompu, loin de là, le lien des habitants au fleuve dont les eaux, rappelons-le, étaient potables. 

 

La mairie d'Alizay, ici en cours d'agrandissement, occupe un ancien manoir situé au fief de la Motte. En effet, une motte féodale se trouve toujours un peu à l'est de cette belle demeure, à droite de ce cliché. C'est là le cœur du fief originel d'Alizay, fief qui fut concurrencé et dépassé par celui de Rouville au Moyen-Âge et surtout durant l'Ancien-Régime (photographie d'Armand Launay, 2011).

La mairie d'Alizay, ici en cours d'agrandissement, occupe un ancien manoir situé au fief de la Motte. En effet, une motte féodale se trouve toujours un peu à l'est de cette belle demeure, à droite de ce cliché. C'est là le cœur du fief originel d'Alizay, fief qui fut concurrencé et dépassé par celui de Rouville au Moyen-Âge et surtout durant l'Ancien-Régime (photographie d'Armand Launay, 2011).

 

Un ou deux fiefs seigneuriaux ?

Il existe une continuité d’habitat, semble-t-il, avec la découverte de deux cercueils en plâtre contenant des scramasaxes et vases de l’époque franque (Riquier, 1862). C’est à relier aux mêmes découvertes faites à Igoville au Camp blanc et aux Beaux sites. Au Moyen Âge, Alizay n’apparait tout d’abord pas comme fief mais comme partie du domaine appelé “val de Pîtres”. Ce domaine fut la propriété des rois francs. C’est en ce lieu que Charles II, dit le chauve, fit réunir plusieurs assemblées des grands de son royaume, notamment en 862 pour construire le château fortifié de Pont-de-l’Arche face aux Vikings et pour légiférer en matière de monnaie. Ces assemblées, appelées plaids, eurent lieu dans le palais du roi mais l’on ne sait où cette demeure se trouvait exactement.  

Alizay faisait partie de ce domaine qui dût ensuite être la propriété de Rollon et des ducs de Normandie. D’aucuns pensent que le château de Rouville trouve-là son étymologie : Rollonis villa, le domaine de Rollon. L’ancien palais du roi serait ainsi localisé, au moins en théorie. Le domaine qui nous intéresse fut ensuite la propriété d’importantes familles normandes, issues de la colonisation scandinave. Au XIe siècle, c’est Roger Ier de Tosny, un des plus grands seigneurs de la Normandie, qui en était le maitre. Celui-ci, nous apprend Auguste Le Prévost, en constitua le douaire de sa fille, Adeliza (née vers 1030 et décédée en 1069). Le douaire étant un héritage de la femme en cas de décès de son époux : c’est donc une femme qui était seigneure du lieu. De là à imaginer qu’Alizay est une déformation d’Adeliza, c’est une hypothèse jusqu’alors non formulée. Elle n’est pas délirante étant donné que la première apparition du nom d’Alizay, dans les archives, est de 1180, ce qui est tardif. Adeliza apporta son domaine à son mari, Guillaume Fils Osbern. Le Val de Pîtres revint en partie aux Tosny en 1119 et resta en leur possession jusqu'à la victoire de Philippe Auguste reprenant en main la Normandie en 1204. Mais déjà Alizay était possédée par un seigneur Français. En effet, en 1200, Albéric III, comte de Dammartin, en France, est le premier seigneur connu de ce fief. Peu avant 1200, Renaud, fils d’Albéric et comte de Boulogne, réunit la chapelle de Rouville, qu’il avait fondée, à la cure de Saint-Germain. Plus tard, en 1216, Mathilde, fille de Renaud, se maria à Philippe Hurepel, fils de Philippe Auguste lui-même. Le roi voulait gagner la fidélité des comtes de Boulogne face aux prétentions des Flandres.  

Ce fief d’Alizay semble être celui de la Motte, c’est-à-dire le cœur d’Alizay, près de l’église Saint-Germain. La Motte désigne de nos jours le monticule de terre au nord-est de la mairie alizéenne. Le siège de la mairie est d’ailleurs une belle résidence, agrandie récemment, elle-même héritière d’un château médiéval. L’église Saint-Germain semble témoigner de l’importance de ce fief en ce temps. Quelques vestiges datent du XIIe siècle dans le mur sud du chœur. Même son beau clocher carré semble inspiré des volumes des clochers romans, alors que celui-ci date du XVIe siècle et bénéficie, depuis le 17 avril 1926, d’un classement aux Monuments historiques. Par ailleurs, 5 œuvres sont classées aux Monuments historiques au titre d’objets dans l’église. C’est Mathilde qui, en 1258, donna la cure de cette église à l’archevêque de Rouen. 

 

Façade sud, clocher et transept, côté sud-est, de l'église Saint-Germain d'Alizay. Photographie d'Emmanuel-Louis MAS (1891-1979) datant de 1939 et accessible sur la base POP du Ministère de la culture (notice APMH0195926).

Façade sud, clocher et transept, côté sud-est, de l'église Saint-Germain d'Alizay. Photographie d'Emmanuel-Louis MAS (1891-1979) datant de 1939 et accessible sur la base POP du Ministère de la culture (notice APMH0195926).

 

Alizay ou Rouville ?

Le centre de gravité d’Alizay a basculé vers Rouville. En 1351, le seigneur de Rouville réclama la cure de Saint-Germain. Il semble que cette partie de la commune lui ait échappée et qu’il ait établi ses quartiers dans le château de Rouville. Un jugement arbitral, datant de 1358, donna raison à l’archevêque mais deux chapelles furent confiées au seigneur de Rouville : Saint-Antoine et Saint-Pierre. Ce château fut ensuite la propriété des Gougeul puis des Hallé qui furent les principaux propriétaires d’Alizay et de grandes familles nobles de Normandie. L’ancien château seigneurial est tombé en ruine. Il en reste des bâtiments agricoles et un colombier. Ce n’est qu’en 1882 que le château actuel fut bâti par l’architecte rouennais Loisel. Mais cet édifice subit un incendie en 1949. Outre ses dimensions, il maintient en ce lieu une atmosphère d’Ancien Régime. Il est pourtant devenu une propriété du département de l’Eure en 2012 lors du sauvetage de la papèterie alors appelée Mreal et devenue depuis Double A. C’est au titre des dommages de guerre, qu’en 1951 une industrie allemande fut installée en ce lieu, le château de Rouville étant à vendre. La Sica, son premier nom,  a été rachetée plusieurs fois depuis. C’est l’un des principaux employeurs de la région. Elle a fédéré nombres d’ouvriers communistes qui ont porté à la mairie d’Alizay des maires collectivistes. 

 

L'implantation en 1951 de la SICA, usine produisant de la pâte à papier, a ancré Alizay dans la période industrielle. Maints ouvriers ont composé la population alizéenne qui ont porté au conseil municipal des élus communistes qui ont l'envie et les moyens et développer les services publics. Ici ont peut apprécier deux photographies de Jean Pottier datant de mars 1971. On y voit le parc à bois et une vue générale sur l'ancêtre de ce qu'on appelle de nos jours Double A (base POP du Ministère de la culture).L'implantation en 1951 de la SICA, usine produisant de la pâte à papier, a ancré Alizay dans la période industrielle. Maints ouvriers ont composé la population alizéenne qui ont porté au conseil municipal des élus communistes qui ont l'envie et les moyens et développer les services publics. Ici ont peut apprécier deux photographies de Jean Pottier datant de mars 1971. On y voit le parc à bois et une vue générale sur l'ancêtre de ce qu'on appelle de nos jours Double A (base POP du Ministère de la culture).

L'implantation en 1951 de la SICA, usine produisant de la pâte à papier, a ancré Alizay dans la période industrielle. Maints ouvriers ont composé la population alizéenne qui ont porté au conseil municipal des élus communistes qui ont l'envie et les moyens et développer les services publics. Ici ont peut apprécier deux photographies de Jean Pottier datant de mars 1971. On y voit le parc à bois et une vue générale sur l'ancêtre de ce qu'on appelle de nos jours Double A (base POP du Ministère de la culture).

 

Alizay, petit village normand, est devenu un centre bourg aux nombreux services publics. Il est doté depuis 1840 d’une station de train et risque de subir le passage d’une autoroute contournant Rouen par l’est. 

 

Armand Launay

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16 octobre 2013 3 16 /10 /octobre /2013 14:05

Rechercher les origines de Montaure revient à analyser aussi le territoire de Tostes car cette paroisse fut créée en 1687 à partir de terres montauroises. Cette autonomie fut maintenue à la Révolution française où Tostes fut constituée en commune.

Le Montaure des origines est une clairière dans l’arc-de-cercle formé par la forêt de Bord depuis Elbeuf à Louviers en passant par Pont-de-l’Arche.

Des traces d’habitat épars ont été retrouvées, comme les vestiges gallo-romains des Quatre-bancs, en forêt de Bord, qui présentent des bases de murs et un puits. On ne retrouve cependant pas d’agglomération.

Vestiges gallo-romains des Quatre-bancs, dans la forêt de Bord (carte d'état major IGN).

Vestiges gallo-romains des Quatre-bancs, dans la forêt de Bord (carte d'état major IGN).

La Carte archéologique de la Gaule (CAG) fait état d’une enceinte quadrilatérale (page 222) dans la commune de Montaure. Elle pourrait bien n’être qu’un enclos d’élevage de la forêt de Bord à l’instar des autres enclos retrouvés au moins à quatre endroits de ce massif forestier. C'est la thèse publiée par Henri Guibert en 1903. Nous les avons localisés à partir de la carte d’état major de l’Institut géographique national (IGN) au 1/25 000e. Un enclos dit « vestige d’enceinte antique » est situé près de la route forestière de Montaure (commune de Louviers). D’autres « vestiges d’enceinte » sont localisés entre le chemin du Coq et la Vallée de la croix, près du bassin des Carènes.

Des vestiges d'enceinte, ici à Louviers, ponctuent la forêt de Bord. Il s'agirait en fait d'enclos pour bétail (carte d'état major IGN).

Des vestiges d'enceinte, ici à Louviers, ponctuent la forêt de Bord. Il s'agirait en fait d'enclos pour bétail (carte d'état major IGN).

La CAG mentionne aussi le passage par Montaure et Tostes d’une voie romaine reliant Le Vieil-Evreux à Pont-de-l’Arche. Elle n’appuie toutefois pas cette thèse sur une découverte archéologique ou une étude consolidée. Le doute quant à l’existence de cette voie romaine officielle est permis puisque Pont-de-l’Arche n’est apparu qu’au IXe siècle avec la création de son pont entre 862 et 873. La voie romaine Evreux-Rouen passait par Caudebec-lès-Elbeuf. Plus vraisemblablement, il devait exister des chemins ruraux serpentant jusqu’à la vallée de la Seine mais ils n’ont pas été mis au jour scientifiquement.

Jusqu’alors, il n’y a quasiment pas eu de matériel archéologique retrouvé à Montaure. Difficile, en l’état, de dire si ce rebord du plateau du Neubourg était défriché avant le Moyen Âge. Françoise Guilluy cite (pages 68 et 71) Joseph Drouet. A l’occasion de fouilles à Caudebec-lès-Elbeuf, cet homme avança en 1883 que certains objets en céramique retrouvés proviendraient de Montaure ou de La Haye-Malherbe. Preuve pour lui que ces localités existaient et exploitaient la terre, un coffret en fer rempli de bijoux en or et de pierres gravées fut retrouvé en 1848 avec des monnaies datées du haut-empire (Antonin le Pieux, Faustine, Domitien, Gordien, Philippe 1er). La découverte est située au Teurtre. D’autres objets furent trouvés aux « Friches Mongras » (au sud d'Ecrosville). Jusqu’à plus ample informé, ceci indiquerait que, du temps de la Gaule romaine, l’exploitation de l’espace par l’Homme s’arrêtait à La Haye-Malherbe, sauf enclaves de-ci de-là.

Avec les Friches-Montgras, Le Teurtre est un endroit où ont été retrouvés quelques vestiges archéologiques, à la limite sud du Montaure (carte d'état major IGN).

Avec les Friches-Montgras, Le Teurtre est un endroit où ont été retrouvés quelques vestiges archéologiques, à la limite sud du Montaure (carte d'état major IGN).

Moyen Âge, un toponyme : Montaure

L’espace montaurois était assurément exploité et défriché avant la colonisation scandinave comme en témoigne le toponyme roman de Montaure.

Selon Louis-Etienne Charpillon, Montaure est formé de Mont et « or » écrit sous la forme latine « mons aureus ». Les Regestrum visitationum d’Eudes Rigaut désignent par deux fois la paroisse de « Montoire » (1255 et 1258). On retrouve cette forme en 1506. Aux XVIIe et XIXe siècles, c’est la forme « Montore » qui est utilisée. Plusieurs théories sont avancées sans toutefois épuiser la question.

« Aureus » dérive du latin or, « qui brille », et par extension ce qui est « magnifique, splendide »… Louis-Etienne Charpillon a écrit que c’était une référence aux champs fertiles. Cependant, cela peut aussi être une référence à l’argile car Montaure a été bâti sur un important filon de cette terre. L’argile est blanchâtre. Dans le vocabulaire désignant les couleurs, l’argile est un gris neutre très pâle tirant sur le blanc. L’étymologie est aussi intéressante : du latin « argilla » : terre luisante, que l’on peut rapprocher de « arguo » signifiant « clarifier la situation ». Ce mot appartient à la même famille que « argentum », argent.

D’après l’abbé Bleunven, ancien de curé de Montaure, ce nom proviendrait du celte « or » signifiant froid (Françoise Guilluy).

Selon Auguste Le Prévost (page 413), Montaure proviendrait du latin « mons », montagne, et « aura », cours d’eau. Cependant, « aura » signifie « vent » en latin ; un vent dont la présence est attestée par les moulins à La Haye-Malherbe (moulin de Beauregard) et de Tostes (moulin de la Couture).

Enfin et plus simplement, en ancien et moyen français, une montoire désigne une montée, une colline, une montagne. Il existe le célèbre Montoire-sur-le-Loir, près de Vendôme, et un hameau Montaure en Haute-Loire.

A priori, appeler « colline » ou « montée » un hameau situé sur le plateau du Neubourg peut paraitre bien surprenant. Cependant, la topographie fait nettement apparaitre la naissance d’une dépression à La Haye-Malherbe qui se prolonge par la ravine de la Glacière, au-dessus de laquelle a été bâtie l’église Notre-Dame, et qui se creuse ensuite en vallon jusqu’à la vallée de l’Eure, à Louviers. Nous tenons-là le passage d’un cours d’eau asséché. En venant d’Ecrosville et de La Haye-Malherbe, cette dépression met en valeur l’église et le centre-bourg de Montaure qui peuvent apparaitre, aux yeux du promeneur, comme perchés sur une colline. Mais pourquoi installer un hameau en ce lieu ? Au-delà de la ravine qui a pu constituer un rempart naturel à des fortifications militaires, c’est peut-être une nappe phréatique aisément exploitable qui a attiré ici quelques familles. Cette nappe est identifiable de nos jours grâce aux deux puits centraux de Montaure et à la fontaine Saint-Eustache située dans la crypte de Notre-Dame. Cette dernière, comme nous l’écrivons dans un article consacré à l’église montauroise, a peut-être investi un lieu de culte païen dédié à une divinité de l’eau. Quoi qu’il en soit, la présence d’habitations groupées en ce lieu rend identifiable une « colline », une « montée », une Montoire par rapport à d’autres reliefs de la proche région.

Vu d'Ecrosville, Montaure apparait perché au-dessus de la ravine de la Glacière. Ce relief expliquerait l'étymologie de Montaure, "Montoire" qui signifiait la colline, la montée, en Ancien français (cliché Armand Launay, juillet 2013).

Vu d'Ecrosville, Montaure apparait perché au-dessus de la ravine de la Glacière. Ce relief expliquerait l'étymologie de Montaure, "Montoire" qui signifiait la colline, la montée, en Ancien français (cliché Armand Launay, juillet 2013).

Mais c’est peut-être les noms de Blacquetuit et Écrosville qui nous fournissent des éléments de réflexion plus précis sur le peuplement de Montaure.

Le toponyme Blacquetuit est composé de deux éléments norrois : « Blákka » qui est peut-être un surnom dérivé de « bleu », voire « noir » et « thveitr » qui désigne un essart : l’ « essart de Blakka ».

Quant à Écrosville, ce toponyme est peu renseigné. On le retrouve cependant dans le nom de la commune Saint-Aubin-d'Écrosville, plus proche du Neubourg. La fiche Wikipédia de la commune, citant les travaux de François de Beaurepaire, expose que le nom de cette paroisse était "Sanctus Albinus de Crocvilla" au XIIe siècle. Certains amateurs de toponymie scandinave, la Société historique Hag'dik, proposent de voir ici le nom d'un homme : Krókr. En effet, la forme du nom est connue dans la région où on retrouve beaucoup de suffixes en ville avec un nom scandinave ou, plus généralement, germanique : Igoville vient de Wigautvilla, Sotteville de Sotivilla, c'est-à-dire le "domaine de Wigaut", le "domaine de Soti". Écrosville serait ainsi le "domaine de Krókr" et il est possible que ce personnage ait été possessionné dans deux endroits à Montaure et Saint-Aubin, donc. Ce toponyme est curieusement proche de celui de Crasville, commune à laquelle nous avons consacré un petit article

Cela semble prouver qu’il y eut une colonisation scandinave synonyme d’une nouvelle vague de défrichements. Il n'y a qu'à relier les toponymes scandinaves de la proche région du plateau du Neubourg : Le Thuit-Signol et Le Thuit-Simer... Blacquetuit est un nom scandinave donné à une grande ferme montauroise mais n’a pas désigné le bourg en lui-même. C’est peut-être l’indicatif d’une population suffisamment nombreuse autour de Notre-Dame pour conserver le toponyme roman de Montaure. Quant à Écrosville, c'est un toponyme roman mais qui montre que la plus grande propriété a été attribué à un personnage scandinave. C'est assurément une propriété qui existait déjà comme toutes les villae du plateau : Crasville, Canappeville, Surtauville, Iville...

Ensuite, les textes font état de grandes propriétés seigneuriales de Montaure au XIe siècle. Les écrins de verdure situés au centre de Montaure témoignent toujours de ces grands domaines qui étaient dans la mouvance directe du pouvoir ducal normand. Ceci confirme, avec la majestueuse construction de l'église Notre-Dame au XIe siècle, que Montaure était la principale paroisse de la proche région. 

 

Sources

- Amsellem Emmanuelle, « Les Stigand : des Normands à Constantinople », Revue des études byzantines, tome 57, 1999, pages 283 à 288 ;

- Bonnin Thierry, Regestrum visitationum archiepiscopi rothomagensis : journal des visites pastorales d'Eude Rigaud, archevêque de Rouen, Rouen, Le Brument, 1852, 876 pages ;

- Charpillon Louis-Etienne, Caresme Anatole, Dictionnaire historique de toutes les communes du département de l’Eure, Les Andelys, Delcroix, 1868, 960 pages, tome II, voir les pages 541 à 543 ;

- Cliquet Dominique, Carte archéologique de la Gaule : l’Eure 27, Paris, ministère de la culture, 1993, 285 pages ;

- Delisle Léopold, Passy Louis, Mémoires et notes de M. Auguste Le Prévost pour servir à l’histoire du département de l’Eure, tome II, Évreux, Auguste Hérissey, 1864 ;

- Guibert Henri, "Note au sujet de retranchements aux environs de Louviers", Bulletin de la Société d'études diverses de Louviers, tome VIII, 1903, 120 pages, pages 57 à 62 ;   

- Guilluy Françoise, Tuiliers et potiers de l’Eure : La Haye-Malherbe et Montaure, Association pour la sauvegarde du patrimoine malherbois, 1995, 192 pages ;

- Ministère de la culture, Base Mérimée, www.culture.gouv.fr.

 

A lire aussi... 

Les châteaux de Montaure du XIe siècle à nos jours...

L'ancienne ferme de Blacquetuit (Montaure)

L'histoire de Tostes des origines à l'autonomie communale

Armand Launay

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19 juillet 2011 2 19 /07 /juillet /2011 17:50

Document communiqué par M. Jean-Pierre Binay et Mme Ghislaine Mathias. Tous mes remerciements !

Il semble, d'après ce que nous apprend la note (11) plus bas, que Léon Coutil en est l'auteur. Il est probable que ce texte ait été publié dans le Bulletin de la société d'études diverses de Louviers après 1903 si l'on en croit les notes (25) et (26). 

 

 

 

criquebeuf-sur-seine 

 

Epoque Gauloise

 

Lors des draguages effectués dans la Seine, de 1881 à 1883, entre Martot et Bédanne, près Oissel, on découvrit trois lames d'épée et une bouterolle en fer, du type marnien. Ces armes ont figuré à l'Exposition de Rouen, en 1884, elles appartenaient au service des Ponts et Chaussées; M. de Vesly en a parlé à la Commission des antiquités de la Seine-Inférieure (1). M. A. de Mortillet les a citées également sans de plus amples détails (2). 

Les fouilles du Catelier de Criquebeuf, en 1896 et 1897, ont donné des fibules à ressort en bronze et en fer du type Marnien et de la Tène, qui indiquent que cet édifice était en usage à l'époque de la Conquête. Mais si on a trouvé des monnaies du ler siècle avec ces fibules gauloises dont l'usage s'est continué même jusqu'au milieu du IIe siècle, nous sommes absolument surpris de les voir aussi accompagnées de monnaies allant jusqu'au règne de Maxime, c'est-à-dire à la fin du IVe siècle ; ce mélange a lieu de surprendre un peu.

 

Epoque Gallo-Romaine

Près du hameau de Quatre-Ages, non loin de la forêt de Bord, en extrayant du caillou pour la route, on trouva en 1885, en face de la borne n° 16, plusieurs vases romains dont un à anse, provenant d'une incinération gallo-romaine.

Au Congrès des Sociétés Savantes tenu à la Sorbonne, en 1897, MM. V. Quesney et de Vesly communiquèrent le résultat d'une première fouille faite l'hiver précédent sur un mamelon nommé le Catelier, situé en face Martot et Quatre-Ages, à un kilomètre à peine de la forêt de Pont-de-1'Arche et à peu près à la cote 34m de la carte d'Etat-Major.

Les fouilles ont été reprises et terminées, en 1897. Nous avons pu les visiter, ainsi que les objets trouvés, lors d'une excursion de la Société d'Etudes diverses de Louviers, le 21 septembre 1897 (3).

— L'Edifice 

Les substructions découvertes se composaient de deux enceintes rectangulaires concentriques ne mesurant plus qu'environ 1 mètre de hauteur ; vers la face sud, à 4m40 de dis­tance se trouvaient deux autres petites dépendances. Le péribole mesurait 16m10, la base des murs était encore recouverte d'en­duits de gypse coloré en brun rouge, vert veronèze, bleu lapis et vert sombre, les murs mesuraient 0m70 d'épaisseur. Sur ce sou­bassement on a supposé qu'une colonnade de bois a pu être dressée pour supporter une toiture; nous n'avons vu, en effet, aucuns vestiges de colonnes, de chapiteau ou d'entablement ; les substructions analogues découvertes en Normandie n'en ont pas donné non plus.

Nous trouvons donc un peu risquée l'attribution qui en a été faite, de classer toutes ces modestes constructions à deux enceintes concentriques comme des temples, alors que ce pouvaient être aussi des tours d'observation, ou de simples villas; nous aurons l'occasion de développer plus loin ces hypothèses. 

L'appartement intérieur (cella?) mesurait 8m50 de côté et l'épaisseur de ses murs était de 0m90; toute la maçonnerie était faite en petits moellons carrés réunis par des joints très soignés en mortier de chaux. Les angles extérieurs étaient formés de pierres plates mesurant 0m90 de longueur; ces assises alternaient avec des petits pavés plats en terre cuite, suivant l'usage géné­ralement adopté à l'époque gallo-romaine.

Cet édifice était orienté normalement, sur sa face Est, à 4m50 de distance et aux angles nord et sud, se trouvaient deux petits édicules, également rectangulaires, mesurant 4m50 de côté et dont l'épaisseur des murs n'était que de 0m45. Ces deux pièces ont-elles servi à abriter quelque divinité, comme on l'a supposé ? Dans l'une, on a recueilli une corne en pierre ornée d'une touffe de poils, ainsi qu'un petit disque en plomb où se voit un cercle rayonnant : ces deux objets ne suffisent vraiment pas à démontrer le culte de Mithra dans ce modeste réduit.

Auprès du rectangle sud, ils recueillirent des débris de sta­tuettes de Vénus (3 fragments de face, 5 de dos, y compris une chevelure et les épaules, ainsi que les quatre supports hémisphé­riques des mêmes statuettes. Ces quelques débris suffisent-ils pour prouver que Vénus était adorée en ce lieu ? L'aire en argile cuite par le feu nous paraît bien peu luxueuse pour un temple dédié à Vénus ou à Mithra, comme on l'a supposé : aussi est-il plus vraisemblable de penser que ces deux petites pièces symé­triquement placées devant l'édifice central lui servaient tout simplement de dépendances, sans se torturer l'esprit pour leur assigner un emploi plus ou moins arbitraire.

Autour de l'édifice central, on a trouvé dans la terre un peu noirâtre, deux grands bronzes d'Antonin et 230 moyens et petits bronzes; la plus ancienne monnaie est en potain et gauloise, elle rentre dans la série des Aulerci-Eburovices ; il existait une seule en argent de Carausius (250-293), les autres sont de Tibère, Antonia Augusta, Néron, Vespasien, Titus, Domitien, Nerva, Hadrien, Antonin le Pieux, Marc Aurèle, Lucius Verus, Com­mode, Valerien, Gallien, Posthume, Victorinus, Claude II, Aurelien, Tetricus, Probus, Carausius, Hélène, Théodora, Licinius, Valerien Licinius, Constantin, Crispus, Constantin jeune Constans, Magnence, Valentinien, Gratien, Maximen. La série commence donc avec Tibère (14-37) et se termine avec Gratien, (367-383) et Maxime (383-388) ; on remarquera l'absence des monnaies de Commode (192) et de Gordien (238), on trouve aussi plusieurs monnaies de consécration, peu de pièces étaient saucées. La description détaillée de ces monnaies a été donnée par M. Quesné (4).

La présence de monnaies de Maxime fait croire que ce serait à la fin du IVe siècle, ou plutôt dans la première moitié; du Ve siècle que ce temple aurait été détruit, au milieu de l'anarchie des généraux qui se faisaient nommer empereurs, et après quel­ques années étaient assassinés par leurs soldats ou des collègues qui, à leur tour, avaient su gagner la faveur populaire. La destruction de cet édifice peut être due aussi à la seconde insurrection, des Bagaudes (436-439) suivant Flavien, ou encore aux luttes religieuses entre le paganisme à son déclin et le triomphe du christianisme, si on admet qu'il s'agisse d'un temple ; dans cette hypothèse, la destruction des constructions et des figurines aurait été amenée par les prédications dans nos contrées de Saint-Nicaise au IIe siècle, de Saint-Martial au IIIe, de Saint-Thaurin au IVe, de Saint-Victrice, vers 410, et Saint-Ouen, vers le milieu du VIIe siècle. Nous n'insistons pas d'ailleurs sur cette hypothèse, pas plus que sur celles qui précèdent.

Objets découverts.

— Bronzes.

 

1° Une petite main ;

2° un fragment de pied (orteils) plus grand, appartenant à une autre figurine pouvant mesurer 1 mètre de hauteur ; 

3° Un petit sanglier en demi-ronde bosse ayant pu servir d'applique, mesurant 0m09 de longueur; bien que des sangliers plus petits aient été recueillis dans des ruines romaines, nous leur trouvons une technique différente de celle-ci ; à ce propos, nous citerons le sanglier-fibule du musée de Rouen et celui dés ruines du Vieil-Evreux, au musée d'Evreux.

4° Un ornement ou fleuron formé de quatre feuilles disposées en croix et recouvertes d'un seul côté par une feuille d'or, mesure 0m06 ;

5° Trois fibules avec plaque ronde centrale et à plaque d'arrêt ressemblant à celles d'Uggate (5) ; trois à ressort, du type de la Tène, à queue évasée ou à disque médian dont la présence au milieu de ces objets a lieu d'étonner, puisqu'on y a trouvé des monnaies datant de la fin du IVe siècle.

6° Une boucle et son ardillon accompagnée d'une contre-plaque triangulaire composée d'une feuille de bronze repliée sur elle-même, pour recevoir, entre les deux lames l'extrémité de la ceinture qui y était assujettie à l'aide de petits rivets. La partie courbe de cette boucle est décorée d'arcs accolés, aux angles des­quels se trouvent des cercles avec point central : deux têtes de serpent accostent la charnière. De nombreuses boucles de ce genre ont été trouvées au Vieil-Evreux, en 1860, par M. Bonnin; dans le cimetière gallo-romain de Vermand (Aisne), décrit par M. Pilloy (6) ; ainsi que dans le cimetière d'Abbeville, près de Sedan ; à Saint-Abban, près de Mayence, et aussi dans les sépultures belgo-romaines de la province de Namur (musée de Namur).        

Ces ornements ont appartenu à des légionnaires romains, car jusqu'ici, si l'on admet la théorie de M. Pilloy, c'est toujours dans des sépultures de soldats qu'elles ont été rencontrées, et surtout dans la Belgica.  

Le musée de Namur possède des boucles de même style recueillies avec des objets romains; ces parures semblent donc plutôt belgo-romaines et contemporaines des objets trouvés dans le voisinage. M. Ed. Fleury les classe parmi les parures caro­lingiennes, sans justifier cette attribution ; il en a recueilli à Misery et à Landifay, canton de Guise (Aisne) (7). On en a trouvé aussi à Little-Wilbraham (Cambridgeshire).  

M. de Baye a signalé des boucles qui offrent beaucoup d'analogie comme forme avec celles-ci, bien que le décor de cette plaque soit un peu différent ; elles ont été trouvées en Crimée (musée de l'Ermitage impérial) ; il attribue ces parures aux Goths (8).  

7° Nous citerons encore parmi les objets en bronze une sorte de triangle pouvant provenir d'une armure formée d'écailles ? et mesurant 0m04.  

8° Une tige de bronze de 0m16 de longueur avec quatre divi­sions ayant pu servir pour mesurer les matériaux employés par les maçons (tuiles, briques, moellons).  

9° Quatre cuillers à parfums ou à onguents, creuses, allon­gées et fort étroites, afin de pénétrer dans les cols étroits des vases en verre : souvent les tiges de ces cuillers sont tordues en spirales pour mieux adhérer aux doigts ; une de ces tiges est ainsi terminée, ce qui peut laisser supposer qu'elles ont pu servir aussi à des usages chirurgicaux.

10° Un stylet uni.

11° Une bague dont le chaton était orné d'une topaze gravée représentant un animal couché, la tête retournée dans l'attitude de la salamandre des armes de François Ier. M. de Vesly dit dans sa notice que la gravure représentait une chèvre, mais comme cette bague a été égarée, il est impossible de contrôler les deux assertions. 

12° Une autre bague était tout en bronze et ornée de frettes.

13° Nous signalerons encore un couteau à manche de bronze. 

 

— Plomb —

Un. disque de plomb de 0m043 de diamètre et 0m002 d'épaisseur porte d'un côté, au centre, deux cercles con­centriques séparés par des raies perpendiculaires en relief : sur le pourtour, se trouve le même motif. Sur l'autre face, au centre., sont placés trois cercles concentriques en relief avec point central, et sur le pourtour une série de lignes obliques cantonnées dans un cercle ; sur un point, on remarque deux demi cercles concen­triques avec rayons extérieurs obliques. 

On a supposé que le demi cercle radié, et les autres cercles avec raies droites et obliques figuraient le soleil, emblème de Mithra ? C'est aller chercher bien loin un motif décoratif inventé peut-être par un modeste artisan illettré, sans pensées aussi com­pliquées.

 

— Fer —

Une clef à deux pannetons et des fibules gauloises serpentiformes à ressort, du type de la Tène, des clous à tête plate ou pyramidale, des pointes de flèches ? et une lame de couteau constituent la série des objets en fer.

 

— Os —

Un petit disque ou tessère et une petite plaque rhom­boïde portant un cercle à la partie centrale se trouvaient avec des boutoirs de sanglier et des ossements divers.

 

— Céramique —

Nous avons dit que les figurines de Vénus étaient brisées parfois en quatre morceaux et que les têtes man­quaient : doit-on y voir une intention d'empêcher de les réparer et de les adorer de nouveau ? Les vases étant brisés, il n'est pas surprenant que les figurines encore plus fragiles aient eu le même sort et que les têtes manquent comme d'autres morceaux. Mais parce que l'on a trouvé 5 figurines incomplètes, il ne s'ensuit pas que l'édifice voisin ait été un temple ; car actuellement, dans presque toutes nos maisons se trouvent aussi diverses statuettes pieuses, parfois même plusieurs Christ, Sainte-Vierge ou autres figurines religieuses.

Vers l'angle sud-ouest extérieur de l'édifice central, on a trouvé de nombreux débris de vases en terre rouge vernie, sans ornements, sauf une écuelle ornée d'une tête de lion avec ouver­ture partant de la gueule et traversant le vase de part en part, ornementation que l'on a retrouvée en Normandie et un peu partout. Sur un fragment de vase en terre rouge, nous avons vu une estampille de potier un peu confuse, ce qui ne nous a pas permis de la déchiffrer ; nous pouvons affirmer ce détail, bien que M. de Vesly ait dit : «Qu'aucune marque de potier n'avait été apposée, sauf une seule fleur étoilée » (9). Mais cette fleur étoilée constituait un décor et non une marque de potier. Nous avons vu aussi des fragments d'olla, de grands vases à anses et d'am­phores. 

 

— Objets divers —

Notons aussi quelques fragments de fioles en verre et des scories de verre fondu.

Un curieux mortier en pierre tendre à anses, de 0m045 de diamètre, rappelle, en petit, les mortiers des foulonniers gallo-romains de Mediolanum-Aulercorum.

 

— Fragments d'architecture —

Nous citerons aussi des moulures en pierre ornées de perles, de feuilles d'eau, de roses et de feuil­lages qui ont pu orner une frise de l'édifice, ainsi que des modillons en pierre tendre. M. de Vesly cite, en outre « des débris de bases et de chapiteaux de colonne en pierre et des frag­ments d'un autel qui auraient été trouvés près de là, dans le champ de M. Adolphe Leloup ». 

On ne nous a pas montré ces fragments, lors de notre visite ; ils auraient eu surtout de l'importance s'ils avaient été trouvés près de l'enceinte extérieure pour spécialiser son emploi. 

Enfin, dans les déblais, on trouva paraît-il, 5 haches en silex, 2 en chloromelanite, de menus éclats et 2 fragments de lames en silex cireux du Grand-Pressigny : cette découverte peut être abso lument fortuite au milieu de la quantité de terre remuée et nous n'osons affirmer que ce soient d'anciens ex-voto, bien que M. de Vesly en ait signalé une certaine quantité dans d'autres édifices analogues qu'il a fouillés.

Destination de l'édifice. — Après la découverte, lorsque nous avons publié notre notice sur Les constructions gallo-romaines du Catelier de Criquebeuf-sur-Seine (10), nous avions adopté tout d'abord l'hypothèse émise par MM. Quesné et de Vesly que cet édifice était un temple, et nous ajoutions : « Toutefois, ce n'est pas sur  quelques débris de statuettes, de murs démantelés, dont il ne reste que les fondations ou quelques assises de blocages, que l'on peut deviner à quoi il a pu servir jadis ». Dans une notice jointe à cette plaquette et intitulée La ville gallo-romaine d'Uggate (car on avait voulu prétendre tout d'abord que la construction du Catelier dépendait d'Uggate), nous avons indiqué sommai­rement un certain nombre d'endroits de l'Eure et de la Seine-Inférieure nommés Les Cateliers, où des substructions romaines avaient été trouvées, et nous disions à ce propos : « Qu'étaient ces édifices, des postes de défenses, des métairies ou des tem­ples ? (11) ». 

Depuis cette époque, et malgré les nouvelles découvertes d'édifices analogues faites par M. de Vesly, à Orival et aux Essarts, nous ne sommes pas encore édifié sur leur véritable destination, et cela sans aucun parti pris contre l'opinion de M. de Vesly, qui croit que tous ces édifices étaient des temples ?   

Nous pensons bien faire de rappeler tous les édifices analogues trouvés en Normandie et notamment dans l'Eure et la Seine-Inférieure. MM. Quesné et de Vesly en avaient mentionné seulement 9, en comptant ceux des Buis, près de Tôtes, et de Criquebeuf, qu'ils ont explorés ensemble (12). 

Mais avant les fouilles de MM. Quesné et de Vesly, il est bon de rappeler que déjà on connaissait 10 édifices semblables offrant aussi deux enceintes rectangulaires concentriques ; et qu'actuel­lement, on peut discuter cette question, non avec le résultat de neuf fouilles, mais avec vingt fouilles d'édifices semblables. 

Nous donnons, ci-après, un résumé très sommaire de ces différentes découvertes :

1° A la Cité de Limes, (Camp de Bracquemont), près de Dieppe, en 1826, M. Féret en avait découvert un, avec deux enceintes rectangulaires ; au centre de la première se trouvait un petit avant-corps, au lieu d'un perron de deux ou trois marches; mais les fondations se sont écroulées avec la falaise elle-même dont les éboulements sont fréquents sur cette côte. Dans les substructions, on trouva 24 monnaies gauloises, un casque en bronze également gaulois, et cinq passoires de même métal, 72 monnaies romaines depuis Constantin II (317-337), jusqu'à Valens (364-378).

Un pastel de M. Féret, reproduisant l'édifice et les objets existe au musée de Dieppe (13).

2° Dans les dépendances de la villa romaine de Sainte-Marguerite-sur-Mer, près de Dieppe, l'abbé Cochet aurait exploré, en 1864, un édifice analogue; toutefois, sa description manque un peu de précision et il n'en donne pas les dimen­sions (14).

3° à 7° L'Atlas des antiquités gallo-romaines des Eburovices, publié par Bonnin, en 1860, reproduit cinq autres édifices carrés : le premier qui s'en rapproche le plus, avec un perron et deux édicules, était dans la nécropole du Vieil-Evreux ; d'autres plus simples ont été trouvés, l'un au Vieil-Evreux  ; l'autre à La Londe, prés Heudreville ; enfin deux autres dans la forêt de Beaumont-le-Roger, dans cette même forêt, il y en avait aussi un circulaire, à deux enceintes concen­triques, rappelant par son plan, mais avec des proportions beau­coup plus restreintes, celui de la tour de Vesone, à Périgueux.

8° Un édifice carré a été exploré à la Pointe d'Harfleur, par M. Fallue (15), en 1840; puis par M. l'abbé Maze, en 1884 ; et plus récemment par M. Naef, en 1893 ; le côté extérieur mesurait 13 mètres, le côté intérieur, plus petit, 6 mètres : on y a trouvé un trépied en bronze, les fragments d'une Vénus, un bœuf en terre cuite, des poteries, des verreries, une épingle, une spatule en os, 3 monnaies romaines de Trajan à Valentinien ; les murs inférieurs 'étaient ornés d'enduits colorés. La partie centrale et le vestibule extérieur étaient pavés avec le même béton, il est à remarquer que le centre était plus élevé que l'entrée : un petit réduit était accolé sur le côté Est. M. de Vesly mentionne une découverte de hachettes, mais M. Naef n'en parle pas dans sa des­cription (16).

9° Dans la Forêt de la Londe, entre Orival et La Londe, au lieu dit le Nouveau-Monde, triage de Saint-Nicolas, M. de La Serre a découvert, en juin et octobre 1890, un autre édifice carré dont le plus grand côté mesurait 13m60 et le plus petit 4m90, l'épais­seur des murs était de 0m80 ; l'intérieur des murs était orné d'un enduit coloré ; extérieurement et au centre se trouvait un perron de trois marches ; l'aire située entre les deux enceintes était dallée en pierres plates et dures de 0m04 d'épaisseur, mais l'aire centrale n'offrait pas de dallage. En prolongeant de, 45 degrés vers le sud-est la diagonale du carré, il trouva un autre édifice carré avec des murs ayant également 0m80 d'épaisseur, 5m15 de plus grand côté et 3m55 d'après le plan de M. de La Serre, (et 4m30 sur3mI5 d'après sa notice) ; il recueillit des fragments de verre, de poteries, de fer, des monnaies romaines comprises entre Auguste et Agrippa, jusqu'au règne de Claude II ; auprès de quatre sque­lettes se trouvaient des fragments d'épée et de poignard (17).

10° M. G. Le Breton en a découvert un autre, dans la forêt d'Eawy, près de Saint-Saëns, au triage du Teurtre, en 1892 : le côté extérieur mesure 14 mètres et le petit côté intérieur 7m80. On y a recueilli des fibules en bronze à plaquettes carrées ou rondes et à ressort recouvert, une clef, une petite hache votive, des fragments de poterie romaine, une perle en verre ; une dizaine de Vénus Anadyomène, de deux ateliers différents ; le dos d'une Déesse Mère, une monnaie de Germani Indutilii, des monnaies romaines dont la plus récente est de Constantin II. A côté se trouvait un petit édifice de 6m50 de côté ; et en face, à 30 mètres, une autre construction de 13m50 sur 7m40 (18) ;

Nous ne parlerons pas de 10 charmantes petites haches polies et 19 plus grandes en silex qui auraient été trouvées dans ces fouilles, et même 4 haches en diorite, car une main coupable avait placé aussi dans le terrain à fouiller 150 grattoirs ou autres instruments recueillis sur les plateaux des environs de Saint-Saëns, ainsi qu'une cinquantaine de lames, grattoirs et pointes plus ou moins retouchées du type du Moustier, provenant incontesta­blement de la briqueterie voisine, de Critot ; et pour compléter la série, on y avait ajouté des haches fausses en poudingue : il a fallu que nous insistions et que nous réunissions des collègues devant les vitrines du musée de Rouen pour montrer l'infamie d'un pareil procédé, dont on ne peut expliquer le mobile.

Aussi sommes-nous très sceptique, maintenant, sur les collec­tions de silex trouvées dans les constructions romaines décou­vertes aux environs de Rouen.              

11° En 1894, MM. Quesné et de Vesly, reprenant les fouilles de M. l'abbé Cochet, interrompues en 1870, déblayèrent sur la commune de Tôtes, au sud du vallon suivi par le chemin de fer venant d'Elbeuf, et non loin de la halte de Tôtes-La Vallée, au bord de la forêt, près de la cote 118 de la carte d'Etat-major, un édifice dit Butte des Buis, à deux enceintes mesurant pour le côté extérieur 13 mètres et 4m35 pour le côté intérieur (19).

12° M. de La Serre découvrait, en 1896, dans la Forêt .de Rouvray, sur la comme d’Oissel, au triage de la Mare du Puits, un autre édifice dont les murs étaient plus soignés ; les deux murs extérieurs mesuraient l4m20 et 13m20, les plus petits 6m90 et 6m30 (20). C'est ce même édifice que M. de Vesly a complètement fouillé, en 1902 ; ses fouilles lui ont donné des débris de poterie rouge et noire, une tige de bronze, 30 monnaies allant d'Antonin le Pieux (86), à Constant (350), du verre irisé et des enduits colorés. 

M. de Vesly indiquant cette fouille lui donne la date de 1895 et les dimensions de 13 mètres et 6m50 pour la partie centrale; ces dernières mesures ne figurent pas dans la note de M. de La Serre (21). 

13° En 1896, MM. Power et G. Prévost, ont exploré à Saint-Ouen-de-Thouberville, près de la ferme des Rocques et de la forêt de La Londe, un édifice avec perron central de 4m32, pré­cédé de deux marches accédant à une porte de 3 mètres; vis-à-vis, dans le mur de la seconde enceinte, existe une autre porte de 2m48.-En avant et de chaque côté, sur l'alignement de la façade, deux petites constructions rappellent celles du Catelier de Criquebeuf-sur-Seine. Une grande mare existe près de là. Le grand côté mesure 12m12, le petit côté central 6m10. Environ 300 monnaies romaines en bronze et une en argent ont été recueillies  avec des débris de poteries, de verre, des ferrures, une clef; une seule hache polie en silex et une autre fragmentée (22). 

14° M. Vallée, agent-voyer à Lillebonne, en a reconnu un autre, en 1896, le long de la route neuve de Lillebonne à Harfleur, lorsqu'on l'élargit, dans le Bols de la Bossaye, appartenant à M. Fauquet, sur le territoire de Saint-Jean-de-Folleville ; on trouva d'abord deux tombeaux francs et trois tronçons de colonnes sculptées avec chapiteau corinthien ; un autre tronçon semble faire partie de la même colonne; ces objets sont chez M. Fauquet, au château de Folleville ; il est probable qu'ils proviennent de l'édifice rectangulaire découvert ensuite, et dont le pavage consiste en un béton de mosaïque rustique; on a trouvé aussi des enduits colorés, des dalles, des tuiles et des scories. 

Les fouilles commencées, en 1897, n'ont pas été complètement terminées par M. Vallée (23). 

15° Pendant l'été de 1897, sur les indications de M. de La Serre, M. Sanson, inspecteur-adjoint des forêts, a fouillé dans la Forêt de Roumare, au canton du Hasard, près de Canteleu, un autre petit édifice carré de 5 mètres pour le côté extérieur, mesures correspondant à celles du petit édifice associé à un autre découvert, en 1890, par M. de La Serre, à Orival, au Nouveau-Monde ; les murs avaient aussi 0m80 d'épaisseur ; les monnaies étaient du IIe au IIIe siècles (24).

16° M. de Vesly a exploré, en 1901, un édifice carré ana­logue aux précédents, dans la Forêt de Rouvray, au Catelier d'Orival, dans une enceinte rectangulaire de 500 mètres de côté et 25 hectares de superficie : les murs extérieurs mesuraient 12m60 et 12m25, ceux du centre 6m50 et 6m15 ; un petit perron se trou­vait sur un côté ; et au centre du rectangle intérieur, un massif de maçonnerie de 3 mètres de long sur 1m10 d'épaisseur, avec un évidement médian : il a recueilli des enduits colorés adhérant aux murs intérieurs et extérieurs, des débris de vases, de verrerie, des tuiles, un crochet en fer qu'il croit avoir servi à maintenir une gouttière (25). Nous nous permettrons de faire remarquer que les gouttières sont d'un usage fort récent.

17° L'année suivante, en 1902, il trouvait un édifice ana­logue aux Essarts, commune de Grand-Couronne, le mur extérieur mesurait 12 mètres et le plus petit 6m20 ; contre le mur extérieur il recueillit 3 haches paléolithiques, 47 haches en pierre polie et 35 fragments, presque tous ces instruments très émoussés sur leurs bords comme s'ils avaient longtemps roulé ; trois fibules gauloises à ressort, des fragments de miroirs, une perle en bronze, des fragments de perles en verre, 32 monnaies des règnes d'Hadrien (117-138) à Constantin (306-337) (26). 

Depuis plusieurs années, nous avons projeté d'ajouter deux édifices de plus à cette liste, nous avons reconnu leurs fondations sur les Plateaux des Andelys, l'un d'eux est situé aussi en un lieu dit Les Cateliers, ce qui permet de supposer, comme à Criquebeuf-sur-Seine, qu'il s'agit d'un petit poste d'observation (Castellum).

Nous pourrions d'ailleurs citer dans la Gaule bien d'autres édifices antiques, notamment les deux constructions semblables et voisines de Champigny-lès-Langres (Haute-Marne) (27), qui avaient le double de grandeur ; le pourtour intérieur recevait le jour grâce aux colonnes dont on a retrouvé des entablements et des fûts, en 1892.

Dans le Camp de Chassey (Saône-et-Loire), un autre édifice a été fouillé, en 1866, par le colonel Coynard ; il se rapproche des précédents, le grand côté mesure 16m08 et le petit côté 8m40 ; deux petits édicules sont accolés aux angles. 

M. Flouest rejette l'hypothèse de temples émise tout d'abord, puisque cet édifice se trouve dans un camp ; il suppose avec juste raison que c'était un castellum ou un contubernium, et pour lui, l'enceinte intérieure serait l'impluvium et l'atrium, elle correspon­drait au pourtour : par suite, il ne croit pas que la partie exté­rieure ait été munie de colonnes, puisqu'il n'en a pas non plus trouvé ; cette partie était couverte en tuiles. Cet archéologue se demande si les petits édifices placés souvent à l'extérieur n'ont pas servi de laraires, parce qu'on a trouvé à côté une statuette en pierre oolithique (Jupiter Taranis), un petit Mercure en bronze, une Junon, un buste en bronze d'Hercule, un fragment de Risus ou Telesphore en argile, un pied en bronze ex-voto? et un taureau en bronze (28).

Les Ruines de Beauclair, près Herment, commune de Voingt (Puy-de-Dôme), explorées, en 1872, par MM. Tardieu et F. Boyer, ont donné un autre édifice semblable placé aussi sur la hauteur ; les murs également ornés de crépis colorés, on a trouvé des figurines en bronze ; le plus grand mur extérieur mesurait 12 mètres et 7m6o pour le côté le plus petit : un pavage en béton existait entre les deux enceintes : il serait intéressant de savoir si la cour intérieure l'était aussi, car si cette partie servait d'im­pluvium, il devait y avoir des rigoles pour enlever l'eau au dehors.

Nous ne voulons pas prolonger plus longtemps les autres rapprochements que nous pourrions faire. Toutefois, nous devons encore faire remarquer, qu'en 1862, à Montebourg (Loiret), M. Dupuis a découvert près de la Ferme de Craon, un édifice dont la partie rectangulaire centrale mesurait 12 mètres et 14 mètres de côté, tandis que les côtés extérieurs avaient 27m55 et 32m75, deux des côtés, ouest et nord, étaient munis de trois parties rectangulaires légèrement saillantes, comme s'il s'agissait d'une forteresse (29).

Au centre se trouvait un massif évidé rappelant celui d'Orival (Seine-Inférieure), fouillé par M. de Vesly, en 1902.

M. de Caumont a reproduit quelques plans d'édifices carrés, au centre desquels se trouve aussi une pièce rectangulaire, il ajoute que l'on a voulu en faire la cella d'un temple, mais cette attribution lui paraît douteuse... car cette disposition avait été adoptée pour des constructions qui avaient des destinations diverses, telles que celles de Drevent (Cher), de Nizy-le-Comte (Aisne), Monibouis (Loiret) (30).

Nous ajouterons encore à cette liste, celles de Corseul (Côtes-du-Nord) ; le Castellum de Jublains, dont le plan est plus com­pliqué; et enfin celui de Ksar-Tarcine, à 80 kilomètres à l'ouest de Kesseur-Médine (Tunisie), occupé jusqu'en 392 ou 394 de notre ère (31).

Ces dernières constructions sont probablement des donjons, mais rien ne prouve que la plupart de celles qui précèdent et qui ont des proportions plus réduites n'ont pas été des postes d'obser­vation (castellum) ou des habitations, plutôt que des temples, comme l'admet M. de Vesly pour toutes ces constructions rectan­gulaires concentriques. D'ailleurs, on n'a jamais trouvé que les fondations recouvertes de quelques assises de blocs ; par suite, il est vraiment téméraire de prétendre que sur le premier mur extérieur se dressait une colonnade de bois (parce que l'on a pas recueilli la moindre trace de colonne de pierre) ; et que dans certains cas, ce mur était orné d'une colonnade en pierres, par exemple à Lillebonne, parce que l'on y a trouvé des fragments de colonne et un chapiteau en pierre; (il est bon d'ajouter que l'on a trouvé un peu partout de ces fragments dans l'antique Juliobona) ; quant au Catelier de Criquebeuf, le fragment de colonne gisait à une certaine distance des édifices.

Du reste, les villas étaient aussi ornées de colonnes à l'intérieur de l'atrium. Donc, avec la meilleure volonté, nous ne pouvons donner aucune attribution certaine, en nous basant sur l'aspect des murs, ou de très rares fragments de colonne trouvés dans deux fouilles seulement sur dix-neuf; pas plus que sur des débris de figurines en argile, puisqu'on en trouve dans toutes les ruines gallo-romaines. Quant aux véritables collections de hachettes paléolithiques et néolithiques, aux formes très variées, qui seraient des ex-voto, jusqu'ici M. de Vesly en a seul trouvé en grand nombre. M. G. Lebreton en a bien signalé dans ses fouilles du Teurtre, près de Saint-Saëns, dans la forêt d'Eawy ; à notre grand regret, nous devons rappeler qu'il a été victime d'une personne peu scrupuleuse, qui avait ajouté dans le terrain des fouilles, sans doute pour compléter et varier la collection, des débris de haches en poudingue et des pointes de flèches fausses, qui obligent à être fort réservé sur cette série d'objets préhistoriques. A Saint-Ouen-de-Thouberville, une seule hache polie de 0m105 fut recueillie par M. Prévost, et une hache fragmentée par M. Power, qui ne quittèrent pas leurs fouilles ; mais il n'est pas surprenant que deux haches se soient trouvées dans une pareille quantité de terre remuée, sans que ce soient pour cela des ex-voto. Jusqu'ici les deux fouilles de MM. Quesné et de Vesly, à Tôtes (Butte des Buis), au Catelier de Criquebeuf (Eure), et à quel­ques kilomètres plus loin, celles de M. de Vesly, aux Essarts (Seine-Inférieure), ont seules fourni des haches de pierre : dans cette dernière, les 70 instruments se trouvaient en dehors de l'édifice : donc rien ne prouve que ce soient des ex-voto, car on a signalé des haches polies recueillies accidentellement dans des villas romaines et même des sépultures, ainsi que nous l'avons observé à Léry (Eure).

Chaque année, nous voyons à l'Ecole des Beaux-Arts et au Salon annuel, des projets remarquables de restaurations d'édifices antiques exécutés par des pensionnaires architectes de la Villa Médicis ; c'est ce qui aura sans doute inspiré à M. de Vesly son essai de restauration de ces sortes d'édifices, qui correspond du reste avec ses conclusions sur leur destination comme temples ornés d'une colonnade extérieure (32).

Sans vouloir atténuer le mérite artistique de ces restaurations entièrement hypothétiques, ni la réelle valeur de toutes ces fouilles exécutées avec beaucoup de soin, car nous savons la peine qu'elles nécessitent, nous avons tenu à montrer qu'il était impossible jusqu'ici de formuler une opinion et de deviner la véritable des­tination de ces curieux édifices, car les documents qu'elles ont fourni sont encore trop sommaires.

Epoque Franque

 

Dans la Liste des principales sépultures et cimetières mérovingiens de la Gaule et des Contrées voisines, M. A. Bertrand a cité au n° 134, le cimetière de Criquebeuf-sur-Seine (Eure) : il s'agit certai­nement de celui de Martot, découvert à quelques centaines de mètres plus bas, vers la Seine (33).

 

Notes

(1) Procès-verbaux Commis. Antiq. Seine-Inférieure, T. VII, ler Liv., 1884, p. 348-349.

(2) L'Homme, 1884, n° 15, p. 469, 470.

(3) Nous avons publie le compte rendu de cette excursion dans l'Impartial des Andelys. (n° du 23 septembre 1897) ; il fut en partie reproduit par l'Echo des Andelys, l'Industriel de Louviers et le Journal d'Evreux (n° du 29 septembre 1897) ; nous avons complété ce compte rendu qui a paru dans la revue La Normandie(T. IV, 12 année. octobre 1897) ; nous avons fait exécuter un tirage à part de cette notice avec de nou­velles annotations, il a paru sous le titre : Les constructions gallo-romaines du Catelier de Criqueteuf-sur-Seine (Octobre 1897, 6 pages). Les journaux l'Echo des Andelys, l'Industriel de Louviers et le Journal d'Evreux du 16 octobre 1897 ont également reproduit une note où nous répondions à un article du journal l’Elbeuvien, au sujet de l'emplacement d'Uggate, à propos des fouilles du Catelier. Le Bulletin de la Société d'Etudes diverses de Louviers a rendu compte de cette visite et reproduit les objets trouvés (T. IV, 1887, p. 13 à 15, pl. I, II, III, IV).

(4) Le Catelier de Criquebeuf-sur-Seine (Eure). — Mémoire sur l'exploration archéologique entreprise par MM. Victor Quesné et Léon de Vesly, Rouen, 1898, Extr. Bull. Sec d'émulat, du Commerc. et de l'Indust. de la Seine-Inférieure, 1897, 1898, tirage à part in-8", 38 p. et 4 pl. — Bulletin Com. antiq. Seine-Infer , t. X, 3e liv. 1896, p. 412, 416, — Nouvelles recherches sur le Catelier de Criquebeuf-sur-Seine (Eure), par MM. V. Quesney et Léon de Vesly. (Bul. arch., 1898, 2' liv., p. 304, 313, fig.).

(5) Saint-Denis, Caudebec-lès-Elbeuf, précédé de recherches sur Uggate, par J. Drouet 1887, fig. 56, 69, 71,74

(6) Pilloy. Etudes sur d'anciens lieux de sépultures dans l'Aisne,T II, 3ème fasc. pl. 14, fig. 10 b, et pl. 15, fig. 6. Ibid. 5ème fasc., pl. 4, fig. 13.

(7) Ed. Fleury. Antiquités du départ. de l'Aisne.

(8) De Baye. La bijouterie des Goths en Russie, Mém. Soc. Antiq. de France, 1890, p. 362, fig. 5, pl. IV.

(9) L. de Vesly. Le Catelier de Criquebeuf-sur-Seine, p. 15.

(10) La Normandie, T. IV, 12° année, octobre 1897.

(11) L. Coutil. La ville gallo-romaine d'Uggate. Extrait de l' « Industriel de Louviers », le « Journal d’Evreux », et « l'Echo des Andelys », du 16 octobre 1897.

(12) V. Quesné et Léon de Vesly. Nouvelles recherches sur le Calelier de Criquebeuf-sur-Seine (Eure). Extr. Bul. Arch., 1898, 2' livr., p. 310 et 311; où ils mentionnent : Sainte-Marguerite-sur-Mer, 1864 ; 2° Forêt de la Londe, 1890 ; 3° foret de Saint-Saens, le Teurtre, 1891-1892 ; 4°- Forêt de Louviers, Butte des Buis, près Tôtes, 1895 ; 5" Foret de Rouvray, la Mare-au-Puits, près Oissel, 1895; 6° Criquebeuf, le Catelier, 1896-l897 ;7° Sainl-Ouein-de-Thouberville, les Roques, 1896 ; 8° Pointe d'Harfleur, 1894 ; 9° Forêt de Roumare, le Hasard, près Canteleu, 1897.

(13) P.-J. Féret. Soc. arch. de l'arrond. de Dieppe, Rouen, 1828, et Bull. Corn. antiq. Seine-Inférieure, t.IV,1 liv. 1876, p. 69 et 74

(14) Abbé Cochet. La Seine-Inf. hist. et arch.,2ème édit., p. 242.

(15) Mém. Soc. Antiq. Normandie. T.XII, p. 117-130.

(16) Bull. Com. antiq. Seine-Inférieure, T. VIII, 3ème liv. 1890, p. 365-366, et T.IX, 3ème liv., 1893, p. 397 à 418. Voir aussi Bull. Soc. d'études diverses du Havre, 1894.

(17) Bull. Commis, antiq. Seine-Inférieure, T. VIII, 3ème liv., p. 357 à 358, et 455 à 460 ; et Saint-Denis, Histoire d'Elbeuf, p. 51, plan.

(18) G. Le Breton. Fouilles dans la forêt d'Eawy (Bull. Com. antiq. Seine-Inf., T. IX, 2ème liv., p. 267 à 278).

(19) V. Quesné et de Vesly. Le fanum gallo-romain des Buis, forêt de Louviers (Eure). Extr. Bull. Soc. Emulation Commer. et Ind. de la Seine-Inférieure, 1894-1895. — L'Ami des Monuments et des Arts, 9ème vol., 1895, p. 156, 158. — Bull. Commis, antiq. Seine-Inf., T. X, 1895, 2ème liv., p. 253, 255.

(20) Bull. Commis, antiq. Seine-Inf., T. X, 3ème liv., 1896, p. 380 à 381. E. Vallée. Plan et notice des antiquités romaines de Lillebonne, 1896, n° 21 du plan et de la notice.

(21) Bull.-arch. 1898, 2ème liv., p. 310 et 311.

(22) Annuaire des cinq départements de la Normandie, 66ème année, 1899, p. 73, et renseignements de MM. Power et G. Prévost qui doivent publier leur découverte.

(23) Bull. Com. antiq, Seine-Inférieure, t. X, 3ème liv., 1896, p. 447, et T. XI 1 liv., 1897, p. 80 et 81.E. Vallée. Plan et notice des antiquités romaines de Lillebonne, 1896, n° 21 du plan et de la notice.

(24) Bull. Com. antiq. Seine-Infér., T. XI, 1er liv., 1897, p. 205. Note de M. de La Serre.

(25) L. de Vesly. Exploration archéologique de la forêt de Rouvray. Bull. arch. de 1903, 1er liv., p. 44-57.

(26) L. de Vesly. Exploration archéologique de la forêt de Rouvray. Bull. arch. de 1903.

(27) Bull. Soc. antiq. de France, 4° trim., 1892, p. 216-224.

(28) E. Flouest. Notice archéologique sur le camp de Chassey (Saône-et-Loire), 1869.

(29) Bull. monumental, 3 série, T VIII . 28ème vol., 1862.

(30) De Caumont. Abécédaire d'archéologie. Ere gallo-romaine, 1 édit.. 1870, p. 241 à 247.

(31) Bulletin archéol., 1903, 3ème liv., p. 360 à 375.

(32) L. de Vesly. Le fanum Ses Buis, près Tôtes (Eure). Salon des Champs-Elysées de 1895, n° 4034 et le Petit temple romain d'Orival (Supplément du « Journal de Rouen », dimanche 17 novembre 1901).

(33) Revue Archéologique 1879.

Armand Launay

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1 juin 2011 3 01 /06 /juin /2011 15:36

 

Alizay (IGN, fouilles)

 

Les constructions immobilières étant très nombreuses, le BTP a besoin de sable. Ainsi la vallée de la Seine est un terrain propice aux carrières. L’une d’elles, située à Alizay et Igoville, ouvrira pour le compte de la Compagnie des sablières de la Seine (Lafarge-Cemex). Avant cela, conformément à la loi du 17 janvier 2001 relative à l’archéologie préventive, ce sont 22 hectares de terrains qui ont bénéficié d’un diagnostic réalisé par l’INRAP entre 2007 et 2009.  

 

Celui-ci a révélé un fort potentiel et notamment

 

- de nombreux silex taillés de la fin de la dernière glaciation ; 

- un vase de la Hoguette à 1,80 m de profondeur, (5370-5222 avant notre ère) ; 

- un pic en bois de cerf et divers restes animaux à 2,6 m de profondeur (mésolithique, 7606-7578 avant notre ère) ;

- des structures d’habitat et un foyer du néolithique ; 

- des traces de l’âge du bronze ; 

- une tombe médiévale… 


L’enjeu est donc de taille. Les archéologues ont devant eux un très vaste espace qui recèle des objets bien conservés dans les anciens sédiments de Seine. Depuis février, ils peuvent étudier exhaustivement les modes d’occupation des sols depuis la fin du paléolithique (11 000 avant notre ère).

 

Le chantier d’Alizay-Igoville doit devenir une référence régionale en matière de caractérisation des différents types d'habitats qui se sont succédé au fil des siècles et de l’adaptation des hommes aux changements climatiques. Il offre aussi une belle opportunité aux spécialistes d’étudier l’évolution du mobilier et donc le processus de néolithisation, c’est-à-dire le passage progressif des sociétés nomades de chasseurs-cueilleurs du paléolithique et du mésolithique à l’élevage et la culture qui caractérisent le néolithique et la sédentarisation.

Archeologie-Alizay

Pour mener à bien ces recherches, pas moins d’une trentaine de spécialistes vont travailler pendant près de 14 mois. L’étude du site est placée sous la responsabilité de Cyril Marcigny et Bruno Aubry. L’analyse chronologique nécessite l’intervention de spécialistes des différentes périodes (paléolithique supérieur, moyen, inférieur, mésolithique et processus de néolithisation, néolithique ancien, moyen et final, bronze ancien, final, 1er âge du fer, périodes historiques.


Pour analyser le site le plus précisément possible, d’autres spécialistes interviendront tels que palynologue (pollen), géomorphologue (reliefs et leur évolution), entomologiste (insectes), archéozoologue (relations hommes-animaux), malacologue (mollusques), carpologue (graines), anthracologue (hommes et forêt). 


Toutes ces travaux sont intimement liées à un important travail de topographie. Un Système d’information géographique (SIG) est nécessaire pour restituer les couches stratigraphiques et modéliser les différents sols, reconstituer leur évolution (chronométrie) et établir des référentiels typochronologiques (des documents montrant des modèles d’occupation de l’espace par l’Homme selon les époques).


Avec plusieurs milliers d'objets déjà récoltés, l’étude est prometteuse. Le public intéressé a hâte de voir les premiers résultats de ces fouilles. Les archéologues ont pensé aux amateurs d’archéologie et aux habitants de la région et vont présenter les plus belles découvertes dans quelques semaines. L’information sera donnée en temps et en heure. 


Sources

- Résultats des diagnostics et protocole de fouille, Bruno Aubry et Cyril Marcigny, février 2011 ; 

- Site de la commune d’Alizay.

 

 

Salut Ghislaine;-)

Armand Launay

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  • : Pont de l'Arche et sa région histoire, patrimoine et tourisme
  • : Bienvenue sur ce blog perso consacré à Pont-de-l'Arche et sa région (Normandie, Eure). Contactez-moi afin d'étudier ensemble, plus avant, l'histoire et donc de progresser vers la connaissance. Bonne lecture ! armand.launay@gmail.com
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Mes activités

Armand Launay. Né à Pont-de-l'Arche en 1980, j'ai étudié l'histoire et la sociologie à l'université du Havre (Licence) avant d'obtenir un DUT information-communication qui m'a permis de devenir agent des bibliothèques. J'ai acquis, depuis, un Master des Métiers de l'éducation et de la formation, mention Lettres modernes. Depuis 2002, je mets en valeur le patrimoine et l'histoire de Pont-de-l'Arche à travers :

- des visites commentées de la ville depuis 2004 ;

- des publications, dont fait partie ce blog :

Bibliographie

- 20 numéros de La Fouine magazine (2003-2007) et des articles dans la presse régionale normande : "Conviviale et médiévale, Pont-de-l'Arche vous accueille", Patrimoine normand n° 75 ; "Pont-de-l'Arche, berceau de l'infanterie française ?", Patrimoine normand n° 76 ; "Bonport : l'ancienne abbaye dévoile son histoire", Patrimoine normand n° 79 ; "Chaussures Marco : deux siècles de savoir-plaire normand !", Pays de Normandie n° 75.

- L'Histoire des Damps et des prémices de Pont-de-l'Arche (éditions Charles-Corlet, 2007, 240 pages) ;

- Pont-de-l'Arche (éditions Alan-Sutton, collection "Mémoire en images", 2008, 117 pages) ;

- De 2008 à 2014, j'ai été conseiller municipal délégué à la communication et rédacteur en chef de "Pont-de-l'Arche magazine" ;

- Pont-de-l'Arche, cité de la chaussure : étude sur un patrimoine industriel normand depuis le XVIIIe siècle (mairie de Pont-de-l'Arche, 2009, 52 pages) ;

- Pont-de-l'Arche, un joyau médiéval au cœur de la Normandie : guide touristique et patrimonial (mairie de Pont-de-l'Arche, 2010, 40 pages) ;

- Pont-de-l'Arche 1911 I 2011 : l'évolution urbaine en 62 photographies (mairie de Pont-de-l'Arche, 2010, 32 pages) ;

- Mieux connaitre Pont-de-l'Arche à travers 150 noms de rues et de lieux ! (Autoédité, 2019, 64 pages) ; 

- Déconfiner le regard sur Pont-de-l'Arche et ses alentours (Autoédité avec Frédéric Ménissier, 2021, 64 pages) ;

- Les Trésors de Terres-de-Bord : promenade à Tostes, ses hameaux, Écrosville, La Vallée et Montaure (publié en ligne, 2022) ;

- Les Trésors de Terres-de-Bord : promenade à Tostes, ses hameaux, Écrosville, La Vallée et Montaure (version mise en page du précédent ouvrage, édité par la mairie de Terres-de-Bord, 2023).

Depuis 2014, je suis enseignant à Mayotte.

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