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5 septembre 2011 1 05 /09 /septembre /2011 17:53

 

A l’occasion des 1100 ans de la Normandie, la médiathèque de Louviers vous propose de découvrir de précieux ouvrages dans le cadre de l’exposition intitulée

Des livres et des moines : héritage de l’abbaye de Bonport.

Pour inaugurer cette exposition, la médiathèque et la Société d’Etudes Diverses s’associent et vous prient d’assister à une conférence de M. Dominique Varry, docteur en histoire, professeur des Universités en Histoire du livre et des bibliothèques à l’Ecole nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques (ENSSIB). samedi 17 septembre à 16 h. 

Richard Ier Coeur de Lion fonde l’abbaye de Bonport à Pont-de-l’Arche en 1189 en y installant des moines de l’ordre de Cîteaux.

En 1683, afin d’augmenter sa très riche bibliothèque, Colbert, ministre de Louis XIV, profite du statut d’un de ses fils, abbé commendataire de l’abbaye, pour s’approprier nombre de précieux manuscrits.

Confisquée en 1789, comme tous les biens de l’Eglise, l’abbaye de Bonport est fermée, puis vendue en 1791 et ses livres dispersés. Une partie des ouvrages est transférée à Louviers et constitue alors le fonds initial de la bibliothèque municipale.

Grand spécialiste des livres anciens, Dominique Varry connait bien Louviers où il a enseigné un temps au lycée des Fontenelles. Il s’est beaucoup intéressé aux saisies révolutionnaires de livres dans notre département. Cet aspect historique a fait l’objet de sa thèse et d’une publication en 2005 « Sous la main de la Nation. Les bibliothèques de l’Eure confisquées sous la Révolution française ». C’est en grand connaisseur qu’il viendra nous présenter l’histoire de ces livres d’abbayes disparues.

 

Médiathèque de Louviers

47, rue du quai

www.ville-louviers.fr

 

Expo-Bonport-a-Louviers.JPG

 

Armand Launay

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2 septembre 2011 5 02 /09 /septembre /2011 17:30

 

Cet article a été réalisé grâce à des notes de lecture des Mémoires intimes de Napoléon 1er par Constant son valet de chambre, de Maurice Dernelle (voir source). Cette lecture m’a été conseillée par Marcel Léchopier, enfant et historien regretté de Pont-de-l’Arche. N’ayant pas eu le temps d’éplucher toutes les archives de la Ville, je livre néanmoins ces quelques renseignements aux amateurs d’histoire qui souhaiteraient aller plus en avant dans la biographie de ce personnage qui habita quelques temps dans notre cité.

 

Constant Wairy naquit à Péruwelz (Belgique) en 1778. Il Entra au service de Joséphine Bonaparte le 21 avril 1799. Ce jeune homme était apprécié pour sa gaîté, son affabilité, sa discrétion et son intelligent. Plus qu’un valet, il était un collaborateur fidèle très apprécié de ses maîtres. Constant accompagna l’empereur dans ses campagnes de 1805 à 1813. Il était alors le premier d’entre les serviteurs de l’Empereur.

 

Constant-Wairy.jpg

Constant Wairy en 1813 par Johann Heinrich Schmidt (pastel, papier). Base Joconde 

  

Toutefois, entre le 16 et le 19 avril 1814, la grande majorité des notables se rallièrent à celui qui restaura la royauté sous le nom de Louis XVIII.

Constant Wairy fut poussé à témoigner contre son maître (au sujet des infidélités de celui-ci), ce qu’il fit à grand peine afin de conserver sa propriété près de Fontainebleau. Il partit ensuite à Bellefontaine, commune de Samois. Par honte et chagrin d’avoir témoigné contre son maître, il refusa de reprendre du service après le retour de Napoléon (ce que celui-ci regretta beaucoup).

En 1816, après le pillage de sa maison et l’abattage de ses moutons par les troupes d’occupation autrichiennes, Constant Wairy vendit sa propriété, vécut d’une pension, et partit s’installer à Elbeuf, rue Saint-Étienne. En effet, son beau-frère, Jean-Pierre Charvet, vivait ici et dirigeait une fabrique de draps. Naguère, Napoléon avait arrangé le mariage de Constant Wairy avec la fille du concierge du château de Saint-Cloud, Louise Charvet, qui fut employée en juin 1813 à la lingerie de l’Empereur.

Constant investit alors ses économies dans l’industrie de son beau-frère mais ne fit que peu de bénéfices. Jean-Pierre Charvet, ruiné, partit pour l’Angleterre en 1825.

Constant Wairy vint alors habiter à Pont-de-l’Arche où il disparaît des archives pendant quelques années.

Retrouvé en 1830, il donnait des leçons à l’acteur Gobert qui jouait le rôle de l’empereur dans « les pièces napoléoniennes » qui faisaient recette dans un théâtre des faubourgs parisiens. Comme le note Maurice Dernelle dans son ouvrage : « Ainsi, sans faire de bruit et dans la coulisse, si l’on peut dire, Constant contribue pour une part à l’éclosion du culte napoléonien. » (p. 33).

Il habitait toujours à Pont-de-l’Arche quand M. Ladvocat lui proposa d’éditer ses mémoires. Il serait retourné à Pérulwelz suite au décès de sa sœur le 24 octobre 1832 mais rien ne l’atteste.

Ravalant son orgueil, il écrivit au roi Louis-Philippe le 29 septembre 1832 pour obtenir un emploi. En vain. Il écrit ensuite au député républicain avancé Dupont de l’Eure pour le poste de concierge du château de Saint-Cloud. En vain. En 1838, il s’installa à Breteuil-sur-Iton et obtint sa nouvelle maison grâce à l’appui de Jacques Dupont de l’Eure avec qui il resta en contact. Sa femme fut nommée directrice de la poste de Breteuil. Il décéda le 27 juin 1845. Agréable, courtois, plein d’anecdotes, mémoire vive… le voisinage regretta sa disparition.

 

Source

Dernelle, Maurice Mémoires intimes de Napoléon 1er par Constant son valet de chambre, tome 1, Paris : Mercure de France, impr. 2000, 683 p.

 

Armand Launay

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2 septembre 2011 5 02 /09 /septembre /2011 16:56

En parcourant le fonds patrimonial de la médiathèque de Louviers, nous avons mis la main sur un opuscule de Maurice Collignon narrant un épisode de la guerre de 1914. Etant plutôt surprenant, nous vous en livrons quelques passages :

=> Collignon Maurice, "Une tentative des Allemands dans l’Eure et la Seine-Inférieure pendant la guerre de 1914", Evreux : éd. C. Hérissey, 1917, 50 pages, médiathèque de Louviers (cote : 1191) [1].

 

 

Le 16 septembre 1914

          … Le sergent Leroy… était à son poste à la gare d’Oissel, vers 8 h. 30 du soir quand le brigadier de gendarmerie d’Oissel lui donna connaissance du télégramme officiel : deux automobiles montées par des officiers allemands revêtus d’uniformes français étaient en circulation dans la région de Gournay-en-Bray. La dépêche ajoutait que trois gendarmes avaient été tués et que les automobiles devaient se diriger vers Écouis ou Étrépagny. Accompagné du caporal Morancé, le sergent Leroy se rendit aux postes voisins qui se trouvaient de chaque côté du tunnel sous lequel passe la ligne de Paris à Rouen : le poste n° 4 à Tourville-la-Rivière et le poste n° 3 à Sotteville-sous-le-Val ; il avertit les chefs de poste. Il s’en retourna ensuite vers Oissel.

Vers 10 h. et ½ du soir, le sergent Leroy et le caporal Morancé […] aperçurent descendant la côte des Authieux vers la Seine […] une lumière vive paraissant être le phare d’une automobile mais un phare à éclipse, qui s’avancerait par bonds successifs. […] Le sergent Leroy revint sur ses pas ; il traversa le premier pont et arrivé dans l’île aux Bœufs qui fait face à la ville d’Oissel, il s’arrêta au poste des gardes de voie, prit un fusil, des cartouches et emmena avec lui trois hommes armés, les soldats Duhamel, Gruel et Moreau. Pendant ce temps, les lumières avaient fait du chemin.

Au poste n° 4 de Tourville-la-Rivière, les gardes-voies les avaient aussi aperçues : une première auto passa à toute vitesse, puis une seconde moins éclairée. Les sentinelles de Tourville tirèrent. Les deux autos continuèrent vers les ponts d’Oissel. Le sergent Leroy et ses trois hommes qui étaient à 7 ou 800 mètres du poste de Tourville-la-Rivière ouvrirent le feu à leur tour sur les autos. Les phares de la première auto et les lanternes de la seconde s’éteignirent aussitôt. […] Prises dans la boucle de Seine, les autos allemandes devaient pour en sortir traverser Saint-Aubin-lès-Elbeuf et la ville d’Elbeuf sur des ponts gardés ou bien continuer de tourner en rond en suivant la route qui devait les ramener vers Sotteville-sous-le-Val, Igoville et la gare de Pont-de-l’Arche.

Le sergent Leroy… décida d’attendre les autos dans la seconde moitié de la boucle, car il se doutait bien qu’elles ne se hasarderaient pas à traverser Elbeuf. Cependant le sergent Leroy courut au poste d’aiguillage à l’embranchement de la ligne de Serquigny pour faire téléphoner à la gare de Saint-Aubin-lès-Elbeuf. Il alla chercher des renforts au poste n° 3 de Sotteville-sous-le-Val, mais le sergent Soulais, chef de poste, resta sceptique et ne croyant pas à toutes ces histoires d’autos et d’Allemands déguisés, il prit le temps de réfléchir et laissa repartir le sergent Leroy sans l’accompagner.

Les sergents Leroy et Arvieux et leurs trois hommes allèrent se poster  au lieu dit le Val Renoux, sur le territoire de Sotteville-sous-le-Val, à la bifurcation de la route qui longe la Seine vers Igoville et de la route qui monte la côte vers Tourville-la-Rivière et les Authieux.

Ils ne tardèrent pas à être rejoints par le sergent Soulais… dont le scepticisme cédait à la réflexion. Les six hommes restèrent ainsi en embuscade jusqu’à une heure du matin. […]

 

L’attaque ; la capture des Allemands

          Vers une heure du matin, plus de doute : les autos allemandes arrêtées sans doute en quelque coin caché se sont décidées à continuer leur route en longeant les rives de la Seine, vers l’amont, ce qui leur fera faire le tour presque complet de la presqu’île. Les deux lumières, la première éclatante, la seconde faible, les signalent de loin à la vigilance des gardes-voies. Les rôles sont distribués, le sergent Soulais fera les sommations et criera : « Qui vive ! halte ! » Les deux autres sergents et les trois hommes couchés sur le bord de la route tireront sur les autos. Les lumières approchèrent rapidement : les sommations sont sans effet ; les voitures passent. Mais au passage elles sont saluées par cinq coups de fusil ; puis les gardes-voies se relevant les poursuivent, tirant encore.

Un peu plus loin, deux coups de feu se font entendre ; ils ont été tirés par deux gardes-voies, les soldats Fouché et Cheval, du poste de Sotteville-sous-le-Val, qui ayant terminé la faction règlementaire étaient venus s’embusquer à une cinquantaine de mètres de la première embuscade. Malgré les coups de fusil, les autos continuent leur route. Une circonstance fortuite va faire tomber la première, une forte Limousine, aux mains des courageux territoriaux. Par suite de la vitesse, cette limousine n’a pu tourner assez court pour passer à angle droit sous la première arche du viaduc de la voie ferrée Paris-Rouen ; elle quitte la route et s’engage sous la seconde arche en écornant la pile en briques au passage. La sentinelle Huguet n’a que le temps de sauter de côté pour ne pas être écrasée. La voiture ne va pas loin ; elle s’engage dans la prairie et s’enlise à trente mètres du bord de la route. […]

La deuxième voiture, bien que faiblement éclairée, suit la bonne direction, passe sous la première arche et disparaît dans la nuit noire. […] Un instant après, les hommes du poste de Sotteville-sous-le-Val attirés par la fusillade accourent… Le sergent Leroy… fait mettre baïonnette au canon. Les quinze à vingt hommes foncent sur la voiture. Les sergent Leroy et Soulais saisissent l’officier par les bras et le désarment. Il leur remet un revolver Browning à huit coups.

Cinq hommes portant l’uniforme du génie allemand sortent de l’auto sans essayer de résistance. Ils sont désarmés. Les six prisonniers sont conduits au poste n° 3… On s’aperçoit alors que l’officier est blessé au bras et à la cuisse. Dans l’auto, les territoriaux trouvent trois fusils allemands ainsi que des cartouches, objets d’équipement, havresacs, bidons, des cartes, etc. […] Pendant ce temps, les gardes-voies des postes de Sotteville-sous-le-Val et Tourville-la-Rivière avaient découvert la seconde auto.

 

Capture de la seconde auto

 … la seconde auto… avait fait un kilomètre et avait stoppé près du calvaire, sur la route de Sotteville-sous-le-Val à Igoville. Les Allemands valides qui s’y trouvaient s’étaient enfui dans la campagne. Le camion auto découvert par les gardes-voies… transportait des caisses contenant plusieurs centaines de kilos d’explosifs et en outre des piles, du cordon Bickford, des fils électriques, etc. ; de quoi faire sauter plusieurs ponts. On entend des râles… Le sergent Leroy… aperçoit un Allemand grièvement blessé à la gorge… L’officier commandant l’expédition et le soldat blessé reçoivent les soins du docteur Cottoni, d’Oissel. Ils sont ensuite transférés à Rouen. […] Il restait à découvrir les Allemands de la seconde voiture. Dès le petit jour, des patrouilles furent faites par les gardes-voies et les gendarmes. […] On demanda au capitaine allemand quels ponts il voulait faire sauter : Le plus de ponts que j’aurais pu, répondit-il évasivement. La carte routière saisie sur lui portait un trait rouge indiquant la voie suivie : Gournay, Martagny, Étrépagny, Écouis, Fleury, Pîtres et Alizay. Ces deux dernières communes sont à deux kilomètres du pont du Manoir sur la voie ferrée Paris-Rouen. Dans la nuit du 21 au 22 septembre, deux soldats allemands qui avaient abandonné l’auto camion vinrent à Saint-Aubin-lès-Elbeuf et furent amenés au poste de la garde civile par M. Dorival, garde civil. Ils mouraient de faim et avaient dans leurs poches des morceaux de betteraves crues. Alphonse Leroy fut promu adjudant et reçut la médaille militaire le 13 mars 1915. 

 

 

Commentaire

Si dans tout conflit on ne retient principalement que les combats, c’est pourtant la logistique qui assure en grande partie l’efficacité d’une armée. Et la logistique, c’est pourvoir non seulement aux besoins vitaux des hommes de troupe mais c’est aussi faire parvenir le matériel de destruction. C’est une organisation faramineuse qui investit le travail de bien plus d’hommes que les combats eux-mêmes (7 hommes pour 1 soldat américain lors de la Première guerre mondiale). Alors, nombre d’actions sont menées par les belligérants pour saper les défenses ennemies : la tentative allemande que nous venons de lire, sacrifiant peu d’hommes et de matériel, participe bien de cette vision de la guerre. Si la ligne ferroviaire Paris-Rouen-Le Havre était coupée, comment déployer efficacement le matériel anglais débarqué au Havre ? Comment approvisionner les troupes restées à l’arrière du front, comme, par exemple, au camp anglais des Damps où le Royal Flying Corps réparait des moteurs d’avion ? Dans la perspective d’une guerre éclaire, comme on la souhaitait encore en 1914, il s’agissait de faire écrouler l’armée ennemie en perçant ses lignes. Ces quelques Allemands furent donc victimes d’une surveillance générale qui s’est avérée poreuse dans la campagne normande. Il est vrai, enfin, que le secteur de Pont-de-l'Arche et Oissel ne pouvait manquer d’être bien surveillé : entre le pont du Manoir, les deux ponts d’Oissel, le pont d’Andé et celui de Saint-Pierre-du-Vauvray, la région était une cible plutôt intéressante.

 

On peut aussi consulter, à ce sujet, L’Industriel de Louviers du 19 septembre 1914.

 

A lire aussi...

Un camp britannique de la Première guerre mondiale aux Damps et à Pont-de-l'Arche

 

 

Armand Launay

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25 août 2011 4 25 /08 /août /2011 11:46

Il fait partie de la routine, mais la routine désigne moins le quotidien que le toujours même regard, passif, sur le quotidien : le Monument aux morts de Pont-de-l'Arche éveille la curiosité quand on est soucieux des détails...  

 

1922 : création d'un monument signé Robert Delandre

Inauguré en 1922 suite au travail mené par un Comité présidé par Maurice Delamare, ancien maire, ce monument est situé sur la route d’Elbeuf, dans un espace appelé depuis place du Souvenir. Nicolas Coutant, dans un article publié dans Études normandes (2), nous apprend que le Monument aux morts de Pont-de-l'Arche est l'œuvre de Robert Delandre, sculpteur elbeuvien aussi auteur des monuments aux Morts d'Oissel, Freneuse, Elbeuf (église Saint-Jean), Saint-Étienne-du-Rouvray, Saint-Aubin-lès-Elbeuf, Barentin, Eu, La Saussaye... Nicolas Coutant, citant une archive municipale (2M32), nous apprend aussi que Robert Delandre dut l'attribution du marché à Marcel Ouin, ami de la famille Delandre, qui était vice-président du Comité pour l'érection d'un monument (voir page 10). Marcel Ouin était le beau-père de Maurice Delamare. 

 

P1110207.JPG

      La signature de Robert Delandre, un peu effacée, sous le pied du Poilu.

On distingue une fêlure sur le casque allemand auquel il manque un bloc de pierre. 

 

Les stigmates

Si ce monument manifeste le respect dû aux combattants morts pour la France, quelques soldats allemands ne l’ont pas entendu ainsi durant la Seconde guerre mondiale. En effet, prenant pour appui le manuscrit de Roland Chantepie (3) – et pour preuve les photographies ci-dessous – on constate les mutilations du monument :

 - le bout du fusil a été cassé ;

- le casque allemand a été cassé ;

 - l’inscription « On ne passe pas », d’abord utilisée sur un monument de la forêt de Verdun où un lion terrassé symbolise l’armée allemande, a été burinée. Alors que la première photographie montre des lettres sculptées en profondeur, la deuxième photographie laisse apparaitre des lettres taillées en relief au cœur d’un cartouche creusé dans la pierre. 

Puisque la France résistante a vaincu le nazisme avec les Alliés, le monument fut partiellement restauré après guerre et retrouva sa citation. Le fusil resta écourté et peut symboliser la blessure de 1940. On peut conclure que le Monument aux morts de la ville joue pleinement son rôle de témoin de l’histoire.

 

 

Monument aux morts 1930

Monument aux morts 2011

 

Notes

(1) Pont-de-l’Arche 1911 I 2011 : l’évolution urbaine en 62 photographies, mairie de Pont-de-l’Arche, 2011, 32 pages.

(2) Coutant Nicolas, "Robert Delandre (1878-1961) : sculpter la mémoire", pages 5-20, Études normandes, 61e année, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2012

(3) Chantepie Roland, Pont-de-l’Arche à travers les âges, manuscrit b, 2e partie, De la Révolution à nos jours (1944).

 

A lire aussi

Les stigmates de bombardements de 1944 dans la rue des Soupirs

La rubrique Guerres de ce blog

La première guerre mondiale et Pont-de-l'Arche

La rue Henry-Prieur

 

Armand Launay

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24 août 2011 3 24 /08 /août /2011 16:58
Photographie du barrage de Martot sur une carte postale des années 1910. Ce barrage barrait alors la Seine avec, au premier plan, un premier bras et, au second plan, un second bras côté nord vers la Requête de Saint-Aubin-lès-Elbeuf.

Photographie du barrage de Martot sur une carte postale des années 1910. Ce barrage barrait alors la Seine avec, au premier plan, un premier bras et, au second plan, un second bras côté nord vers la Requête de Saint-Aubin-lès-Elbeuf.

Le barrage de Martot qui nous intéresse n’est pas le petit ouvrage qui maintenait le niveau de l’Eure jusqu'en 2017 où il a été remplacé par une passe. Il s'agit de son ancêtre, barrant la Seine, qui fut détruit en octobre 1938 avec les écluses de la Requête (commune de Saint-Aubin-lès-Elbeuf) à la suite d’importants travaux. Entamés en 1934, ces aménagements avaient pour objectif de faciliter la navigation entre Paris et Le Havre. Mais pour détruire le barrage, il fallait annuler la dénivellation du fleuve, d’où les dragages de la Seine depuis le barrage de Poses. Le lit de la Seine était alors aussi profond en amont qu’en aval du barrage de Martot, le rendant parfaitement inutile.

Il est intéressant de parcourir les témoignages de nos aïeux sur leurs activités, surtout lorsqu’ils sont à la fois passionnés et soucieux de leur parler quotidien. Or, Armand Billard fut le dernier pêcheur professionnel de la région de Rouen. Jusqu’à la fin des années 1970, il pêchait, comme ses ancêtres, depuis le port de Grand-Couronne. Il est auteur de plusieurs ouvrages sur la culture et les mœurs populaires, comportant souvent des passages rédigés en normand comme Simples narrées d’un Normand, (éditions Charles-Corlet) et Flux et reflux de la Seine normande, dont est extrait le texte suivant :

"La pêque à la puchette [1] s’faisait sous le l’grand barrage de Martot (…) avant que cet ouvrage sèye supprimé et que le bief seit reporté à eune vingtaine de km plus haut, à Poses ; y a toujou eun barrage à Martot (…), eun petit ; ch’est l’Eure qui se jette là. (…) la puchette des professionnels qui besognaient là en était eune grande, du genre havenet, avec eune très long manche en bois. Cha s’utilisait surtout pou certains peissons d’montée : saumons, aloses, fintes, caluyots. Fallait aver eun coutumier coup d’main pou fondrer [2] cha dans l’iau, espérer [3] (…) eune minute ou deux, pis sitôt senti douguer (…) l’peisson, r’lever la puchette. J’vos parle de la pêque à la puchette que j’ai ma-même connue sous l’barrage de Martot ; mais on puchait étou parfois au long de certaines berges de par en haut (au d’sus de Rouen), quand les fintes et caluyots, qui montaient généralement des premiers jours de mai à fin juin, v’naient y battre (frapper l’eau de leur queue en surface) à la saison de leurs amours. On pêquait à la puchette étou ailleurs autfeis, avant que la Seine ne sèye tant creusée. Men père, qu’était né en mars 1868, m’avait aussi dit que jadis on puchait aux caluyots au long de Croisset (en aval de Rouen), près du pavillon de Flaubert."

 

      ______

Billard Armand, Flux et reflux de la Seine normande, Condé-sur-Noireau : C. Corlet, 1989, 84 p.

 

[1] Epuisette, en normand.

[2] Enfoncer profondément (note de l’auteur).

[3] Attendre.

Armand Launay

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24 août 2011 3 24 /08 /août /2011 09:50

Hyacinthe Langlois (1777-1837), enfant de Pont-de-l’Arche, a mis en valeur le patrimoine médiéval normand par des études et de nombreux dessins au trait précis. On trouvera sa biographie sommaire sur mon blog et détaillée sur le site de l’Institut national de l’histoire de l’art (INHA) par Claudine Lebrun-Jouve.

 

Une tombe monumentale à Rouen

La mort d’Hyacinthe Langlois a laissé un grand vide tant au niveau professionnel qu’amical. Ses nombreux amis ont voulu honorer sa mémoire. Ils ont ainsi déplacé un menhir depuis la rive gauche de Rouen afin de marquer la tombe de l’artiste, tombe qui se trouve toujours au cimetière monumental de Rouen (section M2). Ce menhir porte un médaillon dessiné par Polyclès Langlois, son fils, et sculpté par Pierre-Jean David (1788-1856), dit David d'Angers. Il a été offert en 1838 à la Ville de Rouen par un comité de souscription. Le menhir porte aussi une plaque : « À E.-H. Langlois né à Pont-de-l’Arche le 3 août 1777, peintre, graveur, archéologue, la Normandie reconnaissante. » La commune de Pont-de-l’Arche participa à cette souscription.

 

DSCN0007

Hyacinthe Langlois dessiné par son fils Polyclès.

C’est ce dessin qui fut gravé par David d’Angers

afin de réaliser des médaillons en plâtre et en bronze (voir ci-dessous).

Revue de Rouen et de la Normandie, tome X.

 

Tombe Langlois

La tombe d’Hyacinthe Langlois au cimetière monumental de Rouen

est enrichie d’un vrai menhir portant un médaillon et une plaque en bronze.

Photo de l’Association des habitants du quartier Jouvenet

 

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Détail du médaillon sur la tombe monumentale d’Hyacinthe Langlois. 

 Photo de l’Association des habitants du quartier Jouvenet.

 

Un médaillon sur sa maison natale à Pont-de-l’Arche

La Ville de Pont-de-l’Arche ne s’est pas contentée de participer à la souscription permettant d’ériger une tombe monumentale. Selon Alfred Dieusy, elle a financé dès 1837 la copie en plâtre du médaillon sculpté par David d’Angers sur les bases du portrait réalisé par Polyclès Langlois. Ce portrait ainsi qu’une plaque de marbre furent apposés sur la maison de naissance d’Hyacinthe Langlois à Pont-de-l’Arche (5, rue Alphonse-Samain, 1er étage de la boulangerie). Claudine Lebrun-Jouve, historienne de l’art, note que le musée d’Angers conserve un moulage en plâtre du médaillon de la tombe de Langlois et le musée du Louvre une copie en terre cuite et une édition en bronze. On trouve également une copie en plâtre sur la façade du n° 5 de la place Isaac-Benserade à Lyons-la-Forêt.

 

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Une copie en plâtre signée David d’Angers et une plaque de marbre

ont été financées par la Ville de Pont-de-l’Arche en 1837

pour signaler la maison natale d’Hyacinthe Langlois.

 

DSCF3640

Une copie en plâtre du portrait d’Hyacinthe Langlois

se trouve curieusement sur une façade de la ville de Lyons-la-Forêt.  

 

Un buste inauguré en 1867 au cœur de Pont-de-l’Arche : place Hyacinthe-Langlois

 

C’est en 1864 qu’un ancien élève d’Hyacinthe Langlois à l’école d’art, l’architecte Georges Simon, émit l’idée d’ériger un monument en hommage à Hyacinthe Langlois dans sa ville natale. En 1865, le Conseil municipal de Pont-de-l’Arche, présidé par Jean-Baptiste Delaporte, décida de baptiser la place de la halle du nom d’Hyacinthe Langlois. En 1867, les initiatives s’organisèrent. Un comité fut créé, présidé officieusement par André Pottier, ami de Langlois et archiviste de la Ville de Rouen, afin d’ériger un monument. André Pottier s’assura de la pleine coopération de la Ville de Pont-de-l’Arche et appela à la souscription dans un discours prononcé à Rouen le 20 mars 1867. En voici quelques extraits :

« Il s’agit de venir en aide à la ville du Pont-de-l’Arche, qui fait appel à notre concours pour élever un modeste monument à celui qui semblait avoir pris à tâche de populariser le nom de sa ville natale en le rendant inséparable du sien.

Le Pont-de-l’Arche n’avait pas attendu ce jour longtemps différé, à ce qu’il semble, pour tenter d’honorer une mémoire qui lui est chère, et qu’elle comptera désormais parmi ses plus précieux souvenirs. A peine l’éminent artiste avait-il fermé les yeux, que sa ville natale consacrait une maison où il avait reçu le jour par une inscription commémorative. Mais ce genre de monument, essentiellement fragile et périssable. (…) C’est donc à des monuments moins périssables qu’il faut confier le soin de transmettre à la postérité les noms dignes de mémoire.

Une souscription volontaire, devant subvenir à l’exécution de cette entreprise et couvrir des frais dont le chiffre n’est même pas encore posé, le monument, quant à la nature des matériaux à mettre en œuvre, quant à l’importance à lui donner, et quant au développement de l’ornementation, sera ce que le montant des sommes recueillies permettra qu’on le fasse, aussi simple et modeste que les circonstances pourront l’exiger, et peut-être également, aussi élégant et ornementé qu’une souscription fructueuse aura permis de l’établir.

Au reste, quel que doive être ce monument, simple jusqu’à la nudité, ou relevé par l’ornementation jusqu’à la richesse, il aura donc le mérite de correspondre au sentiment général de la cité, qui est fière du nom de Hyacinthe Langlois… »

 

Le 30 mars, le Comité ouvrit la souscription qui fut bien accueillie par les Archépontains, les Villes de Rouen et de Pont-de-l’Arche et des nombreuses sociétés savantes où avait siégé Hyacinthe Langlois. On profita de l’évènement pour réunir des œuvres de Langlois et les exposer à partir du 11 mai 1867 à l’hôtel de Ville de Rouen.

 

Le 1er janvier 1868, le Comité ouvrit un concours : 3 000 francs seront offerts à l’artiste présentant le plus beau projet de monument. Le programme fut dressé par Ernest Le Fèvre, président de la Société des amis des arts. Le concours fut clôturé le 29 février après de réception de 24 projets exposés publiquement. Ceux-ci suscitèrent de nombreux débats parmi le jury et c’est un vote secret qui donna la préférence au projet d’Auguste-Vincent Iguel : un buste de Langlois sur un simple piédestal. Un traité fut signé avec l’artiste en vue de la réalisation du monument.

 

Ce buste fut achevé à temps pour la commémoration des 30 ans de la mort d’Hyacinthe Langlois, au milieu de la place qui porte désormais son nom. Un discours fut prononcé par Eustache Delaquérière. En bronze, le buste de Langlois a trôné au cœur de la Ville jusqu’en 1941. Roland Chantepie a pu coucher sur le papier un évènement de la guerre : « Le buste d’Hyacinthe Langlois (…) fut déboulonné par l’occupant, déposé de son socle (…) et envoyé à la fonte pour être transformé en obus ou canon » (folio 468, voir sources).

Une délibération du Conseil municipal du 10 octobre 1952 montre l'embarras des élus quant au financement de la sculpture d'un nouveau buste par le sculpeur Delandre. Ils pensent faire appel à la Société des amis d'Hyacinthe Langlois. Celle-ci dut répondre par la négative car, le 16 juillet 1953, les élus votent par 11 voix contre 4 la suppression du socle de la statue. 

 

Aujourd’hui, nombreux sont les Archépontains à demander ce qui est arrivé au buste que l’on voit sur les cartes postales (voir ci-dessous) dont une grande reproduction couvre une vitrine de la Civette, sur la place Langlois. Certains ressentent même un vide…

 

Un monument éphémère, sous forme de menhir, fut aussi créé au collège Hyacinthe-Langlois

 

Place Langlois (13)

Ce buste, créé par souscription en 1868 et démonté par les nazis en 1941, a montré au grand jour l’attachement des Archépontains et de nombreux érudits rouennais à Hyacinthe-Langlois. Il a aussi donné du caractère à cette place centrale de Pont-de-l’Arche.

 


M.Taillefesse devant les bâtiments de la DDE

 M. Taillefesse s'amusant sur le buste d'Hyacinthe Langlois

déboulonné pour le compte de l'armée allemande (1941).


 

Sources

- Archives municipales de Pont-de-l’Arche ;

 - Chantepie Roland, Pont-de-l’Arche à travers les âges, manuscrit b, 2e partie, De la Révolution à nos jours (1944) ;

 - Delaquérière Eustache, Projet de discours à prononcer lors de l’inauguration du monument qui doit être érigé à la mémoire de Eustache-Hyacinthe Langlois au Pont de l’Arche (Eure), 8 p. imprimé à Rouen : D. Brière et fils, Disponible à la BM de Rouen (formulation un peu différente) sous la cote 135-110 ;

- Dieusy Alfred, Album de dessins de E.H. Langlois du Pont-de-l’Arche gravés par Jules Adeline, Ernest Le Fèvre et Bracquemond et facsimilé reproduits par les procédés héliographiques de M. Amand-Durant. Autobiographie et recueil de lettre à Bonav. de Roquefort classés et accompagnés d’un texte par Alfred Dieusy, ancien élève de Langlois, Rouen, librairie Ernest Schneider, 1880 ;

- La base Joconde du Ministère de la culture : notice sur le médaillon de David d'Angers.


Armand Launay

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23 août 2011 2 23 /08 /août /2011 12:33

Le procès de l’ordre du Temple, organisation religieuse composée de chevaliers, a largement inspiré la littérature et le cinéma (Les rois maudits de Maurice Druon)... La torture des chevaliers du Temple revêtant la cotte d’armes blanche à croix rouge capte l’attention d’un vaste public. La ville de Pont-de-l’Arche n’est pas en reste, elle qui compte dans les annales de son bailliage les procès de 7 templiers qu’on a appelé parfois « Concile de Rouen »… l’occasion pour nous de relier l’histoire nationale à l’histoire locale…

 

Templiers

Dernier passage de templiers à Pont-de-l'Arche durant

la fête en hommage à Richard Coeur de Lion (Bonport, 25 septembre 2011).

 

 

Le roi de France et l’ordre du Temple

Philippe le Bel (1268-1314) devint roi de France de 1285 à 1314 sous le nom de Philippe IV. Son règne fut notamment marqué par des troubles monétaires. Le monarque peinait à financer sa politique militaire, territoriale et sa volonté d’accroitre le pouvoir royal. Il recourut alors largement à l’imposition et spolia les juifs et les Lombards en 1306. 

 Cela ne suffit pas. Le roi lorgna sur les prétendues richesses de l’ordre du Temple qui faisait valoir ses propriétés françaises depuis l’expulsion des templiers de Palestine en 1291. N’étant pas désargentés, les templiers avaient géré le Trésor royal durant le XIIIe siècle. Or en 1295 le roi se passa de leur service au profit des banquiers florentins, censés accorder des crédits. Cela ne marcha pas suffisamment car en 1303 le roi confia de nouveau son Trésor aux templiers.

Mais Philippe le Bel voulut s’affranchir de la tutelle financière du Temple, ordre international soumis au pape mais indépendant de fait. Les évènements lui permirent de réaliser son vœu. En effet, les templiers étant accusés d’hérésie, ils demandèrent une enquête au pape afin de laver leur Ordre de tout soupçon. Le roi de France lança alors sa propre enquête. Le 13 octobre 1307, suite à l’arrêt royal du 14 septembre, les baillis et sénéchaux arrêtèrent presque tous les templiers et placèrent sous séquestre leurs biens et ce sans l’accord du pape. Torturés, nombre de templiers avouèrent les crimes dont ils étaient accusés : hérésie, simonie, sodomie, idolâtrie… Ils offrirent ainsi une parfaite victoire à Philippe le Bel.

Le pape Clément V ne voulut pas perdre la face vis-à-vis du roi et surenchérit en ordonnant, le 22 novembre, l’arrestation de tous les templiers d’Europe pour procès en hérésie. Le diocèse de Sens déclara hérétiques 54 templiers le 10 mai 1310 ce qui les conduisit droit au bucher. Le procès des templiers se poursuivit avec pour point d’orgue le 18 mars 1314 où Jacques de Molay (responsable du Temple en France) et Geoffroy de Charney (responsable de Normandie) furent brulés à Paris. C’est ainsi que le Temple fut supprimé. Philippe le Bel récupéra l’essentiel de leurs biens. En 1317, le Pape Jean XXII répartit les derniers biens entre divers ordres de chevalerie.

 

Edouard 1er hommage à Philippe le Bel

Edouard 1er rendant hommage à Philippe le Bel

(BnF - www.histoire-france.net).

 

Les templiers de la région de Pont-de-l’Arche

La Normandie ne comptait qu’une trentaine de templiers à la veille de leur procès. La plus grande des 17 propriétés templières, appelées préceptories puis commanderies après le XIVe siècle, était située à Renneville (Sainte-Colombe-la-commanderie, près du Neubourg). Elle était donc située dans la juridiction du bailliage de Pont-de-l’Arche. Elle ne comptait que cinq frères dont aucun n’était chevalier. Ces quelques frères étaient gestionnaires de cette vaste exploitation agricole et ses nombreux domestiques. Dans le même temps, deux autres templiers travaillaient dans la commanderie de Sainte-Vaubourg, entre le Val-de-la-Haye et Hautot-sur-Seine (76). Ils rejoignirent leurs frères dans les prisons de Pont-de-l’Arche alors qu’ils dépendaient du bailliage de Rouen.  

 

7 templiers incarcérés et jugés à Pont-de-l’Arche

Michel Miguet, historien spécialiste des templiers en Normandie, a analysé les procès-verbaux des interrogatoires qui eurent eut lieu le 18 octobre 1307 (voir annexe ci-dessous). Il a noté que les procès de Caen et surtout de Pont-de-l’Arche ont été menés « tambour battant ».

 

dscf0576.jpg

Le bailliage de Pont-de-l'Arche, situé derrière le rempart,

était le siège d'un tribunal mais aussi de prisons. 

 

Frère Guillaume Bouchel

Commandeur de Renneville, sergent, 34 ans environ. Fait templier vers 1299 à Renneville par Philippe Agate, preceptor de Normandie. Avoue lors de son interrogatoire. En février 1310, il est emprisonné au Temple de Paris où il accepte de défendre l’Ordre jusqu’à l’exécution de 54 de ses frères déclarés hérétiques. En mars 1311, il reconnait devant la commission pontificale le reniement et le crachat sur la croix.

 

Frère Thomas Quentin

Renneville, sergent, 40 ans environs. Reçu vers 1301 à Bretteville-le-Rabet par Philippe Agate, alors commandeur de la baillie de Normandie. Avoue lors de l’interrogatoire de Pont-de-l’Arche. Même cas que le précédent au Temple de Paris. Dans sa déposition, en 16 février 1311, il ne reconnaît que le triple reniement et le triple crachat sur la croix.

 

Frère Raoul Louvel

Renneville, sergent. 30 ans environ. Reçu en juin 1307 à Renneville par Philippe Agate. Reconnait le crachat sur la croix et le reniement devant la commission pontificale. Ne désire pas défendre l’Ordre.

 

Frère Jean Barbe

Renneville, sergent, 60 ans environs. Déclare avoir été reçu par frère Robert Paiart, preceptor des maisons de Normandie. Il confesse tous les crimes imputés à l’Ordre.

 

Frère Guillaume Hardouin

Renneville, sergent. Avoue. Se désiste à défendre l’Ordre le 18 mai 1310, au Temple. Ne dépose pas devant la commission pontificale.

 

Frère Thomas

Sainte-Vaubourg, chevalier. Avoue à Pont-de-l’Arche.

 

Frère Philippe Agate

Commandeur de Sainte-Vaubourg, sergent. Environs 60 ans. Reçu dans la chapelle du Temple de Bourgoult vers 1281. Avoue le reniement et le crachat sur la croix et prétend qu’on lui a montré « une image » (l’idole ?) lors de sa réception. Refuse de défendre l’Ordre en février 1310.

 

Michel Miguet note enfin que trois frères se montrèrent héroïques en refusant de réitérer leurs aveux. Ils moururent brulés.

 

Templiers au bucher

Templiers au bucher, manuscrit anonyme (1384). Source Wikipédia. 

 

Après le procès

Les procès tenus à Pont-de-l’Arche ne nous montrent que le fonctionnement normal de la justice royale. Les biens du Temple à Renneville ont été repris par l’Ordre de l’Hôpital. En 1373, seuls trois hospitaliers gèrent cette commanderie. Frère Simon Clignet, commandeur, a aussi la charge de la commanderie de Sainte-Vaubourg (et Bourgoult). 

 Enfin Eugène Mannier (voir les sources) cite un cueilloir de rente de 1501 mentionnant une maison appartenant à la commanderie de Renneville :

« Au Pont de Larche, Jehan de la Salle, pour une masure et héritage nommée la Masure de Renneville, assise audit Pont de Larche en la Basse Sentelle, joignant d’un costé la rivière de Saine, XX sols. »

La Basse Sentelle est l’ancien nom de la rue Abbaye-sans-toile. La maison s’y trouvant devait tout simplement être un relai, un espace de stockage pour le grain chargé sur la Seine qui longeait cette rue.

 

 

Sources

Demurger (Alain), Les ordres religieux-militaires au Moyen-Âge (XIe-XVIe siècles), Paris, Le Seuil, 2002, 407 p.

Mannier (Eugène), Les Commanderies du Grand-Prieuré de France, Paris, Aubry et Dumoulin, 1872 cité par www.templiers.net (visité le 22 septembre 2011)

Miguet (Michel), Templiers et hospitaliers en Normandie, Paris, Comité des travaux historiques et scientifiques, 1994, 511 p.

Miguet (Michel), in Luttrell (Anthony), Pressouyre (Léon), La commanderie. Institutions des ordres militaires dans l’occident médiéval, Paris, Comité des travaux historiques et scientifiques, 2002, 360 p.

 

 

 

Annexe

Interrogatoire des Templiers de Renneville à Pont-de-l'Arche et de frère Philippe Agate, commandeur de Sainte-Vaubourg, au château de la Roche d'Orival (Archives nationales J 4136, n° 23, 18 octobre 1307).

 

C'est la confession que les Templiers de Saint Estienne de Rainneville qui sont em prison au Pont de l'Arche ont feite devant monseigneur Doisneval, monseigneur Johan de Tonneville, monseigneur Guillaume Doisneval, monseigneur Raoul du Pleisseis, monseigneur Guillaume de Hondetot chevaliers, le baillif de Rouen, le viconte du Pont de l' Arche, Johan Larchevesque vallet le Roy et plusieurs autres, le jour de la Saint Just et Saint Luc, l'an de grace mil CCC et Sept.

Frere Thomas Quentin dit premierement que il vit quant il fu receu devant le mestre et li requist le pain et l'eaue et les dras et la compengnie des freres ; après cen que on li out otroié on li fist vouer casté, obedience et vivre sans propre, presens les freres et puis le mena chi! qui le vest derrier l'autel et li monstra la crois et li fist trois foiz renier Dieu et escopir sur et dit que il n'i escopi que une foiz et dit qu'ille fist despoullier tout nu et le baisa en bout de l'eschine et puis en nombril et puis en la bouche et puis on ii fist vouer se uns frere vouloit gesir a luy qu'il ne le refuseroit pas. Requis se il le fist onques et se on li requist onques, dit que non et dit que après tantost chil qui le vesti li monstra un tablel, la ou il avoit un ymage painte, quant il fu vestus tant seulement nonques plus ne la vit et ne set ou elle est et dit que frere Philippe, commandeeur de Saint Evaubourc, quj adonc estoit mestres de Saint Estienne le vesti et dit que il croit que une corde qu'il a chainte dessus sa chemise i fu atouchié entour l'image.

Frere Guillaume Bouchel commandeeur de Saint Estiene ensieut de toutes choses frere Thomas Quentin.

Frere Raoul Louvel ensieut frere Guillaume Bouchel en toutes choses et sans contrainte.

Frere Johan Barbe ensieut frere Raoul Louvel en toutes choses et dit plus que un frere templier vint une foiz pour gesir a lui mes ledit frere Johan ne li vout souffrir et fu vestuz par frere Robert Paiart.

Frere Guillaume Hardouin ensieut frere Thomas Quentin en toutes choses.

 

C'est la confession que frere Philippe commandeeur de Saint Evaubourc fist au chastel de la Roche d'Orival devant monseigneur Robert Doisneval, monseigneur Johan de Tonneville, monseigneur Raoul du Pleisseis, chevaliers et Pierres de Hangest, baillif de Rouen, eulz presenz.

Premierement, il dit que quant on le vesti, il requist avant que il fust vestus le pain, l'eaue, les povres dras et la compengnie des freres de l'ostel ; après on li dit que bien se garde qu'il requiert quar il requiert fort chose pour les vol entés du monde et pour sa volenté qu'il li convendra lessier après cen que l'on li a monstré ces choses et on le rechoit et j'en baisa frere Auvré commandeeur de Normendie, qui le vesti, en la bouche et après lidiz mestres Philippe ala baisier touz les freres qui i estoient present en la bouche et après cen frere Auvré li vesti le mantel et li mist au col et puis le me(n)a derriere l'autel et li monstra la crois et li fist renoier et puis escopir sus une foiz sans plus et puis le fist despoullier et le baisa en la bouche et dist que onques ne fu baisiez en autre lieu sus le cors a lui que en la bouche si li ait Diex et li saint. Et après cen on li monstra un ymage et fu une cordele atouchié à l'imaget laquele li fu commandee a cheindre par dessus sa chemise. Ne ne set ou l'imaget est. Et ainssi la il fet feire a touz ceus qu'il a vestus et l'ont fait. Et si dist lidiz mestre Philippe que touz prestres qui entrent en la religion du Temple i entrent et font tout en icele maniere et an tel chose et non autre que les lais font qui en la religion entrent.

Armand Launay

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22 juillet 2011 5 22 /07 /juillet /2011 17:13

Dans une lettre adressée à son épouse depuis Les Andelys, Victor Hugo rapporte une anecdote que voici…

 Victor-Hugo.JPG

Le 12 septembre 1837

Hier, entre Louviers et Pont-de-l’Arche, vers midi, j’ai rencontré sur la route une famille de pauvres musiciens ambulants qui marchait au grand soleil. Il y avait le père, la mère et six enfants, tous en haillons. Il suivaient le plus possible la lisière d’ombre que font les arbres. Chacun avait son fardeau. Le père, homme d’une cinquantaine d’années, portait un cor en bandoulière et une grande contrebasse sous son bras ; la mère avait un gros paquet de bagages ; le fils aîné, d’environ quinze à seize ans, était tout caparaçonné de hautbois, de trompettes et d’ophicléides [1] ; deux autres garçons plus jeunes, de douze à treize ans, s’étaient fait une charge d’instruments de musique et d’instruments de cuisines où les casseroles résonnaient à l’unisson des cymbales : puis venait une fille de huit ans, avec un porte-manteau aussi long qu’elle sur le dos ; puis un petit garçon de six ans affublé d’un havresac de soldat ; puis enfin une toute petite fille de quatre à cinq ans, en guenilles comme les autres, marchand aussi sur cette longue route en suivant bravement avec son petit pas le grand pas du père. Celle là ne portait rien. Je me trompe. Sur l’affreux chapeau déformé qui couvrait son joli visage rose, elle portait – c’est là ce qui m’a le plus ému – un petit panache composé de liserons, de coquelicots et de marguerites, qui dansait joyeusement sur sa tête.

J’ai longtemps suivi du regard ce chapeau hideux surmonté de ce panache éclatant, charmante fleur de gaîté qui avait trouvé moyen de s’épanouir sur cette misère. De toutes les choses nécessaires à cette pauvre famille, la plus nécessaire, c’est à la petite bégayant à peine que la Providence l’avait confiée. Les autres portaient le pain, l’enfance portait la joie. Dieu est grand.

 

Commentaire

On ne présente évidemment pas Victor Hugo mais lorsque l’on connait l’engagement politique qui fit en grande partie son renom, on peut s’étonner de cette description des gens du peuple. Ce tableau de misère n’est ni compatissant ni révolté : la chose que retient Victor Hugo n’est pas le pain qui manque mais le panache que porte l’insouciante enfant. Cette vision s’entend… si l’on n’a pas de problème pour se nourrir, comme l’auteur… Si le panache passe pour la chose la plus utile et émouvante à ses yeux, c’est bien parce que le jeune Hugo refuse de voir la misère et qu’il se réfugie dans ce qui lui ravit l’âme. 

Il est intéressant de lire ce panache comme une métaphore de la société de privilèges que constituait la monarchie. Ce panache est d’autant plus visible qu’il est rare et qu’il pousse sur la misère la plus la plus crasse. Les privilégiés, en règle générale, quoique, préféraient voir ce panache quitte à en oublier l’injustice qu’il coiffait. C’est encore le cas de Victor Hugo, royaliste désireux de plus de libéralisme et attentif à la misère, même si elle le révolte pas encore. Ouvert à l’évolution des mentalités il fut de plus en plus acquis à la cause sociale et devint le héraut de la justice sociale en se rapprochant des républicains avancés et des prémices socialistes [2].

Quelques années plus tard, le Dieu avec lequel Victor Hugo termine ce passage ne couronnait plus la richesse – même par un beau panache – mais bien plutôt la pauvreté, qui est le parti à la fois du prophète chrétien et des réformistes.

 

 

Source

Collectif, Voyage en Normandie, Urrugne : Pimientos, 2001, page 43.

 

 

Notes

[1] Sorte de tuba, grand cuivre à vent muni de clés qui fut autrefois utilisé dans les marches militaires principalement.

[2] Victor Hugo ne rompit officiellement avec la droite qu’en octobre 1849, alors qu’il exerçait les fonctions de député de la Seconde république. Cette rupture était consumée car le député refusait une trop grande présence de l’Église dans les affaires publiques (notamment avec la loi Falloux) ainsi que le dédain avec lequel la droite bonapartiste et royaliste laissait souffrir la partie la plus humble de la Nation. Victor Hugo rejoignit les députés qui se déclaraient Montagnards – et donc révolutionnaires – et appela le peuple aux armes lors du coup d’État de Napoléon III cependant qu’il s’opposait à la peine de mort et à la violence gratuite. 

Armand Launay

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22 juillet 2011 5 22 /07 /juillet /2011 15:48

A Pont-de-l’Arche, le « procès de la truie » est un fait du Moyen Âge qui délie toujours les langues. Il faut dire qu’entre temps, des historiens se sont penchés sur cette anecdote aussi étonnante que populaire… 

  

P1100387.JPG

La cour intérieure du bailliage, à gauche les prisons pour femmes, à droite celles des hommes.

L'histoire ne dit pas dans quelle cellule nos coupables cochons ont été incarcérés avant leur exécution:). 

 

 

Léon Braquehais (voir sources) dénombre deux procès de cochons meurtriers qui se sont tenus au bailliage de Pont-de-l’Arche, sorte de tribunal d’instance de l’Ancien Régime :

 « En 1349 (…) on donna dix sous au bourreau de Louviers et à celui de Pont-de-l'Arche pour ardoir [bruler] deux porcs, qui avaient étranglé deux enfants. (Actes normands de la Chambre des Comptes. 1328-1350) ».

Puis « En 1408, le geôlier des prisons de Pont-de-l'Arche donna quittance de 4 sous 2 deniers pour avoir nourri pendant 24 jours un porc qui avait muldry et tué un petit enfant et qui, en expiation de ce crime fut pendu à un des poteaux de la justice du Vaudreuil (Eure) » [1]. Emile Agnel (voir sources) précise la date du procès, le 13 juillet 1408, et l’exécution au Vaudreuil de la sentence, le 17 juillet.

 

Faire un procès à un animal, voici une drôle de pratique – pour nous – qui n’était pas exceptionnelle au Moyen Âge. Le jugement à mort de cochons tuant de jeunes enfants se retrouve dans les archives comme, par exemples, en 1266 à Fontenay-aux-Roses, 1334 à Durval, 1386, 1356, 1480 à Caen, 1386 à Falaise, 1394 à Mortain, 1403 à Meulan, 1404 à Rouvres (Bourgogne), 1414, 1418 et 1479 à Abbeville, Savigny en 1457, Fresne-l'Archevêque en 1499.

Les animaux, quels qu’ils soient et y compris des essaims d’abeilles, étaient jugés par les autorités royales selon les mêmes procédures que les hommes. C’est ainsi que les jugements ont été consignés dans des procès verbaux et dans les comptes de dépenses de différentes prisons qui ont nourris les animaux avant leur exécution.

On retrouve ces pratiques principalement entre le XIIIe et le XVIe siècle comme le note Emile Agnel. Elles avaient un double objectif : attirer l’attention des propriétaires d’animaux sur leur responsabilité en les privant de leur bien ; attirer aussi l’attention des parents sur la surveillance de leurs petits en les exposant publiquement. Il semble que ce genre de procès ait marqué les esprits car, comme le note Léon de Duranville (voir sources), les Archépontains avaient encore en mémoire ces procès au XIXe siècle !

Un être humain étant concerné, les juges estimaient qu’un procès en bonne et due forme devait avoir lieu et, comme le note Emile Laignel, ils se fondaient sur le verset 21 du chapitre 28 de l’Exode (Ancien testament) disposant que « si un bœuf encorne un homme ou une femme et cause sa mort, le bœuf sera lapidé et l’on n’en mangera pas la viande ».     

 

[1] Emile Laignel précise dans une note que "Dans une quittance délivrée le 10 octobre 1408 par un tabellion de la vicomté de Pont de l’Arche au geôlier des prisons de cette ville, les frais de nourriture journalière d’un pourceau, incarcéré pour cause de meurtre d’un enfant, sont portés au même taux que ceux indiqués dans le compte pour la nourriture individuelle de chaque homme alors détenu dans la même prison." 

 

Sources

- Agnel, Emile, Curiosités judiciaires et historiques du moyen âge. Procès contre les animaux, Paris : J. Dumoulin, 1858, 47 p. ;

- Braquehais, Léon, Curieuses exécutions en Normandie au Moyen-âge, Rouen, E. Marguery et Cie, 1892 ;

- Duranville, Léon Levaillant de, "Deux anecdotes relatives au Pont-de-l'Arche", 13 pages, in Revue de la Normandie, juillet 1867, Rouen, Cagniard.

 

Voir aussi notre étude sur l'origine, l'évolution et l'intérêt architectural du bailliage

 

Armand Launay

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20 juillet 2011 3 20 /07 /juillet /2011 10:58

Voici une invitation à la visite du village des Damps (Eure, 1200 habitants entre Val-de-Reuil et Elbeuf)...

 

P1150701

Eh oui, après une visite du centre ville médiéval de Pont-de-l’Arche, rien ne vaut la douceur des berges de l’Eure pour flâner au gré de la nature et de la découverte historique. Or, quelques centaines de mètres plus loin, se trouve le village – méconnu – des Damps, sur lequel s’est bâti Pont-de-l’Arche, il y a mille ans, et à côté duquel s’est construite l’usine m-real qui, je le concède, nuit au paysage et aux bronches des habitants de la région. Le tourisme ne peut pas me faire mentir. 

Mais visitons...  

La partie ancienne du village des Damps, le cœur historique, est l’occasion de réunir le plaisir de la balade et l’étude du patrimoine. Allez, suivez-moi… 

Deux ou trois pieds de vigne, dans la rue Coucou, prolongent la tradition de cette culture qui a occupé les coteaux de Seine (à Igoville, Alizay) pendant de longs siècles. Cette culture existe encore aujourd’hui mais à Gaillon, Louviers, Rouen... 

Les petites maisons dampsoises, blotties les unes contre les autres, trahissent la vie difficile de nos ancêtres, réunis par la solidarité, dans un cercle restreint, de la naissance à la mort. Toutes les bâtisses de nos vieilles ruelles laissent parler l’ingéniosité des hommes du XVIIIe siècle, essentiellement, mais aussi du XVIIe siècle, pour la plus vieille d’entre elles ; la maison de la " Dame Blanche ", ou Blanche de France, la femme de Saint-Louis, qui posséda des terres ici même et à Léry. 

Les hommes d’antan surent utiliser les ressources locales pour se protéger de la rudesse des éléments. Ainsi, le promeneur attentif remarque les toits composés de tuiles " du pays ", qui sont les " tuiles plates " du spécialiste. Ces petites tuiles, toutes serrées et régulières, sont nées de la cuisson de l’argile rouge des sous-sols, déjà exploités aux Damps depuis l’époque gallo-romaine. On les retrouve, d’ailleurs, à Alizay (La Briqueterie), à Martot (Le Quai aux Tuiles) et La Vallée de Tostes. 

Les murs de nos maisons sont bâtis de silex et de craie, comme l’église romane de Montaure. Savamment assemblés, ces blocs calcaires sont tout droit issus des grottes dampsoises depuis – au moins – la Gaule romaine. Il n’y a qu’à en juger par le relief – torturé – des coteaux de l’Eure et de la Seine. Imaginez-les, ces grottes ; on les devine déjà quand on marche le long de la rue des Carrières, la bien nommée, où demeure une ancienne charrette sur le bord du chemin. Imaginez-les, elles courent des berges de l’Eure – sous la roche – jusqu’à la forêt, sur le plateau… ce sont de véritables galeries minières qui restent inconnues, sous les routes que l’on emprunte pourtant tous les jours. 

Comment a-t-on cimenté ces pierres pour quelles aient tenu bon debout jusqu’à nos jours, où elles témoignent du talent de leurs constructeurs ? La réponse est simple et nous est, encore une fois, soufflée par le nom d’une rue, pour peu qu’on lui prête l’oreille ; la rue des Plâtriers. Les plâtriers, les ancêtres des maçons comme M. Papeil, qui réside ici même, tiraient la craie des proches carrières et la travaillaient dans des fours à chaux, aujourd’hui abandonnés. 

Quant aux colombages, qui apparaissent çà et là, ils dessinent un petit bout de Normandie avec d’anciens fûts de la forêt de Bord, massif forestier qui compose une grande partie du territoire communal. 

Venez aux Damps, voir comme le paysage exprime la beauté – simple car naturelle – des bords de l’Eure et de l’orée de la forêt de Bord. Ce sont ces éléments qui expriment aujourd’hui encore ce que fut, ici, l’histoire des hommes … Notre village est né de la pêche et du transport sur l’Eure et la Seine, ces deux déesses qui unissaient leurs eaux en face des Damps, jusqu’en 1934. En effet, à cette date, le fleuve acheva d’être transformé en voie commerciale. L’Eure, grâce à laquelle les députés révolutionnaires baptisèrent le département, en 1790, ne se jeta plus aux Damps mais, dix kilomètres plus en aval, à Martot. Alors, le modeste port des Damps disparut, lui qui chargeait sur les navires – puis les péniches – le bois de la forêt de Bord. Ce bois était amené par les rues des Plâtriers et du Val. Quant aux autres petites ruelles perpendiculaires à l’Eure, comme à Criquebeuf, elles sont nées du besoin de relier toutes les maisons des mariniers, des pêcheurs, des éleveurs–cultivateurs à cette eau vitale, qu’ils partageaient avec les femmes, elles qui y rinçaient le linge de la famille... avant l'arrivée de l’eau courante et des idées progressistes ! 

Allez, car il faut que je vous laisse, j’ai beau aimer les mots ainsi que notre patrimoine, je pense que ma plume ne remplacera jamais votre visite dans notre cœur historique des Damps. Une visite dans notre belle région de Pont-de-l’Arche mérite une pause, un petit pique-nique, pourquoi pas, auprès du patrimoine mi rural mi naturel du village des Damps. 

 

Armand Launay

Pont-de-l'Arche ma ville

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Mes activités

Armand Launay. Né à Pont-de-l'Arche en 1980, j'ai étudié l'histoire et la sociologie à l'université du Havre (Licence) avant d'obtenir un DUT information-communication qui m'a permis de devenir agent des bibliothèques. J'ai acquis, depuis, un Master des Métiers de l'éducation et de la formation, mention Lettres modernes. Depuis 2002, je mets en valeur le patrimoine et l'histoire de Pont-de-l'Arche à travers :

- des visites commentées de la ville depuis 2004 ;

- des publications, dont fait partie ce blog :

Bibliographie

- 20 numéros de La Fouine magazine (2003-2007) et des articles dans la presse régionale normande : "Conviviale et médiévale, Pont-de-l'Arche vous accueille", Patrimoine normand n° 75 ; "Pont-de-l'Arche, berceau de l'infanterie française ?", Patrimoine normand n° 76 ; "Bonport : l'ancienne abbaye dévoile son histoire", Patrimoine normand n° 79 ; "Chaussures Marco : deux siècles de savoir-plaire normand !", Pays de Normandie n° 75.

- L'Histoire des Damps et des prémices de Pont-de-l'Arche (éditions Charles-Corlet, 2007, 240 pages) ;

- Pont-de-l'Arche (éditions Alan-Sutton, collection "Mémoire en images", 2008, 117 pages) ;

- De 2008 à 2014, j'ai été conseiller municipal délégué à la communication et rédacteur en chef de "Pont-de-l'Arche magazine" ;

- Pont-de-l'Arche, cité de la chaussure : étude sur un patrimoine industriel normand depuis le XVIIIe siècle (mairie de Pont-de-l'Arche, 2009, 52 pages) ;

- Pont-de-l'Arche, un joyau médiéval au cœur de la Normandie : guide touristique et patrimonial (mairie de Pont-de-l'Arche, 2010, 40 pages) ;

- Pont-de-l'Arche 1911 I 2011 : l'évolution urbaine en 62 photographies (mairie de Pont-de-l'Arche, 2010, 32 pages) ;

- Mieux connaitre Pont-de-l'Arche à travers 150 noms de rues et de lieux ! (Autoédité, 2019, 64 pages) ; 

- Déconfiner le regard sur Pont-de-l'Arche et ses alentours (Autoédité avec Frédéric Ménissier, 2021, 64 pages) ;

- Les Trésors de Terres-de-Bord : promenade à Tostes, ses hameaux, Écrosville, La Vallée et Montaure (publié en ligne, 2022) ;

- Les Trésors de Terres-de-Bord : promenade à Tostes, ses hameaux, Écrosville, La Vallée et Montaure (version mise en page du précédent ouvrage, édité par la mairie de Terres-de-Bord, 2023).

Depuis 2014, je suis enseignant à Mayotte.

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